Chapitre 1

"La bêtise humaine est un gouffre sans fond, et l'océan que j'aperçois de ma fenêtre me paraît bien petit à côté."
-Flaubert

Il se souvenait encore de la mise en garde d'Harry avant qu'il ne sorte de la chambre, laissant celui-ci tout seul au milieu de ses plantes en tout genre : "Soit prudent Lou, la dernière fois que tu es sorti sans moi tu as eu une méchante griffure pendant une semaine !"

Et le voilà, lui, Louis Tomlinson, 16 ans, têtu comme à son habitude, couvert de boutons d'orties qui le démangeaient atrocement. Il rentrait donc à l'orphelinat un peu penaud, sachant très bien que Harry allait lui faire la morale pendant des heures, et qu'il lui rappellerait dès qu'il en aurait l'occasion que courir sans regarder où l'on mettait les pieds, n'était pas une bonne solution.

- Oh mon dieu Louis, mais dans quel état tu t'es encore mis ? S'écria Harry en le voyant débarquer, la peau rougie par les grattements de ses ongles sur son épiderme.

Harry lui sauta directement dessus pour inspecter l'étendue des dégâts, secouant la tête d'un air désespéré. Il leva les yeux vers lui et soupira en plissant les lèvres.

- Tu faisais quoi exactement pour t'amocher à ce point ?

-Rien. Je courais simplement dans les bois. Me regarde pas comme ça, je sais que j'ai fait une connerie.

Harry secoua de nouveau la tête en roulant des yeux, mais cette fois ci, il avait un petit sourire amusé aux lèvres. Son ami mordit sa lèvre inférieur en attendant sa réponse et s'attendit au pire, car après tout, le bouclé avait toutes les raisons de le gronder.

- Tu peux vraiment pas t'en empêcher !

- Il y avait un animal. J'ai voulu lui courir après... C'est que des orties Harry, j'ai pas le cancer.

- Ouais mais je suis bien placé pour savoir que les orties, ça pique !

Tentant désespérément de trouver une excuse valable, il fit les yeux doux à Harry. Cette technique était infaillible. Au bout de bientôt 6 ans à ses cotés, il était évident que Louis connaissait Harry comme sa poche, et qu'Harry connaissait Louis mieux que lui ne se connaissait lui même...

Mais malgré tout, le mécheux continuait de n'en faire qu'à sa tête et n'écoutait que ses propres envies. Il était très borné, et s'il avait par malheur une idée bien précise dans la tête, rien ni personne ne pouvait lui retirer. C'était du Louis bien craché, il fallait juste prendre son temps et être patient pour apprendre à le connaître, lui et son caractère de sauvage.

-Mais je vais pas crever, ça se soigne les orties. On met de l'huile là. Ou du vinaigre. C'est pas comme ça que ça marche ?

- Je crois qu'on peut mettre de la lavande et se la frotter dessus, mais là c'est un champ qu'il te faut !

- Roh... Abuse pas. Au pire on me coupera les jambes.

- Louis, sans vouloir te vexer, t'en as aussi sur les bras et sur le haut du torse...

Qu'est-ce que Louis pouvait dire de plus ? Son ami avait raison. Son corps était parsemé de petits points rouges qui ne donnaient qu'une seule et unique envie, les gratter jusqu'à qu'ils disparaissent un par un. Il soupira et s'installa sur le lit propre et bordé du bouclé.

- C'est pas ma faute.

Sans attendre plus longtemps, le plus jeune attrapa la main de Louis et sortit de la chambre aussi rapidement que son ami y était entré. Il n'avait pas de quoi le soigner ici, mais il savait pertinemment où en trouver.

Ils s'étaient donc rendus à l'infirmerie et Harry avait insisté pour soigner son meilleur ami lui même. Il s'était appliqué à le couvrir de crème nourrissante pour éviter que cela ne le gratte encore plus et, une fois cela fait, il entreprit de lui changer les idées, histoire qu'il ne pense pas qu'à se gratter puisque cela serait pire, et que dans tous les cas il en aurait au minimum pour trois jours.

Une fois la peau de Louis soignée, ils retournèrent dans la chambre d'Harry. Celle-ci sentait la nature et correspondait parfaitement au caractère du bouclé. Elle était remplie de couleur et semblait rejeter une vague de bonheur incontrôlable.

- Tu vois, regarde, je sais pas si celle-ci va bien avec la rouge là-bas ?

- Pourquoi tu te casses la tête à réfléchir à ça ? Marmonna Louis en soupirant.

- Parce que, ça demande une harmonie. Quand tu fais une peinture par exemple, tu mets pas du rouge avec du bleu, ou alors il faut que ce soit bien fait. Les fleurs c'est pareil ! Il faut bien les assembler tu vois. Je veux que le bouquet soit parfait, le proviseur n'a pas 55 ans tous les jours !

Alors Harry s'affaira. Tout en arrosant ou en enlevant les fleurs fanées, il réfléchissait à une jolie composition délicatement parfumée qu'il pourrait offrir à monsieur Keynes pour son anniversaire. Depuis sa plus tendre enfance, sa passion pour les fleurs était bien visible. Ses cheveux étaient souvent décorés d'une magnifique couronne faite sur mesure par ses doigts méticuleux, et sa chambre était remplie de par et d'autre par des plantations originales. Des petits détails niais que Louis supportait de moins en moins... Mais Harry adorait faire ça.

