Comprendre

25 décembre 1999

Louis fixait le plafond de sa chambre d'enfance, écoutant le vent et la pluie qui frappaient contre la fenêtre. La pièce était affreusement sobre et ennuyante, encore plus quand elle était plongée dans l'obscurité. À vrai dire, elle était un peu comme lui. Il avait toujours été comme ça. Distant avec les autres, même les personnes les plus proches de lui. Surtout les personnes les plus proches de lui, en fait. Il n'y pouvait pas grand chose. Même s'il n'avait pas été malheureux durant son enfance, il ne pouvait pas dire que ses parents ou ses frères débordaient d'amour pour lui. Il était né au milieu de la fratrie et n'avait jamais attiré l'attention sur lui contrairement à son aîné et à son cadet... Et puis, ses parents n'étaient pas du genre à être démonstratifs. Il n'avait jamais appris à montrer ce qu'il ressentait, il gardait tout pour lui. Sarah avait réussi à un peu changer ça mais il n'était toujours pas le plus démonstratif des hommes. Si seulement il avait réussi à s'ouvrir un peu plus durant son adolescence, Éric n'aurait sûrement pas...

Il ferma douloureusement les yeux en revoyant la silhouette fine de Éric allongée sur le sol des toilettes du lycée. Ce souvenir douloureux, qu'il avait pourtant tenté d'enfouir, ne faisait que ressurgir ces derniers temps. Dès qu'il croisait ses grands yeux noirs mélancoliques, il repensait à ce jour-là. Il n'avait pas vu qu'il allait mal, parce qu'il n'avait pas su reconnaître cette émotion. Et il avait failli le perdre... Maintenant il avait peur. Il avait peur parce qu'il voyait qu'il allait mal et qu'il était la cause de ce mal. Peut-être qu'en l'éloignant de lui, il permettrait à l'asiatique d'aller mieux ? Mais qui, alors, viendrait combler la solitude qui recommençait peu à peu à glacer son cœur ? Plus que son fils, son meilleur ami le faisait se sentir en vie. Il ressentait à ses côtés. Des joies, de la jalousie, des peines...

Il soupira longuement et se tourna dans son lit. Sentant qu'il n'arriverait plus à dormir à cause de la tempête et de cet amas de pensées qui l'assaillaient, il alluma la lampe de chevet et se leva. Il alla ouvrir les portes de son armoire. Cette dernière avait été vidée depuis bien longtemps et ses affaires avaient été remplacées par des cartons de vieux vêtements. Mais il se souvenait que son aîné lui avait confié un secret, un jour, alors qu'il était adolescent. Ses magazines pornos étaient cachés dans l'un de ses cartons. La curiosité ne l'avait même pas effleuré, à l'époque. Mais aujourd'hui, il était seul et légèrement frustré. Puis feuilleter un magazine ne lui ferait pas de mal. Peut être même que cela lui permettrait de dormir, qui sait ? Il entreprit donc de fouiller les boîtes jusqu'à mettre la main sur une veille revue aux pages cornées. Elle devait sûrement dater du début des années 1980 et elle avait dû être très souvent lue. Il sourit légèrement et retourna s'asseoir en tailleur sur son lit.

Il commença à tourner les pages, regardant sans grand intérêt les femmes pulpeuses en lingerie fine. Pas son type, tout simplement... Il désespérait presque de trouver quelque chose à son goût quand, sur une des dernières pages, il se stoppa. Une femme fine, nue, des cheveux auburn coupés courts, était collé contre un homme torse-nu, portant un pantalon de pompier bas sur les hanches. Un de ses bras musclés était enroulé autour de la taille de sa partenaire tandis qu'il passait son autre main dans ses cheveux blonds désordonnés. L'avocat sentit son sous-vêtement se serrer autour de son sexe et il déglutit. Ses yeux allaient de la jeune femme au faux-pompier, sans savoir lequel des deux l'excitait. Une vague de doute déferla en lui et il ferma brusquement le magazine pour aller le reposer à sa place.

Une fois l'armoire refermée, il se laissa glisser à même le sol. Il passa les mains dans ses mèches rousses, les agrippant et les tirant comme si cela pouvait le ramener à la raison et faire disparaître son excitation. Il n'avait pas bandé sur cet homme, si ? Non. Non, ce n'était pas possible. Il y avait la femme à côté c'était... Le souvenir des abdominaux du mannequin passa devant ses yeux et il serra la mâchoire. Il se mentait à lui-même. Il avait bel et bien été excité par cette vue. Mais il devait aimer les femmes, ça n'avait aucune logique ! Sarah avait eu de l'effet sur lui, elle en avait même eu énormément ! Il ne pouvait pas aimer les hommes comme ça, du jour au lendemain. Ce n'était pas possible ! Il retint un cri de frustration et tira un peu plus sur ses cheveux pour tenter de mettre de l'ordre dans ses idées. Ne pas paniquer. Mettre ses émotions de côté. Il essaya de retrouver la glace familière de son cœur mais cette dernière semblait avoir définitivement fondue sous les battements effrénés de l'organe.

