❅-6 Décembre-❅

(5688 mots)

Assis sur un fauteuil, observant un prospectus, Louis attend. Ses amis sont en train de régler quelques derniers détails avec la réservation de leur chambre, lui ne s'y intéresse pas, il les laisse faire et se contente de ce qu'on lui dit de faire. Il ne sait pas trop ce qu'il regarde sur ce morceau rectangulaire de papier glacé, ses yeux ny voient rien d'intéressant, comme sil n'y avait rien. Sûrement parce que c'est écrit dans une langue qu'il ne comprend pas. Il pousse un soupir en faisant tomber sa tête dans sa paume et pose sa main sur sa cuisse.

Il sursaute à un instant quand arrive sur ses jambes un papier plié en avion, blanc. Il fronce ses sourcils et lève les yeux pour regarder autour de lui, mais il ne semble y avoir personne dans le petit salon. Il se tourne pour voir autour de lui mais il y a trop de gens dans le hall. De qui l'avion en papier peut-il venir ? Bonne question. Il fronce ses sourcils et attrape le papier plié pour l'ouvrir sous ses yeux.

'Le vertige.' Était-il écrit dessus. Il fronce ses sourcils un peu plus et tourne à nouveau son regard vers le hall dans son dos.

« Désolé ! » Un garçon vient vers lui, trottinant lentement. Louis lève les yeux vers lui et son cur se serre.

Il n'avait pas pu voir son visage. C'était comme sil y avait du flou autour de celui-ci. Ou alors il l'avait vu mais l'avait aussi vite oublié. Ce qui comptait finalement ce n'était pas ça, c'était... pourquoi rêvait-il de ça ? De lui ? Il n'avait aucun vrai souvenir de ce séjour, il avait souvenir d'avoir bien ri et bu avec ses amis un des soirs, d'avoir dormi tard, de s'être amusé, il n'avait pas d'autres souvenirs, il savait qu'il y avait eu quelqu'un, ce garçon, mais qui était-il, à quoi il ressemblait ? Il n'en savait rien. Et il venait de rêver de ça, de lui ? Pourquoi ? Pourquoi maintenant, après tout ce temps, toutes ces années ?

« Bonjour Louis. » Il leva ses yeux avec surprise.

« Bonjour Harry. » Répondit-il en regardant l'homme entrer en souriant, le surprenant dans la lune à son bureau. L'homme s'approcha de lui en souriant et Louis lui répondit, sentant quelque chose en lui un peu plus se serrer.

« Ce soir après le boulot, vous êtes libre ? Je pensais pouvoir laisser Liv avec Olive ? » Louis hocha la tête rapidement. Il était si heureux de savoir qu'il plaisait à quelqu'un, même sil n'avait toujours pas saisi pourquoi Harry s'intéressait à lui de la sorte. Ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu un rendez-vous, il se sentait comme un grand enfant qui venait de vivre son premier amour, de tomber dans les premiers émois de l'adolescence.

« Hum, oui. Oui je suis libre. » Sourit-il. « Ça me semble être très bien, je vais prévenir Liv qu'elle sera de babysitting ce soir, mais elle adore Livio donc ça ne devrait pas la déranger, surtout depuis le temps qu'elle a envie que je sorte et vois du monde. » Expliqua-t-il. Harry marqua une étrange pause en le regardant et fit un sourire avant de partir, avec un air entendu et satisfait, vers son bureau. Louis se laissa tomber, courbé vers l'avant, comme sil avait retenu son souffle et essayé de faire bonne impression, ce qui était en fait parfaitement le cas, c'était ce qu'il avait fait.

« Vos... vos enfants ont le même surnom ? » Il se tourna vers son idiot de collègue et poussa un petit rire.

« Oui, le hasard fait les choses de façon vraiment intéressante ! » Rigola-t-il.

