Chapitre Trois

La tempe contre la petite fenêtre, je ferme les yeux quelques instants et me détends. Nous sommes dans les airs depuis un peu plus d'une heure et je commence à être fatiguée. Mes nuits sont de plus en plus courtes malheureusement, tout ça à cause de mes insomnies qui reviennent depuis mon retour en France.

- Qu'est-ce que vous allez faire en Australie ?

Étonnée, je prends quelques secondes à répondre tout en le regardant écrire sur son carnet. Depuis quand la situation n'est-elle plus conflictuelle ?

- Reprendre mon travail. Et vous ?

Alors que je m'attends à recevoir une réponse, il se penche et ouvre son sac. Sa main tendue vers la mienne, j'attrape ce qu'elle contient et observe l'écrin entre mes doigts. Je l'ouvre et découvre la bague la plus magnifique que j'ai pu voir.

- Waouh.

- Ouais. C'est moi qui l'ait choisie.

- Elle va être très heureuse.

- Il y a de grandes chances.

Remettant la boîte dans la poche de son sac à dos, il me sourit faiblement et reprend l'écriture de sa chanson, je suppose. J'aimerais lui demander de la lire, mais il a l'air tout aussi secret que je ne voudrais l'être. J'adore la musique - qui ne l'aime pas d'ailleurs ? - et rencontrer un vrai compositeur n'est pas donné à tout le monde.

- Vous avez composé pour qui ? Je finis par demander, bien trop curieuse pour laisser cette question sans réponse dans ma tête.

À nouveau son fichu sourire malicieux aux lèvres, l'homme dont je connais pas encore le prénom se décolle pour me faire face. Les muscles de sa mâchoire carrée se contractent et il prend la parole.

- Vous voulez juger mon niveau ?

Tout de même amusée par cette taquinerie qu'il instaure petit à petit entre nous, je lève les yeux au ciel et hausse un sourcil.

- Je demandais ça pour faire la conversation, je mens et le châtain semble se marrer intérieurement.

- Maintenant vous voulez faire la conversation ? Je croyais que vous ne vouliez pas me connaitre, moi qui ne vous intéresse même pas.

Il a gagné, il a réussi à m'énerver. Aussitôt mon regard noir percute le sien, je me place dos à lui et croise les bras contre ma poitrine. Oui, je l'ai bien mérité. Mais je commence à m'ennuyer terriblement.

Alors pour passer le temps, je ferme les yeux et laisse ma tête reposer contre le hublot à ma gauche.

* * *

Secouée par ce que je crois être des turbulences, je me réveille en sursaut et parcours du regard l'avion. Les autres passagers sont tous à leurs occupations, personne ne semble avoir remarqué que nous tremblions légèrement. À moins que ce soit moi qui rêve et la main qui secoue fermement mon épaule droite n'existe.

- Qu'est-ce qu'il vous prend ?! Je m'énerve et chasse la main de l'homme à mes côtés.

- J'ai besoin de votre avis, il ne me répond pas et place le carnet devant ses yeux. Je vais vous lire un truc et j'ai besoin de vous pour me dire si ça sonne bien.

- Vous ne pouvez pas demander à quelqu'un d'autre ?

- Habituellement je demande à mon chien mais...il n'est pas là donc...

- Vous lisez des paroles à un chien pour savoir si elles sont bonnes ou pas ?

- J'ai juste besoin que quelqu'un les entendent, il hausse les épaules et passe une main dans sa barbe de trois jours.

Alors qu'il se lance dans sa lecture, je ferme les yeux et me laisse bercer par le son de sa voix, si pure, si envoutante. Je n'ai pas envie que ses paroles s'arrêtent. Même les yeux fermés je peux deviner son visage concentré, ses sourcils se froncer, ses yeux bleus pétillants parcourir sa page.

J'aurais voulu l'écouter pendant des heures.

- Alors ?

- Hum c'était bien, je baisse la tête et triture mes mains. Vous avez du talent.

- Merci.

Il reprend alors son écriture et me laisse dans mes pensées, perdue. Moi qui croyait ne pas le trouver si intéressant d'un point de vue séduction, je me suis bien trompée. Voilà que maintenant je l'imagine me chanter cette chanson aux allures si romantique.

- Comment s'appelle Miss Râleuse d'ailleurs ?

Sortie de ma transe, je tourne la tête et l'aperçois, un sourcil haussé.

- Rosie, je souris faiblement et me racle la gorge.

- C'est joli.

- Mon grand-frère aimait bien le film Love, Rosie alors je suppose qu'il a demandé à mes parents de me donner ce prénom. Et vous ?

- Julian, il m'annonce et je hoche la tête. J'ai pas vraiment d'anecdote par rapport à ce prénom par contre.

Sa remarque me fait sourire et je me décide à mon tour à travailler. J'ai emporté avec moi quelques dossiers dans l'espoir de pouvoir travailler un peu, pour prendre moins de retard. Me voilà donc plongée dans cette histoire d'héritage familial, pendant que Julian à mes côtés continue sa recherche de texte.

* * *

Trois heures plus tard, je baille et enlève les lunettes de vue de mon nez. Je n'ai pas vu le temps passer, une chance pour moi que ce travail soit une vraie passion. Lorsque je tourne la tête pour observer mon voisin, je m'aperçois que ce dernier est maintenant endormi, des écouteurs dans les oreilles. Ma curiosité me pousse à vouloir saisir son baladeur pour trouver la chanson qu'il peut bien écouter mais je n'en fais rien. Il me prendrait certainement pour une folle.

Julian bouge dans son sommeil et me laisse le loisir d'observer son profil gauche. Je n'arrive pas à croire que j'ai pu dire qu'il n'était pas à mon goût. Il est très mignon, trop mignon. Mais mes pensées ne resteront que pour moi, lui étant sur le point de se marier. Même si je l'avais trouvé belle, cette bague m'était restée en travers de la gorge. C'était bien ma veine. Le seul garçon qui pouvait potentiellement m'intéresser allait se fiancer avec une fille qui aurait bien de la chance. Pourquoi ça n'arrive qu'à moi ?

- Vous voulez écouter ? J'entends et me rends compte qu'il doit avoir les yeux ouverts depuis quelques minutes déjà.

- Hein ?

- La musique. Ça vous dit ?

Il agite son MP3 sous mes yeux et l'écran m'aveugle dans le noir de l'avion. L'appareil affiche une chanson qui m'est inconnue et je fronce les sourcils.

- Qu'est-ce que c'est ? Je l'interroge et il éclate de rire.

- Un MP3, il me sourit de toutes ses dents.

- Je sais que c'est un MP3, je secoue la tête et il pouffe à nouveau, je parlais de la chanson.

- Oh, il finit par s'arrêter de rire, Amber Run. Vous ne connaissez pas ?

- Absolument pas.

Me donnant un de ses écouteurs, il s'approche de moi et remet la musique au début. Nos écouteurs dans nos oreilles, il l'enclenche à nouveau et je me laisse transporter hors de cet avion.

I found love where it wasn't supposed to be

J'ai découvert l'amour où il n'était pas censé exister

Right in front of me

Juste devant moi

Talk some sense to me

Ça m'a ramené à la raison

- C'est magnifique, je relève la tête et croise ses beaux yeux bleus.

Les siens dans les miens, je ne m'en sépare pas et passe ma langue sur mes lèvres.

Bon Dieu.

- Oui, il murmure et je me sens trembler, c'est magnifique.

Reprends toi Rosie.

Il va se marier.

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