L'exercice
Délaissant ses élèves plus âgés, Gandhari rejoignit les deux plus jeunes, qui se chamaillaient encore. La jeune elfe aurait donné n'importe quoi pour rebrousser chemin mais Phœbus accourut vers elle en lui tendant son bras laiteux sur lequel des marques de dents venaient d'apparaître :
— Rhiannon m'a mordue ! Je vais devenir un lycan maintenant !
— D'où sortez-vous une telle bêtise ? Pour devenir un lycanthrope il faut être mordu par l'un d'entre eux.
— Rhiannon en est forcément une, maman dit toujours que c'est qu'une sauvage !
— N'importe quoi les lycans ils ont des poils et moi j'en ai pas ! répondit la petite
— C'est parce qu'ils poussent que quand on est grand ! Je le sais parce que Minie elle dit toujours que...
— Ca suffit d'accord ! Rihannon n'est pas une lycanthrope. Néanmoins jeune fille si je vous reprends à mordre quelqu'un vous passerez un sale moment. Alors maintenant un peu de sérieux vous êtes là pour apprendre la magie.
Si Phœbus se redressa et prit un visage sérieux, Rhiannon observa les autres puis la fenêtre en mâchouillant ses cheveux noirs de jais. Gandhari maudit la mission qu'on lui avait refilée. Elle aimait peu les enfants et ces deux-là étaient de beaux diables et surtout aucun n'était un elfe, elle n'aurait jamais dû avoir à s'en charger. Mais, né le même jour, alors qu'aucun n'était attendu ce jour-là, fait extrêmement rare chez les Divins, qui s'estimaient déjà très chanceux de voir deux naissances au cours d'une année, il avait donc était décidé de les élever ensemble. Rhiannon étant une ange et Phœbus un immortel on avait alors choisi une elfe qui ne devrait pas privilégier l'un ou l'autre. Ou si elle le ferait cela ne pouvait qu'être pour Rhiannon, or privilégier une fille plutôt qu'un garçon n'était pas en soit inhabituel. Il n'y a encore pas si longtemps les Divines faisaient tuer leurs enfants quand on leur annonçait qu'ils étaient de sexe masculin ou on les envoyait loin d'Aryar.
Elle claqua son bâton contre sa botte pour attirer l'attention de la petite et en profita pour prendre la parole :
– Vous voyez cette porte derrière moi ? demanda l'elfe.
Les deux petits observèrent ce dont elle parlait
— Aujourd'hui je veux juste que vous la déverrouillez.
— La quoi ?
— Ouvrez-la !
— Pourquoi ne pas nous le montrer Gandhari ? demanda Phœbus avec un sourire malicieux.
Elle savait qu'il lirait alors dans son esprit la solution.
— Hors de question. Sa Grandeur peut bien se servir un peu de sa tête je pense ?
— C'est parce que vous savez pas le faire que vous refusez!
Cet enfant était un diable sous ses airs de chérubins. Et elle ne pouvait rien faire. Il avait beau être assez obéissant, il suivait souvent Rhiannon dans ses bêtises, aimait grimper partout, et surtout voulait toujours courir chez sa mère, dès qu'il réussissait un exercice. Et pire si Gandhari osait hausser la voix sur lui, il la toisait avec un mépris qui sied bien mal à un enfant de trois ans et lui rétorquait qu'il était un Divin, qu'elle n'avait aucun droit de lui dire quoi que ce soit ! Ce genre de choses faisait toujours rire les Divines qui pardonnait tout à ce petit amour aux boucles blondes et au visage joufflu, qui suivait partout sa mère la Divine Vénus. La jeune elfe aurait bien compté sur l'appui de cette dernière qui était toujours assez sévère avec son plus jeune enfant mais elle aussi elle trouvait cela très amusant, tout comme ses tricheries, qu'elle encourageait même, trouvant que c'était une excellente manière de se comporter pour un Divin, surtout quand celui-ci n'était qu'un garçon.
— Faites ! Il vous faut apprendre !