« Mais finalement tu vas vraiment sortir avec lui ? » Il pinça ses lèvres et lança un regard par-dessus son épaule pour regarder la porte du bureau. Pour une fois, une minuscule fois, il n'eut pas un vide dans son cur en regardant cette porte qui signifiait tant, il se sentait chose. Quelque chose en lui sautait de joie, mais pourquoi ? Il n'avait jamais été si heureux avant de sortir avec quelqu'un, juste pour simplement apprendre à se connaître. Alors qu'est-ce quHarry avait que tous les autres avant lui n'avaient pas ? Pourquoi... était-il entré dans sa vie, lui avait pris le bureau de sa femme. Pourquoi se sentait-il si bien ? Quelque chose autour de lui, dans sa vie, était en train de changer, mais quoi ? Et était-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

« Apparemment oui. » Souffla-t-il en se tournant à nouveau vers son collègue, lui faisant un petit sourire, un peu heureux mais aussi un peu perturbé et perdu, dans la lune, pensif. Il ne savait pas vraiment quoi penser, peut-être allait-il simplement falloir prendre les choses telles qu'elles viendraient, et voir en fonction de ça. Harry n'était peut-être pas le bon, mais il était aussi le premier parent célibataire de son entourage et si quelque chose naissait entre eux, ce serait peut-être moins dur de faire cohabiter leurs deux vies, après tout chacun d'eux comprenait et savait comment c'était d'avoir un enfant et d'avoir peur de le présenter comme une obligation pour l'autre, ils se comprenaient au moins là-dessus et c'était très sûrement un bon début au moins. Si une histoire devait naître entre eux, alors il n'aurait aucune culpabilité en lui de déjà avoir une fille.

« Huh, t'as l'air plutôt heureux de ce sort non ? » Taquina son camarade en fronçant son nez et posant sa tête, calée sur le dos de sa main.

« Laisse-moi tranquille un petit peu. » Sourit-il en faisant un mouvement de main, comme un balai, pour le faire reculer de lui, qu'il arrête de le regarder avec cet air de gamin qui faisait un vilain coup, ou qui avait un secret amusant.

« Est-ce que tu aurais un béguin ? »

« Arrête, je le connais depuis moins d'une semaine, ne soit pas idiot. » Il roula de ses yeux et lança quand même un autre regard par-dessus son épaule, juste pour être sûr. De quoi, il ne savait pas trop. QuHarry n'était pas en train de l'épier peut-être ? Ou alors il avait secrètement envie... qu'il soit en train de l'épier.

« Je n'arrive pas à le croire, Louis est amoureux. » Son collègue plaqua une main sur sa bouche avec un air faussement surpris et coinça la deuxième sur sa poitrine dans un air tellement dramatique et théâtral que Louis crut voir son cerveau tant il roula des yeux.

Il ne prit pas la peine de répondre. Peut-être était-il trop occupé à se demander comment serait cette soirée avec Harry ? Peut-être était-il trop occupé à se demander pourquoi, encore et encore, ce qu'il pouvait avoir de si incroyable pour que son être se sente ainsi à l'idée de la dîte soirée ?

~

Il n'avait aucune idée d'où il allait emmener Louis pour ce rendez-vous, il ne savait même pas de quoi ils allaient parler, ou de sils allaient réussir à entretenir une conversation. Il avait lui-même changé avec les années, qui pouvait assurer qu'il serait toujours si aisé de discuter avec Louis, surtout maintenant que celui-ci était veuf. Y compris le fait quil navait aucun souvenir de lui. Il avait juste perdu les pédales dans sa joie et son excitation d'avoir retrouvé Louis, il l'avait vu et il n'avait pu s'empêcher de l'inviter, sans même savoir si ce serait gênant ou non. Et puis, devait-il dire à Louis qui il était ? Comment disait-on quelque chose comme ça à quelqu'un de toute façon ? 'Hey, au fait, je suis le garçon avec qui tu as eu une histoire de dix jours il y a vingt et un ans, tu ne te souviens pas de moi mais moi oui parce que je suis bizarre et que j'ai gardé une photo de toi pendant des années !'. Plutôt rêver ouais ! Louis ne se souvenait sûrement pas de lui parce qu'ils avaient été des enfants, et que cette histoire n'était qu'une stupide amourette d'adolescents.

