11| Ce satané niffleur

Le soleil se levait à l'horizon alors que le Royal Star traçait sa route, de l'eau à perte de vue, et les vagues bousculant l'intrus, occasionnant de légères secousses pour les passagers du paquebot.

Assis seul à une table en bois ronde dans la salle à manger, son petit déjeuner devant lui, Newt Scamander rattrapa habilement son verre d'eau qu'une légère secousse avait fait valser, bousculant son botruc, Pickett, au passage. La petite créature protesta, émettant un gémissement plaintif, avant de regarder Newt de manière accusatrice. Le sorcier lui présenta ses excuses avec un sourire et quelques passagers qui déjeunaient près de lui le dévisagèrent, surpris de l'entendre parler alors qu'il n'y avait personne à sa table. Newt baissa la tête, évitant leur regard ce qui fit rire Pickett. Newt prit un air vaguement blessé avant de récupérer Pickett dans sa main et de le remettre dans sa poche.

— Tu sortiras quand tu te montreras plus aimable, chuchota Newt au botruc, lui attirant encore plus d'attention des tables alentours. Et ne va pas te mettre à bouder maintenant.

Pickett fit la moue avant de s'enfoncer dans la poche du manteau de son maître. Newt, relevant la tête, sourit faiblement à certains de ses observateurs avant de se concentrer sur ce qu'il avait dans son assiette. Le petit-déjeuner était loin d'être fabuleux mais il s'en contenterait. Il mâcha péniblement ses œufs au plat, grimaçant lorsqu'il tombait sur un bout de coquille.

Tourné vers la fenêtre sur sa gauche, son regard se perdit au loin, vers l'horizon. Le temps semblait enfin se calmer, et après la journée et la nuit désastreuse qu'ils avaient eues hier pour leur première journée de voyage, Newt en était soulagé.

Ballotté de tous côtés par le balancement incessant du bateau à vapeur qui les transportait, Newt avait fini par aller se réfugier dans sa valise, le seul endroit non affecté par les mouvements du paquebot.

Le lendemain matin, il avait été agréablement surpris de découvrir le calme qui régnait désormais autour d'eux et était sortit prendre son petit-déjeuner avec appétit. Newt s'était retrouvé dans une salle à manger, dont les murs d'un gris-sale, pouvait contenir une cinquantaine de passagers à la fois. Cependant, la grande salle était pratiquement vide, la grande majorité des passagers en proie à un mal de mer atroce.

Cela ne dérangeait pas Newt le moins du monde. Lors de voyage en bateau, il préférait passer son temps seul, dans sa valise, et devoir manger avec les autres passagers avait toujours été un moment qu'il redoutait. Se retrouver oppressé de toute part et étouffé par le bruit incessant des discussions le mettait extrêmement mal à l'aise.

Son regard passant d'un passager à un autre, Newt prit une dernière bouchée de son œuf, finissant son repas, et but d'une traite le reste d'eau qu'il avait dans son verre. Il remarqua que ses voisins de table le regardaient toujours de travers et Newt se leva, souhaitant retourner au plus vite auprès de ses créatures.

La tête légèrement baissée, il se dirigea vers l'entrée, dont la grande porte en bois était restée ouverte, et alors qu'il serpentait entre les nombreuses tables vides, il se figea. Le regard fixé sur la porte, il observa, éberlué, une femme au carré brun entrer en vacillant dans la salle à manger. À peine avait-elle passé le seuil de la porte qu'elle porta la main à sa bouche, l'odeur forte de viande grillée semblant lui remuer l'estomac, et prise de haut-le-cœur, elle recula. Malgré sa pâleur maladive, Newt n'eut pas de mal à reconnaître Catherine, la femme qui le hantait depuis qu'il l'avait quitté, à peine un jour auparavant.

Newt baissa aussitôt la tête, de peur qu'elle ne le reconnaisse ou plutôt de peur de voir son regard se poser sur lui et ne montrer aucune émotion, comme elle le ferait pour n'importe quel autre étranger.

Il pouvait sentir son corps bouillonner d'émotions. Le choc. Qu'elles étaient les chances qu'ils se retrouvent ainsi, sur le même bateau ? L'interrogation. Pourquoi quittait-elle les Etats-Unis ? L'espoir. Était-il possible qu'elle se souvienne de lui ? Et une profonde joie obscurcit instantanément par le doute. Oserait-il ou plutôt devait-il tenter quelque chose ?

