La mort au coeur


Il leur faisait face. Les six filles échangèrent un regard. Elles n'avaient plus aucune chance de s'en sortir. Chacune observait Sandra attendant son signal pour se donner la mort. Tout plutôt que d'être vaincue, assassinée, torturée ou de donner à Aryar la satisfaction de voir qu'elles avaient échouées.

Mais avant que le signal ne fut donner un homme entra, élancé, blond, une arme à la main et un sourire qu'elles connaissaient plus que le leur.

— Tyrcho ! s'écria Lucrezia.

Il lui fit un clin d'œil avant de pointer son arme vers la créature et tirer mais elle para et lui fonça dessus. Lucrezia hurla de terreur. Sandra elle, profita de son attention détournée pour faire un signe aux autres. Ensembles elles se saisirent de leurs armes et les lancèrent sur la bête qui se recula en grognant, presque morte. Guiseppina lui sauta alors dessus avec son épée et lui trancha la tête.

— Finalement ce n'était pas si compliqué ! nota-t-elle.

Mais les autres regardaient Tyrcho, au sol, un trou béant dans le ventre et Lucrezia penchée sur lui. Elles les rejoignirent discrètement.

— Pourquoi est-ce que tu es venu ! protesta leur amie.

— Je n'allais pas te laisser mourir !

Eliza s'était mise à genou, examinant sa plaie et répondit par une grimace. Ce n'était pas bon signe.

— Tu nous as sauvées la vie, déclara Naomi en lui serrant la main.

— On peut faire quelque chose ? supplia Lucrezia.

— Non, répondit Sandra désolé, en posant la main sur l'épaule de son amie.

— Aryar va venir, ne t'en fais pas ! la rassura Azzurra.

Mais toute échangèrent un regard par-dessus son épaule. A chaque fois qu'elles les avaient espérées ils les avaient abandonnés.

— Ne t'en fais pas mon amour. Ça ne m'a pas l'air si grave ! affirma difficilement Tyrcho en lui caressant la joue.

A fleur de peau visiblement, elle déposa un baiser sur ses doigts. Elle semblait au bord des larmes.

— Si jamais c'est le cas sache que...

— Lucrezia tu ne vas pas me dire adieu parce que je ne vais pas mourir. Raconte-moi plutôt quelle merveilleuse vie on aura dans quelques années.

— Mais...

— S'il te plait.

Ses yeux avaient du mal à rester ouvert, il gémissait de douleurs.

AlorsLucrezia parla, racontant qu'elle le rejoindrait dans son palais, qu'elle apprendrait plus intensément encore les coutumes et la langue de son pays et qu'elle l'épouserait le lendemain même de ses dix-huit ans. Qu'alors ils vivraient heureux pour toujours, feraient de beaux et turbulents enfants qui seraient aussi insupportables et charmants que lui, qu'ils redresseraient le pays main dans la main. Et pendant qu'elle racontait lui semblait peu à peu perdre conscience. Les autres attendaient, encore et encore, qu'Aryar vienne.

Quand Lucrezia n'avait plus rien à redire il trouvait la force de la relancer. Et comme toute amoureuse, elle pouvait parler pendant des heures de sujets, qui pour les autres ne méritaient pas deux secondes de paroles, du moment qu'ils étaient liés à l'être aimé.

Elles attendaient en sa compagnie depuis un long moment, le voyant mourir à petit feu quand enfin des pacificateurs arrivèrent.

— Ce n'est pas trop tôt ! râla Guiseppina.

— On a un blessé grave ! expliqua Naomi.

Et ils rentrèrent en vaisseau à Aryar . Elles accompagnèrent Tyrcho jusqu'aux portes de l'infirmerie où les attendaient le premier pacificateurs.

— Restez ici ! On s'occupe de lui ! leur conseilla-t-il. Là-bas vous ne ferez que gêner les soignants.

— Est-ce que je peux au moins lui dire un mot ? insista Lucrezia.

— Je vais voir ça.

Avec angoisse, les six amies s'installèrent. Pensant à leur première rencontre avec lui, à toute l'aide qu'il leur avait apporté, au garçon merveilleux qu'il était. Le premier pacificateur revint et elles levèrent la tête pleine d'espoir.

— Il a demandé Sandra !

Lucrezia la fusilla du regard, la jeune fille elle-même était surprise mais entra dans l'infirmerie.Il était allongé, torse nu, et pourtant trempé de sueur. Elle se demandait s'il ne délirait pas pour en venir à l'appeler elle ?

— Je peux t'aider ?

— Sandra. Veille sur elles s'il te plait. Soit forte pour Lucrezia et les autres parce que... S'il te plait. Elles vont avoir besoin de soutien.

— Et moi ? Tu crois que ça ne me fais rien ?