« Tu as compris ? » Demanda-t-il en regardant une dernière fois dans le rétroviseur. Il croisa le regard de Liv qui hocha de la tête en souriant. Il n'avait sûrement pas compris. Il était sûrement juste heureux parce qu'il allait voir Olive et c'était tout, il n'en avait rien eu à faire de la partie 'soit sage et tien-toi à carreaux'. Il poussa un soupir. « Si tu as mal au ventre tu demanderas à Olive. » Il sortit de la voiture pour ensuite en faire le tour et ouvrir la portière arrière pour extraire son bambin de son siège automobile. Une fois sur ses jambes, celui-ci ne perdit pas une seule seconde pour courir jusqu'au bord du trottoir où il s'arrêta pour regarder à gauche, puis à droite, pour ensuite traverser en courant. Il venait tout juste de retenir cette leçon, bien sûr Harry pouvait simplement lui interdire de traverser sans lui, il l'avait déjà fait, mais Liv était sacrément casse-pieds et quand il avait décidé de quelque chose c'était difficile de le lui enlever de l'esprit, alors à la place il lui avait dit qu'il en avait le droit, à condition qu'il regarde bien avant de traverser, donc à chaque fois, Liv regardait deux fois de chaque côté. Plutôt bien pour un enfant de presque cinq ans.

Harry le rejoignit assez vite, tordant un peu ses doigts de stress, le revoilà vingt et un ans auparavant, la première fois qu'il s'était retrouvé seul avec Louis. Pourquoi fallait-il qu'il soit un vrai bébé dans sa tête juste à cause de Louis ? Quand il en eut assez d'essayer de briser ses doigts en les tordant, Liv était déjà en train de sonner à la porte comme un fou et Harry dût le reprendre et lui faire les gros yeux pour le décourager d'appuyer encore une fois sur le petit bouton rond. Finalement, la porte s'ouvrit sur Olive. Il fallait qu'il se rende à l'évidence, ce ne serait jamais Louis qui lui ouvrirait. « Liv ! » S'exclama son fils en se jetant presque au cou de la jeune fille qui rigola aussitôt en le réceptionnant.

« Liv ! » Le congratula-t-elle. Elle leva ensuite ses yeux vers Harry, sourire aux lèvres. « Papa est dans sa chambre, il se prépare. » Se prépare ? Mon dieu, et dire que lui venait directement du travail, qu'il venait juste de récupérer Liv et c'était tout, il ne pensait pas que Louis le prendrait si sérieusement. « Ne vous inquiétez pas, ça veut juste dire qu'il a un peu arrangé ses cheveux et mis du parfum, là il doit se regarder dans le miroir et faire une crise existentielle, ça lui arrive souvent. » Elle haussa ses épaules et se décala du passage en retirant la veste et le bonnet de Liv. « Entrez. » Poursuivit-elle en tapotant les épaules de Liv quand elle eut fini de lui retirer ses affaires. Harry entra à son tour et il prit une grande inspiration en regardant autour de lui la charmante pièce à vivre. La porte à gauche semblait aller dans la cuisine, à droite c'était le salon. Il observa son fils s'adapter aussi sec à ce nouvel environnement, courant déjà dans le couloir qui partait devant lui pour explorer les lieux.

« Liv, pas de bêtises tu te souviens ! La grande Liv te garde et tu l'écoutes d'accord ? » Lui lança-t-il. La jeune fille lui fit un signe de main pour lui dire que tout allait bien, puis on entendit Liv répondre depuis là où il était.

« Papa ! Harry est là ! » Prévint finalement Olive en criant vers le couloir.

« Ah ! J'arrive ! » Répondit Louis avant que ses pas résonnent. Une porte se ferma et Harry sentit son cur lentement remonter dans sa gorge pour se coincer sous sa langue, il était stressé, il avait à nouveau envie de casser ses doigts et ce fut aussi vite ce qu'il fit, tordant ses doigts si fort que, vraiment, comment se faisait-il qu'ils aient encore une forme normale ? « Tiens, coucou toi ! » On entendit avant que soudain il n'apparaisse depuis son bout du couloir.