— Est-ce que vous allez bien, monsieur ?, demanda un homme d'une quarantaine d'années, ses yeux bleus examinant le sorcier sous toutes les coutures.

Newt hocha la tête, le regard vague, et s'avança lentement vers l'entrée, la tête baissée. Ses yeux ne restaient pas en place et il regardait partout sauf vers Catherine. Il avait peur que si leurs regards se croisent, elle se souvienne de lui.

Les mains fourrées dans ses poches, il se rapprochait dangereusement de l'entrée et apercevait, du coin de l'œil, Catherine qui s'accrochait au cadre de la porte. Pickett sembla sentir le malaise de Newt et sortit la tête de la poche. Newt le ramena aussitôt à l'intérieur, jetant des regards inquiets aux moldus alentour. La tête relevée, il prit son courage à deux mains et regarda dans la direction de la jeune femme, priant pour qu'elle ne le regarde pas. Celle-ci, toujours prise de nausées, sortit précipitamment de la salle à manger alors que Newt atteignait l'entrée. Newt sentit une certaine déception l'envahir et il fit de son mieux pour enfouir ce sentiment le plus profondément possible.

Il aurait voulu retourner dans sa cabine au plus vite mais il était coincé. Le couloir qui ramenait aux cabines étaient en face de lui, juste devant Catherine qui titubant, essayait de garder l'équilibre en collant une main contre le mur. Il se demanda si elle prenait le bateau pour la première fois et expérimentait de la même manière le mal de mer qui va bien souvent avec.

Catherine emprunta le couloir menant aux cabines et Newt la suivit, gardant une assez grande distance entre eux deux. Inconsciemment, il agrippa sa baguette et jetant un coup d'œil au couloir désert, noua magiquement son nœud papillon.

Il attendit quelques minutes avant de suivre Catherine en haut des escaliers et alors qu'il débouchait à l'étage et n'avait qu'à traverser deux couloirs pour atteindre les cabines réservées aux hommes, il s'arrêta au premier et laissa son regard descendre le long de l'étroit passage en bois.

Catherine se tenait à moins de cinq mètres de lui, bataillant avec sa clé pour ouvrir la porte de sa cabine. Ses mains étaient prises de tremblements et de la sueur perlait de son front alors même qu'elle frissonnait de froid.

Newt baissa la tête, totalement perdu sur la marche à suivre. Il voulait l'aider. Il pouvait l'aider. Mais était-ce une bonne idée ? Si jamais elle retrouvait la mémoire, que se passerait-il ? Et si elle ne la retrouvait pas ? Devait-il prétendre ne pas la connaître durant les quatorze prochains jours ? S'enfermer dans sa valise en priant pour avoir la force de ne pas chercher à la contacter ? Ou bien reprendre à zéro ? Se présenter et voir ce qui pourrait bien se passer ? Après tout, ils n'étaient plus aux Etats-Unis.

— Que faites-vous ici, jeune homme ?, demanda suspicieusement une dame âgée au regard glacial qui sortit d'une cabine à quelques mètres de lui.

Newt croisa son regard et baissa aussitôt les yeux. La femme jeta un coup d'œil derrière elle, à Catherine qui entrait dans sa cabine, l'air horriblement mal en point, et Newt suivit son regard. La déception se lisait sur son visage à l'idée qu'il venait de passer à côté d'une opportunité de pouvoir passer du temps avec celle qui le hantait depuis qu'il l'avait rencontré.

La dame âgée le regarda d'un air outré avant de lui indiquer, d'un air qui ne laissait pas de place à la sympathie.

— Le couloir des hommes est plus loin, vous feriez mieux d'y aller.

Newt hocha la tête, le regard rivé sur le sol et la mâchoire serré. Il se dirigea vers sa cabine avec un poids immense sur les épaules et le regard de la femme rivé sur son dos. Celle-ci ne partit qu'une fois qu'elle fut persuadée que le jeune homme ne tenterait pas de s'en prendre à une autre femme.

Les deux jours qui suivirent furent un enfer pour Newt. Il passa un temps fou dans la salle à manger, à guetter l'apparition de Catherine. Il s'y rendait en avance et ne quittait la salle qu'une fois tous les autres passagers partis. Quand il était dans sa valise, à s'occuper de ses créatures, il se demandait toujours si Catherine avait choisi ce moment pour aller prendre l'air ou aller à l'infirmerie. Et à chaque heure supplémentaire qui passait sans qu'il n'ait de nouvelles d'elle, il se blâmait d'avoir autant hésité.

