Chapitre 16

Lorsqu'ils arrivèrent au parc, Taehyung était en train de raconter la passion de son père pour les voitures.

« Je vous assure, s'amusa-t-il, il possède une collection de modèles réduits qui impressionne davantage que son garage, c'est dire ! Il met tout dans une pièce qu'il appelle son musée. Ça m'a émerveillé dès le jour où j'y suis entré. Il est vraiment passionné. Et chaque année, on l'aide à garnir son garage, mais il faudra bientôt un garage supplémentaire.

— Et dire que vous peiniez jadis à boucler les fins de mois !

— Ça remonte à a petite enfance, mais oui, leur ascension a été impressionnante. Je suis très fier d'eux.

— Je comprends. Ah, nous y voilà ! »

Taehyung sourit en découvrant le parking qui s'ouvrait sur le parc enneigé. Tous deux venaient de terminer leur dîner. Ils s'étaient régalés, Taehyung ne pouvait pas nier que ce poulet s'avérait succulent.

« Vous êtes déjà venu ici ? l'interrogea Jungkook.

— J'ai déjà dû y venir une ou deux fois il y a des années, pas plus.

— Vous avez raté tant de choses, c'est un véritable sacrilège ! Il faudra que vous reveniez cet été pour faire le parcours pieds nus !

— Je ne suis pas sûr d'apprécier ces attractions autant que vous.

— Pardon, j'avais oublié que si ça coûtait moins d'un million, ce n'était pas drôle, » répliqua Jungkook d'un ton taquin.

Et sur ces mots, le cadet se baissa, attrapa une poignée de neige qu'il modela un court instant dans sa main, puis il fit volte-face et l'envoya droit sur le magnifique manteau de son aîné – c'était faux, Jungkook trouvait son manteau hideux, il correspondait bien à ses goûts. Taehyung n'eut pas le temps d'esquiver. Il resta immobile, l'air outré.

« Touché, se moqua Jungkook en reprenant son chemin.

— Et ce genre de gamineries vous amuse ? s'indigna son client en le rattrapant.

— Oui, beaucoup !

— Alors amusez-vous bien. »

Et à ces mots, Taehyung écrasa une importante quantité de poudreuse contre la nuque de son cadet que se figea dans un cri strident alors que le froid lui coulait jusque dans le dos. Taehyung recula d'un bond, fier de sa vengeance : si Jungkook l'avait cru incapable de répliquer à ses attaques, il s'était trompé et en payait à présent le prix fort.

« Mais ça va pas ! Si j'attrape un rhume, ce sera votre faute !

— Vous m'avez provoqué, ne vous étonnez pas de me trouver. »

Une dangereuse lueur s'alluma soudain dans le regard de Jungkook : celle qui témoignait de son envie de jouer. Taehyung regretta presque aussitôt d'avoir répondu à son premier assaut. Dans un mouvement lent et menaçant, un large rictus aux lèvres, Jungkook se pencha pour rassembler une nouvelle poignée de neige entre ses paumes gantées.

Taehyung l'imita en reculant.

L'instant d'après, la première boule filait, bientôt suivie par la seconde. Chacune rata son objectif, ce qui n'empêcha pas les garçons de se baisser de plus belle pour de nouveaux essais. D'abord un peu trop sérieux, très vit ils se déridèrent. Jungkook le premier pouffa quand un projectile l'atteignit au bas-ventre – un peu plus bas et il aurait risqué de beaucoup moins rire. Taehyung l'imita peu après quand à son tour il fut touché. Le parc, vaste, offrait une large place à leur poursuite effrénée.

Voilà ce que Jungkook avait attendu de cette soirée : qu'elle prouve à Taehyung que même avec quelques milliers de wons en poche, même en plein hiver, on pouvait s'offrir un dîner excellent et un moment inoubliable. Ils ne s'appréciaient pourtant pas une heure plus tôt, et voilà qu'après avoir dîné, après avoir bavardé, ils s'étaient lancés dans une interminable bataille de boules de neige. Il suffisait parfois d'un rien pour rapprocher deux âmes, même quand elles n'étaient pas sur la même longueur d'onde.

Taehyung n'avait pas besoin que Jungkook lui fasse la morale pour comprendre ce qu'il voulait lui montrer ce soir-là. Il ne l'avait pas fait venir juste pour bavarder, il l'avait fait venir pour qu'il comprenne que même s'il ne trouvait pas les cadeaux les plus chers, il trouverait ceux qui plairaient le plus, ceux qui donneraient à sa famille le même sourire qu'il arborait maintenant, un sourire sincère, celui d'une personne débarrassée de tout souci, une personne heureuse.

Tout simplement heureuse.

Ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas senti si insouciant...

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