Il inspira profondément et expira de la même manière pour se calmer. Cela lui prit quelques minutes mais il finit par desserrer ses poings. Il n'y avait de toute façon qu'un seul moyen de comprendre ce qui venait de se passer. Il allait devoir se procurer quelques cassettes et profiter du fait que son fils soit en vacances pour les regarder. Et voir si il bandait de nouveau devant un homme.

~~~

26 décembre 1999

Louis manqua presque de s'effondrer sur son canapé en rentrant chez lui. Ce qu'il s'était passé la veille chez ses parents n'avait pas quitté son esprit. Il y avait réfléchi toute la journée d'hier et celle d'aujourd'hui aussi. Sa nuit n'en avait d'ailleurs été que plus agitée, perdu dans des songes mélangeant Sarah et Éric, lui avouant tous deux leurs sentiments sans qu'il ne sache quoi répondre. Beaucoup trop perturbé par tout ça et bien décidé à comprendre ce qui se passait dans sa tête, il était allé, non sans une certaine gêne, se procurer des cassettes de vidéo pornographique gay et lesbien. Et maintenant, il allait devoir les regarder. Il ne se sentait pas forcément à l'aise avec ça, cependant, c'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour vérifier s'il aimait ou non les hommes. Mais avant tout ça, il allait s'installer un peu plus confortablement et changer de vêtements.

Une petite demi-heure plus tard, l'avocat était douché et avait enfilé un jogging avec un t-shirt blanc. Il revint s'installer sur le canapé et fixa les deux cassettes en déglutissant. Il ne savait même pas par quoi commencer... mais il fallait bien qu'il ait la réponse. Quelle était son orientation sexuelle ? Il avait l'impression de se poser les questions qu'il aurait dû se poser lorsqu'il était adolescent. Mais il avait préféré ignorer toutes ses pensées, se concentrer sur des choses plus simples, puis l'amour était venu frapper à sa porte de lui-même. Il soupira longuement et se leva en prenant en main la VHS où on voyait deux femmes enlacées. Pas de risque de voir un homme là-dedans, s'il bandait ce serait seulement sur le sexe opposé. Il la glissa dans le lecteur et retourna s'asseoir. Il ne savait pas pourquoi il appréhendait autant, il avait aimé et désiré une femme. Il y avait eu Sarah et il ne lui avait jamais semblé avoir fait semblant avec elle. Un souvenir fugace passa devant ses yeux et il se mordit la lèvre en rougissant légèrement. Non, c'était sûr, il n'avait jamais fait semblant.

Il ferma les yeux pour effacer l'image de la belle rousse et les rouvrit en entendant du bruit venant de la télévision. Le film venait de commencer en montrant deux femmes nues, assez fines avec de petites poitrines en forme de poire et de jolies fesses rondes. Leurs longs cheveux, bruns pour l'une et châtain clair pour l'autre, cascadaient dans leurs dos légèrement cambrés. Elles étaient tout à fait son style, s'il pouvait dire qu'il en avait un. En tout cas, il les trouvait belles... Et son sexe aussi, parce que les regarder se toucher entre elles resserra en peu de temps son jogging. Il passa la main sous l'élastique de ce dernier et attrapa sa verge gonflée pour commencer à se masturber lentement, au son des gémissements des deux actrices. Il se laissa peu à peu porter vers sa libération et finit par jouir en se mordant la lèvre. Il regarda sa main, recouverte de liquide blanc. Heureusement pour lui, il avait prévu de quoi s'essuyer. Il prit les mouchoirs qu'il avait posé près de lui et se nettoya rapidement. Puis il alla retirer la cassette et il la rangea.

Bon, conclusion de ce test, il était toujours attiré sexuellement par les femmes. Maintenant, il fallait voir pour les hommes... Mais avant ça, il allait manger un morceau. Déjà, parce qu'il n'était pas un surhomme capable de bander toutes les cinq minutes, et aussi parce qu'il avait faim. Il alla donc dans la cuisine et se lava rapidement les mains avant de préparer à manger. Il savait qu'il repoussait pas mal l'échéance, mais il avait un peu peur de la réponse. S'il était aussi excité par des hommes, cela voudrait dire qu'il était attiré par les deux sexes. Deux yeux en amande noirs s'imposèrent à son esprit et il déglutit. Être attiré par les deux sexes voudrait aussi dire que tout ces sentiments qu'il essayait de refouler depuis plus de deux mois n'étaient peut-être pas si anodins que ça. Et s'il était tombé amoureux de son meilleur ami ? Lui qui pensait pouvoir réussir à se comprendre après son test, il avait l'impression d'en ressortir avec encore plus de questions...

