Chapitre 22 (2/2)

— Tu veux une gaufre ? lui cria la jeune fille. Celles du marchand là-bas sont à tomber !

— Je n'ai pas pris d'argent.

— Pas grave, je te la paye.

Jules sursauta avant de courir vers elle. Après la boîte de popcorns, il en était hors de question ! Mais à nouveau, trop tard : la brunette discutaillait déjà avec le vendeur aux joues rouges. Elle revint vers Jules, deux gaufres dégoulinantes de chocolat maladroitement tenues entre les mains. Elle lui tendit la plus généreuse et l'emmena sans attendre sur le banc le plus proche.

— Ça t'arrive souvent d'offrir de la nourriture aux gens, comme ça ? demanda Jules.

— J'aime faire plaisir, c'est normal, non ?

Le haussement d'épaule de la jeune fille ne le convainquit pas. Tous deux n'étaient pourtant pas des amis proches... Il semblait que ce geste rythmait le quotidien pour la jeune fille. Plus que faire plaisir à Jules, elle voulait paraître gentille. Trop ? Le garçon hésita à le lui soulever, mais il se tut. Il observa plutôt les magasins et passants qui l'entouraient.

— Ma place préférée, déclara Faustine.

— Tu viens souvent ici ? demanda le garçon.

— Assez, oui. Il y a tellement de places et de magasins que je ne m'ennuie jamais. Et toi ?

— Moins souvent que toi. Je vais plutôt dans des parcs, c'est plus calme.

— Ah...

Comment cela "Ah" ? Faustine regarda les nuages en serrant sa gaufre contre elle. Elle ne dit plus rien.

— Mais j'aime bien venir de temps en temps, se rattrapa le garçon.

Pas de réaction de Faustine. Jules ne savait plus s'il s'exprimait correctement ou non... Horrible ! Le mieux pour lui restait de croquer dans la gaufre et de se taire. Il réfléchit plutôt à quand il reverrait la jeune fille pour la rembourser.

Prêt à atterrir sur son beau manteau, le chocolat dégoulinant le terrorisait. De sa main encombrée, Il prit tout de même le risque d'attraper son portable ; toujours aucune nouvelle d'Élisa.

Gelé, le souffle du garçon se mêlait à la fumée qui s'échappait de la gaufre. En peu de temps, le vent la refroidirait entièrement. Faustine, de son côté, s'installait aussi confortablement qu'un midi d'août. Avec son air rayonnant, peut-être même que sa gaufre se réchauffait dans ses mains.

La brune reprit son bavardage. Cette fois-ci, elle raconta dans les moindres détails sa dernière sortie avec sa grande sœur. Si Jules l'écoutait à demi, il l'oublia complètement quand son portable sonna soudain.

— Tiens, fit Faustine, tu as un message.

Une dose d'adrénaline parcourut le corps du garçon. Élisa ? Non, rien ne garantissait qu'il s'agissait du message attendu. Jules déverrouilla son écran sous les yeux curieux de la brunette. Sa bouche s'ouvrit et se montra tout aussi intrusive face au visage béat du garçon.

— C'est qui ? demanda-t-elle. Je savais pas qu'on pouvait être aussi ravi de recevoir un message.

Il s'efforça d'effacer son sourire et ne répondit rien. Malgré tout, cacher sa joie ne s'avérait pas si facile. Pour cause : la notification venait bien Élisa ! Elle avait répondu !

Faustine ne parlait plus ; à gigoter à tout va, son corps insista à sa place. Son intérêt déplacé sidéra le garçon, mais il ne la laisserait pas gâcher son enthousiasme. Car Élisa venait de répondre ! En prenant soin de ne pas appuyer sur la notification pour ne pas montrer à sa tante qu'il avait vu le message, Jules le lut :

"Bonjour Jules,

"Désolée d'avoir mis du temps à te répondre, tu comprends que ton message m'a surprise. Ça fait des années que je n'ai pas parlé à Harry, mais je suis ravie d'avoir de tes nouvelles !

"C'est courageux de ta part de me demander ça. Ta grand-mère est fragile, j'ai peur que te voir la bouleverse un peu trop... Mais je sais qu'elle m'en voudra si je refuse. D'ailleurs, elle me parle régulièrement de toi.

"Du coup, je lui ai parlé de ton message et elle m'a répondu par un sourire qu'elle n'avait plus montré depuis la mort de ton grand-père. Elle te demande de lui proposer une date et un café où se retrouver près de chez toi, elle pourra se déplacer.

"J'espère que tu vas bien.

Élisa"

Jules ne faisait plus qu'à peine attention à la tête de Faustine au-dessus de son épaule. La curiosité rendait parfois les gens insupportables, mais qu'importe : Élisa avait répondu, et elle lui avait proposé de voir sa mamie ! Plus qu'à trouver où et quand. Peut-être le café Le Haut Gourmand ? Seul ce nom lui venait en tête. Quant à la date...

Mais calme-toi, Jules !

Se précipiter ne servirait à rien. Seul au beau milieu d'un centre-ville, l'anxieux serait incapable de taper un mot. Le mieux restait de se calmer et d'attendre Luna avant de répondre n'importe quoi.

À sa gauche, Faustine le fixait mais elle ne sut toujours pas de quoi il retournait. Jules réfléchit sans s'en préoccuper : quoi penser ? Quoi répondre ? Soudain le message d'Élisa importa moins : Bébé cogna contre sa tempe. Il recommença à nouveau. Non, pas possible ! ...

Pourtant le garçon n'avait pas à s'étonner : ce n'était là qu'une crise comme il en avait sévi tant de fois et en sévira tant de fois après. Une crise qui, comme les autres, avait un air de fin du monde pour Jules, qui savait que la tempête passait toujours.

Il tenta de se concentrer sur les paroles de la brunette qui venait de reprendre son monologue, mais impossible de lutter contre. Il essaya aussi discrètement que possible de se calmer en laissant l'air frais pénétrer ses poumons, mais rien n'y fit. Bébé emportait son hôte dans un torrent de douleur et d'incompréhension. Car après tout ce qu'il venait de vivre, les changements de température, le bruit, les odeurs, les lumières vives du cinéma, pourquoi Bébé ne réagissait-il que maintenant ?

Plus moyen de réfléchir convenablement pour Jules, alors il attendit. Attendit que l'instant passe et laissa Faustine parler pour deux. Une demi-heure plus tard, il fut temps de rejoindre l'arrêt de bus.

— Encore merci beaucoup pour les popcorns et la gaufre, dit-il. Et le ciné bien sûr.

— C'est rien, je te dis ! Ça m'a fait plaisir que tu sois venu !

Toujours la même réponse remplie de mystères. Comment se faisait-il que Faustine n'ait personne d'autre pour cet après-midi si elle parlait à tout ce qui bougeait ? Quelqu'un avait-il déjà abusé de sa générosité ?

Mais Jules n'exprima ni ses interrogations, ni ses craintes, avant de monter dans le bus, par peur de blesser, par fatigue – pour laquelle il remercia bébé par ailleurs. Mais surtout en vérité car son esprit était occupé ailleurs. Il se voyait, dans ce café, avec sa grand-mère dont il ne se souvenait qu'à peine du visage. L'idée amena ses pensées dans tous les sens. Elles bouillaient, tournoyaient.

Le centre-ville quitté, Jules prévint Luna de la nouvelle par message. Il s'effondra sur son lit une fois rentré chez lui.

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