Il n'avait, à son plus grand désarroi, que peu d'occasion de faire des bouquets. De toute façon il préférait laisser les fleurs dans des pots plutôt que les couper et les voir faner en deux jours sans que ça ne soit pour une occasion spéciale. Il attendait donc ce genre d'évènement avec impatience pour ainsi pouvoir se munir de ses ciseaux et s'atteler à la dure tâche de faire un bouquet digne de ce nom, simplement pour faire plaisir aux gens qu'il appréciait.

Pendant qu'il réfléchissait sur sa composition avec des étincelles dans les yeux, Louis se rallongea sur le petit lit blanc de la chambre et sortit son téléphone noir et rayé de sa poche.

Tous ces trucs ne le branchaient pas du tout. Il respectait le travail d'Harry mais cela était bien loin de le passionner. Il préférait envoyer des textos à ses autres amis du foyer pour savoir si leur escapade nocturne de ce soir tenait encore debout, mais son ami le tira bien vite de ses pensée.

- Lou t'aurais pas vu mon petit arrosoir ? Demanda Harry en fronçant les sourcils

Un grand silence s'en suivit et Louis ne releva la tête que quelques minutes après, complètement concentré sur son téléphone. Il fronça également les sourcils et regarda Harry sans comprendre. Il n'avait rien écouter à ce qu'il avait dit, pour changer. Qu'est ce qu'il en avait à faire, qu'un petit arrosoir ait disparu?

Harry soupira, il commençait à avoir l'habitude. Avec l'adolescence, Louis changeait, et d'après lui pas du bon côté.

- Laisse tomber. Grommela-t'il, plus blessé qu'il ne souhait le montrer.

Alors le bouclé continua son jardinage, ça au moins, ça le détendait. Depuis quelques mois, la relation entre les deux acolytes devenaient plus épique. Louis parlait mal à Harry, et celui-ci essayait désespérément d'arranger les choses. Jamais depuis leur arrivé dans le foyer, les deux garçons n'avaient paru aussi éloignés l'un de l'autre. Les hormones de leur adolescence les changeaient progressivement en jeunes hommes, et Louis étant plus âgé, changeait de manière assez évidente : sa barbe commençait à poindre ici et là, encore discrète et duveteuse. Il prenait plus facilement du muscle à force de gambader à droite à gauche toute la journée.. Et son caractère en prenait lui aussi pour son grade. Même si il n'avait jamais été du genre à se laisser faire, il devenait de plus en plus désagréable et pouvait s'énerver sur n'importe quel sujet, même de simples détails... Et Harry détestait ça.

En effet, lui préférait sa tranquillité, son calme. Harry était quelqu'un de gentil, d'aimable avec tout le monde. Il donnait un coup de main sans même qu'on le lui demande. Il était serviable, honnête et donnait le sourire à toutes les personnes qu'il croisait sur son chemin. Malgré toutes ces qualités, les gens de son âge avaient beaucoup de mal à faire sa connaissance. A part Louis et le personnel du centre, il était insociable et restait le plus souvent seul comme un grand dans sa petite chambre. A se demander encore une fois, pourquoi ces deux garçons avaient noué une amitié aussi forte dès leur première rencontre.

- Quoi encore ? Qu'est ce que j'ai fait ? Répondit Louis assez froidement.

- Rien... Rien.

Et c'était bien ça le problème, Harry avait l'impression que Louis se fichait royalement de lui, un peu plus chaque jour. Il avait l'impression d'être invisible, et de seulement être là lorsque Louis s'ennuyait ou avait un problème. Et ça, ça faisait mal. Nul ne savait ce que la vie leur réservait, mais leur amitié faisait partie des choses qu'Harry ne voulait jamais changer. Il faudrait lui passer sur le corps pour que quelqu'un lui prenne Louis. Parce que c'était son Lou, qu'il n'avait pas d'autre choix dans le monde que d'être avec lui. Et pourtant, c'était, à ses yeux, ce qui était en train de se produire, il était en train de le perdre, c'était indéniable ; et malgré tous les efforts du monde, il avait peur de ne rien pouvoir y faire.

- Alors arrête de faire la gueule ?

Sans attendre une quelconque réponse de son ami, Louis se leva et rangea son téléphone dans la poche de son slim noir. Pour lui, la conversation était finie et il ne fallait pas en reparler. Il s'approcha donc d'Harry et tritura une pétale du bout de ses doigts.

- Je sors en ville avec Zayn ce soir, tu veux venir ?

Depuis bientôt deux semaines, Louis sortait du foyer sans l'autorisation de personne. Il fuguait sans aucune rancune et en profitait pour dépenser les sous qu'il volait aux autres enfants de l'établissement. Personne ne le voyait faire, alors pourquoi devrait-il s'arrêter ? De plus, c'était grâce à ses talents de cleptomane qu'Harry avait de quoi jardiner et satisfaire sa passion. Mais il avait beau proposer à son bouclé de l'accompagner dans ses sorties illégales, la réponse était toujours identique. Un simple et efficace, "non".

