❅-3 Décembre-❅

(2427 mots)

« Arrête de bouder. » Râla Harry en regardant Liv dans le rétroviseur. « Moi non plus ça ne me fait pas plaisir de ne pas pouvoir rester avec toi, mais j'ai du travail. » Le petit garda sa moue en regardant le bâtiment par la fenêtre de la voiture, tenant son ours en peluche contre lui. Il était mignon avec son petit bonnet sur la tête, ses joues toutes rougies par le froid, une moue tirant ses lèvres presque comiquement. Harry sortit de la voiture en soupirant de défaitisme et s'empressa d'ouvrir la portière arrière opposée pour détacher Liv et l'attraper.

Il partit vers l'entrée du bâtiment. La double porte à l'entrée était vitrée et derrière, à l'accueil, il n'y avait pas grand monde. Il poussa la porte qui sonna et la femme lui sourit en approchant. « Vous devez être Harry. » Il hocha de la tête en déposant Livio sur le sol pour attraper son bonnet et le lui retirer avant de le prendre par la main.

Il n'en avait pas envie, mais il était bien obligé. Il fallait le laisser au jardin d'enfants. À Newcastle, lui et le père de Liv avaient eu une nourrice de famille qu'ils connaissaient bien et c'était très nouveau pour Liv d'être dans un endroit comme une crèche. Chez sa nourrice, il y avait aussi eu d'autres enfants mais ici c'était différent et il savait que Livio avait beaucoup de problèmes pour sociabiliser. Il avait peur qu'il lui arrive des misères mais il n'avait pas le choix. Il était ici maintenant, plus à Newcastle.

Ce n'était pas agréable, mais il n'avait pas le choix. Laisser son fils avait été dur mais il ne fallait pas se laisser abattre. Il fallait essayer de se détacher de ça, s'il couvait trop Liv un jour ce serait trop dur pour lui de prendre son envol, d'être indépendant. Alors même si ça lui fit mal, il s'efforça de placer ça de côté pour se concentrer sur son travail.

Harry n'avait pas pu être muté, alors ça avait été un peu dur et complexe de se trouver un plan de secours en emménageant ici, mais comme si le hasard faisait bien les choses, en cherchant bien avant d'emménager, il avait réussi à trouver exactement ce qu'il fallait, une petite clinique ophtalmologique privée non loin d'ici. Après avoir envoyé CV et lettre de motivation, puis passé un entretien, il avait finalement été pris, ce n'était qu'un court contrat mais il espérait bien finir embauché à un moment. Aujourd'hui était son premier jour, il stressait un peu mais il savait aussi que tout irait bien.

Il poussa la porte d'entrée de la clinique qui donna sur le secrétariat d'accueil. L'espace était décoré de petites guirlandes lumineuses ou simples, il y avait aussi une belle couronne festive sur la devanture du bureau d'accueil. « Bonjour. » Annonça-t-il en approchant. La personne derrière le bureau se tourna vers lui et il rencontra les yeux bleus de son voisin, derrière des lunettes rondes sans armature et une mèche châtain caressant légèrement les verres. « Oh, tiens. »

« Oh. » Surenchérit l'homme en souriant, de cet air si doux, si tendre, qui résonnait en lui avec comme un sentiment de nostalgie. « Bonjour, je peux vous aider ? » Lui demanda-t-il.

« Euh, oui, je... je suis le docteur Styles. » L'homme fit un sourire en semblant réaliser.

« Ah oui, on m'avait prévenu. » Il se leva de sa chaise et Harry lui trouva une grâce toute particulière dans ses gestes quand il poussa sa chaise à roulette en se levant. Il avait l'air un peu plus élégant dans ces vêtements-là, portant un t-shirt et un jean, ses cheveux bien coiffés. Il fit le tour du bureau et esquissa un signe de main, invitant Harry à le suivre. Ce qu'il fit. « Je ne savais pas que vous étiez ophtalmologue. »

« Tout comme je ne savais pas que vous étiez secrétaire médical. » L'homme poussa un petit rire en se tournant vers lui.

« Le monde est petit » Il s'arrêta devant une porte qu'il montra d'un geste de sa main. « Voici votre cabinet, votre compte informatique est déjà prêt, les dossiers des patients y sont aussi. » Lui dit-il. « Votre agenda est prêt aussi, bonne journée. » Il partit aussi vite, sur un signe de tête poli et Harry suivit sa silhouette s'élancer vers l'accueil à nouveau. Il lui semblait si différent de la veille.

« Bonne journée. » Balbutia-t-il en observant sa démarche. Et ça recommença, comme la veille. Il lui rappela à nouveau cette personne qu'il n'avait connu qu'une dizaine de jours, sa démarche lui semblait tellement familière, mais ce n'était pas possible que ce soit la même personne, il se souviendrait, non ? C'était vrai que ça faisait quelques années maintenant, mais tout de même.

