Chapitre 3 (2/2)
Que faisaient les chaussures d'Arthur à cette place ? Sans doute valait-il mieux pour Jules ne pas savoir. D'autant que la présence du garçon, à l'air un peu trop décontracté, n'embêtait en rien Luna. Au contraire, elle écoutait le bavard, un doigt autour d'une mèche châtain et le sourire aux lèvres. Ou plutôt le rire aux lèvres ; rares étaient ceux qui parvenaient à la plier ainsi en quatre.
Alors comme ça, cet Arthur serait drôle ! Il ne manquait plus que ça !
Difficile pour Jules de ne pas serrer les dents. Il voulait montrer son agacement, sa colère à sa meilleure amie, qui ne le regardait même pas. Puisqu'écouter l'autre aux yeux verts malicieux intéressait plus Luna, Jules pouvait rester ainsi crispé encore longtemps. Vaincu, il s'avança vers elle.
- Salut Luna, lança-t-il. Pourquoi Arthur est là ?
- Bonjour, quel accueil ! ironisa ce dernier.
Si cette phrase résumait son humour, alors Jules ne comprenait pas les rires de Luna. Rires qu'elle cessa aussitôt une fois son meilleur ami à leurs côtés. Elle lui apprit qu'Arthur venait seulement d'arriver pour discuter, avant que lui-même ne débarque.
Jules grogna en silence. Luna appréciait passer du temps seule le matin et n'avait nul besoin d'une autre compagnie que la sienne. Alors que faisait cet abruti adossé à son mur ? Pourquoi la jeune fille en semblait ravie ? Elle souriait, du moins jusqu'à l'arrivée de Jules. Depuis, elle fixait ses pieds pendant que son meilleur ami dévisageait l'invité.
Sous leur bulle de silence, que le contraste avec le reste du lycée rendait de plomb, tous les trois se mirent à trembler. De froid ou de gêne, en fonction de chacun. Ces longues secondes, le garçon les passa à se maudire d'avoir laissé trop souvent Luna seule à la cantine. Après quoi, Arthur brisa le silence :
- Et bien, comme je n'ai pas l'air d'être le bienvenu, je m'en vais rejoindre ma classe. À plus, Luna ! Au revoir, Jules.
C'est ça, va-t'en !
Ces mots, il les aurait bien prononcés sous ses mâchoires serrées, si seulement son amie ne saluait pas joyeusement Arthur de la main. Elle se tourna vers Jules qu'une fois le châtain perdu de vue.
- Tu exagères quand même, fit-elle remarquer. Arthur est sympa.
- Il a l'air trop gentil, c'est louche.
Pour Jules, il ressemblait à un vendeur, cherchant à persuader le client de changer son vieux lave-linge de six mois, parce que le nouveau avait la merveilleuse faculté de dire "bonjour" à chaque utilisation. Pas étonnant qu'il soit en première ES, celui-là !
Le garçon ne partagea cependant pas sa pensée à Luna. Elle semblait assez déçue pour entendre son humour, qui sans aucun doute ne ferait que l'attrister davantage. Et avec leurs années d'amitié passées, elle avait également bien compris à quel point Jules était borné : inutile de chercher à le convaincre.
Pourquoi une telle incompréhension entre les deux ? Pour une fois, Jules ne parvenait pas à lire dans les pensées de sa meilleure amie. Il comprit seulement que la situation la rendait mal à l'aise. En route vers les couloirs du lycée, la jeune fille changea de sujet.
- Au fait, demanda-t-elle, comment va Bébé aujourd'hui ?
- Il est calme pour un lendemain de repas de famille, ça fait du bien.
- Super ! Il faut en profiter : tu peux venir chez moi après les cours ? Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas fait un jeu de société.
- Yap, répondit Jules pour donner son accord. Mais avant ça, Luna, j'ai un truc incroyable à te dire.
Elle agita ses mains en signe d'invitation. Si la jeune fille adorait les histoires, celles de Jules étaient toujours ses préférées. Soulagé de laisser le cas Arthur de côté, le garçon eut le sourire aux lèvres. Il raconta sans attendre.
Tout d'abord, les évènements de la veille, avec le cadeau offert par son parrain. Une pierre, pourvu du don d'apaiser Bébé, avait annoncé Jérémy. À ses paroles, il sortit le cristal violet de sa poche. Luna l'examina de ses yeux ronds. Jules le lui tendit pour qu'elle le roule dans ses mains. Dure, froide, violette : la jeune fille s'y connaissait moins que leur professeur de SVT, mais la pierre ressemblait en tout point à une simple améthyste. Incrédule, elle demanda :
- Et comment ça peut calmer Bébé ?
- Aucune idée... Mais le plus étrange reste ce qu'il s'est passé ce matin.
Jules raconta tout ce dont sa mémoire se souvenait, de son réveil jusqu'au départ de son père. Contre l'escalier des salles de français, Luna manqua de tomber. Sa bouche s'ouvrait toujours plus à chaque rebondissement. Quand Jules eut fini ses péripéties, ils s'arrêtèrent à l'étage. Luna cessa de jouer avec la pierre, pour la protéger de ses deux paumes.
- Tu es en train de me dire que cette améthyste peut se transformer en une sorte de fée ?
- J'ai du mal à le croire, mais c'est bien ce que j'ai vu.
Un par un, leurs camarades de classe les saluèrent avant de rejoindre la salle de français. Lorsque la sonnerie retentit, Luna ne bougea pas, la mine décomposée.
- Je comprends si tu ne me crois pas, rassura Jules.
- Si, je te crois... Du moins, je sais que tu ne me mentirais pas. Et Jérémy, il est au courant ?
- Je ne sais pas. Je ne lui ai encore rien dit.
- Décidément, s'étonna Luna, un Bébé dans la tête, et maintenant une fée magique dans une améthyste : tu es exceptionnel, Jules !
- Merci, je suppose ?
Son amie répondit par un coup d'épaule rieur. Remise de sa surprise, elle avait retrouvé son visage rayonnant. C'était bien mieux ainsi.
Sous le vacarme de la deuxième sonnerie, elle rendit la pierre à Jules. Sans doute avaient-ils plus de chance qu'elle apparaisse en sa présence. Vers le premier cours de la journée, le garçon la replaça dans sa poche. Luna ne put s'empêcher de la surveiller, jusqu'à ce qu'on la dévisage. Les rumeurs sur les deux meilleurs amis risqueraient de fuser à nouveau... Peu importe pour la brunette, elle n'avait désormais qu'une hâte : rencontrer la « petite fée », comme elle s'amusait à l'appeler.
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