❅-20 Décembre-❅

(2630 mots)

Le cabinet, chaque année, fermait le 20 décembre jusqu'à Noël de façon exceptionnelle. C'était plutôt agréable du coup, ce matin-là, de se réveiller après une belle soirée en compagnie de Harry et de se dire qu'il était en vacances pour une petite semaine. Ce matin, quand il se leva pour aller boire son café du matin, ce fut avec un grand sourire. Pour la première fois depuis longtemps, le voilà qui n'avait pas le cafard à l'approche de Noël. Il restait encore deux jours de cours à Liv pour qu'elle soit en vacances, tout le monde allait débarquer chez lui le dimanche soir pour Noël et son anniversaire, il allait avoir trente-huit ans et cette année Noël était bien plus agréable.

Pour suivre ses pensées, ses yeux dérivèrent vers la fenêtre et la maison de Harry en face, ce serait tant mentir de dire qu'il ne voulait pas passer la journée avec lui. Se mettre devant la télé, manger des cookies et boire du café sous un plaid. Il poussa même un soupir à simplement s'imaginer être avec lui, contre lui, au chaud alors qu'il le tenait d'une prise confortable autour de ses épaules. Oui, il voulait passer ces deux prochains jours de vacances loin de son bureau, au calme contre Harry, avec lui.

C'était presque un besoin en fait, plus qu'une envie. Pas comme s'il ne pouvait plus rien faire sans lui, mais parce qu'il lui manquait en fait. C'était comme s'ils étaient tombés dans ce moment d'une relation, les émois des premiers mois, s'embrasser, se tenir l'un contre l'autre, ne plus se lâcher, ça finirait par passer et son affection finirait par mûrir.

Est-ce que ça voulait dire... que lui et Harry étaient dans une relation ? Ils n'en avaient jamais parlé, ils ne s'étaient rien dit du tout. Ils étaient toujours ensemble, ils s'embrassaient beaucoup, avaient même dormi ensemble, mais est-ce qu'ils étaient ensemble ? Il ne savait pas, pas plus qu'il ne savait ce qu'il préférerait comme solution. Voulait-il être avec lui, en couple, pour de vrai ? Ou voulait-il rester dans cet entre-deux incertain et confortable ? Il ne se posait pas de question dans l'état des choses, il aimait Harry, beaucoup, très fort et il voulait passer du temps avec lui, alors il le faisait. C'était la première fois que tout était si simple, alors peut-être devait-il passer cette autre étape, ce stade, mettre un nom sur eux, sur ce qu'ils étaient. Mais il n'était pas sûr de le vouloir. Pas sûr d'aimer Harry comme un petit-ami, peut-être que ça viendrait et à dire vrai il était même plutôt sûr que ça viendrait... alors quel était le problème ? Peut-être avait-il encore peur ? C'était sûrement ça, ça ne pouvait pas être grand-chose d'autre, il ne voyait pas une autre solution. Il avait encore un peu peur d'accepter entièrement une nouvelle personne dans son quotidien, même alors que Harry était maintenant assez ancré dedans, qu'ils étaient à l'aise dans l'environnement l'un de l'autre.

Il n'y avait en fait aucune raison d'avoir peur, n'est-ce pas ?

Il posa sa tasse en pinçant ses lèvres et partit dans le couloir puis vers son bureau, ouvrant un tiroir pour attraper une feuille. Un sourire tira ses lèvres et il hocha de la tête pour lui-même, il n'y avait aucune raison d'avoir peur, mais il était quand même effrayé, c'était comme ça. Mais Harry le plaçait face à ses démons, Harry lui permettait de se rendre compte qu'il ne pouvait pas continuer à vivre comme ça, à fuir, à se refuser d'être heureux avec quelqu'un à nouveau. Alors il se pencha sur le bureau, attrapant un stylo et le faisant tourner entre ses doigts pour inscrire quelque chose sur la feuille qu'il plia sans hésiter, souriant en regardant le petit avion qui en résulta. Il ressortit aussi vite de son bureau et enfonça ses pieds dans ses chaussures en attrapant ensuite sa veste. Il sortit de la maison, le froid dévorant aussi vite ses joues et la peau sensible de son cou.

