❅-14 Décembre-❅

(1881 mots)

Harry attendait à l'entrée de son bureau. Il était arrivé spécialement plus tôt que d'habitude pour faire ça. Il avait l'air flippant et il réfléchissait aussi à retourner là-bas récupérer ce qu'il avait posé sur le bureau de Louis. Il avait encore le temps, le temps d'y aller, de le rattraper et de laisser tout ça là où c'était et de ne jamais plus y penser, de laisser Louis tranquille puisqu'il voulait tant être seul. Mais à bien y réfléchir, exactement comme il l'avait dit à Louis, il l'avait retrouvé et il ne voulait pas le perdre à nouveau, pas déjà, pas si vite. Pas alors qu'il savait très bien que ça pouvait aller franchement bien entre eux. Pourquoi devrait-il aussi vite renoncer à pareille chose ? C'était Louis bon sang, et si c'était aussi bien que dans ses souvenirs, s'il n'avait jamais vraiment nourri un rêve fantasmagorique, alors il ne voulait pas perdre cette histoire avant qu'elle ne commence.

Par conséquent il décida de se détendre et d'attendre. Quand il vit Louis à travers la porte vitrée de l'entrée il fit un pas de recul pour ne pas qu'il le voit. Il le vit entrer et dire bonjour à son collègue en souriant. Puis s'arrêter étrangement devant son bureau. Il ne pouvait pas voir son visage d'ici mais il pouvait deviner que ce n'était pas quelque chose d'agréablement surpris. Il le vit tendre sa main hésitante et saisir l'avion en papier plié sur le bureau. Il le guida vers ses yeux en le dépliant lentement pour y lire les mots qu'il avait inscrit. Louis tourna lentement sa tête vers lui et il recula un peu plus, un peu honteux. Il entendit un soupir venir de lui et une boule s'installa dans sa gorge, douloureuse. Puis il entendit un son de papier froissé et son sang se glaça dans ses veines alors qu'il se penchait par l'embrasure de la porte, juste à temps pour voir Louis jeter le papier dans la poubelle de bureau, soupirant en s'asseyant sur sa chaise.

Il recula dans son bureau pour retourner s'asseoir et fit un rictus de peine. C'était presque évident, il n'allait pas si facilement le laisser renouer avec lui, pas même en utilisant les avions en papier, quelque chose qui leur avait permis de tout de suite se rapprocher quand ils étaient jeunes. Ça avait été comme montrer sa vulnérabilité presque tout de suite, sans attendre, sans problème, invitant l'autre à venir directement sous la façade, sous la carapace. Il avait bêtement pensé que peut-être recommencer par-là, maintenant qu'ils se souvenaient tous les deux l'un de l'autre, aurait pu être un point fort. Il avait juste eu tort.

Ou alors... Ou alors il fallait juste qu'il redouble d'efforts. Qu'il continue à tendre des perches jusqu'à ce que Louis réponde et attrape l'une d'entre elles. Ce n'était qu'une question de temps. Il refusait de laisser Louis comme ça et, exactement comme Olive lui avait demandé, il ne le laisserait pas tomber, ni lui, ni ce qu'il ressentait pour lui. C'était la période de Noël, les cœurs se gonflaient d'amour et d'espoir, les miracles pouvaient se réaliser si on y croyait assez fort. Son miracle serait de sauver Louis de lui-même et de ce trou de solitude dans lequel il avait décidé de se terrer. Il ne le laisserait pas faire.

Il ouvrit un tiroir de son bureau pour récupérer une autre de ces feuilles spéciales pour les origamis, il aimait en faire des petits avions colorés comme celui qu'il avait posé sur le bureau de Louis, il serait même bête de ne pas admettre qu'il les avait achetés juste pour ça, pour faire des avions en papier à envoyer à Louis. Il aplatit le papier sur son bureau, tout ça pour simplement le laisser pourrir là tout le reste de la journée quand il dût commencer à se mettre au travail, distrait par ses propres occupations.

