Chapitre 10 : Les Enkeli
— Je n'en reviens pas que vous soyez tous des anges...enfin des Enkeli, confia Ella. Est-ce héréditaire ? Comment devient-on un Enkeli ?
— Ce n'est pas héréditaire, répondit Eliot. C'est en toi, ou ça ne l'est pas. Certains portent en eux la réincarnation d'âmes anciennes. Cette « identité » reste en sommeil jusqu'à l'adolescence. C'est à ce moment que l'éclosion a généralement lieu. Elle apporte souvent son lot de détresse et de chamboulements. On a le sentiment de ne pas trouver sa place dans le monde. C'est en fait son âme ancienne qui nous hurle de nous éveiller.
— Oui, continua Judith, et ceux qui refusent de l'écouter et de la voir, sont inconsciemment en proie à une lutte intérieure tellement violente, qu'ils peuvent sombrer dans les ténèbres et la folie.
— Une sorte de méga crise d'adolescence en somme ? demanda Ella.
— Plus ou moins, oui...mais puissance mille, répondit Eliot. Malheureusement, admettre au plus profond de soi que nous sommes la réincarnation d'une âme ancienne, la laisser s'épanouir et s'éveiller, n'est pas si simple...or, nier son existence consume de l'intérieur, et peut conduire à la mort.
— Ah oui quand même...,balbutia Ella, impressionnée.
Joan, prit enfin la parole :
— C'est pour cela que les Enkeli, les Anges-Sentinelles si tu préfères, sont censés repérer les âmes anciennes en éveil, afin de les aider dans leur transition. Pour une raison que j'ignore, ces trois là, il désigna Eliot, Judith et Alex d'un signe de tête, n'ont pas su te déceler avant.
Tous les trois répondirent d'une même moue coupable.
— J'ai commencé à sentir l'énergie spécifique des éclosions, et quelques...turbulences, alors que j'étais de passage dans ton ancienne ville Ella. C'est là que tu as attiré mon attention, mais tu étais si âgée pour éclore, que j'étais dubitatif... Et puis tu n'envoyais pas les signaux.
— Trop âgée ? Des signaux ? Releva Ella.
— Normalement l'éclosion se fait beaucoup plus tôt, en général entre onze et dix-huit ans. Quant aux signaux, normalement une âme en éclosion, « appelle » ses semblables. On t'expliquera tout ça plus tard ne t'en fait pas.
Ella prit un court moment afin d'intégrer ces informations, puis elle formula les interrogations qui se bousculaient dans son esprit.
— Bien...Mais comment suis-je censée « éclore »? Je vais avoir des ailes moi aussi ? Est-on immortels ? Est-ce qu'on a des sortes de super pouvoirs ? Ç'est douloureux quand les ailes apparaissent ? Si les anges existent...alors est ce qu'il y a aussi des vampires? des Elfes ? Des fées ?
Tous sourirent d'un air attendri devant cette myriade de questions, tels des parents assistant aux premiers balbutiements de leur progéniture.
Puis Ella demanda :
— Et le bourdonnement ? À qui étaient toutes ces voix que j'ai entendues ?
Joan resta impassible, mais les autres se figèrent, les sourcils au plafond et des yeux ronds comme des billes.
Ils furent alors interrompus par quelqu'un qui toqua à la porte.
— Ella ! Ella ça va ? C'est Claire !
— Claire ! S'exclama Ella, en se précipitant afin de lui ouvrir la porte.
— Ben alors ! Tu fais la marmotte ou quoi ? On avait cours en Histoire du Droit avec «nez de boeuf » je te rappelle, et je me le suis coltiné toute seule ! Il nous a même donné des études de cas et ...
Elle s'interrompit soudain en découvrant le petit groupe installé dans le salon d'Ella, puis après un court instant reprit, Oh... je suis désolée si je dérange ...
— Pas du tout Claire, joins toi à nous !
Ella ignorait encore si elle pouvait se confier à Claire sur les derniers évènements. Certes, c'est elle qui lui avait présenté le reste du groupe, et peut-être était-elle l'une d'eux après tout, mais à voir la mine de Joan et d'Eliot, elle en doutait.
— Je ne me sentais pas très bien, lui dit Ella, heureusement Joan passait par là et il m'a aidée. Judith, Alex et Eliot sont arrivés après, à l'improviste.