Il traversa la route en essayant de ne pas déraper dans la neige tant il était pressé. Il voulait juste que Harry lise ce papier et ensuite passer toute la journée dans ses bras. Il voulait juste confier cette peur à Harry pour se libérer de son poids, il voulait vivre comme ça lui aussi, comme un avion en papier. Il voulait jeter ses peurs et les regarder s'envoler et partir, il voulait lâcher prise et ne plus avoir de barrières, être libre. Il aimait cette métaphore et il l'avait oublié trop facilement. Alors quand il arriva devant la maison et qu'il vit du mouvement dans la maison sans pourtant ne voir personne il décida de simplement lancer le petit papier. Il le regarda voler avec peine mais force vers la maison et se cogner à la baie vitrée derrière laquelle la lumière du sapin de Noël lui faisait un signe. Ses mains tombèrent le long de son corps et il n'eut pas le temps de se sentir stupide. Harry apparut à la fenêtre, observant le sol. Il vit assez vite l'avion et ouvrit la fenêtre aussi vite, levant les yeux ensuite pour voir Louis. Il poussa un petit rire amusé en attrapant l'avion et l'ouvrant dans l'extension de son mouvement. Ses yeux lurent les mots et son sourire tomba presque au même instant, ses lèvres prenant plutôt une mine préoccupée. Puis il reporta son attention sur lui ensuite, sans attendre.

« Tu veux entrer ? J'étais en train de préparer un brunch. » Il pointa l'intérieur et Louis fit un sourire en hochant la tête puis le remerciant. Il entra dans la cour pour rejoindre la porte.

~

« Ton papa fait les meilleurs pancakes sur terre et tu boudes parce qu'il n'y a pas de pépites de chocolat dedans ? »

Harry rigola de bon cœur en ressortant de la cuisine avec des gaufres toutes prêtes. « Tu sais mon fils est une tête de mule, s'il a décidé que ça ne lui plaisait pas, ça ne lui plaît pas. » Il posa les gaufres à côté des clémentines et mandarines sur la table.

« Je vois ça. » Rigola Louis. « En tout cas je trouve ça très bon, merci de m'avoir invité. » Il se tourna vers lui en lui disant cela et il sourit joyeusement. « Enfin, merci de m'avoir permis de m'inviter. » Harry pouffa un rire de façon spontanée et secoua sa main dans l'air pour lui dire que ce n'était rien. Ce n'était pas comme si Louis le dérageait, il était même plus qu'heureux qu'il soit là ce matin, assis à côté de lui.

« Tu peux même rester encore si tu veux. » Lui proposa-t-il. Louis était venu vers lui de lui-même, pour la seconde fois, et il serait bête et dommage de lui tourner le dos.

« C'est gentil, mais je n'en demande pas tant. » Louis secoua sa tête et Harry se pencha vers lui pour embrasser sa joue.

« Moi oui. » Son compagnon se terra alors dans le silence, ses joues devenant rouges, une couleur qui lui tira un sourire amusé et attendrit. Louis était adorable, trop mignon, tout le temps, ça en était presque n'importe quoi.

« D'accord. Si c'est demandé si gentiment. » S'amusa-t-il. De toute façon, il n'allait pas le laisser partir si facilement après ce qu'il avait lu dans l'avion en papier qu'il avait envoyé. Aimer. Il savait bien qu'on ne se débarrassait pas si facilement d'angoisses, mais il refusait de laisser Louis tout seul à se débattre pour essayer d'aller de l'avant. Il allait lui montrer que ça en valait encore la peine, qu'aimer en valait la peine, que l'aimer lui en valait la peine.

« On va regarder un film après ? Doit bien y avoir quelque chose coulant de niaiseries à cette heure-là, non ? » Louis poussa un rire en se tournant à nouveau vers lui.