Harry le voyait au travail, il l'avait vu toute la journée, comment faisait-il pour être exactement un de ces stupides clichés que l'on voyait dans les films, à se tenir là comme un idiot, presque bouche grande ouverte. Louis avait pourtant simplement troqué ses lunettes pour des lentilles de contact, ce qui était en fait presque triste, il était adorable avec ses lunettes. Il avait aussi simplement coiffé ses cheveux de façon un peu plus réfléchie. Dire qu'il avait toujours cette même stupide coupe de cheveux qu'avant. Peut-être en avait-il moins qu'avant, des cheveux, mais ça ne se voyait pas spécialement pour être tout à fait honnête, sûrement pas aussi bien que le fait que la ligne de naissance de ses cheveux, à lui, ne fasse que lentement reculer avec les années. Et Louis était vraiment toujours aussi beau, il était toujours aussi magnifique, il avait toujours ce joli sourire, toujours ces cheveux dans lesquels passer ses doigts était si agréable. Il voulait le serrer contre lui, mais ne se le permit pas. Il se reprit de ce blocage et sourit. « Allons-y ? » Il se tourna de profil au milieu du couloir en gardant ses yeux sur lui, pour ne rien manquer quand il hocha de la tête, ses cils papillonnant une simple seconde alors qu'il approchait, tendant sa main pour récupérer sa veste sur le dossier du canapé.

« Liv je compte sur toi. À tout à l'heure les enfants ! »

« Amusez-vous bien ! » La porte se ferma et Louis enfila sa veste comme il fallait, l'arrangeant rapidement sur ses épaules avant de se tourner vers Harry.

« Bien, où allons-nous alors ? » Il sourit et haussa un sourcil pour ne pas dire qu'il n'en avait pas la moindre idée, après tout il venait d'arriver ici, il n'avait pas la moindre idée d'où étaient les endroits où aller.

« Y a-t-il un endroit où tu voudrais aller ? » Louis tira ses lèvres sur le côté pour réfléchir.

« Je ne sais pas à dire vrai, ça fait vraiment longtemps que je ne suis pas sorti autrement que pour aller au travail ou au McDonald's le plus proche. » Louis haussa de ses épaules et Harry sentit quelque chose se dégager des siennes, un poids s'effacer. Louis venait d'accepter la familiarité qu'il venait juste de proposer, il avait l'impression de lentement revenir à l'hiver de leur rencontre, si bien qu'il en oublia presque la situation et qu'ils restèrent un peu longtemps là, sur le pas de la porte, à se regarder bêtement. Puis Harry décida enfin de boucher et racla sa gorge en s'ébrouant légèrement, pour revenir au réel.

« Bien, ça me rassure si toi non plus tu ne sais pas, parce que j'ai vraiment aucune idée d'où aller. » Louis rit gentiment, un son un peu plus fort soudain, un son qui résonnait avec tant de nostalgie en lui. Allait-il réussir à simplement survivre à cette sortie ? N'allait-il pas se mettre à pleurer de nostalgie, sous la vague de souvenirs qui allaient sûrement l'assaillir à un moment ?

« On est bien partis dis donc ! » Rigola Louis. Harry sentit son cur se serrer encore plus fort, comme si chaque fois qu'il pensait que ça ne pouvait pas être pire alors son cur lui prouvait le contraire. Il s'efforça de ne pas vendre la mèche quant à la façon dont il se sentait pour traverser la rue avec lui et aller vers sa voiture.

« Au fait je j'aime beaucoup comment tu as arrangé tes cheveux. » Louis fit un sourire sans lui rendre son regard et se contenta de le remercier un peu timidement. C'était stupide. Ils étaient deux adultes et ils avaient l'air de deux gamins allant à un premier rendez-vous. Et peut-être que c'était ce qu'ils étaient, puisquHarry avait l'impression que c'était son cur d'ado qui frappait ses cotes.

Ils grimpèrent aussi vite en voiture et le silence fut soudain un peu plus pesant, et ses préoccupations ne tardèrent pas à revenir au galop vers lui. Comment cela se passerait sils n'avaient rien à se dire ? Rien en commun ? C'était si terrifiant, parce qu'il le connaissait, mais que tant de temps était passé et il ne savait plus comment faire. Comment lui parler. De quoi parler. Il démarra et décida donc d'occuper le silence et de se distraire de ce malaise en mettant en marche la radio de la voiture, qui à cette période n'avait probablement rien d'autre dans le ventre que All I Want For Christmas Is You ou bien un des albums de Noël de SIA. Ça avait l'air d'être une simple blague, et vous aviez sa parole, il aurait préféré que ce soit une simple blague.

