Prologue
«-Jeune madame, s'il-vous-plaît, tenez-vous mieux que ça! »
HuaLin se força à sourire et se redressa. Elle ne pouvait décemment pas s'affaler contre un mur au beau milieu de cette réception. L'empereur lui-même, ainsi que son jeune frère, y assistaient, mais pas seulement. Toute la haute hiérarchie s'était réunie là, à quelques exceptions. Si elle-même se trouvait ici, c'était au prix de maintes négociations, afin de lui donner l'occasion de trouver un parti intéressant. Elle n'avait pas intérêt à mal se tenir. Elle ne se trouvait pas si mal, sa famille plutôt bien placée dans la hiérarchie du pays, et bien qu'elle n'ait aucunement envie de se marier à un homme qu'elle ne connaissait pas, elle pouvait comprendre les raisons qui avaient pu pousser son père à le lui demander avant de rendre l'âme. Ses mots flottaient encore dans l'esprit de la jeune fille, bien que six mois se soient à présent écoulés depuis les obsèques.
Ses dernières volontés, comme tout ce qu'il avait pu faire au long de sa vie, étaient vouées à rétablir l'honneur de leur lignée: "Ma petite Lin, écoute-moi bien. Toute ma vie, j'ai cherché comment ramener notre famille au rang qu'elle occupait autrefois. Mais j'ai bien vite dû me rendre à l'évidence, il n'y a pas de solution miraculeuse. Alors fais que mes efforts n'aient pas été vains. Conserve la place que nous avons atteinte, et pose des bases solides pour ne plus retomber. Tu en as le pouvoir. Pour commencer, trouve-toi un bon parti. Tu sais, j'ai entendu dire que le petit Suigestu (nda: alias Jinshi) devrait bientôt prendre une épouse. Tu pourrais tenter de t'en rapprocher.. Mais s'il ne te convient pas, ne te force pas. Reste toi-même et tu trouveras celui qu'il faut. Si tu t'entends avec celui que tu auras choisi, alors vous pourrez faire beaucoup pour notre famille. Peut-être même nous rendre un nom de clan. Je t'en prie, ne laisse passer aucune occasion. C'est ton tour, maintenant." Evidemment, elle avait accepté, lui avait garanti de bien reprendre les rênes via un mari fiable... Que pouvait-elle dire d'autre, à son père, à cet homme qui mourait trop tôt, atteint d'un mal qu'aucun n'était parvenu à identifier? Elle accomplirait ce rôle qu'il lui avait donné, elle se l'était juré. Pourtant, en cet instant, tout ce dont elle avait envie était de sortir, échapper au regard pesant de sa dame de compagnie, qui ne lui rappelait que trop ses nouvelles responsabilités.
La vieille femme, bien que fidèle depuis de longues années aux cendres de leur clan déchu, restait envieuse de sa situation, ce qui la poussait aujourd'hui à rabrouer sa pupille plus que de moyenne. Elle n'avait pas eu une vie facile, engagée auprès d'une famille qui était censée lui permettre de se créer une place enviable, mais qui avait fini par l'entraîner dans sa chute. Alors, à présent qu'ils avaient regagné un semblant de stabilité, elle voulait voir Lin réussir à sa place, et ne le lui avait pas caché. Bien sûr, elle ne lui voulait aucun mal, mais tous ses regards, tous ses mots, teintés d'une pointe de jalousie, étaient voués à lui faire comprendre la chance qu'elle avait.
Mais si ce ton amer lui pesait d'habitude, c'était bien là le dernier de ses tracas. Elle devait d'abord trouver un moyen de s'éclipser discrètement du banquet. Elle se pensait plutôt sportive, –ce qui lui permettait de faire le mur assez souvent depuis le deuxième étage de leur manoir pour rejoindre sa sœur– pourtant elle avait la désagréable impression que ses jambes ne tarderaient pas à la lâcher. Peut-être était-ce en partie dû à cette foutue idée de banquet dansant, où à peine quelques fauteuils étaient repérables aux quatre coins de l'immense salle, le reste ayant été dégagé pour créer une immense piste où les invités pouvaient danser. On lui avait expliqué plus tôt que c'était une tradition venue d'occident, et l'on avait tant bien que mal tenté de lui enseigner quelques pas de ce qu'ils appelaient valse. Mais elle avait beau chercher, elle ne trouvait aucun intérêt à tourner en rond au bras d'un partenaire inconnu. Tenir une conversation était de toute façon exclu,concentrée comme elle l'aurait été afin de ne pas s'emmêler dans ses jupes. Ça ne l'aiderait sûrement pas à faire des rencontres. Par dessus tout, elle n'était pas ce soir-là en mesure de retenir quoi que ce soit de ce qu'on lui dirait. Elle avait été saisie d'un mal de crâne atroce, ce qui ne lui avait laissé qu'une option; attendre que les heures passent, debout dans un coin.
Elle avait bien tenté de commencer une conversation avec un noble à proximité, lorsque les maux de tête avaient semblé s'estomper, mais l'homme, à peu près aussi lassé qu'elle, lui avait paru peu enclin à discuter. Et pour mieux l'enfoncer, la migraine était revenue de plus belle, depuis une vingtaine de minutes. Soudainement, comme prise sous une chape de plomb, elle avait vacillé et s'était brièvement adossée au mur le long duquel elle attendait que les heures passent. Ce que celle qui lui servait de tutrice n'avait pas manqué de lui reprocher, un air pincé sur son visage trop poudré. "Ca devient intenable," songea-t-elle, lorsqu'une bouffée d'air lui remonta au visage, mêlée d'un arôme de parfum rance. Elle n'arrivait plus à respirer calmement. Elle se redressa brusquement, décidée à atteindre la porte qui lui faisait face. Titubant légèrement, elle ignora les chuchotis aigus de sa compagne qui tentait tant bien que mal de la faire revenir auprès d'elle sans attirer l'attention, et atteignait le milieu du parcours quand une douleur lancinante lui transperça la poitrine. Elle tenta un pas de trop: figée en plein mouvement, elle s'écroula, secouée de spasmes. Lorsqu'un garde, alerté par l'attroupement des danseurs autour d'elle, accourut à son chevet, il put seulement l'entendre murmurer un faible "Père... C'est pour ça... C'est idiot." puis elle sombra dans les rêves délirants d'une fièvre écrasante.
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