Claire observait le miroir brisé et ce qui restait des fenêtres.
— Ok... et il s'est passé quoi ici ? Laisse moi deviner ...ken a essayé d'attraper une araignée ?
— Ahah très drôle, répondit l'intéressé, tandis que les autres s'esclaffèrent en chœur.
— J'ai essayé de t'appeler Ella, je me suis un peu inquiétée, lui reprocha Claire souriant malgré tout.
— Je suis désolée... avec tout ça je t'avoue que je n'ai pas vérifié mon téléphone et il doit être déchargé.
— Qu'est-il arrivé à tes fenêtres en vrai ?
— Oh c'est stupide vraiment, j'ai demandé à Joan de m'aider à décaler le miroir qui était trop lourd pour moi, et il lui a échappé des mains en chutant sur les vitres qui se sont brisées en même temps...
Ella, prise au dépourvu, se sentit coupable de mentir à Claire.
— Ah ! Ben dis donc ... fais moi penser à ne jamais demander à Joan à changer une ampoule chez moi ! Ça serait pas cool que tout le quartier soit plongé dans le noir !
— Je ne vois pas pourquoi j'accepterais de t'aider de toutes façons, Clarisse ... lui répondit Joan avec un sourire en coin.
Claire ignora sa boutade, légèrement vexée d'avoir été mise à l'écart.
— J'avais bien senti hier soir que vous vous connaissiez tous les trois avec Joan, mais je ne pensais quand même pas vous retrouver à jouer à la dînette chez Ella ! Appelez moi la prochaine fois !
Ella, sincèrement désolée, tenta de rassurer son amie :
— Je t'assure que rien de tout celà n'était prévu Claire, sinon évidemment que je t'aurais appelée !
— Mouais ... ça va pour cette fois ! Dit-elle la moue boudeuse, en entortillant une boucle de ses cheveux autour de son index.
— Mooooh c'est mignon, on lui avait manqué ! S'exclama Alex en lui ébouriffant les cheveux.
— Oh mais fous-lui la paix, le sermonna gentiment Judith.
Alex lui répondit, malicieux :
— Ne sois pas jalouse Judith. Je te l'ai déjà dit mille fois. Tu es bien trop grande pour moi et je sais que tu n'as pas l'habitude d'entendre ça, mais tu n'es pas mon style de femme.
— J'ai surtout déjà un chéri je te rappelle ! s'esclaffa Judith.
— Oh? Il est au courant ? Parceque les petits-copains imaginaires je t'ai déjà dit que ça compte pas !
En guise de réponse, Alex reçut un coussin en pleine tête.
Ella était un peu perplexe de les voir ainsi chahuter. Rien ne pouvait laisser présager qu'ils n'étaient pas vraiment humains.
Bien qu'elle ait encore beaucoup de mal à réaliser ce qui lui arrivait, elle se sentait soulagée de ne pas traverser cet océan d'incertitudes toute seule.
Ils étaient en effet restés auprès d'elle toute la matinée.
Judith et Alex, qui riaient sans cesse, lui permettaient de dédramatiser un peu la situation.
Quant à Joan et Eliot, ils semblaient légèrement en retrait et ne se parlaient pas beaucoup, remarqua-t'elle.
Eliot la tira de ses pensées en lui murmurant :
— Tu as bien fait de mentir à Claire. Je sais que ça a dû te coûter de faire ça, mais c'est aussi pour son bien, tu sais.
Eliot, assis près d'elle, la dominait d'au moins deux têtes.
Ses yeux, d'un brun chaud et profond éclairaient son visage harmonieux. Bien qu'il pouvait paraître intimidant au premier abord, son simple sourire le rendait solaire.
Il émanait de lui une force tranquille et réconfortante.
— Tiens, je t'ai noté mon numéro, fit-il en tendant à Ella un bout de papier.
À n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, si tu as besoin, tu m'appelles. Avec les autres, on sera avec toi tout le long de l'éclosion.
— Merci...
— C'est normal. Tu es une Enkeli maintenant, lui dit-il tout bas, et on a besoin de rester soudés car tu te doutes bien que toutes les âmes anciennes ne sont pas aussi sympa que nous...
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