Cela va faire une semaine, voire plus qu’il était revenu dans l’autre monde. Une semaine qu’il avait passé à se saouler pour oublier. Oublier quoi ? Il ne savait même pas. C’était plus ou moins compliqué dans sa tête. Il avait l’impression d’avoir oublié quelque chose de très important et il essayait d’oublier cette impression avec l’alcool.

- Bakugo-sama. L’appela une jeune femme, avec des oreilles et une queue de renard, entre l’entrebâillement de la porte. Vous ne pensez pas que vous avez suffisamment bu pour aujourd’hui ?

Le blond à la coiffure explosive ne répondit que par un claquement de langue. Cela va faire deux-cent ans qu’il avait vécu dans ce monde, plus aucune boisson alcoolisée ne réussissait à lui faire perdre la raison. Au contraire, il leva son verre à l’intention de la femme mi-animale pour lui ordonner de lui apporter autre chose.

Ce n’est que plusieurs heures plus tard qu’il sortit de l’auberge après avoir vider la réserve de saké de l’établissement. Les propriétaires ne s’en plaignirent guère, étant donné que Katsuki avait les moyens de les payer et, s’il le voulait, les tuer sans difficulté.

Katsuki Bakugo était une légende vivante – que ce soit pour les humains, les dieux ou les yokai –, il était craint et connu de tous comme étant le démon aux yeux de sang. Alors qu’il était le plus puissant de tous les yokai de l’autre monde, ces derniers jours il ne semblait pas être au meilleur de sa forme. Des idiots ont essayé de l’affronter, mais ceux-ci ont perdu stupidement leurs vies sans avoir réussi à lui infliger une seule égratignure.

Katsuki traversa les rues de la ville embrumée sans but précis. Contrairement au monde des humains, l’autre monde était toujours sombre, comme enseveli sous de la fumée mélangée à de la brume épaisse.

Il y a six mois, il avait décidé de quitter l’autre monde pour celui des humains. Il s’était déjà rendu à plusieurs reprises dans ce monde, mais seulement pour affaire. Cette fois il avait décidé d’y emménager pour se rapprocher des êtres humains. Il se rappelait parfaitement de cette décision, mais étrangement, il ne se rappelait plus rien de ce qui avait suivit son arrivé dans le monde des humains. Il n’avait que des bribes de souvenirs sans queue ni tête. Qu’avait-il fait dans le monde des humains ? Pourquoi ses souvenirs avaient été altérés ?

Pour évacuer sa frustration, il donna un coup de poing sur une maison, qui s’effondra comme si elle avait été construite en allumette.

« Merde ! Pourquoi j’ai fait un truc aussi stupide ? »

Il n’était pas stupide. Il savait qu’il avait lui-même effacé ses propres souvenirs. Il s’en voulait d’avoir fait une pareille connerie. Admettant rarement ses tords, il reconnaissait avoir foiré sur ce coup-là. S’il voulait se libérer de quelque chose en altérant sa propre mémoire, c’était raté. Maintenant il était plus que curieux de savoir quel genre de connerie il avait fait dans le monde des humains.

« Ce devait être quelque chose d’important que j’essayais d’oublier pour en arriver à faire une connerie pareille. »

En plus de la force, il était intelligent. S’il voulait altérer sa mémoire, il aurait pu le faire sans que lui-même ne s’en rende compte. S’il lui restait encore des bribes de souvenirs c’était parce qu’il avait hésité en lançant le sort. Quoiqu’il souhaitait oublier, il ne voulait pas l’oublier.

« Mais qu’est-ce qui s’est passé à la surface bordel ? »

Devait-il retourner dans le monde des humains pour tirer les choses au clair ? Ce serait encore plus stupide après tous les efforts qu’il avait fait pour oublier.

- Bakugo !

Il reconnu la voix du seul yokai qu’il reconnaissait comme son égal : Kirishima Eijiro.

- Kirishima ?
- Je t’ai cherché partout, on m’a dit que tu n’étais pas bien ces derniers jours. Depuis que tu es rentré de la surface.
- Kirishima je crois que j’ai…

Il ne put terminer sa phrase qu’il s’évanouissait sous le regard inquiet de son ami à la teinture rouge.

