15| Défaite par clochette
Catherine avait le sentiment que son cerveau allait exploser.
Elle écouta attentivement Newt raconter ses adieux à Jacob, une légère tristesse dans la voix, et sentit plusieurs autres questions émerger dans un coin de son esprit. Ces trentaines de questions que Catherine essayait de garder en tête se battaient en duel avec la masse d'informations que Newt venait de lui fournir. Le face-à-face avec l'Obscurus, la découverte de Grindelwald, la libération de Frank et la potion qui lui avait effacé la mémoire.
Cet enchevêtrement d'événements aurait été un cauchemar à raconter pour n'importe qui mais le sorcier le faisait de manière calme et posée. Il n'oubliait aucun détail et ne manquait jamais d'expliciter tout ce que Catherine ne comprenait pas, ce qui était beaucoup. Elle n'avait d'ailleurs même pas besoin de le lui faire savoir ; à chaque froncement de sourcils de la jeune femme, Newt s'empressait de lui donner plus d'informations. Il se passa donc plusieurs heures avant que le récit ne touche à sa fin et que Catherine, exténuée, sente le poids de toutes ces révélations peser sur elle. Tout cet univers qui existait à l'ombre du sien était à la fois fabuleux et incroyablement déconcertant. Un congrès magique ? Des sorciers meurtriers ? Elle ne pouvait s'empêcher de remettre toute sa vie en perspective.
Newt resta silencieux pendant de longues minutes, attendant patiemment que Catherine assimile tout cela et ne lui pose des questions mais celle-ci était déjà ailleurs. Aussi curieuse qu'elle était, elle pouvait sentir le sommeil la rattraper et déjà ses paupières commençaient à tomber lourdement sur ses yeux. Dougal, dans ses bras, s'était endormi il y avait de cela plusieurs heures, et elle mourrait d'envie de faire la même chose. Cependant, une question la taraudait depuis un certain moment déjà et elle se devait de la poser.
— Quand Credence s'est-il transformé en un Obscurial ? Quand je l'ai rencontré, il avait eu l'air, Catherine hésita quelques secondes, normal.
Elle n'était pas sûre que normal soit le mot approprié mais en tout cas, il n'avait pas eu l'air d'une ombre maléfique noire mais plutôt d'un jeune adolescent ordinaire.
— Un Obscurus apparaît chez un sorcier quand il est contraint de refouler ses pouvoirs magiques au fond de lui-même. Cela arrive très souvent durant l'enfance. À vrai dire, il est étonnant que Credence ait survécu aussi longtemps.
La peine que Catherine lisait dans la voix de Newt la fit baisser les yeux. Elle ne voulait pas être indiscrète et remuer le couteau dans la plaie.
Catherine s'adossa au mur derrière elle, le faible mouvement faisant ouvrir les yeux du Demiguise. Le singe ouvrit grand la bouche pour bailler et Catherine fit de même.
— Je vais vous laisser, intervint Newt avec un sourire amusé à la vue de ce spectacle.
Le sorcier se leva, remit la chaise à sa place derrière le bureau, et s'approcha pour prendre Dougal dans ses bras. Le Demiguise ne fit pas d'histoires et changea d'humain avec fatigue, rêvant de son nid. Newt se dirigea vers la porte de la cabine et une fois dans le couloir vide, il se retourna vers Catherine, qui se tenait maintenant contre le cadre de la porte, les traits tirés.
— Il serait plus prudent de laisser Dougal dans la valise la prochaine fois mais, si vous en avez envie, vous pourrez venir le voir autant de fois que vous le voudrez.
Même si Newt évitait le regard de Catherine en fixant Dougal, elle pouvait voir ce même mélange d'appréhension et d'espoir que sur le pont et sourit.
— J'adorerais cela.
Newt croisa son regard et ils s'observèrent en silence pendant quelques secondes avant que le sorcier ne sourît faiblement et se détourne. Il traversa le couloir d'un pas rapide et disparut dans un autre passage.