Louis poussa un soudain soupir et Harry précipita alors ses mains vers la radio pour l'éteindre à nouveau. « Désolé, tu n'aimes pas trop la période de Noël ou ce qui y est associé, c'est ça ? » Louis sembla surpris et se tourna vers lui, sourcils froncés, sans trop comprendre, puis Harry lui rendit rapidement son regard juste pour constater sa confusion avant de se concentrer sur la route, bien content d'avoir cette excuse pour ne pas être obligé d'être confronté à ses yeux bleus et se trouver en train de déballer tout ce qu'il avait en lui, sur son cur, d'un seul coup, sans réfléchir. « C'est... Olive qui me l'a dit. » Il accompagna ça d'un haussement d'épaules.

« Oh, bien. » Acquiesça Louis. « Oui, je n'aime pas vraiment Noël, je ne sais plus pourquoi. Il y a très longtemps j'ai vécu une mauvaise journée de Noël, et depuis je n'arrive plus à me débarrasser de ce drôle de sentiment. C'est un peu comme écouter une chanson, et quelque chose de mauvais se passe pendant qu'on écoute cette chanson, après ça la chanson sera pour toujours entachée par ce sentiment, même si on ne sait plus d'où ils viennent. Tu vois ? » Harry serra ses lèvres et vit, dans sa vision périphérique, Louis se tourner rapidement vers la fenêtre à côté de lui.

« Je vois. » Louis ne se souvenait plus de lui, mais Harry avait pourtant bien marqué sa vie d'une façon ou d'une autre. Pas vraiment de celle qu'il aurait voulu cependant. Il ne faisait que lui rappeler le jour de leur séparation, leur histoire avait marqué sa vie d'une si mauvaise façon, il l'avait fait haïr une fête qu'il avait un jour pourtant tant aimé. Comment pourrait-il lui dire, comme ça, que c'était lui qui l'avait fait ne plus aimer Noël ? Que c'était lui, la mauvaise chose qui lui était arrivée ? Il se contenta de sceller ses lèvres un peu plus encore, et d'attendre le moment vraiment opportun pour lui dire, pour le moment le mensonge et secret étaient encore agréables alors il pouvait bien les pousser un peu plus.

Ils arrivèrent plutôt rapidement à un bar/restaurant qui leur paru chaleureux et agréable, pas trop rempli, pas trop vide, pas trop bruyant et pas trop silencieux non plus, ils seraient assez vite partis avant que les jeunes personnes cherchant à sortir entre potes n'arrivent. Ils entrèrent rapidement alors dans la grande salle et s'installèrent sans trop attendre. Louis lui sourit alors qu'ils étaient tous deux penchés au-dessus de la carte pour savoir quoi choisir. Leurs deux téléphones étaient sur la table, tous les deux voulaient être joignables au cas où Olive ait besoin d'eux, bien que Louis ait normalement tout prévu, il avait acheté des cordons bleus surgelés qu'Olive n'aurait qu'à faire chauffer, elle avait les affaires de Liv pour le mettre en pyjama, son film préféré, tout ce qu'il fallait pour bien l'occuper.

« Bien. » Introduit finalement Louis quand ils eurent enfin commandé ce qu'ils voulaient. « Puisque tu sais pourquoi je suis parent célibataire... puis-je te demander où est le deuxième parent de Livio ? » Demanda-t-il en haussant un sourcil, voulant sincèrement savoir sil n'y avait pas de problème avec une telle question, comme réveiller de mauvais souvenirs. Heureusement pour lui, Harry n'avait aucun regret concernant le fait d'avoir mis fin à sa dernière relation.

