ME, MYSELF AND I

Acacia


Satané Emerson !

Je le déteste, je le désire.

Ce besoin est viscéral et intense, se ressource dans le sang. Ce n’est pas juste un caprice, c’est aussi un plaisir. Autant pour l’égo, les vieilles et coriaces rancœurs dont regorgent autant mon cœur, que mon entre-jambe frétillante, mouillée, brûlante. Il n’est pas seulement divinement beau et charismatique, c’est aussi un bosseur acharné. Un mordu d’excellence. Il aspire et est destiné à de grandes altitudes, bien plus hautes que celles qu’il côtoie déjà en tant que digne fils de son père. C’est un homme, un vrai et à ses côtés, la perpétuité de mon règne est assurée.

Alors je l’embrasse. Avec fougue, sans retenu, de toutes mes forces. Je m’abreuve. De lui, et c’est délicieux. Mille fois plus savoureux parce que je sais qu’il aurait pu être à elle. Démesurément exquis car je le sais, ce baiser, il est pour elle.
Pour autant le tableau n’est pas sans ombre. Comme la plupart des génies, l’arrogance démesurée ce dernier est une boisson vitriolée dont je ne sais toujours pas quoi faire. Chaque gorgée est un supplice, et l’expérience est de plus en plus détestable. Je ne sais pas comment il s’y prend, mais je ne vois rien venir à chaque fois. Si j’ai horreur de cela, je vis encore plus mal le fait qu’il ait cet ascendant sur moi. Esprit libre, sauvage, rebelle et vindicatif, j’ai un problème avec toute autorité, quelle qu’elle soit, parce que l’autorité, eh bien, c’est moi.

En ce moment plus précisément, je déteste le fait qu’il soit en train de réduire tous mes plans à néant. Entretenir l’illusion de notre rupture auprès des autres, j’y tiens comme à ma vie. Il y a une semaine encore, s’il m’avait demandé de me remettre avec lui, ceci ne m’aurait nullement dérangé. Parce que, avouons-le, je ne suis pas de celles qui font des chichis : les montagnes et campagnes sur le féminisme et tout ça, j’en ai que faire. Moi j’ai mes ambitions, mon canevas, mes méthodes, et il n’y a que ça d’important à mes yeux. Faire ce qu’il faut, quand il le faut, peu importe la nature de ladite action, pour atteindre son but. Il n’y a que ça de vrai, le monde n’est pas un jardin d’Eden. Pas de justice, pas de paix, pas de pitié, et très peu d’amour.


Si je n’avais pas connu cette fille, cette blonde aux traits angéliques et à la douceur aussi céleste et pure, que sa détermination et son courage pouvaient être infernaux, j’aurais également conservé la négation pour ce qui est de l’amour. Cependant, j’ai connu Ann Perry. Heureusement, j’ai eu cette chance, cet honneur, même s’il y a aussi eu de l’horreur. Je l’ai connu, et ça été la seule fois que j’ai éprouvé l’amour. J’ai vu son ampleur entre ses yeux, expérimenté sa grandeur et souffert de son obstination à caractère suicidaire. Alors oui, l’amour ça existe, l’amour c’est rare.

Mais pour en revenir à Emerson en tant que trouble-fête, il suffit juste de parler du spécimen figé derrière lui, le bellâtre français, la nouvelle recrue des Blue Devils, le concurrent de taille pour mon ex, et parce que je sais reconnaître la soif dans le regard des gens, je le décrirais aussi comme la future figure de proue de notre valeureuse équipe de basketball. Il est tout ça ––ce qui ne compte pas pour du beurre––, mais il est surtout le nouvel admirateur de ma sœur.