Le départ précipité de Newt fit sourire Catherine, cela lui ressemblait en tout point de faire cela. Elle bailla une nouvelle fois, sa main devant sa bouche, et se précipita dans son lit, pas fâchée de pouvoir tomber dans les bras de Morphée.
***
Dès la première heure, Catherine fut prête. Dynamique et surexcitée à l'idée de retourner dans la valise du sorcier, la moldue se précipita dans la salle à manger, espérant croiser au plus vite Newt. Elle se sentait idiote de ne pas lui avoir demandé son numéro de cabine la veille mais d'un autre côté, si elle l'avait su, elle n'aurait pas pu s'empêcher de venir frapper à sa porte dès l'aube, et elle n'était pas convaincue que ce soit une chose qu'il aurait appréciée.
Assise à l'une des premières tables de la salle à manger, elle engloutissait pâtisseries après pâtisseries. Ses doigts frappant en rythme régulier sur la surface en bois dure, elle provoquait un bruit de fond agaçant pour tous ses voisins. Elle jetait aussi de nombreux regards à sa montre.
7h. 7h15. 7h20. 7h21.
Catherine en devenait folle. Alors quand, le nez plongé dans son thé, elle aperçut le manteau bleu du sorcier du coin de l'œil, elle laissa retomber sa tasse dans sa soucoupe et se précipita vers Newt, qui s'était arrêté au buffet.
— Bonjour.
Newt sursauta légèrement quand Catherine apparut comme par magie à ses côtés mais il fut vite contaminé par l'enthousiasme débordant qu'il lisait chez elle. Il répondit à son large sourire par un plus réservé et Catherine se mit à enrouler une mèche de cheveux autour de son index, soudainement nerveuse à l'idée de ce qu'elle allait demander à Newt. Elle prit une profonde inspiration et sans qu'elle ne puisse se donner le temps de faire machine arrière, elle demanda, d'une voix plus forte qu'elle ne l'aurait voulue.
— Est-ce que nous pourrions aller dans votre valise maintenant ?
Newt écarquilla les yeux à sa demande avant de jeter un coup d'œil inquiet au couple à sa droite qui se servait, eux aussi, en nourriture.
— Bien sûr. Je-.
Newt fit un geste en direction des petits pains et des croissants en face de lui et Catherine sortit un sac en papier de son sac.
— Je vous emballe ça.
Elle fourra une douzaine de pâtisseries en tout genre dans son sac sous le regard amusé de Newt et le regard outré du couple à côté d'eux. Un sourire malicieux sur les lèvres, elle referma le sac et entraîna Newt hors de la salle à manger. L'adrénaline la rendant encore plus pétulante qu'elle ne l'était déjà.
Newt, qui marchait plus calmement à ses côtés, semblait trouver son comportement terriblement divertissant et il lui demanda d'un ton taquin :
— Devrais-je m'inquiéter de voir que vous semblez avoir déjà tout prévu ?
— Vous n'auriez pas dû me laisser en plan pendant vingt minutes, rétorqua-t-elle, contenant difficilement son expression rieuse.
— Je ne ferais pas la même erreur deux fois.
Catherine secoua la tête avant d'échanger un sourire complice avec Newt. Ils finirent le reste du chemin en silence et Catherine se sentit légèrement mal à l'aise une fois qu'elle se trouva devant la cabine de l'homme. Elle jeta un regard nerveux dans le couloir avant de suivre le sorcier dans la petite chambre.
La pièce ressemblait en tout point à la sienne, à la différence qu'elle était parfaitement bien rangée. Newt referma la porte derrière elle et elle sentit sa nervosité grimper. Lui non plus n'avait pas l'air très confortable. Sans la présence de Dougal entre eux dans la chambre, elle avait l'impression de commettre un acte tout à fait déplacé. Elle sentit le soulagement l'envahir quand Newt pénétra dans sa valise et elle le suivit sans perdre une seconde.