Il se rendit compte qu'il n'avait pas gardé le stock de feuilles uniquement quand il fut chez lui, comprenant qu'elles étaient toujours dans son bureau au cabinet. Il ne s'apitoya pas vraiment sur son sort, il n'avait pas spécialement le temps pour ça, il avait passé une journée assez occupée. Et même si c'était bien le cas, il était mauvaisement surpris que sa journée, la première sans interagir avec Louis, ait été étonnamment très vide. Il lui manquait sûrement. Il n'avait rien fait d'autre que son travail, en regardant Louis de loin sans vraiment l'atteindre, comme s'il y avait une muraille invisible entre eux. Imposée par Louis évidemment. Il supposa qu'il n'avait pas le choix, toute la suite dépendait uniquement de Louis et il ne pouvait qu'attendre et espérer qu'il attrape sa main tendue vers lui. Il renverrait un avion, un par jour, jusqu'à ce que Louis lui réponde, qu'importe si ça devait durer tout le mois de décembre, il voulait et allait renouer avec lui, il allait entrer dans sa vie, aimer Louis, et lui montrer qu'il le méritait cet amour, ce bonheur qu'il se refusait. Oui. C'était ce qu'il ferait. Il allait devenir sa raison de sourire, il allait lui retirer sa culpabilité, sa peur d'aimer, sa peur du changement, ses peurs, ses tocs.

Il se tourna vers la fenêtre, vers la rue, il put voir le salon de Louis éclairé d'ici. L'activité était floue et indéfinissable depuis l'autre côté du rideau tiré mais il pouvait voir qu'il était là, dans le salon. La lumière était basse, éclairée par la télévision sûrement, et peut-être une lampe tamisée, une décoration de Noël. Il poussa un soupir et tendit sa main vers la télécommande pour éteindre son propre téléviseur. Il se leva du canapé en soupirant, comme s'il avait toutes les douleurs du monde dans ses articulations. Le noir tomba autour de lui, doux sur ses épaules, et il partit vers le couloir une fois sûr que la porte d'entrée était fermée à clé. Il observa rapidement dans la chambre de Livio à la porte entre-ouverte. Il l'observa dormir une seconde, juste pour s'assurer qu'il dormait bien, puis il partit vers sa chambre.

Il s'assit sur son lit et tira à lui son petit journal qu'il avait posé sur sa table de nuit depuis qu'il y avait trouvé la photo de Louis il y avait de ça presque une semaine. Il l'ouvrit silencieusement, laissant l'odeur du vieux carton mélangée à celle du papier s'envoler autour de lui dans un rêve nostalgique.

Louis est parti très tôt ce matin. Il me manque déjà. J'ai l'impression d'étouffer. J'ai beaucoup trop pleuré.

Il soupira et tourna les feuilles pour revenir en arrière.

Il fait froid, mais ce n'est pas le pire aujourd'hui pour Harry. Parce qu'il est assis sur un télésiège beaucoup trop haut au-dessus du sol et qu'ouvrir les yeux est la dernière chose qu'il a envie de faire. Il a bien trop peur de regarder, de voir cette altitude, de perdre l'équilibre, c'est haut, trop haut. Il allait se mettre à pleurer s'il regardait ce sol, il allait se mettre à pleurer et à paniquer. « Harry, ouvre les yeux, tu n'as aucune raison d'avoir peur. Tu es en sécurité, et je suis avec toi. Tu ne tomberas pas, je te tiens. » Et pourtant, malgré ses peurs, ouvrir les yeux est exactement ce qu'il fait. Il les tourne vers Louis assis à côté de lui, qui pointe un point au loin. « Regarde. » Lui dit-il en resserrant sa main dans la sienne. Il tourne ses yeux vers l'horizon, vers les montagnes se confondant avec le ciel. Il sourit. C'est beau, vraiment beau, poétiquement beau même. Le soleil sur la neige, son scintillement éblouissant ses yeux. « Est-ce que tu as déjà vu quelque chose d'aussi beau ? » Il se tourne vers Louis, il détaille son visage. Il a remonté ses épaisses lunettes opaques, et ses yeux bleus brillent d'une étincelle réelle.

