La soirée

22 décembre 1999

Louis soupira longuement en lâchant la feuille qu'il essayait de lire depuis dix minutes sans y parvenir. Son dossier lui donnait du fil à retordre, il était dessus depuis plusieurs heures déjà et il n'en voyait pas le bout. Il jeta un coup d'œil à l'horloge de son bureau et constata que midi venait tout juste d'être passé. Il ferait mieux d'aller manger pour s'aérer l'esprit et reprendre son travail à tête reposée... Il allait se lever quand la porte de son office s'ouvrit à la volée sur un asiatique enjoué, deux sacs de boulangerie dans les bras. L'avocat leva un sourcil en le regardant entrer dans la pièce et poser les sachets sur le bureau.

- Bonjour, Éric, je peux savoir ce que tu fais là ?

- J'avais du temps pour manger ce midi, alors je suis allé prendre des sandwichs près de la clinique avant de venir ici. Tu n'as pas mangé, n'est-ce pas ?

- Non, pas encore. Merci...

- Pas de quoi ! Tiens, c'est pour toi, lui indiqua Éric en poussant un des sacs vers lui.

Le roux prit le sandwich poulet-crudités à l'intérieur en détaillant son meilleur ami. Ce dernier semblait enjoué, comme d'habitude, mais cela faisait plus de deux mois qu'il le regardait attentivement dès qu'ils se voyaient. Et il remarqua bien que quelque chose clochait, ses prunelles noires ne brillaient pas. Est-ce que c'était parce qu'il était près de lui ? Il croqua dans le sandwich pour cacher son soupir. Il culpabilisait de lui faire du mal...

- J'ai un service à te demander, Louis.

- Quoi ?

- Tu te souviens du médecin dont je t'avais parlé ? Celui qui me tournait autour ?

- Oui, je me souviens, confirma Louis.

Il dut se faire violence pour ne pas grogner. Son cœur s'était serré et il avait l'impression de suffoquer. Il attendait impatiemment la suite et en même temps il n'avait pas envie de l'entendre. Il tenta de rester aussi neutre que d'habitude. Mais il ne savait pas que ses yeux avaient pris cette teinte orageuse qui trahissait sa colère et sa jalousie. Et que cette teinte donnait milles et uns frissons au coréen assis en face de lui.

- J'ai couché avec lui, annonça-t-il presque craintivement, mais il ne veut plus me lâcher maintenant...

- Et donc, demanda sèchement l'avocat.

- Demain soir, il y a une petite soirée avec le personnel soignant à la clinique pour Noël. J'aurais besoin que tu m'accompagnes je t'en prie !

- T'accompagner... ?

- Oui, on peut inviter des gens... et si je viens seul il va rester accroché à moi. Pitié, Louis, aide-moi...

- Je te dirais bien d'assumer tes conneries, mais tu restes quand même mon meilleur ami. Aaron est en vacances chez ses grands-parents, de toute manière, donc je suis libre.

- Tu me sauves, s'exclama Éric.

Louis sourit légèrement et le regarda manger son sandwich. Ses iris noires s'étaient mises à briller de joie. Cette simple vue suffit à agrandir son sourire. Il le trouvait beau, encore plus quand il était heureux et qu'il était la cause de ce bonheur. Il essayait d'enfouir au fond de son cœur ce sentiment de jalousie qui s'était emparé de lui quand Éric lui avait avoué avoir eu une aventure avec le médecin. Il ne pouvait pas se permettre d'empêcher son ami de trouver du réconfort dans les bras d'un homme. Et puis, ce serait égoïste. Éric ne devait pas être une roue de secours, il ne devait pas jouer avec ses sentiments et lui faire encore plus de mal simplement parce qu'il se sentait seul, non ? S'il avait un peu mieux compris les sentiments humains et surtout les siens, il aurait su que cette jalousie et cette envie de protéger son meilleur ami envers et contre tout était de l'amour... Mais ce n'était malheureusement pas le cas et il s'appliquait donc à masquer ses émotions.

- Tu passes me chercher chez moi ?

- De quoi, demanda le roux en retenant un sursaut alors qu'il avait brusquement été tiré de ses pensées.

- Pour demain soir, Louis... À quoi tu pensais ?

- À rien d'intéressant. Oui, je passerais te chercher.

- D'accord, Éric termina son sandwich et se leva, alors à demain soir, dix-neuf heures !

- Je serais là, c'est promis. À demain...