La descente fut moins difficile que la première fois mais elle fut tout de même soulagée de sentir les mains du sorcier la guider jusqu'à l'intérieur. Une fois qu'elle fût entrée dans la cabane en bois familière, elle remercia Newt puis lui fourra le sac rempli de pâtisseries dans les mains avant de le traîner dehors.
L'émerveillement se peint aussitôt sur son visage et alors qu'elle se mettait à observer avec intérêt tous les enclos à sa portée, Newt s'assit sur une chaise pliante et entama son petit déjeuner, se demandant soudainement pourquoi il n'avait pas fait cela avant. Il se débarrassa de son manteau sur une table à côté et Pickett vint le rejoindre sur la chaise, regardant les pâtisseries avec curiosité.
Quant à Catherine, elle était extatique à l'idée de se retrouver de nouveau entourée de toutes ces créatures fantastiques. Les rugissements de tous les animaux se fondaient en un bruit de fond harmonieux et la femme observait toutes les petites créatures qui passaient à côté d'elle. Elle avait des milliards de questions à poser. Elle voulait tout savoir sur chaque créature.
Alors qu'elle faisait le tour des habitats près de la cabane, elle pouvait sentir le regard de Newt dans son dos et elle lui fit un geste de la main. Il baissa aussitôt la tête et elle le rejoint, se sentant coupable de l'abandonner alors qu'elle était chez lui. Son excitation avait légèrement diminué mais pourtant, quand elle aperçut la petite créature verte aux feuilles sur la tête à côté du sorcier, elle eut une exclamation attendrie.
— Oh, il est tellement mignon.
Elle s'assit sur une chaise près de Newt et se pencha en avant, échangeant un regard avec la créature. Elle tendit la main et ce qu'elle avait pris pour un phasme s'avança, puis avec ses petits bras verts, il lui toucha les doigts, provoquant un léger picotement sur sa peau.
Elle eut une deuxième exclamation attendrie et Newt déposa délicatement le Botruc dans la main ouverte de Catherine.
— Qu'est-ce que c'est ?, lui demanda-t-elle, captivée par l'expression à moitié apeurée et à moitié outrée de la créature.
— C'est un Botruc. Celui-ci s'appelle Pickett.
Newt s'arrêta mais Catherine le regarda avec une telle curiosité qu'il reprit.
— Les Botrucs sont considérés comme les gardiens des arbres. Ils peuvent d'ailleurs devenir très agressifs si l'on s'en prend à l'arbre qu'ils protègent. Leurs doigts, qui sont particulièrement longs et pointus, peuvent servir à crever les yeux de ceux qui s'y attaquent. De plus, leurs apparences, qui ressemblent fortement à une écorce ou à des brindilles selon l'espèce, leur permet de se rendre indiscernable des arbres dans lesquels ils vivent.
La passion que Catherine entendait dans la voix de Newt la fit relever les yeux et l'observer avec intérêt. Newt croisa son regard et baissa la tête.
— Excusez-moi, j'ai tendance à parlerun peu trop.
— Ça ne me dérange pas. (Catherine leva son bras en face de son visage et regarda avec émerveillement le Botruc tâter le tissu matelassé de sa veste blanche.) J'ai tellement de choses à apprendre.
Les yeux toujours baissés, Newt sourit. Ce n'était pas tous les jours qu'il rencontrait quelqu'un qui ne trouvait pas son constant babillage sur ses créatures énervant.
— J'espère que vous ne regretterez pas vos mots.
— Cela m'étonnerait fort.
Catherine reposa son bras sur la chaise et Pickett retourna se nicher sur l'épaule de Newt.
— Il reste toujours avec vous ?
— Maintenant oui. Je crois qu'il me considère comme son arbre.
— Cela ne m'étonne pas, lâcha Catherine mystérieusement, ce qui fit Newt lever un sourcil interrogateur. Vous faites un très bel arbre, M. Scamander.
