L'enterrement
30 juillet 1999
Louis noua la cravate autour du cou de Aaron. Il n'avait jamais pensé devoir acheter un costume noir à son fils, mis à part pour un hypothétique mariage de son meilleur ami. Bien qu'il soit gay et que ce ne soit pas autorisé. Mais ça ne tarderait pas, non ? Avec toutes les lois en faveur des homosexuels durant les dix dernières années, il n'en doutait pas. Voyant que son fils le regardait curieusement, il sortit de ses pensées et lui enfila sa veste.
- Je suis beau, papa ?
- Beau comme un prince, maman aurait adoré te voir comme ça.
- Éric a dit qu'elle voyait tout ce qu'on faisait. Et Quentin aussi.
- Oui, il a raison. Mais nous on ne peut plus les voir.
- Tu es triste de plus voir maman ?
- Très triste, mais tu es là. Alors je te regarde et ça va un peu mieux.
- Pourquoi, papa ?
- Tu lui ressembles beaucoup... Et aussi parce que tu es la preuve de notre amour, que tout ce que j'ai vécu avec elle n'était pas un rêve. Tu me fais penser aux bons moments.
Le petit garçon fit la moue. Décidément, il ne comprendrait jamais le langage des adultes. C'était trop compliqué pour lui. Il s'assit sur le lit et prit l'ours en peluche que lui avait offert Éric à son anniversaire. Il le serra contre lui en regardant son papa enfiler sa cravate et son veston. C'était étrange de vivre sans sa maman. Il avait son père pour lui tout seul et il le protégeait contre le monde entier depuis quelques jours. Il jouait même avec lui le soir ! Mais quand il était trop triste, il appelait les voisins et Jean venait jouer au football avec lui dans le jardin. Jean,c'était son meilleur ami. Et puis après, il y avait Christian, et encore après il y avait tous les enfants avec lui à l'école. Mais il préférait de loin les deux cousins. Il jouait plus avec eux.
- Louis, Aaron, vous êtes prêt, demanda Éric en ouvrant la porte de la chambre.
- Oui. Il y a déjà du monde en bas ?
- Juste vos parents et sa sœur. Aaron, tu veux venir voir tes grands-parents ?
- Oui, répondit-il avant de le rejoindre.
Il avait failli oublié. Éric. Il était là tous les jours depuis que sa maman était partie. Mais il prenait plus soin de son papa que de lui. Parfois, il remarquait qu'il regardait son papa comme sa maman le regardait, mais le principal concerné ne semblait pas le voir. Et lui, il avait compris qu'il fallait se taire. Au plus profond de lui, il avait compris.
Il suivit donc le chirurgien au rez-de-chaussé et se jeta dans les bras de ses grands-parents. C'était comme pour son anniversaire, toute la famille était réunie ! Mais il savait que ce n'était pas pour lui. Et tout le monde était habillé en noir. C'est triste le noir. Sa maman préférait le blanc. Comme les roses que lui offrait Éric. Il serra son doudou contre lui. Pourquoi personne ne faisait ce qu'aimait sa maman ? Il ne comprenait vraiment rien à rien et ça lui donnait envie de pleurer...
Dans la chambre, Louis se regardait dans le miroir. Ses joues étaient creusées, ses yeux étaient devenus ternes, son visage triste. Il ne vivait plus, il survivait. Parfois, c'était trop dur, il s'enfermait seul dans sa chambre pour pleurer. Son meilleur ami l'avait disputé, la première fois, parce qu'il avait laissé son fils seul. Alors maintenant, il demandait à Jean de venir le surveiller quand rien n'allait plus. Il ne voulait pas craquer devant Aaron. Il aimait voir son sourire, son innocence. Tout ça lui faisait du bien. Alors il tentait de les conserver tant bien que mal en le couvant un maximum. C'était peut-être mal, mais ça lui faisait du bien. Alors pourquoi se priver ? Il enfila sa veste et mit comme il le fallait le col. Alors qu'il allait sortir, Éric arriva en trombe et se cogna contre son torse.
- Aouch, couina-t-il en se massant la tête et en profitant de ce geste pour cacher le rouge qui lui montait aux joues.
- Désolé, ça va ?
- Oui, oui... mais ton fils vient de se mettre à pleurer et il te réclame.
L'avocat ne prit même pas la peine de répondre et descendit en quatrième vitesse les escaliers. Il arracha presque son fils des bras de sa tante et le berça doucement.
- Calme-toi, petit prince, chuchota-t-il à son oreille.
- Ma-maman elle aime pas le noir, sanglota-t-il, elle aime le blanc...
- Je sais... Je sais... Tu veux que je mette un ruban blanc à ton doudou ?