Une fois son repas avalé, il retourna dans le salon et attrapa la seconde cassette. Il la rentra une peu moins facilement dans le lecteur, cette fois. C'était une chose de regarder un porno avec uniquement des femmes, mais c'en était une autre de regarder un porno avec uniquement des hommes. Il inspira profondément. Il n'avait pas le choix, de toute manière, il devait tenter de se comprendre. Il ne pouvait pas vivre en se mentant à lui-même et en tentant d'oublier ce qui s'était passé la veille.

Il regagna le canapé et attendit que les images apparaissent sur la télé. Cela prit à peine quelques secondes avant que deux hommes occupent le petit écran noir. L'un était petit, fin, les cheveux blonds et de grands yeux marrons encadrés par de longs cils noirs. L'autre était beaucoup plus baraqué, blond aussi et de magnifiques yeux bleus qui le firent frissonner. Il savait qu'il y avait là beaucoup de clichés et que tous les gays n'étaient pas comme ça. Mais il ne put s'empêcher d'être hypnotisé par leurs deux corps nus. La vision de leurs sexes tendus provoqua en lui un sentiment étrange. Il se surprit à vouloir les serrer dans son poing, les caresser avec le sien, voir même poser ses lèvres dessus... Il glissa la main dans son jogging sans s'en rendre compte et commença à masser sa queue gonflée. Un soupir tremblant lui échappa quand il vit le plus grand des deux hommes pénétrer l'autre. Sarah l'avait déjà touché ici. Il savait à quel point ça pouvait être bon, quand cette petite boule de nerf en lui était stimulée. Il accéléra ses mouvements de poignets au rythme des coups de reins de l'acteur. Il finit par jouir, les joues rouges et le souffle court.

- Alors c'est comme ça ? J'aime les femmes et les hommes, murmura-t-il en regardant sa main pleine de sperme.

Seul le silence lui répondit. Après tout, il n'y avait personne dans la maison. Juste lui et deux cassettes pornographiques. Un sourire triste se dessina sur ses lèvres. Il était seul.

Il essuya sa main et rangea la seconde VHS dans sa boîte. Il les prit ensuite toutes les deux et monta à l'étage où il déplia une échelle pour accéder aux combles de la maison. Il cacha les vidéos dans un carton où il était certain que son fils n'irait pas fouiller puis alla chercher des albums photos dans une armoire. Il redescendit avec dans sa chambre et les ouvrit quand il fut assis sur son lit. Il tomba aussitôt sur le sourire éclatant de Sarah à la maternité tenant dans ses bras un nouveau-né qui n'était autre que Aaron. Son cœur se serra brusquement et les larmes commencèrent à couler sur ses joues. Il l'aimait. Il l'aimerait sûrement toujours. Mais maintenant elle n'était plus là, elle ne serait plus jamais là...

Quand il tourna la page, il vit Éric, un air gêné sur le visage alors qu'il lui mettait son fils dans les bras. Il se rappelait de ce moment. Son meilleur ami avait peur de ne pas savoir le tenir et il avait dû batailler pendant dix bonnes minutes avant qu'il ne finisse par céder. Sa femme en avait profité pour les prendre en photo. Il caressa les traits du visage asiatique devant lui et déglutit légèrement. Parfois, il fallait se rendre à l'évidence. S'il était aussi attiré par les hommes, tout ce qu'il ressentait envers Éric ne pouvait pas être dû qu'à la solitude...

Il ferma l'album photo et se roula en boule. L'eau inondait ses joues mais il s'en fichait. Après tout, il était seul. Personne ne pouvait le voir. Personne ne saurait qu'il avait pleuré. Il avait compris maintenant, qu'il était sûrement amoureux de son meilleur ami. Et il pleurait parce que ça lui faisait peur, parce qu'il devait penser avant tout à Aaron et parce qu'il aimait encore Sarah.

- Qu'est-ce que je dois faire ? Qu'est-ce que tu aurais fais toi, à ma place ?

Ses questions n'obtinrent aucune réponse. Personne ne pouvait l'aider. Personne... Il était seul avec ses doutes, ses peurs et ses sentiments. Ses sanglots devinrent plus bruyants, il serra ses genoux contre sa poitrine. Lui qui était habituellement si impassible, il craquait. Tout ce qui s'était accumulé en lui ressortait jusqu'à le laisser vidé de son énergie. Il se roula dans les couettes sans même prendre la peine de ranger les albums et ferma ses yeux rougis par les pleurs. Il tomba dans un sommeil profond en à peine quelques secondes.

Sans un seul rêve, juste le calme avant la tempête...

HEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEYYYYYYYYYYYYYYY !! 

Le voici, le voilà, le nouveau chapitre d'Un Bouquet de Roses avec un peu de retard je vous l'accorde ! Je n'avais pas eu le temps de le finir ^^" Bref, j'espère qu'il vous a plu ! 

Sur ce je vous fais des bisous !!

PS : vous en faîtes pas, il y a aura bien le chapitre habituel samedi ! 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top