Il savait qu'en dernier recours, il pourrait aller directement taper à sa porte mais la femme qui l'avait surpris la dernière fois semblait toujours apparaître près de lui quand il se dirigeait vers sa cabine, lui jetant un regard remplit d'hostilité à l'idée qu'il puisse avoir de mauvaises intentions envers l'une de ses congénères.

Il aurait aimé pouvoir lui dire à qu'elle point elle avait tort mais il ne voyait pas comment il aurait pu la convaincre. Au lieu de ça, il repensait au moment où Catherine et lui s'était quitté, au désespoir dans sa voix quand elle avait crié son nom alors qu'il transplanait à la poursuite de Credence, un désespoir et une inquiétude si forte qu'il avait hésité à faire marche arrière, ne serait-ce que pour la rassurer et effacer cette expression apeurée qu'elle avait eu. Bien sûr, s'il disait cela à la harpie qui veillait sur Catherine, il ne doutait pas qu'elle l'enverrait balader.

À l'aube du quatrième jour, alors que Newt se préparait à aller manger son petit-déjeuner, Newt sentit son inquiétude augmenter. Il savait que s'il ne la voyait pas aujourd'hui alors cela était mauvais signe. Un mal de mer ne durait jamais aussi longtemps. Assailli de doute, il noua son nœud papillon avec sa baguette avant de sortir précipitamment de sa valise. Se dirigeant vers la porte, il ouvrit cette dernière à la va-vite et s'exclama de surprise quand il aperçut son niffleur lui passer entre les jambes et se mettre à courir dans le couloir.

— Par la barbe de Merlin, s'exclama Newt en refermant sa porte derrière lui.

Il avait été tellement préoccupé à l'idée de revoir Catherine qu'il en avait oublié de garder un œil sur cette satanée boule de poil. Rangeant sa baguette dans sa poche, il se précipita à la poursuite du niffleur qui zigzaguait entre les passagers. Newt en bouscula plusieurs sur le chemin du pont, ne perdant jamais de vue sa créature.

Posant ses pattes sur le pont en bois recouvert d'eau salée, le niffleur s'arrêta pour observer ce qui l'entourait. Newt, légèrement essoufflé, en profita pour accélérer et réduire les derniers mètres que le séparait du niffleur. La petite créature jeta un rapide coup d'œil en direction du sorcier avant de courir sur sa droite et quand Newt surgit sur le pont, ralentissant à peine, il l'avait perdu de vue.

Newt tourna sur lui-même, les yeux rivés au sol. Plusieurs paires de jambes marchaient le long du pont en bois mais aucune n'avait un niffleur accroché à leurs chaussures, au plus grand désespoir de Newt qui commençait à imaginer le pire : que le niffleur était tombé à l'eau. Il se maudit et se jura que s'il remettait la main sur ce fauteur de trouble, il lui accrocherait une clochette autour du coup pour éviter ce genre de désagrément dans le futur.

Alors qu'il se baissait pour vérifier que ce vaurien ne se cachait pas sous un banc, il sentit une main lui tapoter délicatement l'épaule et se redressa, se retournant au passage. Ses yeux se posèrent immédiatement sur le niffleur qui était installé confortablement dans une paire de bras recouverte d'une veste blanche, et il lui lança un regard désapprobateur. La petite créature ne sembla même pas s'en rendre compte, les yeux fermés, elle bougeait son ventre de manière à ce que la personne la tenant puisse le lui grattouiller. Newt n'eut pas le temps de dévisager beaucoup plus son niffleur que sa voix lui parvint. Il n'eut pas à lever les yeux pour en déduire que les doigts fins qui caressaient le ventre du niffleur étaient ceux de Catherine. Il aurait reconnu cet accent américain n'importe où.

— Est-ce qu'il est à vous ?

Newt releva la tête avec appréhension. N'osant pas croiser son regard, les yeux du sorcier se posèrent sur ses joues qui avaient retrouvées leur éclat, sur ses cheveux bruns qui encadraient gracieusement son visage et sur ses lèvres pulpeuses. Sa surprise s'atténuant quelque peu, il sentit l'espoir le consumer de l'intérieur et ce fut avec une appréhension immense qu'il osa plonger son regard dans celui de la jeune femme.