- Ou-oui...
- Donne-le-moi alors, je vais m'en occuper. Allez, sèche tes larmes, maman n'aimait pas que tu pleures.
Il le déposa par terre et prit son doudou. Le petit garçon essuya ses larmes et renifla bruyamment avant de lui faire un timide sourire. Il le lui rendit et se leva pour aller dans la chambre.
- Éric ? Tu es toujours là ?
- Désolé... Je... Tes parents n'ont pas l'air de beaucoup apprécier que je t'aide avec Aaron. Ils disent que ce n'est pas un bon modèle pour lui.
- Ils sont comme ça. Désolé.
- Je sais. Mais ça m'atteint un peu quand même. Tu sais, j'aimerais avoir un enfant aussi, comme tout le monde. Et l'élever avec celui que j'aime.
- Et je serais là pour t'aider, mon ami, répondit-il en nouant un foulard blanc brodé d'or qui appartenait à sa femme autour du cou de l'ours en peluche.
« J'aimerais que ce soit vous deux, ma famille », pensa-t-il en le regardant faire. Il était prêt à accepter Aaron pour être avec lui. D'ailleurs, il l'avait déjà accepté. Il aimait énormément le petit garçon... Et il aimait aussi énormément son père. Mais il ne pouvait pas se permettre quoi que ce soit avec lui. Ce serait trahir la mémoire de Sarah...
- On redescend, demanda Louis.
- Oui, répondit-il en sortant de ses pensées.
Les deux hommes sortirent de la pièce et descendirent ensemble. Presque aussitôt, Aaron retourna dans les jambes de son père qui lui rendit son doudou. Il le serra contre lui. L'odeur de sa maman lui sauta aux yeux et il regarda le petit foulard. C'était le sien. Blanc avec de légers motifs or. Il murmura un remerciement et alla dans le salon pour jouer avec ses jeunes cousins.
- Tu ne devrais pas lui céder aussi facilement.
- Je ne lui cède pas, papa, soupira-t-il en se tournant vers son père, je ne veux pas qu'il soit triste en pensant à sa mère. Je ne veux jamais le voir triste.
Personne n'osa faire une remarque de plus sur la manière dont il gérait son fils. Il invita sa famille à aller prendre un verre dans la salle à manger avant d'aller à l'église.
~~~
- La cérémonie était magnifique, murmura Éric en rangeant les verres dans le meuble.
- Merci, je pense qu'elle aurait aimé. Et merci pour le bouquet, Éric. C'était...
- Les roses blanches étaient ses fleurs préférées, je lui en offrait tout le temps. Je ne pouvais pas ne pas le faire pour son dernier voyage.
Les deux hommes parlaient bas, pour ne pas réveiller Aaron qui s'était endormi dans les bras de son papa. Louis aurait pu aller le coucher mais sa présence l'apaisait alors il le gardait contre lui.
- Tu restes encore ce soir, demanda-t-il à son ami.
- Je pense. Va-te coucher, je m'occupe du reste.
- Mm... Merci, Éric.
- C'est normal d'être là pour toi. Tu l'as été pour moi pendant toute notre enfance, c'est à mon tour maintenant.
Le roux hocha la tête et lui fit rapidement la bise en lui souhaitant une bonne nuit. Puis il monta à l'étage. Il s'arrêta devant la chambre de son fils et regarda sa bouille endormie. Heureusement qu'il était déjà en pyjama... Il passa rapidement prendre son doudou. Il allait le laisser dormir avec lui, il avait peur qu'il fasse des cauchemars. Il s'en voulait déjà assez de l'avoir obligé à assister à la cérémonie, il ne voulait pas en plus le laisser seul. Il l'allongea dans son lit et retira rapidement ses vêtements pour enfiler un simple t-shirt par dessus son boxer. Il se glissa sous les couettes et recouvrit son fils avec.
Il observa son visage endormi. Il l'imaginait déjà, plus vieux, marchand dans ses pas en devenant lui aussi avocat. Il le laisserait jouer du piano, comme sa mère l'avait toujours voulu. Il le protégerait de tout ce qui pourrait le rendre malheureux. Et quand viendra enfin le jour où il rejoindra sa femme, il pourra lui montrer avec fierté ce qu'était devenu leur premier enfant.
- Bonne nuit, Aaron...
HEEEEEEEEYYYYYYY !!!
*tends un paquet mouchoir* tenez, pour sécher vos larmes...
J'espère que ce chapitre vous a plu ! La situation devrait bientôt devenir moins triste ! Promis juré !
Sur ce, je vous fais des bisous et vous dis à la semaine prochaine !!
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