- Non, tu sais très bien ce que je pense de lui et sa bande de potes, Louis je te l'ai déjà dit, ils sont pas bien pour toi, ni pour personne d'ailleurs. Avant tu volais pas, tu me répondais pas mal. Tu es allé chez le directeur deux fois en deux semaines, tu crois pas que ça suffit ?

Zayn et ses amis exaspéraient Harry, pour ne pas dire qu'il ne pouvait pas les voir en peinture. Ils étaient, d'après lui, la représentation de la connerie adolescente pure. Mais parce qu'ils étaient 'les grands' de l'orphelinat, tout le monde devait les respecter, comme une sorte de hiérarchie complètement stupide. Et bien sûr, Louis les suivait à la trace comme le petit nouveau du troupeau.

- Et fais attention Louis, je t'ai déjà dis, si tu abîmes un pétale c'est pas joli après...

- Moi, au moins je reste pas planté ici à regarder une tulipe pousser. Tu vas finir vieille meuf qui donne à manger aux canards après la retraite si tu restes dans ta chambre tout le temps. Puis, t'es pas ma mère Harry, si je traîne avec eux c'est mon problème, pas le tiens.

- Ben tu sais quoi, si t'es pas content de mes fleurs, viens pas ici. Moi je te fais pas chier avec ton foot là.

Harry serra les poings et alla s'enfermer dans sa petite salle de bain en fulminant. Dès qu'il eut fermé la porte il laissa couler ses larmes, sa respiration se saccadant immédiatement. Et voilà, c'était reparti, et il avait laissé sa ventoline sur sa table de nuit. Louis soupira, ne se gênant pas pour lever les yeux au ciel et il s'approcha de la porte pour essayer d'y faire sortir son ami. Il détestait le rendre mal, et surtout le voir pleurer. Mais qui aimerait voir un de ses amis chers, sangloter dans son coin?

- Mais n'importe quoi, t'as fumé toi. J'ai rien dit sur tes fleurs Harry.

- Ton 'regarde ta tulipe pousser' c'était tout sauf gentil Louis. S'étrangla-t'il dans un sanglot.

Le mécheux plissa les lèvres et essaya de trouver un remède pour ne pas entendre son meilleur ami pleurer dans son coin plus longtemps. Harry avait tendance à rapidement éclater en sanglot pour pas grand chose, à l'inverse de Louis. Mais le plus embêtant, c'était qu'il enchaînait rapidement les crises d'asthme. Ses poumons se comprimaient, manquant cruellement d'air et il ne pouvait absolument pas les contrôler. C'était une maladie de naissance, et il avait malheureusement toujours vécu ainsi. Alors il avait l'habitude d'être limité : il ne pouvait pas courir, pas faire de sport trop intense, il devait éviter à tout prix les crises de panique.

Un jour, alors qu'il accompagnait Louis à un de ses tournois de foot organisé par le foyer d'accueil, il était tombé contre le gravier du petit stade et personne ne l'avait aidé à se relever. Sous le coup de la douleur, et de la honte il n'avait pas bougé d'un pouce, et sa respiration s'était coupée quelques secondes. Il était resté une dizaine de minutes ainsi, essayant de retrouver une respiration stable, des larmes dégringolant sur ses joues rouges alors que tout le monde le dévisageait sans pour autant lui donner un coup de main et l'aider à se relever.

C'est une fois que le directeur était venu dans les gradins qu'il avait vu le corps du jeune bouclé, plié en deux, essayant de trouver de l'air en vain. Harry avait donc passé ses fêtes de Noël à l'hôpital, accompagné de Louis qui lui avait tenu sa petit main tout le long. On n'abandonne jamais un ami dans la peine après tout.

Pourtant, aujourd'hui, c'était différent. Louis n'avait pas l'air aussi inquiet qu'il le prétendait et le comportement de son meilleur ami lui passait au dessus de la tête.

- Haz. Sort de là, ça sert à quoi de se prendre la tête là dessus?

- Tu te fous de moi ? Je te dis des choses parce que je tiens à toi et que je veux pas qu'il t'arrive quelque chose de regrettable, alors ok je veux bien croire que je sois pas parfait et que j'ai pas la science infuse, mais ce ne sont pas de bons amis, ils se servent de toi. Tu viendras pas chialer quand tu te seras fait jeter comme une merde.

-Bah tu sais quoi ? Va chier. Étouffe toi dans la cuvette des chiottes.

Sans un mot de plus, le mécheux sortit ses griffes et claqua la porte de la chambre d'Harry en sortant.

Ce fut la plus grande déception de toute la vie d'Harry, après la fois où il avait compris que ses parents biologiques l'avaient laissé à la maternité tout seul sans jamais revenir.

Louis ne l'avait jamais laissé dans un moment pareil. Il finissait pas croire qu'il n'était qu'un bon à rien, sauf peut être pour attirer des ennuis. Si tout le monde l'abandonnait, alors autant qu'il reste seul.





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