L'asiatique le salua d'un signe de la main et sorti de son bureau. Il ne remarqua pas ses joues rougies par le bonheur de cette promesse. Par contre, sans qu'il ne comprenne trop pourquoi, son regard acier dériva sur les hanches de son meilleur ami, qui roulaient harmonieusement. Elles étaient étroites et amenaient vers de jolies fesses rondes. Il déglutit légèrement et détourna rapidement le regard. La feuille de dossier qui traînait par là lui servit à cacher ses joues pâles couvertes de tâches de rousseur qui le chauffaient. Il soupira de soulagement en entendant la porte se fermer derrière le chirurgien. Et pria de toutes ses forces pour que ce dernier n'ait rien remarqué.

~~~

23 décembre 1999

Éric ferma les derniers boutons de sa chemise noire et s'observa dans le miroir. Il ramena ses cheveux vers l'arrière à l'aide d'un peu de cire, arrangeant comme il le pouvait les mèches noires un trop rebelles. Un sourire étira ses lèvres. Avant de s'effacer en seulement quelques secondes.

Que s'imaginait-il, en mettant un pantalon qui serrait ses fesses et une chemise qui mettait en valeur la finesse de ses muscles ? Que Louis le regarderait ? Il fallait qu'il arrête de trop rêver, ça n'arriverait jamais. Son ami n'était pas intéressé par les hommes et encore moins par lui. Mais même en sachant cela, il ne pouvait pas s'empêcher de rêver qu'il était dans son lit la nuit. Qu'il caressait ses cheveux pour le rassurer quand il faisait des cauchemars. Parfois, il s'imaginait même qu'ils étaient en train de faire l'amour. C'était seulement de beaux songes qui faisaient un peu plus saigner son cœur à chaque fois qu'il y pensait...

La sonnerie de son interphone le fit sursauter en le sortant brusquement de ses pensées. Il se précipita dans la petite pièce à vivre de son appartement pour décrocher le téléphone.

- Je suis en bas et tu es en retard, lui expliqua la voix calme de son meilleur ami.

- Désolé, Louis, je mets mes chaussures et j'arrive !

- Pense à prendre une écharpe, il commence à faire vraiment froid.

- Oui, oui !

Il raccrocha et s'empressa d'enfiler ses chaussures. Il attrapa un manteau long en laine beige et une écharpe de la même matière noire. Il ferma sa porte derrière lui et descendit en courant dans les escaliers. Quand il arriva à la porte de son immeuble, il vit Louis appuyé contre le mur sous le auvent. Il attendait patiemment, les mains dans les poches de sa veste noire. Une écharpe blanche était enroulée autour de son cou et il avait enfoui son visage dedans pour ne pas avoir froid. Mais ses oreilles rougies le trahissait. L'asiatique sortit de son bâtiment en enfilant tant bien que mal ses gants et, comme son ami ne semblait pas l'avoir remarqué, il posa ses mains sur ses oreilles.

- Désolé de t'avoir fait attendre dans le froid.

- Ce... Ce n'est rien, lui répondit le roux en tentant de cacher le trouble que ce simple geste avait provoqué en lui.

Des papillons s'étaient envolés au creux de son ventre et ses jambes lui avaient soudain paru molles. Juste à cause de ces mains gantées posées sur ses oreilles. Ce geste avait aussi eu pour effet de les rapprocher. Désormais, ses yeux gris étaient plongés dans ceux noirs de son meilleur ami et les nuages créés par leur souffle chaud se mélangeaient. Il se rendit compte que ses lèvres étaient proches, trop proches, de celles de l'asiatique. Il détailla ces dernières. Elles étaient légèrement rosées, fines, avec un bel arc de cupidon... Elles étaient parfaites, tout simplement, et lui donnaient envie de l'embrasser jusqu'à ne plus avoir de souffle. Il se dégagea avant de céder à ce désir qui lui brûlait l'estomac et commença à marcher vers sa voiture.

Éric mit quelques secondes à réagir et à la rattraper en trottinant. Le moment avait été surréaliste, mieux que tout ce qu'il avait rêvé pouvoir obtenir un jour. Les yeux de Louis dans les siens puis sur ses lèvres. Tout cela avait été si étrange. Ce qui n'avait été que quelques secondes lui avait paru être une éternité. Et il était presque déçu que cela se termine... Mais il se doutait bien que cela n'avait pas été voulu. Juste un instant fugace qu'il avait pu voler au hasard pour apaiser les souffrances de son cœur.