À vrai dire à mes yeux, il n’est que l’admirateur de Tilleul. C’est le seul détail qui lui donne de l’intérêt à mes yeux. La beauté et tous les artifices qui s’y colle, n’ont que très peu d’importance pour moi. Et on ne va pas se leurrer, pour un homme elles ne valent rien. Argent et pouvoir, si par contre. Donc dans l’ensemble, je vois les choses de cette façon : les gens n’équivalent que ce qu’ils peuvent apporter d’enrichissant, point.

Je ne suis non plus une fervente croyante, considérant la beauté intérieure comme un idéal, on est bien d’accord. Tout ça frise beaucoup trop d’hypocrisie à mon goût, et je n’endiguerai jamais ma part d’ombre. Très peu pour moi. Indifférente à la beauté, j’ai embrassé mes laideurs il y a bien longtemps. Pourquoi renier sa nature d’ailleurs ? Pour plaire ? Non merci. Personne n’est assez bon pour que je puisse m’y résoudre. Mon dernier essai a non seulement été un échec cuisant, mais aussi une de ces catastrophes naturelles qui traumatisent à vie.

Alors aucun moyen de me faire perdre à nouveau le Nord. Pas même à coups de gentillesses superficielles, ça ne fonctionne plus. L’espèce humaine est foncièrement mauvaise, je m’y suis faite, dorénavant je l’incarne.

Pauvre Tilleul dira-t-on, puisque je l’ai mentionné plus haut. Peste de Tilleul, renchérirai-je en connaissance de cause. Oui parce que je la connais mieux que quiconque. Quoi de plus vrai, puisque je l’ai subi plus que personne…



–– Mais c’est que t’es affamée, ma petite diablesse.



Son petit sourire en coin, provocateur et méprisant à n’en plus finir, j’ai envie de le raturer à coup de griffes acérées, juste pour lui montrer enfin qui des deux mène la danse, mais je me retiens. Ce n’est ni l’heure, ni le lieu, et encore moins la meilleure stratégie. Tout dans la vie n’est qu’une question de patience, alors je vais invoquer la mienne. Il ne perd rien pour attendre, ce moment où je remettrai les choses à leur place ––son égo bien au fond de ses tripes, quand il réalisera qui est la maîtresse à ce jeu de dupe.

Qu’on soit bien d’accord, il est intelligent. Cependant dans ce cas de figure, il lui manque tellement d’éléments que sa prise de conscience relèverait du miracle. Aveuglé par son orgueil surdimensionné et engoncé dans une triste ignorance, cela sert encore mes intérêts de le voir se vanter de me tenir dans le creux de sa main. Puis, c’est presque drôle de le voir s’agiter autant.



–– Toujours, tu le sais bien.



Une pointe rose et sensuelle caresse sa lèvre inférieure et redonne la vie aux flammes mornes qui commençaient à se tasser dans mon abdomen. Le spécimen en vaut le détour. De son regard de braise, plissé de malice, dégage quelque chose. Une force animale, aussi puissante que les effluves enivrants de son corps en sueur. C’est primitif, c’est forcément violent, mais surtout franc, sans voile de douceur, loin du paravent des bonnes mœurs, effronté, décarcassé de toute pudeur. Les autres autour n’existent pas, ne comptent pas. D’ailleurs ils sont tous petits, et nous tout grands, perchés là-haut dans les étoiles, dans la gloire, au sommet de la montagne.



–– Tu sais ce qu’il te reste à faire. Je suis ton homme n’importe où, n’importe quand.



Le rire me monte aussitôt à la gorge, puis décèle mes lèvres. On minimise bien trop l’ampleur des mots depuis toujours je pense. Si je lui dis « ici, et maintenant, devant tous ce monde », je parie qu’il se rétracterait illico, avant de courir aussitôt répandre la nouvelle d’un éventuel début de folie chez moi, or je n’aurais été que la victime de ses paroles démesurées.

Heureusement ma montre me rappelle à l’ordre. La flemmardise ne hisse pas au top, la procrastination ne construit pas une vie.



–– Tu sais quoi Em ? Tu pars d’ici et tout de suite. Tu déconcentres mes filles. N’est-ce pas les filles ?



