« Tu vois, je te l'avais bien dit ! se félicita Jimin d'une voix forte. On a encore reçu ce matin un mail pour nous remercier pour ton fabuleux travail ! Monsieur Jung est absolument ravi, il est convaincu que ce présent va rendre le sourire à son fils ! »

Assis sur le canapé du salon, son ordinateur portable sur les genoux alors qu'il ne portait qu'un t-shirt et un short, Jimin exécutait son rituel matinal : après s'être levé d'un bond du lit, il s'était rendu dans leur petit coin cuisine pour se préparer une tasse de thé qu'il avait apportée sur la table basse... sur laquelle il avait posé les pieds pour s'affaler sur le sofa pendant qu'il vérifiait sa boîte mail.

Jungkook, pour qui le réveil relevait du calvaire, surtout en cette période de l'année, poussa la porte de sa chambre et traîna des pieds jusqu'à la cuisine, emmitouflé dans ce qui ressemblait à un croisement entre un plaid et un sweatshirt. Il se passa une main dans les cheveux, soulagé de les avoir fait couper peu de temps auparavant – il détestait se lever avec une tignasse effrayante à dompter. Ses paupières s'ouvraient à peine, encore bordées par ce qu'il ressentait comme de petites croûtes désagréables qu'il chassa en se frottant les yeux dans un bâillement qui attira sur lui l'attention de son colocataire.

Jimin l'observa se servir du lait chocolaté qu'il versa dans une casserole pour obtenir du chocolat chaud. Il grimaça.

« Jungkook, ce serait plus simple si tu mettais ton mug directement au micro-ondes.

— Je t'ai déjà dit que c'était pas nécessaire, marmonna l'autre en fouillant le réfrigérateur à la recherche de restes à grignoter.

— Trouillard, il va pas te buter, le micro-ondes.

— T'en sais rien du tout. »

Jimin plissa les yeux, désabusé. Il les leva au plafond dans un soupir muet et se concentra derechef sur son ordinateur.

« T'as entendu, au moins, ce que je t'ai dit ? On a reçu un nouveau mail de remerciements. On en est au moins à notre huitième ! Même moi je pensais qu'on réussirait pas à te trouver plus de cinq clients !

— C'est presque triste...

— Comment ça ?

— Que des gens se sentent incapables de trouver un bon cadeau pour leur famille, pour leur moitié. Je sais pas... je trouve ça un peu triste. C'est pourtant eux qui les connaissent le mieux, ça devrait leur sembler évident.

— Parfois on estime juste que la personne a déjà tout ce qu'elle pourrait vouloir, et que les rares choses qui lui manquent sont trop coûteuses pour être offertes, répliqua Jimin dans un haussement d'épaules – et en remarquant ses cheveux décolorés en bataille, Jungkook se félicita de plus belle de s'être fait couper les cheveux.

— Penser que quelqu'un a besoin de recevoir une voiture pour être heureux, c'est ridicule, répliqua Jungkook. C'est comme un couple : c'est les petits riens du quotidien qui font le plus plaisir. À Noël, c'est pareil : ce qui compte, c'est de prouver à tes proches que t'as pensé à eux, que tu les connais, et que tu les aimes. Parfois, avec pas grand-chose on peut vraiment illuminer les fêtes d'autrui.

— Mais choisir un personal shopper, c'est aussi une preuve que tu veux vraiment faire plaisir, même si le cadeau ne vient pas tout à fait de toi. Parfois, après quinze ans à offrir des cadeaux à la même personne, on perd un peu son imagination, et un regard neuf peut beaucoup aider.

— C'est vrai, reconnut Jungkook. Eh bien, tant que je peux aider et mettre un peu de côté pour l'année prochaine, ça me va !

— Bien dit ! Ma petite idée nous a déjà rapporté une sacrée fortune, et je suis sûr qu'on va rendre le Noël de nombreux couples merveilleux ! »

Jungkook sourit en se servant son lait chaud. Il fallait admettre que quand, début octobre, Jimin lui avait présenté cette idée de devenir personal shopper, il l'avait trouvée ridicule et s'était dix jours durant opposé à ce projet fou. Son meilleur ami toutefois avait réussi à obtenir gain de cause, de sorte qu'ils s'étaient lancés ensemble dans ce petit business qui, depuis, leur avait rapporté plus du double que ce que Jimin lui avait promis – et Jungkook avait déjà trouvé cette somme colossale.

Lui qui s'était inquiété à l'idée de devoir trouver un travail à temps plein à la rentrée prochaine se sentait soulagé : un temps partiel conviendrait, il lui suffirait de charger davantage ses vacances, ainsi il garderait la tête hors de l'eau et se focaliserait sur ses projets plutôt que sur ses factures.

En études de littérature, il était arrivé à son avant-dernière année, désormais âgé de vingt-trois ans. Il ne passait donc jamais plus de cinq heures par semaine en classe : l'essentiel de sa journée, il travaillait sur sa thèse, et quand il se rendait en cours, c'était pour en donner, non pour en recevoir.

Impossible pour lui de travailler trente heures supplémentaires par semaine, or le maigre salaire que lui rapportaient ses heures d'enseignement ne suffisait pas – et de loin – à payer ne serait-ce que le loyer de l'appartement qu'il partageait avec Jimin. Ce dernier, pour sa part, ne voyait aucun intérêt à travailler à côté de ses études : ses parents, riches, s'acquittaient de toutes ses factures sans broncher. Il n'abusait pas de leur générosité, il profitait juste de poursuivre ses études d'économie et management sans inquiétude qui ne concerne pas l'université.

Après un cursus d'histoire au cours duquel il avait rencontré Jungkook, Jimin avait choisi de changer de voie, au plus grand bonheur de sa mère qui s'imaginait déjà lui céder son entreprise à sa retraite, une société qu'elle avait réussi à amener au sommet des années plus tôt.

À l'occasion, Jimin faisait profiter son meilleur ami de ses avantages de façon discrète. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, ils ne s'étaient plus séparés, et Jungkook ne pouvait pas nier : son amitié avec lui ne lui avait pas juste rapporté ce joli pactole à l'approche de Noël. Ce garçon présentement affalé sur leur canapé, ses pieds contre sa tasse pour les réchauffer – berk ! –, était sans doute l'ami le plus précieux qu'il ait connu.