Moins de vingt minutes plus tard, ils se tenaient devant la clinique. Louis ne pouvait pas s'empêcher de le regarder discrètement. Il était magnifique avec ses cheveux noirs rabattus en arrière, ses yeux en amande qui brillaient légèrement et ses lèvres fines. Ses joues et le bout de son nez était à peine rougis par le froid, sa peau mate atténuant la couleur. Il soupira discrètement et détourna le regard. Il allait vraiment devoir arrêter de le fixer aussi longtemps. Pour cacher sa gêne, il demanda :

- Tes collègues savent que tu es gay ?

- Oui et non, je ne le cache pas mais je ne suis pas du genre à le crier sur tous les toits non plus...

Louis hocha la tête et laissa le chirurgien le traîner vers une salle de réunion. Cette dernière avait été réorganisée et habillée par des guirlandes aux couleurs criardes. Un faux-sapin trônait dans un coin de la pièce, recouvert par une tonne de décorations de Noël. Un buffet était dressé juste à côté et de nombreuses personnes étaient déjà réunies autour de ce dernier.

- Même mon fils a plus de goût en matière de décoration, glissa le roux à l'oreille de son meilleur ami en retirant son écharpe et son manteau.

Éric pouffa en l'imitant. Effectivement, même si Aaron avait tendance à mettre toutes les décorations à sa disposition un peu partout dans la maison, cette dernière était bien mieux arrangée que la salle de réunion. Un sourire naquit sur ses lèvres quand il repensa au jour où Louis lui avait ouvert la porte avec un visage à faire peur parce que son garçon avait décidé de faire le sapin et en avait semé partout derrière lui. Il chuchota :

- Le meilleur à Noël, ce sont les cadeaux.

- Tu ne changeras jamais... Accro aux cadeaux.

- C'est une insulte originale. Je l'aime bien, rigola l'asiatique en prenant leurs affaires pour les poser sur un porte-manteau.

L'avocat leva les yeux aux ciels en souriant. C'est à ce moment qu'il vit un homme avancer vers eux. Il avait les cheveux poivre-sel et des yeux azur qui auraient pu être hypnotisants si le regard qu'il lui lançait n'était pas aussi glacial. Louis fronça les sourcils et se fit une joie de lui rendre son regard. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour comprendre qu'il s'agissait du fameux médecin. Et la jalousie avait recommencé à consumer son cœur. L'homme fit la bise à Éric qui le présenta :

- Louis est mon meilleur ami. Louis je te présente Yves, le neurochirurgien de la clinique.

- Enchanté, monsieur, le salua froidement le-dit Yves.

- De même.

Il n'aimait définitivement pas ce type. Il y avait quelque chose de mauvais au fond de ses prunelles. Il devinait son arrogance à des kilomètres. Et aussi sa jalousie. Il comprenait pourquoi il mettait son ami dans l'embarras, il devait considéré qu'il l'avait acquis au moment où ils avaient couché ensemble. Il retint un grognement au fond de sa gorge. Pourquoi avaient-ils baisé d'ailleurs ? À part ses yeux bleus, Yves n'avait aucun charme. Il tentait de chercher un point commun avec le neurochirurgien mais il n'en trouva aucun. Il n'y avait que leur carrure qui se ressemblait et encore. Il se rendit à peine compte de la tournure que prenaient ses pensées. Cet homme l'énervait à fixer Éric comme un morceau de viande appétissant auquel il aimerait bien goûter de nouveau. Il fallait qu'ils'éloigne immédiatement de ses iris azur avant de devenir fou. Il passa le bras autour des épaules de son meilleur ami pour lui faire comprendre de ne pas approcher et demanda :

- Tu me présentes à tes autres collègues, Éric ?

- Oui, bien sûr ! Suis-moi ! On se revoit plus tard, Yves !

- Oui... À plus tard, répondit son collègue.

Louis aurait pu lui tirer la langue mais il se retint. Il en avait déjà assez fait comme ça. Mais pourquoi ce sentiment oppressant de jalousie ? Il allait finir par donner de faux-espoirs à Éric en éloignant tous les hommes de son entourage pour rester le seul et ce n'était pas son but. Non, ce n'était pas son but. Il ne savait même pas s'il était vraiment attiré par lui. Tous ces sentiments qui se disputaient en lui n'étaient dus qu'à sa solitude et ce désir de protéger le plus petit depuis qu'ils étaient jeunes.

Du moins, il essayait encore de croire que c'était seulement ça...    

HEEEEEEEEEEEEEYYYYYYYYY !! 

Désolée, je poste le chapitre plus tard que d'habitude ^^" je vais pas vous mentir, je l'avais peut-être oublié xD 

Bref, j'espère que ça vous a quand même plus ! 

Bisous et à la semaine prochaine ! 

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