« Très sûrement, c'est la période des films de Noël après tout. »

« Les meilleurs films sur terre ! »

Louis haussa un sourcil en le regardant, un air sur son visage qui voulait dire 'vraiment ?'. « Tu aimes les trucs clichés et niais et prévisibles ? »

« Un peu que j'aime ça ! » Admit-il sans aucune honte. « Arrête de me regarder comme ça, je sais que t'es le genre de personne qui aime ça secrètement. » Il joua de ses sourcils et Louis détourna ses yeux avec un air comiquement coupable.

« Je ne vois pas du tout de quoi tu parles. » Dit-il en faisant une moue. Il enfourna un morceau de pancake dans sa bouche pour essayer de la jouer avec nonchalance et Harry enfonça ses doigts dans ses cotes pour le faire rire.

Des enfants. Voilà ce qu'ils étaient. De vrais et stupides enfants. Mais Harry n'en avait rien à faire, être un enfant avec lui ne le dérangeait pas, à dire vrai il adorait ça. Il adorait passer du temps avec lui, s'amuser, être un enfant, se sentir comme un adolescent, dire et faire des idioties juste pour avoir le privilège de se dire que c'était lui qui faisait rire et sourire Louis comme ça, avec ce petit grain de folie presque hystérique.

Dans les privilèges qu'il avait, il y avait aussi le fait de pouvoir voir que Louis aimait beaucoup Livio, c'était plutôt évident que Louis avait voulu, et voulait peut-être encore, un second enfant. Quand il ressortit de la cuisine un peu plus tard, ce fut pour trouver Louis discutant avec Livio, tous deux assis sur le canapé, l'enfant sur les genoux de Louis. Ce dernier avait la télécommande à la main et zappait en tenant comme il fallait le petit garçon qui semblait tout ce qu'il y avait de plus à l'aise sur ses genoux, la tête couchée sur son épaule. Il ne savait pas trop de quoi ils parlaient mais ça avait l'air d'être drôlement intéressant, parce que ni l'un ni l'autre ne remarqua son arrivée avec un plateau de chocolats.

Louis réalisa qu'il était là que quand il s'assit, mais ne dit rien et se contenta de faire tomber sa tête contre son épaule, se mettant à l'aise avec un naturel sans pareil, comme si c'était normal. Et peut-être que ça l'était. Alors Harry déploya son bras pour l'entourer autour de ses épaules et se tourna vers lui. Ce fut à cet instant, en sentant le mouvement, que Louis décida de se tourner vers lui. Ils perdirent leur regard l'un dans l'autre, se noyant dans l'infinité du moment, puis Harry s'approcha pour l'embrasser et Louis le laissa faire. Ça ne dura qu'une ou deux secondes, mais ils restèrent proches, prenant le temps de sentir la respiration l'un de l'autre.

Le mot inscrit dans l'écriture de Louis revint soudain en son esprit, noir sur blanc, gravé dans son cœur, et il serra un peu sa main sur son épaule en fondant à nouveau vers lui. Il ne voulait pas qu'il ait peur de l'aimer. Il ne voulait pas prendre le risque de le voir fuir, et il espéra que le baiser qu'il lui offrit lui fit passer tout ça, tout ce ressentit, tous ces mots qu'il ne disait pas. Il espéra que ces mots invisibles qu'il voulait faire passer l'atteignait. À dire vrai, il en avait tant envie que... « Moi aussi. » Chuchota-t-il contre sa bouche, sentant Louis soudain se crisper de surprise mais se nicher un peu mieux contre lui. « Moi aussi j'ai peur d'aimer à nouveau. » Louis poussa un tout petit soupir contre ses lèvres et une de ses mains se dégagea de celles de Livio qui les tenait sur son ventre pour aller se glisser dans les boucles de Harry et s'enfoncer dans son épaisse chevelure. Il se fit tirer contre lui et ce fut lui qui l'embrassa cette fois, la force de ses sentiments essayant de passer.