Elles tordent les bouches, mettant en doute mes propos, mais acquiescent tout de même.



–– D’accord les filles, je me casse…



Et juste à cet instant, il se souvient à nouveau de son coéquipier. Pas de chance pour lui, ce dernier a filé en douce, je ne sais pas moi-même à quel moment.



–– Tu m’appelles, insiste-t-il avant de porter son sac à son épaule.



J’approuve en silence de la tête, prenant bien le soin de le torturer avec mes yeux de biche énamourée. Dans toute relation, le contact est la clé. Surtout, toujours garder le contact visuel, ça ouvre des portes. Ça pourrait même ouvrir un coffre-fort de banque, j’en sais quelque chose.
Lorsqu’il disparaît enfin du paysage, ça détonne de cris, de gloussements et de ululements dans le gymnase, tandis que fidèle à moi-même, je les regarde de loin, alourdie par toute la vanité dont je suis capable, et cet air supérieur à peine dissimulé qui ne me quitte jamais.

La répétition se déroule sans encombres ––comme très souvent. J’y veille, avec la dernière énergie. Pas de débordements, jamais d’insubordination et en ce qui concerne les chorégraphies, peu d’individualité. Un travail d’équipe, pour des rendus plus vivants, plus engageant. Les gens ont besoin de se sentir utiles, importants, et moi, de m’éloigner au mieux du possible de la médiocrité.

Elle ne la connait pas elle, cette peste parfaitement incarnée…



–– Quelqu’un a vu ce Wyatt s’en aller tout à l’heure ? demandé-je aux filles en laçant mes chaussures.



Le gros du mouvement s’arrête et le bruit s’amenuise pour que je puisse avoir satisfaction. Toujours concentrée sur mes chaussures, je laisse le soin à mes oreilles seules, de me renseigner sur la suite. Et c’est sans difficulté, quelles reconnaissent la voix cristalline et encore essoufflée d’une de mes intimes, Halle.



–– Oui, moi. Je ne sais pas, il m’a semblé irrité. Même troublé aussi.



En voilà de quoi appeler toute mon attention. Les lacets pourront attendre.



–– Troublé comment ? Tu expliques ?



Les sourcils froncés, je réduis l’écart entre nous deux pour aller à la source. Adossé contre son casier, sa peau noire luisant encore de chaleur, malgré ses éventements, elle inspire avec deux fois plus d’intensité qu’elle ne le faisait déjà à cause de l’effort, avant de jeter ses yeux dans les airs, certaine d’y retrouver le passé. Puis enfin, elle fixe son index sous son menton, confirmant ainsi ma précédente hypothèse. Je ne peux m’empêcher de pousser, devant cette tendance qu’on a reproduire l’ordre établi des choses de manière complètement stupide. Qui a dit que cette mimique du doigt figé sur le bas du visage aidait à la réflexion ?



–– Troublé… troublé, bafouille cette dernière, agitée sur ce coup-ci, à grand renfort de gestes amples et incontrôlés de ses paluches. Je crois que quelque chose l’a soudainement vexé. Mais je ne sais pas quoi, il regardait sans cesse sa montre. Mais oui, je l’assure, il était bizarre. Mâchoires vissées, regard sombre et même sa démarche sur le départ était maladroite. N’est-ce pas René ? Tu l’as vu toi aussi…



La mulâtresse confirme par une onomatopée qui ne lui impose pas d’ouvrir la bouche, sans détourner son regard de son casier, où elle classe comme après chaque entraînement du linge propre pour la session suivante. Je l’appelle la fourmi, chose qu’elle prend encore mal à ce jour, pour des raisons malsonnantes de son égo. Je la complimente, alors c’est stupide de faire les offusquées ––à moins qu’elle n’y voit que du feu. Mais j’en doute, elle n’est pas aussi stupide qu’elle n’en a l’air, sinon jamais elle n’aurait eu sa place sur ma table. Donc telle une fourmi, elle est prévoyante, minutieuse, travailleuse et tenace ––une bonne ouvrière en somme, bien qu’elle ait parfois les yeux plus gros que le ventre. Mais pour ce dernier détail, heureusement je suis là, je suis moi et je suis la reine ici.