Il resta une seconde dans le couloir avant d'entrer dans la pièce, fermant la porte derrière lui et soupirant en se trouvant dans ce nouvel environnement. Il y avait des fleurs dans un vase sur le bureau, l'endroit semblait propre mais une étrange sensation flottait dans l'air, comme si cet endroit n'avait plus été utilisé depuis des années. Il entendit un coup à la porte puis elle s'ouvrit sur son voisin à nouveau, qui entra en s'excusant pour récupérer le vase de fleurs. Il fit un sourire et s'excusa une nouvelle fois avant de ressortir.

Harry pinça ses lèvres en restant encore là un instant. Il le lui rappelait vraiment, c'était très étrange comme sensation, cette impression si forte que c'était lui, ce garçon qu'il avait tant aimé. Il ne savait pas s'il avait réellement aimé ce garçon aussi fort qu'il le pensait ou si ses souvenirs étaient erronés, s'il avait tout ce temps idéalisé cet amour de jeunesse. Il avait été jeune après tout, juste âgé de seize ans, peut-être que l'idée qu'il lui restait de cet amour était fausse, qu'il l'avait inventé dans sa tête et alimenté. C'était peut-être pour ça qu'il n'avait jamais pu trouver quoi que ce soit pour le combler.

Ça ne faisait pas trop longtemps qu'il était séparé de son ex maintenant, quelques mois. Il était parti parce que rester là-bas aurait semblé trop difficile. Changer d'air, trouver une nouvelle indépendance, c'était la page qu'il avait fallu tourner pour tirer un trait définitif sur le père de Livio et passer à autre chose. Il en avait connu un paquet des gens depuis son premier amour, plusieurs garçons, qui n'étaient jamais restés longtemps, il les avait aimés, mais il avait toujours eu la sensation que quelque chose n'allait pas ou manquait à l'équation. Puis il avait rencontré le père de Livio et ce qu'il lui avait toujours manqué avait soudainement semblé tellement à portée de main. Puis finalement tout était fini, d'un coup l'homme qu'il aimait avait changé ou alors c'était lui qui avait changé, mais quelque chose avait semblé mourir, comme si son ex se l'était mis dans la poche et avait donc décider que maintenant essayer de lui plaire ne servait plus à rien. Harry s'était vite retrouvé à jouer les bonniches de service pendant que lui sortait et buvait, s'amusait.

Harry avait donc demandé garde exclusive et avait mis les voiles. Bien sûr, son ex avait essayé de le retenir, lui disant qu'il allait changer, faire des efforts, que c'était la dernière fois qu'il faisait une bêtise, qu'il réglerait les choses. Il l'avait appelé, stalké, harcelé, puis Harry avait décidé que ça en était assez, simplement. Et juste comme ça, il avait atterri à Londres. Il était triste un petit peu, personne ne pouvait être que soulagé de perdre une personne qu'on avait vraiment aimé. Harry avait mal d'y penser encore, à cette vie qu'il avait imaginé vivre mais qui était finie, même si à bien y réfléchir entre lui et son ex ça faisait un petit moment que les choses étaient mortes. Il avait toujours placé tellement d'espoir dans le fait de trouver une personne, quelqu'un, et c'était comme si ça lui avait été interdit, personne ne semblait être ce quelqu'un dont tout le monde parlait, cette personne qui chamboule vos tripes. Est-ce que l'amour était vraiment réel ? Est-ce que ce n'était qu'un mensonge que les gens entretenaient en se mentant à eux-mêmes et aux autres ? Il ne pensait pas pouvoir être assez fort pour entretenir un tel mensonge, si l'amour devait ne pas exister alors tant pis, il resterait seul avec Liv. Il préférait ça que de devoir finir avec une personne qu'il ferait semblant d'aimer juste pour vivre dans l'illusion que l'amour était réel, que ces sentiments qu'il avait ressentis un jour étaient vraiment réels.

Peut-être que sa vie était malheureuse. Il se concentrait beaucoup sur Livio et sur comment être un bon père célibataire, ça lui permettait de ne pas vraiment réaliser combien il était mal. Le fait de ne pas pouvoir trouver une personne qu'il pourrait aimer et qui l'aimerait en retour était douloureux. Bien sûr on ne se mettait pas en couple juste pour être en couple, mais Harry ne voulait pas juste quelqu'un dans son lit, il était seul. Incroyablement seul. Et il avait besoin de cette solitude, il en avait toujours eu besoin pour être vraiment indépendant, mais être seul comme cela le rendait aussi malheureux. Il avait besoin de quelqu'un, quelqu'un qui entrerait dans cette solitude, qui chamboulerait sa vie, qui mettrait tout sens dessus-dessous, il voulait que quelqu'un entre dans sa vie, comme ça, s'assoit avec lui et que rien ne soit des plus normal et naturel. C'était peut-être paradoxal, personne n'entrait dans votre vie et mettait un bordel sans nom sans que ça ne vous dérange. Il était peut-être puéril, un peu trop rêveur. C'était stupide. Il avait juste l'impression de ne pas pouvoir plaire, et il avait juste subi tant de déceptions amoureuses qu'il avait commencé à idéaliser l'amour et les relations, c'était l'unique solution. Il ne fallait rien précipiter, plus on précipitait et pire serait la chute. Peut-être fallait-il simplement attendre et ne rien attendre en même temps, un jour ça lui tomberait peut-être dessus, ou peut-être pas. Il ne fallait pas être déçu, la vie avait sûrement des plans pour lui, c'était évident.