Le noir. Il se faisait engloutir par le noir absolu. Il était seul, il n’y avait rien d’autre à part les ténèbres autour de lui. Rien pour s’appuyer ou pour s’agripper. Il se sentait vide. Entouré par les ténèbres. Il ressentit une sensation qu’il n’avait jamais connu jusqu’à maintenant… Etait-ce de la peur ? Il n’avait jamais ressentit le besoin d’avoir une personne auprès de lui. Etait-ce la solitude qui lui faisait peur ? Pourquoi ? Lui qui avait pourtant vécu toujours tout seul, pourquoi il en avait peur maintenant ? Il tendit la main, dans l’espoir que quelqu’un vienne le libérer de cette solitude. Une main apparue au-dessus de lui, lorsqu’elle croisa la sienne, elle était douce, chaleureuse et réconfortante. A qui appartenait-elle ?

Il se réveilla soudain en sursaut avec des perles de sueurs sur le front. Quelque secondes après avoir retrouvé ses esprits, un visage effrayé était juste en face de lui. Un autre yokai à forme humaine comme lui et Kirishima.

- Eijiro ! Paniqua le blondinet avec une marque d’éclair. Je crois que ton ami s’est réveillé…

Le jaune s’éloigna brusquement de Katsuki, et Kirishima rentra dans la pièce.

Katsuki regarda autour de lui, il n’était clairement pas chez lui. Kirishima se rapprocha de lui et lui tendit un verre d’eau.

- T’es chez moi. Je t’ai ramené ici après que tu te sois effondré dans la rue.
- Je vais vous laisser… Trembla l’autre blond en quittant la pièce.

Katsuki engloutit le verre d’eau d’une traite.

- C’était qui ?
- Denki. Mon compagnon…
- Je ne savais pas que tu t’intéressais aux hommes.
- C’est une longue histoire, mais tu ne trouves pas qu’il est mignon tout plein ?
- Non. C’est qu’un gros froussard.

Kirishima rit doucement.

- Bakugo, qu’est-ce qui t’es arrivé ? Il s’est passé quoi dans le monde des humains ?
- C’est ce que j’aimerai savoir… J’ai effacé la plupart de mes souvenirs du monde des humains.
- Pourquoi tu as fait ça ?
- Je crois que j’ai rencontré quelqu’un là-bas. Une personne très importante pour moi.
- C’est sûre qu’elle devait être importante pour te faire perdre la raison.
- La ferme !

***

Quelques heures plus tard, Katsuki et Eijiro se retrouvaient près d’un passage pour le monde des humains. Katsuki était toujours hésitant, mais il devait admettre qu’il avait agit lâchement. Il ne savait pas ce qu’il avait pu faire dans le monde des humains, mais en effaçant ses souvenirs, il devait reconnaître qu’il avait cherché la solution de facilité en fuyant ses problèmes.

- Bakugo, tu veux peut-être que je vienne avec toi ?
- Je n’ai pas besoin de toi. J’affronterai mes problèmes tout seul.

Alors qu’ils se rapprochaient du portail, celui-ci commençait à s’illuminer, quelque chose allait apparaître. Plutôt quelqu’un allait apparaître, et d’après l’énergie qui s’en dégageait, cette personne n’était ni humaine ni un yokai.

Un jeune homme, dans des vêtements traditionnels, apparut. Avec ces cheveux et ces yeux de différentes couleurs, Katsuki n’eût aucun mal à le reconnaître.

- Todoroki Shoto.
- Bakugo. Tu tombes à pic, tu viens de m’épargner des heures de recherche dans cet endroit...
- Que me vaut la visite d’un dieu ?
- Moi ? Rien. Par contre, lui…

Todoroki se décala et Katsuki put apercevoir un autre jeune homme aux cheveux verts et un visage enfantin. Il empestait l’humain. En croisant le regard émeraude de l’homme qui se tenait devant lui, Katsuki ressentit comme de la nostalgie.

