⤖ 8. Un rond de danse et de douceur
Quelques semaines plus tard, Mike n'est pas beaucoup plus avancé. Il faut dire qu'il n'y a pas vraiment mis du sien, car les deadlines des projets avaient fini par devenir si proches qu'il ne pouvait plus se permettre de les ignorer. Il lui a fallu quelques nuits blanches et aussi supprimer quelques déjeuners (James lui a passé un savon quand il s'en est aperçu) mais il s'en est sorti. Indemne. Ou presque. La musique qui résonnait dans son âme s'amoindrissait, jusqu'à ne devenir qu'une chanson ténue, qu'on entendait que la nuit, noyée dans le bruit de la routine.
Quant à James, il semblait évoluer dans le plus beau des mondes : il n'y avait pas un seul jour où il ne lui parlait pas d'une notion ou d'un nouveau théorème qu'il avait appris, si bien que Mike en savait bien plus sur les mathématiques qu'il ne devrait. D'ailleurs, il écoutait bien plus James que ses enseignants... Mais, ce n'était pas aussi terrible qu'au début. Car l'on s'habitue à tout. Plus tard, il repensera avec nostalgie à ces moment passés, aux forces qui œuvraient dans l'ombre pour qu'il puisse rejoindre les projecteurs et aux étoiles qui se rapprochaient, encore et encore.
L'été a laissé place à l'automne, si bien qu'à présent, l'eau de l'océan est bien trop froide pour s'y baigner (bien qu'elle n'a jamais été très chaude). Cependant, les colocs sortent quand même chaque samedi pour aller manger un goûter ou un dessert le soir et continuent de se promener en se tenant la main. C'est même devenu une habitude pour Mike, qui a eu une nouvelle idée pour que leur fausse relation paraisse encore plus crédible. Une idée qu'il ne peut pas révéler à James pour l'instant.
Cependant, il a appris une vérité effroyable sur son faux petit-ami : James planifie chaque seconde de sa vie, ce qui est exaspérant et explique pourquoi il a le temps de faire tant de choses. Comble de l'horreur, Mike a découvert qu'il adore The Bigbang Theory, et pour lui, il n'y a pas plus cliché que cette série. (Et les rires sont tout bonnement horripilants.)
En ce samedi après-midi, Mike trouve étrange que James ne soit pas encore venu le trouver pour lui proposer une escapade dans un nouveau café ou bar. Voilà pourquoi il n'arrive pas à se concentrer sur son projet (il doit reproduire un cryptage à l'aide de l'arithmétique). James le déconcentre.
S'il était honnête avec lui-même, Mike avouerait que c'était souvent le cas cet an-ci, et que cette distraction était dangereuse, surtout pour son cœur. Seulement, à ce moment-là, Mike n'était plus très courageux, car il avait utilisé toute l'audace dont il était capable pour contrer Philip, ce soir-là. Ce soir où tout avait commencé.
Les manies joyeuses de son colocs sont désormais son quotidien, et surtout, il n'arrive plus à s'en passer. Même lorsqu'il rie aux éclats devant son affreuse série et qu'il clame que Sheldon Cooper est son personnage préféré. Non seulement, son cœur brisé s'est réparé, mais en plus de cela, il appartient déjà quelqu'un d'autre. Que Mike en soit conscient ou pas, ce n'est pas la question... Car d'une part, il ne tarderait pas à s'en rendre compte, et d'autre part, c'était une vérité, un fait, qu'on ne pouvait pas nier.
Bref, Mike n'arrive pas à travailler cet après-midi-là. Alors, il est soulagé quand James vient le trouver dans sa chambre pour lui annoncer quelque chose qu'un petit-ami, un vrai, aurait dû savoir :
— Mike, j'ai une requête importante à te faire part... Ne stresse pas, ajoute James en voyant la panique teindre les traits de son colocataire.
Mike tourne sa chaise de bureau vers lui. Il se trouve à l'entrée de sa chambre, droit comme un piquet et l'air un peu nerveux. Mike déglutit, s'attendant déjà au pire.
— Je t'écoute.
James respire un grand coup, ferme les yeux et les rouvre avant d'articuler très vite :
— Je fais de la danse contemporaine, j'adore ça, et j'ai un spectacle ce soir à 20 heures et il faudrait que tu viennes.
Les muscles des épaules de Mike se détendent aussitôt. Une pointe de déception le transperce tout de même de part en part. Pourquoi James ne lui en a pas parlé plus tôt ?
— Bien sûr, c'est où ?
James laisse échapper un soupir de soulagement.
— Dans une salle de spectacle pas trop loin d'ici. Olivia passera te prendre !