~

« Je suis rentré. » Il poussa un soupir en posant ses clés de voiture sur le meuble de l'entrée. Olive pencha sa tête dans l'ouverture de la porte du salon. « Ça a été aujourd'hui ? » Sourit-il en retirant ses chaussures.

« Comme un lundi. » Répondit sa fille. « Et toi ? »

« Eh bien pareil. » Rigola-t-il en allant dans la cuisine. « Tiens, le voisin est le nouveau docteur de la clinique. » Olive entra dans la cuisine et il la vit froncer ses sourcils avec un air un peu préoccupé.

« Il est dans... le cabinet de maman ? » Il poussa un soupir et hocha de la tête en silence. « C'est... c'est bien, ça faisait longtemps qu'il était vide. »

« Oui. » Sourit-il avant de se tourner vers elle. Elle n'avait pas l'air très sûre d'elle mais il poussa un rire et l'attrapa autour de ses épaules pour la prendre rapidement dans ses bras après avoir posé une tasse sur le plan de travail. « Ne te fait pas de soucis pour ton vieux père. » Il embrassa doucement son front et passa ses mains dans sa queue de cheval. « Bon. » Commença-t-il en reculant pour aller allumer la bouilloire et se faire un thé. « Est-ce que tu as envie de manger quelque chose en particulier ? »

« Euh pas spécialement. » Répondit-elle simplement. « Tu es sûr que ça va ? »

« Ne t'inquiète pas Liv. » Siffla-t-il. « Et si on allait manger en ville ? » Liv hocha de la tête en souriant, même alors qu'elle savait qu'il devait être en train d'intérioriser. Elle ne pouvait pas faire grand-chose, sinon simplement accepter que son père n'allait pas lui confier quoi que ce soit sur comment il se sentait.

Liv avait peut-être raison d'être préoccupée. Parce que Louis sentait étrangement que quelque chose n'allait plus comme il le faudrait, l'arrivée de son voisin à la clinique avait chamboulé un équilibre qu'il avait longuement mis en place. Mettre des fleurs dans l'ancien bureau de sa femme était ce rituel qui venait d'être brisé, il venait de le briser, cette chose à laquelle il s'était raccroché. C'était une seule sur plusieurs seulement donc tout irait bien, mais il était tout de même un peu mal au fond de lui et il savait que tout le monde à la clinique avait aussi remarqué ceci.

Louis savait qu'il avait fini son deuil, mais les souvenirs étaient là et s'en débarrasser faisait si peur. Il ne voulait pas oublier.

« Bon, on va au mcdo un truc comme ça ? » Il se tourna vers Liv et la vit rigoler.

« Toi et ton amour pour la malbouffe. » Elle roula de ses yeux en quittant la pièce. « Je vais chercher ma veste. » Il rigola en décidant de laisser la bouilloire ainsi finalement, laissant son thé à plus tard. Du mouvement derrière la fenêtre attira son regard et il vit la voiture du docteur Styles arriver pour se garer devant la maison. Il regarda l'homme sortir du véhicule et quelque chose en lui se sentit bizarre sans qu'il ne sache pourquoi. Il se prit à sourire en le voyant si heureux avec son fils, il était un père célibataire aussi apparemment, mais surtout... il était un bon père célibataire. Il savait qu'il n'était pas la figure paternelle parfaite pour la vie de Liv, qu'elle méritait mieux qu'un raté comme lui, alors c'était pour ça aussi qu'il faisait son possible pour lui assurer un avenir correct, qu'elle ne finisse pas comme lui. « J'suis prête ! » Il s'ébroua et s'éloigna de la fenêtre pour rejoindre Liv.

« Bonsoir ! » S'exclama Liv une fois dehors, interpellant le grand homme bouclé depuis l'autre côté de la rue.

« La grande Liv ! » S'exclama le petit garçon qui courait dans le jardin pendant que son père déverrouillait la porte de la maison.

« Coucou le petit Liv ! » Rigola Olive en lui faisant un signe.

« Vous sortez ? » Demanda-t-il en ouvrant la porte. « Profitez bien ! » Il fit un signe de main en disparaissant à l'intérieur de la bâtisse et Louis observa son dos, ses épaules, et quelque chose en lui frémit quand le vent souffla dans ses cheveux. Puis la porte se ferma et la sensation disparut pour être oubliée.

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