Il sourit à sa taquinerie avant de plaisanter à son tour :
— C'est le plus beau compliment que l'on ne m'ait jamais fait.
Catherine rit et Pickett, de l'épaule de Newt, souffla. Il n'était pas sûr d'apprécier ce à quoi il assistait.
Catherine, quant à elle, semblait enfin comprendre le drôle de comportement du sorcier. Maintenant qu'elle le voyait dans sa valise, avec ses créatures, tout semblait prendre sens.
Cette manière qu'il avait de toujours se faire petit, de rester immobile et de baisser les yeux ou la tête lors d'une interaction sociale, tout cela venait de son métier. Pour gagner la confiance de ces créatures, il devait se montrer comme n'étant pas une menace, comme n'étant pas dominant, et cela avait dû finir par déteindre sur sa façon d'être. Enfin, elle comprenait aussi pourquoi il ne la regardait presque jamais dans les yeux et, quand il le faisait, pourquoi cela était toujours très bref. C'était le comportement qu'il devait adopter avec un animal qu'il ne connaissait pas.
Cela expliquait aussi pourquoi, à mesure qu'ils passaient du temps ensemble, Newt semblait être plus enclin à soutenir son regard. Une fois qu'une confiance s'était établie, il pouvait porter toute son attention sur la personne en face de lui. Certaines fois, son regard était même si intense qu'elle se demandait s'il essayait de lire en elle et de comprendre son fonctionnement, comme il le ferait avec une nouvelle espèce d'animal particulièrement étrange.
Elle sourit à cette pensée avant de sursauter légèrement.
— Te voilà !
Newt se leva brusquement et plongea sur la petite créature brune de la dernière fois qui marchait tranquillement à quelques mètres d'eux. Son museau allongé en l'air, elle observa avec peur le sorcier l'attraper d'un geste fluide et se mit à remuer avec force pour s'échapper. Newt eut un sourire triomphant et se dirigea vers un établi en bois à quelques mètres de lui en s'exclamant :
— J'essaie de lui mettre la main dessus depuis hier.
Catherine se leva et le suivit.
— Pourquoi cela ?
Newt se contenta de faire un signe de tête en direction d'un collier en cuir marron auquel était accrochée une petite clochette cuivrée. Catherine prit le collier dans ses mains à la demande du sorcier.
— C'est pour lui ?
— Pour qu'il ne puisse plus s'échapper aussi facilement, oui. Ce petit bonhomme est bien trop malin.
Le Niffleur, outré, se débattit tant bien que mal et Catherine gloussa avant de nouer le collier autour de son cou. La petite créature gémit et Newt lui demanda d'arrêter son cirque avec un sourire amusé. Catherine les regarda se chamailler avec un sourire pendant quelques secondes avant de s'étonner à voix haute de la couleur cuivrée non brillante de la clochette.
— Les Niffleur sont attirés par tout ce qui brille. Je ne voulais pas qu'il devienne fou à la vue d'un objet brillant qu'il ne pourrait pas détacher.
Catherine se rendit alors compte de l'amour sans borne que Newt éprouvait pour ses créatures et l'observa poser le Niffleur au sol avec bienveillance.
Aussitôt posée au sol, la petite créature s'élança vers son terrier mais elle s'arrêta au bout de quelques mètres, décontenancée par le bruit infernal qui semblait la suivre. S'allongeant sur le dos, elle se mit alors à tenter de se débarrasser du collier en tirant dessus avec ses petites pattes mais Newt s'agenouilla près d'elle.
— Pas la peine, je l'ai ensorcelé. Je te l'enlèverais quand nous arriverons à Londres. (Newt haussa un sourcil avant d'ajouter.) Si tu es sage.
Le Niffleur gémit avant de se redresser. Puis, il partit en courant dans son terrier, le petit bruit de clochette tintant dans son sillage.
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