Mike hoche la tête et sourit à son coloc. Un seul détail le dérange...
— Pourquoi ne m'as-tu jamais dit que tu dansais ?
En tant que musicien, Mike trouve la danse et la musique intrinsèquement liées : l'un ne va pas sans l'autre. Car il fallait ressentir la musique pour laisser son corps s'abandonner en elle. (Ou du moins c'était sa pensée.)
Un sourire gêné étire les lèvres pleines de James et il baisse les yeux vers ses pieds. Son pied droit commence à tracer des demi-cercles sur le sol.
— C'est un peu mon jardin secret, je n'en parle pas trop. Ce n'est pas comme lire, regarder une série, peindre des figurines ou comprendre des preuves de théorèmes. C'est libérateur.
— Un peu comme une catharsis, comprend Mike, à la fois peiné et rassuré.
James ne lui fait pas assez confiance pour lui confier sa passion pour la danse et lui a donc dissimulé cette part importante de sa vie. Si James et lui étaient réellement amoureux, Mike l'aurait su dès le début.
— Exactement, confirme le jeune homme. Et puis, j'aime bien cloisonner les choses dans ma vie. James le matheux n'est pas James le danseur, tu comprends ?
Mike hoche la tête et espère qu'une lueur compréhensive brille dans ses yeux. Après tout, lui non plus ne lui a pas parlé de ce qui fait battre son cœur plus fort. Pire encore, il a ressenti le besoin inexplicable de conserver cet aspect-là au fond du jardin de son cœur, comme un arbre qu'on arroserait chaque jour en secret. Peut-être parce qu'au fond, il s'était dit que s'il n'en parlait pas, ce n'était pas réel.
— J'ai hâte de voir ce spectacle alors, déclare-t-il, toujours souriant. Depuis combien de temps danses-tu ?
— Depuis mes cinq ans. J'ai aussi fait un peu de hip-hop, de reggae, de moderne-jazz, de classique et de house. Mais la contemporaine reste ma préférée, précise-t-il, répondant à la question que Mike allait poser.
— C'est donc là que tu vas chaque lundi, mercredi et vendredi après-midi, déduit Mike, se rappelant qu'il lui a un jour confié qu'il n'était pas là ces jours-là.
Mike l'a toujours vu partir et revenir avec un sac de sport et en avait conclu qu'il allait à la salle, à la piscine ou au tennis. (Après tout, Mike avait appris par Olivia que James faisait du tennis le mardi et du ping-pong le jeudi.)
— Tout à fait.
— Et tu aimerais en faire ton métier ? questionne Mike, le cœur battant plus fort.
Et si lui et James avaient plus en commun qu'il ne le croyait ? Et si lui aussi avait été obligé d'étudier quelque chose qu'on avait choisi pour lui, plutôt que d'essayer de vivre de sa passion ? Dans ce cas, il comprendrait, Mike pourrait s'ouvrir à lui, être honnête, lui avouer son mal-être, qu'il ne montrait qu'à ses amis.
— Non, répond James sans hésiter. Enfin... J'aimerais bien faire des maths et continuer à danser. La situation actuelle me convient tout-à-fait.
— Oh, d'accord. Très bien. C'est génial de pouvoir mêler ces deux passions alors.
« Tout le monde n'a pas cette chance » songe Mike, plus amèrement qu'il ne l'aurait voulu. James acquiesce en souriant, les yeux brillants, et Mike est encore frappé par sa ressemblance avec le soleil. Il quitte sa chambre, puis leur appartement, après lui avoir dit qu'il partait à la dernière répétition et qu'ils ne se reverront pas avant la fin de la représentation.
Mike soupire et se remet à la tâche, songeant qu'il ferait n'importe quoi pour accélérer le temps et se retrouver à Paris, en plein mois de décembre, avec ses amis. Quelques heures plus tard, le dîner lui paraît bien morose, sans James. Il se surprend même à songer sérieusement à mettre The Big-bang Theory en fond sonore pour faire comme si son coloc était là, mais il reprend rapidement ses esprits en songeant qu'il n'avait qu'à dîner devant une vidéo. En ouvrant YouTube, il jette un coup d'œil à la chaîne du groupe et se fige : les chiffres ont monté. Peut-être pas énormément, mais ils ont tout de même augmenté.
Le cœur de Mike s'emplit de gratitude envers ses amis qui maintiennent l'activité de la chaîne. Ils ne peuvent plus se permettre de disparaître. La seule chose qui peut les aider, songe le jeune homme, c'est de garder une régularité dans la publication de leurs covers. Se connectant avec son propre compte, Mike met des pouces bleus aux nouvelles covers et les repartage sur ses propres réseaux. A l'issue des vacances de Noël, Mike reviendra avec sa basse et un micro, ainsi qu'une partie du matériel qu'il a dû laisser à New-York. Ainsi, il pourra participer concrètement au groupe, et pas juste partager ce qui était fait sans lui.