Todoroki et Kirishima s’éloignèrent un peu laissant les deux hommes s’expliquer.

Katsuki ne le reconnaissait pas, mais il savait qu’il l’avait déjà rencontré. Surement dans le monde des humains. Il le détailla des pieds à la tête. Avait-il vraiment un homme devant lui ? On aurait dit un gosse avec ses yeux ronds, ses tâches de rousseurs et sa façon de s’habiller.

- Je…

Même sa voix n’était pas très virile.

- Est-ce que tu es Bakugo-kun ?

Le dénommé « Bakugo-kun » le saisit violemment par son col et lui jeta un regard meurtrier.

- Ne m’appelle pas comme ça misérable mortel !

Le mortel était effrayé. Il connaissait la réputation de Katsuki, mais il était bien plus effrayant que ce qu’il aurait pu imaginer. Il voulait épouser ça ? Ce monstre ? Il devait y avoir erreur sur la personne.

- Comment je devrais t’appeler alors ?

Le monstre aux yeux rouges ne pouvait lui répondre. Il ne savait pas quoi répondre. Pourquoi avait-il réagi comme ça quand il l’avait appelé par son nom ? Et comment voulait-il qu’il l’appelle ? Il claqua sa langue. Il avait bien l’air malin sur ce coup-là.

- Appelle-moi Katsuki pour le moment.

Izuku hocha nerveusement la tête. Todoroki s’interposa entre les deux en faisant lâcher la prise que Katsuki avait sur Izuku.

- Vous aurez tout le temps de vous disputer dans le monde des humains. Partons d’ici.

Todoroki emmena Izuku et traversèrent à nouveau le passage. Le démon était resté devant le passage.

- Qu’est-ce que tu attends ? Lui fit remarquer Eijiro. Qu’est-ce que t’as fait dans le monde des humains pour qu’un dieu descende ici pour venir te chercher ?
- Le mec à l’instant…
- Tu veux parler de l’humain avec qui tu t’es disputé ?
- Je lui ai effacé ses souvenirs. J’ai ressenti un peu de ma magie sur lui.
- Si tu veux des réponses, tu devrais te dépêcher de les rejoindre.
- Tu as raison. Je te laisse Kirishima, merci.

C’est avec un grand sourire que son ami lui répondit.

Après avoir traversé, Katsuki se retrouva dans un parc. Le passage de l’autre monde débouchait donc sur un parc ? Il faisait nuit dans le monde des humains, l’air était frais. En levant les yeux, il recroisa le dieu et l’humain.

- Bakugo, je sais que tu m’as demandé de ne pas m’en mêler, mais je pense que tu devrais rendre ses souvenirs à Midoriya.
- Midoriya ? S’étonna Katsuki. Si je t’ai demandé de ne pas t’en mêler, je peux savoir pourquoi tu le fais quand même ?

Toujours craintif, Izuku se rapprocha lentement de lui.

- C’est moi qui lui ai demandé. Katsuki, je ne sais pas ce que tu penses de moi, mais je n’ai pas envie de t’oublier. Je ne me rappelle pas de toi et pourtant quand je te regarde, j’ai cette impression de me sentir étrangement mieux… Je ne sais pas exactement ce que je ressens, c’est trop bizarre.

A l’entente de son prénom sortir de la bouche de cet humain, Katsuki se sentait mal à l’aise. Qu’est-ce que cette créature si fragile représentait pour lui ? Cependant, il arrivait vaguement à comprendre ce qu’il lui disait. Lui aussi se sentait bizarre ces derniers jours, et rien que le fait d’échanger avec cet inconnu suffisait à légèrement l’apaiser.

- Je ne peux pas te rendre tes souvenirs.
- Hein ?
- Je ne les ai plus, j’ai d’ailleurs perdu les miens moi aussi. Je ne sais même pas qui tu es.

Quelque chose se brisa à l’intérieur d’Izuku. Qu’étaient-ils censés faire dans cette situation ? Qu’avait-il fait de leurs souvenirs ? Il était perdu entre l’inquiétude, la peur, l’incompréhension et…

la colère ?

🌟Hoshi & Yume💤