La jeune moldue l'observait avec une curiosité non dissimulée et Newt sentit son cœur se serrer quand il réalisa qu'elle ne le reconnaissait pas le moins du monde.

Newt se recroquevilla sur lui-même, la situation le touchant bien plus qu'il ne l'aurait pensé. Il se retrouvait maintenant dans une situation qu'il ne voulait pas vivre. C'était maintenant à lui de décider s'il voulait, ou non, qu'elle retrouve la mémoire. À lui de faire en sorte que cela arrive ou pas. Newt hésita quelques secondes, essayant de se rappeler ce que Catherine lui avait demandé un peu avant.

— C'est- oui. C'est le mien, répondit-il avec un fort accent britannique qui provoqua un léger froncement de sourcils sur le visage de Catherine.

La jeune femme détailla Newt pendant quelques secondes, la tête penchée sur le côté avant de baisser la tête sur le niffleur qui se prélassait toujours sous ses caresses.

— Vous avez une petite bête absolument adorable en tout cas, dit-elle, grattouillant le ventre de la petite créature aux poil bruns une dernière fois et faisant tinter les pièces d'or que celui-ci avait dans sa poche.

Newt haussa un sourcil au compliment de Catherine pour le niffleur et au bruit qui retentit du ventre de ce dernier. Le niffleur échangea un regard avec Newt avant que Catherine ne lui tende la créature, l'empêchant ainsi de s'échapper, et disant au passage au sorcier.

— Vous n'avez pas l'air convaincu.

Newt récupéra le niffleur et le serra contre sa poitrine.

— C'est un adorable vaurien, oui.

Catherine gratifia Newt d'un léger rire et celui-ci sourit brièvement. Catherine, son sourire vacillant légèrement, fronça de nouveau les sourcils avant de lui demander :

— Est-ce que nous nous sommes déjà rencontrés ? Vous me semblez familier.

Newt cligna des yeux plusieurs fois, pris de panique, et sentit son emprise sur le niffleur faiblir. La petite bête tenta d'en profiter mais Newt resserra son emprise aussitôt et le niffleur secoua ses petites pattes dans l'air d'un air horrifié qui détourna, quelques secondes, l'attention de Catherine sur lui.

Newt qui ne manquait jamais de choses à dire se retrouva soudainement à cours de mots. Il se creusa la tête pour trouver une réponse appropriée et ignorer son cœur qui lui intimait de tout lui avouer. Il sentait le regard interrogateur de Catherine sur lui et l'évita du mieux qu'il put.

De quoi se souvenait-t-elle ? Se souvenait-elle même de quelque chose ? Ou était-ce juste l'une de ces impressions de déjà-vu ?

Newt ne put se contraindre à avouer la vérité et préféra opter pour ce qu'il pensait être un compliment.

— Si cela avait été le cas, je m'en serais souvenu.

Le jeune sorcier fut submergé de panique quand Catherine baissa les yeux, blessée. Il fronça légèrement les sourcils à la recherche de ce qu'il avait fait de mal. Était-ce son ton qui avait été trop dur ? Son expression, pas assez chaleureuse ? Aurait-il dû sourire ?

Il reporta toute son attention sur Catherine, essayant de discerner dans son comportement quelque chose qui pourrait lui donner une idée sur ce qu'il devait dire pour améliorer les choses. Mais quand celle-ci recula légèrement, la tête baissée, et qu'il sentit sa panique se déverser dans ses veines, il se rendit compte que lire les animaux et lire les êtres humains n'étaient pas la même chose.

— Excusez-moi, vous avez raison. Je ne sais pas pourquoi j'ai bien pu penser cela.

Catherine sourit faiblement, embarrassée, et Newt se sentit totalement désemparé à l'idée qu'il venait de gâcher sa deuxième chance avec elle. Sur un coup de tête, il lui tendit la main lentement.

— Il n'est pas trop tard, cependant. Je m'appelle Newt Scamander.

Newt fit de son mieux pour soutenir le regard surpris que Catherine arborait et sourit faiblement, ne prêtant aucune attention au niffleur qui gémissait dans sa main.

Un sourire timide vit le jour sur les lèvres de la jeune femme et elle lui serra la main.

— Catherine Fleming.

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