Il est rejoint par Olivia. Elle et lui ne partagent pas grand chose, et même si Mike croise les amis de son coloc' de temps en temps, ce ne sont pas ses amis à lui. Et puis, Mike a sans cesse peur que les trois amis de James voient clair en leur jeu. Ils discutent de l'université sur le chemin, de comment les cours se passent vraiment et des projets que Mike doit rendre. Mike envie Luke, car en allant en France, il a gagné une semaine de pause la semaine suivante, tandis que lui n'aura pas de pause avant Noël.
Une fois arrivé à la salle de spectacle (qui est au cœur d'un bâtiment abritant plusieurs compagnies de danseurs) et qu'ils ont donné leur billet, ils choisissent des places bien situées : ni trop proches, ni trop loin. Elles offrent une vue d'ensemble sur la scène et permettent de voir le sol, sur lequel des parties de chorégraphie se dérouleront, d'après Olivia. Ils sont rejoints par Nicolas et Zachariah, et Mike s'imagine un instant être le vrai petit-ami de James. Il aurait peut-être réussi à partager quelques moments avec ses amis sans qu'une épine de culpabilité ne lui transperce constamment le cœur. Il n'a pas le droit de recevoir leur gentillesse et leurs compliments, quand ils disent qu'ils sont heureux que James soit passé à autre chose.
Seul Mike connaît la vérité. Y compris celle que James ne veut pas s'avouer : il est encore amoureux de Philip. Et c'est injuste, qu'une personne avec un si bon fond aime une personne avec un si mauvais fond.
Les lumières s'éteignent, les chuchotements disparaisse t. Le cœur battant, Mike embrasse la scène du regard, attendant que les premières notes retentissent et que les premiers danseurs apparaissent. Elles ne tardent pas à se faire entendre. Le jeune homme, qui n'a jamais vu de spectacles de danse contemporaine, n'est pas déçu.
[Il devrait y avoir un GIF/vidéo ici. Procédez à une mise à jour de l'application pour le voir.]
La fluidité des mouvements des danseurs est telle que tous leurs enchaînements semblent naturels et accessibles. Pourtant, Mike se sait physiquement incapable de reproduire une telle chorégraphie, mais c'est là l'objectif de la danse. Et James... James est tout simplement hypnotisant. Si Mike l'a déjà comparé au Soleil, il peut maintenant affirmer qu'il l'est, qu'il l'est vraiment.
Il n'a pas menti quand il a dit qu'il n'était pas le même sur scène, mais Mike aime immédiatement cette version de lui, dont les expressions du visage sont encore plus transparentes qu'à l'accoutumée. La danse, réalisée sous le ressac de la musique, plonge droit dans son cœur chercher ce qui le dévore vraiment : sa passion, son envie de réussir dans la musique, son ambition.
L'œuvre dont il s'imprègne de chaque seconde est pleine de messages appelant à la tolérance et à la rébellion, selon l'intensité des pas et de la cadence. Des frissons parcourent le corps de Mike, tandis que les danseurs entament une dense plus lente et descendent vers le sol, James au centre.
Une bouffée de fierté noie les restes de la mélancolie de Mike. Il est heureux que James soit danseur, qu'il ait osé lui en parler et qu'il ait bien voulu qu'il vienne le voir, même si c'était parce qu'il était son faux petit-ami et qu'il ne l'aurait jamais invité si Mike n'avait pas accepté sa requête. Peu importe. Il était là, et il le voyait tel qu'il était.
Un instant, il se prend à imaginer une autre vie. Une vie où ils étaient ensemble pour de vrai, où Mike écrirait des chansons sur lesquelles James créerait des chorégraphies, laissant son corps ressentir la musique de l'âme de Mike, laissant leurs deux musiques s'entremêler pour former une nouvelle symphonie. Et puis, la vérité frappe Mike comme la foudre frappe les arbres en plein été. James n'est pas amoureux de lui. Et lui non plus n'est pas amoureux de James. Sinon, il s'en serait déjà aperçu, n'est-ce pas ?
Peu importe, Mike mémorise chaque seconde, chaque mouvement, chaque émotion qu'il ressent, si bien qu'à la fin du spectacle, ses joues sont baignées de larmes, qu'il essuie aussitôt, afin que personne ne voit sous son masque l'effroyable vérité. Il peut bien mentir au monde entier s'il le veut, son cœur connaîtra toujours la vérité.