— Si. Mais tu comprends non ? Tu comprends que je ne regrette rien. Que j'ai fait ce que je devais faire. Vous avez sauvé mon royaume, vous m'avez offert une vie digne de ce nom. Et si je dois mourir, je suis heureux que ce soit en vous sauvant, en sauvant la femme que j'aime. Elles vont avoir besoin de quelqu'un. Et tu es leur chef.

Elle serra sa main avec douceur.

— Accroche-toi s'il te plait !

— Je fais de mon mieux.

Sandra le laissa sur ce mots, jeta un regard au premier pacificateur debout au niveau des portes derrières lesquels se trouvait ses amies, cherchant dans son regard qu'il allait survivre, qu'avec leur magie et leur technologie plus avancée il saurait le sauver, mais il semblait désolé.

— Il a perdu beaucoup trop de sang. Je doute qu'il survive.

— C'est de votre faute. On vous a attendu. On ne pouvait pas faire de magie ou appeler la clef ! hurla Sandra en pleurant. Encore une fois vous avez trop tardé.

— Je suis désolé Sandra, si j'avais su... Je n'étais même pas là.

Elle ne voulait pas entendre ses excuses et rejoignit ses amies, avec qui elle attendit dans l'angoisse. Les docteurs eux tentèrent de sauver le blessé, mais il déclinait trop vite.

— Si on tente quoi que ce soit de trop fort ça le tuera ! finit par expliquer le médecin chef au pacificateur. Et si on attend il mourra de toute façon.

— Réveillez-le ! Il prendra la décision lui-même.

On lui obéit. Le jeune homme qui posa ses yeux sur lui était vraiment pâle.

— C'est la fin ? demanda-t-il.

— Oui. On ne peut rien faire. On peut tenter mais ça vous tuera ou vous pouvez mourir comme ça.

— Dites à ma mère et mes sœurs que je devais le faire. Qu'elles ne doivent pas blâmer les anges, vous ou même Lucrezia. Qu'elles me manqueront beaucoup et que j'aurais aimé qu'on ait plus de temps ensemble ?

— Oui bien sûr.

— Et dites-leur que le royaume doit passer avant tout.

— Ce sera répété.

— Parfait. Amenez-moi Naomi !

— Naomi ?

— Oui. S'il vous plait.

Le premier pacificateur regagna ses protectrices aux yeux brillants d'espoir.

— Naomi il veut vous voir !

Lucrezia semblait tellement dépitée, mais Naomi elle le suivit sans trop de surprise et s'assit au chevet du mourant.

— Comment elle va ? demanda-t-il.

— Elle est très inquiète. Et elle se demande quand est-ce que tu l'appelleras.

— Je ne veux pas emporter avec moi l'image de Lucrezia en train de pleurer. Je veux me souvenir d'elle heureuse. Tu comprends non ?

— Elle veut te dire adieu.

— Tu n'es pas là pour discuter de ça. Je vais mourir.

Naomi sentit sa gorge se serrer.

— Lucrezia va se retrouver seule, avec la culpabilité. Promets-moi de toujours veiller sur elle et de tout faire pour la rendre heureuse. Tu es sa meilleure amie. Alors fais ce qu'il faut. Et s'il te plait, le jour où elle sera prête à l'entendre, explique-lui pourquoi je ne l'ai pas appelé à mes côtés, dis-lui que je l'aime, que je l'aime tellement que j'ai donné ma vie pour elle et que mon seul regret c'est de ne pas avoir tenu ma promesse, de ne pas lui offrir le bonheur qu'elle mérite.

— D'accord. Tu veux que je reste ?

— Non. Je... Le premier pacificateur restera avec moi.

Elle l'embrassa sur le front et le laissa. Il mourut moins d'une heure plus tard. Le premier pacificateur avança le pas lourd vers ses protectrices leur annoncer la nouvelle. Dès qu'elles l'aperçurent elles comprirent sans qu'il dise un mot.

— On a fait ce qu'on a pu...

Lucrezia ne l'écouta même pas et courut à l'intérieur, courut contempler celui qu'elle aimait une dernière fois. Ses amies la suivirent et se placèrent tout autour du lit où il reposait. Lucrezia serrait sa main dans la sienne, le fixant le regard vide.

— Je n'arrive pas à y croire ! glissa Eliza.

— Il était là depuis le début ! ajouta Guiseppina.

— C'était notre première mission en solo, se souvint Azzurra. Tout était tellement simple alors. Tout semblait toujours plus simple avec lui.

Lucrezia elle ne bougeait pas, ne pipait mot. Naomi tenta de poser une main réconfortante sur elle mais elle se dégagea et demanda :

— Laissez-moi seule avec lui !

Elles obéirent. Chacune le toucha une dernière fois en lui offrant un mot d'adieux.

— Merci vieux ! souffla Guiseppina.