–– René ?



–– Hum…



Elle persiste dans son insolence, m’ignore royalement.



–– Tu es exclue du prochain spectacle. Peut-être ainsi, tu apprendras qu’il faut toujours accorder de l’attention à qui reçoit tes services. À cette allure, tu serais capable de faire un doigt d’honneur au public, au lieu de lui sourire.



Comme escompté, l’annonce est assez percutante pour desserrer enfin son maigre cou parsemé de points bruns et strié de lignes qui lorsqu’on suit leur tracé de près, forment en réalité des cercles, comme des chokers fondus dans sa chair. Exorbitée dans ma direction, je lui sers mon plus beau sourire de garce, tandis que mes yeux lui certifient toute mon aversion.



–– Mais Aca, tu ne peux pas faire ça. Cette chorée nécessite la présence de tout le monde.



Ses iris noires crient sa terreur, son affolement même, et évidemment luisent de douleur. Le premier match de la saison est l’évènement à ne pas manquer. Le lieu indiqué pour se faire remarquer. Son attitude n’a pour cela rien de surprenante. Elle va droit vers mes espérances. Il ne faut pas me chercher, elle devra l’intégrer une bonne fois pour toute.



–– Je sais et je prendrai les mesures nécessaires. Ne t’en fait pas, souris-je acide. Maintenant tu fous le camp.



Incisive, laconique, tout en restant polie (ou fausse, au choix), voilà ce que j’appelle se montrer impérieuse.

Je suis fabuleuse !

Avec assurance je détourne mon regard de cette insolente, et reviens à Halle déjà prête à quitter les lieux, avec son survêt sur le dos.



–– Appelle Suh, l’intimé-je sans trop m’attarder. Elle prend la place de l’autre.



Le silence observé jusque-là, se fait repousser par des murmures auxquels je ne prête pas attention, pour rester maîtresse de la situation. Avec le même flegme que tout à l’heure, je termine de lacer mes chaussures, puis nous prenons Halle, Vanessa et moi, le chemin de notre appartement ––plus le mien, selon ce qui est marqué sur les papiers… Ouais d’accord, le mien et celui de ma sœur Tilleul, mais celle-ci a préféré se prendre une chambre sur le campus, pour des raisons qui nous font des vacances, autant à l’une qu’à l’autre. Dire qu’on ne se supporte pas, serait un euphémisme. Je la haie tout simplement, là où je l’indiffère purement, c’est dire…

Le plus évident demeure et reste qu’elle est encore et toujours, la gagnante dans l’histoire.

Mais on ne va pas en rester là. Elle ne peut pas gagner toute sa vie, je m’en suis faite la promesse. Ce bloc de glace qu’elle a à la place du cœur va bien finir par fondre sous mes à-coups. Sous ses apparences de sainte nitouche, on ne le croirait pas, mais se cache un redoutable vampire sanguinaire et froid, qui m’a gâché la vie, qui m’a volé mes rires, qui m’a laissé dans le vide. Pourtant je refuse de la croire invisible. Des années que je m’échine à lui rendre la vie impossible, comme elle l’a fait avec moi, sans jamais y parvenir, n’y changent rien. Je finirai bien par mettre le feu sur cette sérénité de fer qui lui sert d’armure, et de ses cendres jailliront enfin son vrai visage, les vices et la monstruosité qui s’y collent.



–– Halle, soit plus dans le détail. C’est important, insisté-je auprès de mon amie.