Et dans le cas présent, elle est plutôt ironique. Car la seule personne à ne pas la connaître est le concerné. Mike se jure que jamais James ne l'apprendra.
— C'était superbe ! chuchote Mike, à l'intention d'Olivia.
— James a toujours été bon danseur, répond-elle, les yeux humides. Alors dans une compagnie comme celle-ci avec un chorégraphe comme celui qu'il l'a, il ne peut que s'épanouir !
— Il est... solaire, continue Mike, sans se rendre compte des émotions qui transparaissent à travers sa voix et son visage.
De toute façon, Olivia est censée croire qu'il est amoureux de James. Donc il vient simplement d'effacer le moindre doute en elle. C'est ce qu'il se répète, alors qu'ils se dirigent vers l'entrée du bâtiment, où ils doivent retrouver les danseurs. Le cœur gonflé de fierté et de feux d'artifice, Mike attend quelques instants avec Olivia, Zachariah et Nicolas. James a rallumé quelque chose.
Il n'y a que lui. Lorsque la troupe arrive. Pour Mike, il n'y a que lui. Comme une planète attirée par son soleil, Mike gravite dès qu'il l'aperçoit. Ses yeux verts ne sont plus deux lacs sombres noyés par la pluie, mais deux lacs verts par une journée d'été.
Les cheveux de James sont plaqués sur son front par la sueur et ses prunelles... ses prunelles brillent fiévreusement comme des soleils. Comme si il avait tout l'univers dans les yeux.
— James ! C'était... tu étais... Enfin c'était un magnifique spectacle ! le félicite Mike, après avoir pilé et devant son coloc'.
Il penche vers lui et lui murmure, à l'oreille :
— Merci de m'accorder ta confiance pour me montrer quelques plantes de ton jardin.
James se contente de lui sourire.
— J'ai les muscles en compote mais j'aimerais tellement y retourner.
Le sourire qui étire les traits de Mike est si sincère qu'il sent son cœur être sur le point d'éclater. Comme il comprenait ! Comme il voulait le lui confier !
— Vous ne vous embrassez pas ? s'étonne Olivia. Je ne vous ai encore jamais vus vous embrasser.
Mike se fige, plein d'espoir. Vite ! Il fait disparaître cette émotion de son visage. Il n'a pas le droit d'être plein d'espoir concernant James. Il lui accorde déjà beaucoup plus qu'il ne mérite. Et s'il sait la vérité, l'arrangement prendra fin.
Mais... Olivia a raison.
Alors, il jette un regard interrogatif à James, qui répond par un hochement de tête discret. Mike se penche, songeant que s'il ne fonce pas, il ne le fera jamais.
Et c'est le baiser le plus merveilleux que Mike échangera.Et aussi le plus tragique. Parce que c'était James et qu'il n'avait pas le droit de le désirer, parce que c'était interdit, désespéré et fiévreux et scintillant comme une étoile et parce que là aussi tout n'avait jamais paru être autant en ordre.
Le baiser n'a rien de la timidité des premières fois, mais tout de la peur de la dernière fois.
Ils se séparent, et Mike garde un instant de plus ses mains sur la taille de James. Ses joues sont rouges, ses lèvres aussi et ses yeux brillent encore plus.
— Un très beau spectacle, vraiment, répète encore Mike, le regard plongé dans celui de James.
🎶🎶🍁🍁🍂🍂🧡🤎🧡🍂🍂🍁🍁🎶🎶
Bonsoir ! Comment allez-vous ? :)
Je m'excuse pour le retard, je croyais avoir le temps de corriger et programmer mon chapitre cette semaine mais finalement ça n'a pas été le cas (la joie de préparer un concours 🥲)
Trêves de blabla !
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? 😏 Le bisou, le spectacle de danse, James qui fait de la danse ? 🧡
La chanson que j'ai mise, intitulée Oblivion, de Boston 168 est une chanson sur laquelle j'ai moi-même dansé il y a à peu près un an pour ma choré de danse contemporaine ! J'avoue que je l'aime bien haha
Et vous, vous faites de la danse ? Si oui, laquelle ou lesquelles pratiquez-vous ? A moins que vous ne préfériez en regarder ? :)
Dites-moi tout, j'aime beaucoup discuter de danse car cela fait partie des choses qui m'animent beaucoup, bien que je ne l'ai pas encore trop exploité dans un roman (👀)
Bref, je vous souhaite une excellente journée/soirée/nuit/après-midi ! 🤎
A la semaine prochaine pour le chapitre suivant ! ❤️
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