« Plus là, et tant mieux. Il était ce genre de personnes qui savent qu'ils vous tiennent et qui soudain vous prennent pour acquis, et n'essaient plus. » Dit-il. « L'amour a toujours été un genre de passe-temps pour lui, et il m'a eu dans la poche et il m'a gardé là sous la main, tout en allant bien s'amuser ailleurs... à dire vrai... » Il pinça ses lèvres. Pouvait-il vraiment dire une telle chose ? Ce n'était pas une information qui se donnait comme ça, sans trop y réfléchir, sans trop y penser, c'était quelque chose d'important sur sa vie et sur celle de son fils, ce n'était pas un secret mais ce n'était pas le genre d'informations agréables à savoir ou faciles à donner. Mais c'était Louis, et puis... celui-ci lui avait dit que sa femme était décédée, ça aussi ce n'était pas une information agréable à donner. « Liv est issue d'une aventure qu'il a eu avec une femme. Elle lui a laissé le petit et elle s'est barrée, comme ça, je ne sais même pas qui elle est. Je l'ai adopté et on m'a laissé la garde parce que de toute façon, son père est alcoolique et clairement pas en état de s'occuper d'un enfant. Et puis il s'en fiche de Liv, malheureusement. » Il poussa un triste soupir et la serveuse déposa leurs deux boissons sur la table alors que Louis le dévisageait avec cette mine qu'il connaissait, celle que prenaient les gens, tous, dès qu'il parlait de ça, celle qui disait...

« Tu... as adopté son enfant. Celui qu'il a eu avec... une autre. » Celle qui disait ça, oui. Elle disait aussi. 'mais tu es fou' ou 'comment tu fais pour élever ce garçon avec tant d'amour quand tu sais d'où il vient ?'. Il était habitué à ce genre de regards, il les connaissait. Tout le monde le lui donnait. Harry avait juste appris à aimer Liv comme un enfant, comme le sien, il savait qu'il y avait eu un jour dans sa vie où il l'avait aimé juste parce qu'il était le fils de son amant, mais ça avait vite changé ensuite.

« Oui. » Répondit-il. « Je sais, on dirait que je suis dingue, et je le suis sûrement... J'étais si aveugle et amoureux, j'ai accepté Livio comme ça dans ma vie, sans même y réfléchir. Mais... le jour où Liv m'a appelé papa pour la première fois j'ai senti que je l'aimais comme on aimait son enfant. Si je l'ai d'abord accepté par simple amour j'ai fini par développer une vraie attention paternelle pour lui. » Il fit un sourire en regardant son téléphone, écran face à la table. Sur la coque il y avait une photo de Liv quand il était bébé. « Je sais... que je devrais peut-être revoir son visage à lui dans celui de Liv, mais non... non, je n'y vois que mon fils, que mon bébé, mon Liv. » Il leva à nouveau les yeux vers Louis. Celui-ci souriait avec un air attendrit, quelque chose dans son visage qui laissait penser qu'il était touché par cette histoire.

« Et donc... comment tu as su que tu devais le quitter ? »

« Je ne sais plus. Liv a commencé à grandir, dans mon quartier tout le monde commençait à savoir qu'il n'était pas mon fils, des gens ont commencé à chuchoter derrière mon passage peu après que je l'eu adopté... je crois que j'ai commencé à me dire que quelque chose clochait. J'ai fini par réaliser que rien n'allait dans cette relation, ou du moins que ce n'était pas ce que je voulais, ni recherchais, je restais avec lui parce que j'étais faible et qu'il disait souvent que sans moi il serait à la rue, seul et malheureux. Il a eu du mal à accepter notre rupture mais j'ai fini par venir ici et me voilà, libéré et heureux. » Il ponctua sa phrase par un sourire et il put en observer un reflet sur le visage de Louis en face de lui.

« C'est très récent alors. » Harry haussa ses sourcils et hocha la tête. Oui. Ça l'était. Il y avait juste quelques semaines encore son ex frappait à la porte de chez sa mère, là où Harry était hébergé avant de déménager, tous les quatre matins pour le supplier de bien vouloir le récupérer. « On peut donc dire que... pour toi et moi... nos dernières relations ont été plutôt... douloureuses, chacune à leur façon. » Harry sourit et poussa un triste soupir en attrapant sa bouteille de bière pour en verser un peu de son contenu dans son verre.

« Je suppose oui. » Admit-il. « Ai-je le droit d'en savoir plus au sujet de vous deux moi aussi ? » Louis fit un sourire et hocha la tête en imitant ensuite ses gestes avec sa propre bouteille.