C’est même vital. Chaque pas, est une marche en moins vers le podium, cette victoire sur ma sœur, que j’attends depuis si longtemps. Elle finira par implorer ma clémence, j’y veille en l’attaquant sur tous les fronts, sans relâche. Son talon d’Achille je vais le trouver.



–– C’est comme je t’ai dit Aca. Il m’a semblé vénère, mais je ne saurais en dire plus. Puis pourquoi il t’intéresse ? Il se tape déjà à sœur à ce qu’il paraît, et toi tu sembles avoir remis le couvert avec Sa majesté ultra sexy.



–– Ouais Aca, intervient Vanessa sans vraiment s’y intéresser, car trop occupée à questionner la balance. Qu’est-ce que tu lui veux à Wyatt ?



Voilà deux semaines qu’elle nous fait un drame pour deux kilos en trop, selon les normes de je ne sais plus qui, c’est carrément fou je trouve. Encore que chez moi, être aussi maigre est un problème. Ce n’est pas Tilleul qui vous dira le contraire, et c’est bien pour cela que j’adore les fêtes de fin d’années. Mais bon, chacun sa façon d’aborder la vie. Chacun sa culture aussi, et sa vision de la beauté. Et sans surprise pour une fille comme Vanessa, californienne pure souche et fille d’une star hollywoodienne, minceur et blondeur, plus le regard azur, représentent l’idéal.



–– Sinon, ricané-je pour détourner la question, il s’appelle aussi Iding.



–– Bizarre, renchérit aussitôt Vanessa, une moue mi- dégoûtée mi- déçue sur les lèvres.



La balance est contre elle, je suppose. Parfait ! Je ne parle pas de sa détresse, attention… il est question de sa réaction. Je l’attendais, je suis fière de ma justesse. Ma sœur et moi n’avons jamais rien fait pour cacher aux autres qu’entre nous, le courant ne passe pas, si ce n’est qu’il passe légèrement à grand renfort de maintenance, cependant je tiens à ce que nos affaires de famille le restent. Il y a plutôt intérêt en plus.



–– Original ! ponctue Halle, allant pour mon plus grand bonheur vers des sentiers voulus, ceux d’un long débat inutile et superficiel, loin de mes mystères, de ma vengeance et du sujet tordu et pervers que représente ma splendide relation fraternelle avec Tilleul.



Affalée dans le fauteuil en velours bleu brodé au fil d’or qui trône très de la cheminée électrique, je regarde sans vraiment voir le plafond dallé, orné de moulures en rosaces et creusé par des néons en forme d’étoiles, un sourire satisfait au coin des lèvres. C’est l’un de ces moments où je me sens toute puissante, à même de faire tourner le vent en ma faveur, quand et où je veux. Un travail de longue haleine. Des années d’acharnements, bien que toujours persiste l’insatisfaction.

J’entends mes copines débattre, mais je suis déjà loin, à mille lieux de ce séjour splendide, à planifier mon prochain coup contre Tilleul. Et comme à chaque fois, je m’intime de croire que, plus que les précédents, celui-ci sera efficace. En aucun cas fatal, mais suffisamment handicapant pour la laisser à terre jusqu’à la fin.
Plus que tout, j’espère surtout que ce sera le dernier.




Hello la team. Alors je fais mon comeback définitif sur la plateforme. Après près de.  deux mois passés sur Fyctia uniquement. On repart sur un chapitre par semaine. J'espère que vous serez au rendez-vous.😜

Ce chapitre est du Pdv de Acacia. Oui, le roman sera à trois voix. Deux chapitres par voix suivant l'ordre de départ. Comment trouvez-vous Acacia ? J'ai fait en sorte d'essayer de vous là présenter, de façon particulière. On l'aime ? On l'aime pas ?

Dites moi tout en commentaires. Je suis assez contente d'être de retour. J'espère que vous l'êtes de poursuivre cette histoire.

À très vite.
Ciao

Love guys 😜❤️
🖤🖤🖤
Aphy

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