« Oui. » Lui affirme-t-il. Celui-ci baisse son regard vers lui, un peu surpris, un peu ailleurs, son visage se trempe d'un embarras adorable qui fait rosir ses joues. Harry a envie de pincer ses joues, comme un vieux croulant qui fond devant un bébé ou un enfant. Il est complètement à sa merci, à celle de ses yeux, de sa beauté.

Il se souvenait de ce jour-là, mais c'était la vraie première fois qu'il y pensait depuis cette année-là c'était assez étrange comme sensation à dire vrai, il avait l'impression d'avoir toujours été complètement aux pieds de Louis, piétiné sous son admiration pour lui, sous le fait qu'il le trouvait sublime, qu'il était la plus sublime créature à fouler cette terre et qu'il avait la chance de le connaître et de l'avoir déjà fait sien.

Il fronça ses sourcils et tourna ses pages rapidement.

Louis et moi avons fait l'amour aujourd'hui, ce n'était pas sa première fois, ni même la mienne, mais c'était bizarre. J'ai l'impression que c'était ma toute première fois. Personne n'avait jamais compté comme Louis compte à mes yeux. Personne n'avait réussi à me faire me sentir si désirable, et dans ses yeux j'ai l'impression d'être magnifique, j'espère lui avoir rendu le sentiment comme il fallait.

Il rigola joyeusement au souvenir. C'était vrai. Lui et Louis avaient couché ensemble cette année-là. Une seule fois, vers la fin de leur séjour, avant qu'ils ne doivent inévitablement se séparer. Même alors qu'ils avaient déjà tous deux un peu d'expérience il se souvenait encore de cette fois-là avec un sourire, ça avait été un peu maladroit et gênant, mais aussi très beau. La première fois de tout couple à cette âge-là. Cette époque lui manquait bizarrement. Cette insouciance, cette innocence, s'aimer sans lendemain et se dire au revoir. Se tenir et se perdre. Il ne savait pas vraiment pourquoi cet hiver avait laissé des souvenirs si agréables en lui. C'était peut-être bien uniquement parce que maintenant il avait retrouvé Louis, mais ça sonnait vraiment bien en lui. Il avait vraiment passé de bonnes vacances cette année-là, malgré la peine.

Il leva ses yeux vers le réveil et vit qu'il affichait presque minuit. Il décida qu'il était temps de dormir alors il le fit, fermant son journal sans le remettre sur la table de chevet. Il se contenta de le glisser sous son oreiller et de lentement tomber contre celui-ci. Tout se passait bien. Il aimait la forme que prenait sa vie. Il aimait l'idée de se battre pour quelqu'un qui en valait sérieusement la peine. Après s'être tant perdu avec son ex il était à nouveau dans un bon mode de vie, avec une personne saine, qui valait tous les combats, toutes les quêtes et même les plus impossibles. C'était peut-être cliché et un peu niais, mais il se jura à lui-même dans son lit ce soir-là, dans le noir rendu confortable par la lune qui passait entre les volets, qu'il irait jusqu'à décrocher une étoile pour Louis si ça voulait dire pouvoir ravoir son amour, sa personne dans sa vie, comme une constante, et le tenir éloigné de ses démons qui l'empêchaient d'avancer. Il savait que ce n'était pas le rôle d'un humain normal de sauver entièrement un autre humain qui avait besoin d'une aide professionnelle, mais il savait que c'était dans ses cordes pourtant. Louis avait besoin de quelqu'un pour lui ouvrir les yeux, et Harry savait que ce serait lui.

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