Le garçon se concentra sur la porte. Rhiannon qui refusait d'être encore une fois dépassée par un garçon, quand on était une fille c'était inacceptable d'après sa mère, s'approcha de la porte. D'habitude ces dernières s'ouvraient toujours devant elle. Parfois sa prêtresse passait sa main sur un rectangle à gauche de la porte pour ça. Voyant que la porte en avait un, mais trop haut pour elle, la petite voleta grâce à ses ailes blanches et douces comme celle d'un cygne jusqu'au rectangle en tendant la main. Mais avant qu'elle puisse le toucher un grand coup de bâton s'abattit sur ses doigts et elle tomba déséquilibrée.
Elle leva un visage blessé vers Gandhari. Elle avait mal, elle voulait pleurer. Mais elle n'avait pas le droit. Une fille bien ne pleurait jamais en public, ne montrait pas ce qu'elle ressentait. Et si elle osait verser une larme ou juste gémir elle savait qu'on la corrigerait en la battant avec la baguette en bois. Et sa mère viendrait la voir lui disant qu'elle l'avait grandement déçue, comme toujours. Alors Rhiannon étouffa les sanglots qu'elle voulait lâcher derrière ses dents bien scellées, et ferma les yeux très forts pour ne pas pleurer.
— Un Divin et encore moins une Divine n'a pas à ouvrir une porte avec ses doigts ! réprimanda la préceptrice.
Il y avait beaucoup trop de choses qu'un Divin et encore moins une Divine n'avait pas le droit de faire au goût de la petite mais elle repartit vers Phœbus, qui observait la porte en mordillant le bout de l'index de son gant de cuir. Il lui glissa un petit sourire, sans doute pour l'encourager mais elle le poussa de colère, lui il restait toujours sage, c'était absolument injuste.
Rhiannon qui était malgré leur âge semblable plus grande et plus costaude que le frêle chérubin le fit chuter sur le sol. Il appela alors Gandhari à grands cris, demanda à voir maman, l'elfe le lui refusa mais abattit un nouveau coup à Rhiannon cette fois sur sa joue qui se marqua de rouge là où le bâton était tombé.
La préceptrice les maudit tous les deux et surtout cette sauvage de Rhiannon. Ses cheveux noirs comme la nuit étaient sans cesse décoiffées, ses robes constamment sales et ses mains toujours nues. Elle était dissipée, sautait, volait, courrait partout, tout le temps, n'écoutait jamais les explications préférant rire, faire des grimaces ou jouer avec ce qui lui tombait sur la main. Elle se traînait par terre, soulevait sa robe en public, criait pour un rien et pouvait griffer et frapper les autres enfants.
Phœbus calmé, il mit un point d'honneur à ouvrir la porte avant Rhiannon pour se venger. Cela ne lui prit que quelques minutes. Gandhari lui fit répéter plusieurs fois l'exercice, s'assurant qu'il l'avait assimilé.
— Je peux aller chez maman ? supplia-t-il après qu'il eut ouvert la porte une dixième fois.
Gandhari jeta un regard à Rhiannon qui s'amusait à écrire avec sa langue sur un des carreaux. L'elfe allait faire une attaque, et si la mère de la petite, la Divine Rosmerta en entendait parler, elle était bonne pour se faire tuer.
— Rhiannon ! hurla-t-elle. Arrêtez-ça tout de suite !
La petite lui tira une langue rose et vola loin d'elle.
— Va rejoindre maman ! concéda-t-elle à Phœbus.
Puis elle tendit la main vers la petite, qui fut immédiatement attirée par elle. Rhiannon ne pouvait rien encore contre sa magie. Et elle prit un nouveau coup de bâton.
— La porte ! rappela la préceptrice.
— Où est Phœbus ?
— Il a réussi lui, alors je l'ai laissé rentrer. Vous devriez avoir honte ! Un garçon est plus fort que vous !
La petite baissa la tête et fixa ensuite la porte d'un regard noir.
Malheureusement, Rhiannon se dissipa encore et encore et ne parvint pas à ouvrir la porte. Gandhari finit par lui dire de rentrer, qu'elle reprendrait l'exercice demain, mais il était encore assez tôt et Rhiannon ne rentra pas. Phœbus avait peut-être une mère très sévère mais elle le laissait l'accompagner partout, il avait un papa qui jouait avec lui et une grande sœur qui adorait s'occuper de lui et lui offrait plein de cadeau. Rhiannon elle n'avait le droit de voir sa mère que quand cette dernière la convoquait, son père l'ignorait tout autant, et ses six grands frères et sœurs passaient leur temps à voler ses affaires et se battre avec elle. Alors la petite fille ne voulait pas rentrer tout de suite. Et puis maman et papa la gronderait parce qu'elle avait échoué. Mais trop dissipée, elle ne parvint pas à ouvrir cette porte et le moment de rentrer arriva.