« Elle était plus vieille que moi. Quand on s'est rencontrés elle faisait des études pour devenir ophtalmologue. On est assez vite sortis ensemble et on était déjà prêts à finir ensemble pour toujours je crois, on na jamais eu de doutes, on a très vite vécu ensemble et j'ai sauté dans le premier train pour changer d'études et devenir secrétaire médical pour suivre son rêve d'ouvrir son propre cabinet un jour... pour être avec elle. » Il poussa un petit rire qu'il cacha dans une gorgée de sa bière. Harry sourit aussi vite, parce que ça avait un côté si adorable et timide. Il pouvait voir que parler de ça le rendait heureux, Louis avait sincèrement aimé cette personne. « Elle est tombée enceinte assez vite après ça et Olive a comme fini de nous sceller l'un à l'autre. » Finit-il. Il reposa ensuite son verre sur la table et son sourire retomba lentement, et Harry supposa donc que c'était maintenant que la partie douloureuse entrait en scène. « Elle... on essayait d'avoir un deuxième enfant. Olive avait six ans, on avait essayé longtemps. La dernière fois que je lui ai parlé on était au téléphone. Elle venait de me dire qu'elle avait fait un test de grossesse parce que son retard l'inquiétait, et le test était positif. » Un pâle sourire se dessina sur ses lèvres. « Elle n'était pas à la maison à ce moment, si je me souviens bien elle était allée voir sa sur et c'est elle qui l'avait convaincue de faire un test... donc... elle comptait revenir à la maison pour qu'on fête ça ensemble. » Harry sentit une boule remonter dans sa gorge. Elle s'était tuée sur la route. « Le chauffeur d'en face était ivre. Il n'est même pas mort. Mais elle oui. » Il poussa un soupir. Aucunes larmes ne vinrent de lui, Harry fut plus difficile à retenir cependant. Une ou deux larmes lui échappèrent mais il fit de son mieux pour ne pas le laisser paraître, Louis n'avait sûrement pas besoin de pitié ou de condoléance ou de phrase toute faite. Il n'avait pas besoin de 'désolé'. « C'était difficile, mais ce qui était encore plus difficile que la perdre c'était d'avoir Olive, une toute petite fille, de six ans, une enfant, elle n'avait aucune idée de ce qu'était la mort, elle n'y avait jamais été confrontée avant. Et je devais la regarder et lui dire... maman est partie. Et tu ne la reverras plus jamais, et moi non plus, et plus personne non plus. Non seulement je devais faire mon deuil, mais je devais aussi essayer de passer par-dessus ma douleur pour Olive. Elle avait besoin de moi. » Harry renifla et baissa ses yeux vers son verre, vers sa main serrée autour de celui-ci, durement, pour essayer de se retenir de pleurer vraiment. « Peut-être... qu'on ne devrait pas parler de ça ! Parlons d'autre chose. » Louis changea alors de sujet en remarquant le soudain malaise. « Comment apprécies-tu la vie ici ? »

« Plutôt bien, le quartier est sympa. Liv commence à s'habituer. Je suis un peu triste d'être loin de ma famille mais.... Ici je sens que je vais pouvoir recommencer à zéro, c'est rassurant. » Louis fit un sourire en hochant de la tête.

« C'est... je ne peux pas ne pas le relever. » Lança-t-il. « C'est rassurant d'être loin de chez toi ? Je n'aurais jamais pu mettre les pieds hors de la périphérie de Londres, j'y ai toujours vécu. Et toi tu pars, tu prends un nouveau départ, et tu trouves cela rassurant. » Il se laissa tomber sur sa paume et poussa un lourd soupir. « Comme c'est admirable. » Un sourire grimpa sur ses joues et Harry baissa ses yeux à nouveau pour cacher son embarras. Louis ne pouvait pas le regarder comme ça et attendre de lui qu'il reste calme. Il pouvait presque le revoir dans la cafétéria de l'hôtel, vingt et un ans plus tôt, sourire en le regardant après qu'il ait fait une chute spectaculaire.