— Merci pour tout ! ajouta Eliza.

— C'était merveilleux de te connaitre ! déclara Azzurra.

— Si tout le monde pouvait être comme toi ! soupira Sandra.

— Repose en paix ! acheva Naomi en emportant tout le monde à l'extérieur.

Une fois seule, Lucrezia s'assis sur le lit et caressa le visage de son aimé.

— S'il te plait reviens ! Tu ne peux pas me laisser toute seule, supplia-t-elle.

Mais il était mort pour toujours, la réalité de ce fait frappa l'adolescente brutalement qui s'allongea sur sa poitrine désormais silencieuse et pleura, pleura jusqu'à que ses larmes se tarissent. Puis penché vers son visage elle lui murmura :

— Je ne t'oublierais jamais !

Et elle déposa un baiser sur ses lèvres qui plus jamais ne l'embrasserait, avant de se lever et de rejoindre une vie privé de ce qui en faisait tout son charme.

Ses amies l'attendaient à l'extérieur, inquiètes visiblement. Il y avait de quoi, elle était détruite, morte à l'intérieur elle aussi.

— Allez ! Il faut rentrer ! ordonna Sandra.

Rentrer. Dans un endroit qui était sa maison, mais où elle ne serait jamais aussi bien qu'en sa présence, que dans ses bras. Rentrer et le laisser seul ici.

— Non !

— Sa famille sera là d'une minute à l'autre ! déclara le Divin Phœbus. D'ici là nos Divines veilleront sur lui.

Six regards furibonds accueillirent sa déclaration et sa présence. Il avait encore lu leurs pensées.

— C'est un grand honneur ! précisa-t-il.

— Ça doit vous faire bien mal de le lui accorder ! gronda Guiseppina.

— En vous sauvant il a sauvé Aryar je suppose. Ce n'est donc pas démérité.

— Venez ! s'interposa Naomi en sentant que ses amies s'apprêtaient à déverser sur lui toute leur rage. Il ne mérite pas notre attention.

Elle raccompagna Lucrezia jusque chez elle. Et avec ses amies elles se relayèrent à ses côtés. Elle semblait si perdue, si vide. Passant des heures entières le regard perdu à l'horizon. Le jour de la cérémonie mortuaire arriva. Ce jour-là Lucrezia fit un effort et s'arrangea pour être la plus belle possible. Parce qu'il en était digne.

Avec ses amies elles rejoignirent Siphalon. Dathica, la sœur cadette du défunt les accueillit chacune par une étreinte et les amena à la réception où Mercialle, sa sœur, qui héritait du trône invita tout le monde à manger une dernière bouchée en hommage à son frère avant la crémation. Tous s'appliquèrent à le faire et on la suivit dans les splendides jardins, où se trouvait un immense tas de bois sur lequel reposait le corps. Lucrezia pâlit à sa vue et s'accrocha au bras de Naomi. Ces derniers jours lui avaient semblés si irréels. Elle voulait croire que ce n'était qu'un mauvais rêve mais là, cela devenait bien trop vrai.

Le prêtre recommanda à leurs dieux le prince Tudigath, héros national, fils et frère dévoué. Lucrezia elle recommanda à son Dieu un garçon qu'elle avait toujours appeléTyrcho, insolent, fier mais qui avait toujours le sourire et était d'une grande bonté, qui n'avait pas eu la chance de vivre aux côtés de sa mère qui le pleurait à gros sanglots et avait passés le peu d'années à ses côtés à se méfier de cette femme et se disputer avec elle sur l'avenir du royaume et le sien, qui avait à peine connu sa plus jeune sœur Dathica, et n'avait jamais pu passer du temps avec elle et dont la grande sœur Mercialle avait été la meilleure alliée à l'époque où ils vivaient caché mais dont les années l'avait fait s'éloigner.

On alluma le bois, le feu s'éleva, faisant craquer le bois et Lucrezia s'effondra en sanglot. Tyrcho était mort, il ne reviendrait jamais, plus jamais il ne surgirait plus par surprise dans sa chambre, plus jamais il ne lui ferait son sourire amusé, plus jamais il ne laisserait derrière lui un cadeau à son attention, plus jamais personne ne la regarderait comme lui, plus jamais personne ne l'aimerait comme lui, plus jamais personne ne voudrait prendre soin d'elle comme lui. Avec lui partait en fumée son avenir, son cœur, son bonheur et les plus beaux instants de sa vie. Qu'est-ce que valaient à côté de ça les mots qui se voulaient consolateur de ses amis ? Rien. Elle avançait désormais seule et malheureuse sur le chemin de la vie. Sur un chemin qui ne déboucherait sur rien de mieux que ce qu'elle avait pu vivre.

Elle aurait mille fois préférée être morte.


Ecrit pour mon calendrier de l'avent 2017

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