On l'envoya au lit le ventre vide en punition et sa mère passa lui hurler qu'elle ne lui apportait que déceptions et honte, qu'elle aurait encore préféré avoir un garçon comme Phœbus qu'une fille comme elle.
— Eh bien moi j'aurais préférée avoir une maman comme Vénus que comme toi !
Une douleur vrilla sa tête. Sa mère venait de la punir de ses paroles.
— Eh bien puisque c'est comme ça je vais verrouiller cette porte, si vous voulez sortir il va falloir apprendre à faire ce que votre préceptrice vous a enseigné.
La petite sanglota dans son oreiller. Personne ne la voyait, elle pouvait donc se le permettre.
Quand ses larmes furent séchées elle observa sa porte. Tout ça c'était la faute de ce stupide exercice ! Et puis il ne servait à rien les portes s'ouvraient toutes seules ! De rage elle vit voler sa peluche en forme d'hippocampe puis s'approcha de la porte. Elle toucha cette dernière. Rien ne se passa. Elle toucha le rectangle sur le côté.
« Non autorisé » fit une voix masculine.
Elle tapa du point dessus, se rua sur la porte donna des coups de pied, et brusquement elle bascula à l'extérieur de la pièce. La porte s'était ouverte, avait été aspiré comme toujours vers le haut. La petite Rhiannon pleine de joie dansa, passa grignoter un morceau au salon et se précipita dans le bureau de sa mère, où celle-ci était installée.
— Rhiannon je ne vous ai pas fait appeler ! gronda cette dernière. Sortez d'ici tout de suite !
— J'ai ouvert la porte mère !
— Cela ne doit pas vous empêcher de vous comporter convenablement. Alors dehors si vous ne voulez pas que je vous corrige !
Rhiannon, pour une fois, se laissa aller au chagrin d'être rejetée par sa mère et elle rejoignit sa chambre, joua avec ses peluches jusqu'à ce que son père, le visage sévère l'y retrouve.
— Père j'ai ouvert la porte ! déclara la petite avec fierté.
— Je sais. C'est pour cela que je suis ici. Comment avez-vous fait ?
— J'ai frappé la porte et pouf elle a disparu.
— Pouf ? Je ne veux plus jamais entendre un mot de ce genre dans votre bouche ! Et sachez que ce n'est pas ça qui vous a fait ouvrir la porte jeune fille. Vous ne serez même pas capable de le refaire !
Secouant la tête il repartit. L'enthousiasme de l'enfant s'était enfui aussi rapidement qu'il était venu. Elle n'y arriverait donc jamais ! Voulant leur prouver que si, elle fixa son attention tout entière sur la porte, songeant juste à quel point elle voulait qu'elle s'ouvre. Elle y porta pour la première fois toute son attention pendant de longues minutes, ne se concentra que sur un objectif : que cette porte s'ouvre.
La petite sonnerie se fit entendre et la porte s'ouvrit.
Alors c'était tout se concentrer et le vouloir ? Elle se leva furieuse chez son père. Elle avait le droit de le déranger lui. Il discutait avec Damoiselle Mirina, une jolie fée amie de sa sœur aînée et Epona cette dernière, le tout dans une bonne humeur palpable. Ils la dévisagèrent tous surpris de son entrée.
— Il suffit de se concentrer et de le vouloir ?
— Quand on a votre puissance c'est le cas. Ce que vous auriez découvert bien plutôt si vous aviez juste fait l'effort de vous concentrer jeune fille.
La petite baissa la tête honteuse, parce que son père disait vrai. Mais au moins elle avait enfin résolut ce problème de porte. Et elle reprit le chemin de sa chambre en sautillant.
Texte publié à l'origine dans mon randbook : C'est ici qu'on parle de moi le 14/03/17 suite au tag de Mixieblue qui consistait en l'écriture d'un texte sur le thème "porte".
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