« Je... je ne pense pas que ce soit admirable, je n'ai simplement jamais été attaché à des habitudes ou des rituels. J'ai toujours aimé sortir des sentiers battus, j'y vois comme une façon de se découvrir, sans barrières. Je suppose qu'une personne qui s'attache à des rituels, des habitudes, n'a pas la même facilité à laisser partir les choses, à se débarrasser de peurs. » Il tira ses lèvres sur le côté dans un demi sourire et vit Louis en face de lui, souriant tristement en observant son verre, quelque chose de douloureux dans son regard. Harry se reprit alors, raclant sa gorge pour attirer son attention plus précise sur ses prochains mots. « Je ne veux pas dire par là que c'est une mauvaise chose, c'est une observation simplement. Nous sommes tous différents. »

« Tu as raison. » Acquiesça Louis en hochant à nouveau la tête. « Parfois... j'aimerais pouvoir me débarrasser de vieilles habitudes, mais je développe des attaches pour tout et n'importe quoi. Même pour ma routine matinale. Je ne suis pas le genre de personne qui est faite pour vivre au jour le jour, tout doit être planifié, quelque chose d'imprévu... négatif ou non, n'est jamais le bienvenu. » Louis remercia la serveuse quand son plat fut posé devant lui et Harry fit de même quand ce fut son tour. Un silence s'étendit entre eux mais jamais Harry ne quitta son compagnon des yeux, alors qu'il avait sa fourchette pendue entre index et pouce. « La vie serait sûrement plus simple si je la vivais comme toi. » Il fronça ses sourcils et raffermit bizarrement ses doigts autour de sa fourchette. « En fait... » Ses yeux bleus grimpèrent dans le vide pour rejoindre les siens et il se figea sur place. « En fait quand on bouscule ma vie je ne suis jamais bien, et pourtant... » Il se stoppa et secoua sa tête. « Qu'importe. » Harry ne redit rien, il ne pouvait pas le forcer à parler, ils n'étaient pas si proches que ça, plus assez en tout cas, plus assez pour se permettre de lui tirer les vers du nez.

Finalement, la soirée allait plutôt bon train, ils avaient fini par laisser tout le côté sens de la vie et pourquoi je souffre sur le côté pour parler comme des gens normaux apprenant à se connaître, et peut-être que Louis profitait de ne pas être de corvée de conduite pour boire un peu trop. Leurs plats étaient finis mais les verres ne faisaient que s'enchaîner. Louis clamait qu'il paierait tout lui-même mais Harry savait qu'il ne le laisserait pas faire. Ils avaient réussi à ne même pas parler de leurs enfants, ce qui était un miracle considérant combien l'un comme l'autre étaient des pères poules constamment en train de s'inquiéter pour un oui ou un non. Quand l'addition fut finalement déposée sur la table, Louis tendit sa main pour la saisir. Mais Harry fut malheureusement plus rapide que lui et s'empressa de la tirer vers lui. « On avait dit que je t'invitais. » Louis fronça ses sourcils en prenant un air boudeur qui lui donnait facilement pas mal d'années en moins, il avait l'air d'un enfant coincé dans le corps d'un adulte, c'était ridiculement mignon.

« On navait rien dit du tout. » Répliqua-t-il en coinçant ses poings sur ses hanches, se redressant pour avoir l'air bien droit.

« J'avais dit que je t'invitais, et ça me fait plaisir, reste tranquille. »

Ils sortirent du bâtiment, Louis tanguant un peu malgré lui, et Harry le teint par la taille pour l'aider à trouver son chemin. « T'es vraiment nul pour boire de l'alcool toi. » Remarqua-t-il. Tu n'as pas changé. Aurait-il aimé ajouter, mais il ne le fit pas, évidemment.

« Je sais. » Rigola Louis. Il leva ensuite ses yeux vers le ciel noir, dépourvu de lune ou d'étoiles. De la neige. Il n'y avait que de la neige. Harry s'arrêta quand Louis le fit et il leva à son tour les yeux. « Ça faisait très longtemps que je n'avais pas été sous la neige pendant qu'il faisait nuit. » Le vent passa et Harry le vit soulever les cheveux de Louis pour caresser son visage, un sourire naissant sur les joues rouges de ce dernier. Il était beau. Louis était si beau. Il n'arrivait toujours pas à y croire. c'était lui, c'était bien lui. « Quelle heure est-il ? On devrait se dépêcher de rentrer. »

« Il est bientôt minuit. »

Et ils se remirent en marche vers la voiture.

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