Ce n'était pas la première fois qu'ils se disaient leurs peurs à voix haute, mais c'était bien la première fois que ce qui était dans un avion en sortait. Ils savaient aussi bien l'un que l'autre que ça ne voulait pas dire que les avions en papier étaient dans le passé, cependant c'était sûrement un signe que les choses grandissaient, que leur histoire prenait une certaine importance pour l'un comme pour l'autre, une importance plus grande que ce qu'ils connaissaient jusqu'à maintenant.

« C'est normal. » Lui dit Louis. Sûrement pour le rassurer, mais aussi lui-même. « On est là-dedans ensemble, un jour ça ira. » Et ça marchait, là encore, autant pour l'un que pour l'autre, c'était une promesse entendue. Ensemble ils étaient plus fort, même si ça faisait peur, Harry avait de moins en moins peur, et Louis aussi. Alors oui. Ça irait.

Il se pencha à nouveau vers lui pour l'embrasser, appréciant la forme et le goût de ses lèvres, son souffle doux et confortable contre le sien. Il voulait rester là et l'embrasser des heures. Il tombait.

~

« Alors comme ça tu passes la journée chez Harry et tout va bien ? »

Il leva les yeux vers Olive qui se tenait dans le salon, son regard figé sur son téléphone portable, sourire aux lèvres. « Je t'ai dit de venir nous rejoindre si tu voulais en rentrant des cours. » Elle leva les yeux de son petit écran et ricana avec amusement.

« Je n'allais pas venir vous embêter, vous aviez sûrement assez de Livio. » Rit-elle. « C'est sympa, vous passez beaucoup de temps ensemble dernièrement non ? » Elle s'approcha de lui et il haussa de ses épaules en feignant l'indifférence. « Papa n'agis pas comme ça, c'est super bien ! » Il poussa un petit rire en ouvrant le frigo pour trouver de quoi faire à manger. « Vous allez encore vous voir demain c'est ça ? » Joua sa fille en entrant dans la pièce derrière lui.

« C'était bien l'école aujourd'hui ? » Il se tourna vers elle, observant son sourire amusé pendant à ses lèvres et la vit faire une moue peu amusée en le regardant à travers ses yeux plissés sur son joli visage.

« Oui. » Dit-elle. « Mais ne change pas de sujet. »

« Il n'y a pas de sujet. » Il fit un petit clin d'œil en se tournant à nouveau vers le frigo pour le fermer, se penchant ensuite vers le congélateur. « Tu veux manger quoi ? »

« Papa ! » Il poussa un rire amusé en sortant un sachet de légumes vapeurs et deux escalopes.

« Pourquoi donc est-ce que ma vie privée t'intéresse tant, petite fouineuse ? » Demanda-t-il en posant les aliments près de la gazinière puis se tournant vers Olive. Elle avait ses bras croisés et le regardait avec un air colérique.

« Parce que je suis ta fille ! » Il siffla un rire à nouveau. « Arrête de te foutre de moi. »

« Écoute chérie. » Il se tourna vers un placard. « Harry et moi on s'apprécie et on fait les choses lentement et dans l'ordre, si ça devient officiel tu seras la première au courant. »

« Avant mamie ? » Demanda-t-elle.

« Avant mamie. » Il secoua sa tête, soufflant un petit rire alors qu'elle exprimait sa joie.

« Tu sais... je suis contente que tu sois bien avec quelqu'un et que ça marche assez bien pour que vous fassiez les choses lentement et dans l'ordre. » Le petit rire qu'elle poussa sonnait avec quelque chose de malin et de taquin, mais il ne put répondre parce qu'elle était déjà partie en direction de sa chambre. Alors, quand il se tourna pour ne trouver que le vide il se contenta de sourire pour lui-même.

« Moi aussi. » Confia-t-il à voix basse, pour personne.


#UAEPPNfic ❅

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