⤖ 7. Un océan de secrets

   En réalité, Mike a beaucoup à gagner de cet arrangement. A commencer par l'occasion d'oublier complètement Thomas. Devoir s'investir dans une relation, aussi fausse soit-elle, offre une distraction plus qu'enivrante. Les deux associés mettent en place leur alliance dès le lendemain, même si Mike caressait l'espoir de ne pas mettre le nez dehors du week-end.

— Prêt ? lui demande James, alors qu'ils s'apprêtent à sortir.

— Ai-je le choix ? soupire Mike.

— Je t'ai déjà expliqué que passer toutes tes journées enfermé dans ta chambre à travailler ne fera qu'accentuer ta morosité.

— Je n'ai même pas envie de travailler.

— Eh bien voilà ! se réjouit James. Pas besoin de prendre cette tête d'enterrement puisque je t'offre une excuse convenable pour ne pas coder.

Les parents de Mike ne seront sans doute pas du même avis, lorsque les résultats ne suivront pas. Le retard que Mike a accumulé en quelques jours à peine est déjà irrattrapable et sauver les meubles n'est déjà plus dans les objectifs du jeune homme. De toute façon, il a déjà prévu de ne pas toucher à l'informatique durant le mois de décembre, puisqu'il lui faudra se préparer pour le concert de Sainte-Cécile. Il est hors de question que Mike laisse passer cette chance inespérée, cet espoir inavouable s'émietter à cause d'une université dans laquelle il ne voulait même pas se rendre. James a raison sur un point : le meilleur cadeau qu'il puisse se faire est de profiter, de rendre ce temps un peu plus agréable.

Un sourire, aussi timide qu'une étoile et fugace qu'une comète, peint les traits du jeune homme. James est le seul à montrer un peu d'intérêt pour lui, même si c'est uniquement pour servir leur illusion de couple en dehors de l'appartement. Mike saura se contenter de ça.

— Je ne veux juste pas que tu te sentes pousser des ailes, déclare Mike en lui tenant la porte. D'ailleurs, mes cheveux ne vont probablement pas apprécier l'eau salée...

James lève les yeux au ciel.

— Je commence à croire que tu cherches uniquement à me contredire pour t'amuser.

— Je n'oserais pas...

Mike ne retient même pas son rire lorsqu'il ferme la porte à clés et que James marmonne quelque chose à propos du fait qu'il joue encore au ténébreux antipathique. Peu importe qu'il ne soit grognon que pour la forme : tout fonctionne comme sur des roulettes puisque James a déjà oublié les événements de la veille.

— Bon, lance James sans prendre de gants, est-ce qu'on y va doucement pour montrer que nous formons un merveilleux couple ou alors on commence déjà à promener en se tenant la main ?

Mike s'étrangle à moitié avec sa salive. Il n'a pas prévu ça pour aujourd'hui !

— Prenons notre temps, suggère-t-il, les joues pleines de chaleur. Laissons les gens s'habituer à ce qu'on traîne un peu plus ensemble que d'habitude. On pourra se donner la main pour rentrer, ajoute-t-il en chuchotant.

Il ne sait pas pourquoi il vient de de proposer ça, mais il fallait bien commencer quelque part. Et visiblement, c'est à lui de mener la danse.

— Bonne idée, approuve James. D'ailleurs, si on veut que les gens y croient, il va falloir que tu sois un peu moins un mystère pour moi... Puisque tu n'aimes pas l'informatique, qu'est-ce qui te plaît, dans la vie ?

— L'informatique est inutile, élude Mike en plissant les yeux sous ses lunettes de soleil.

— Je pense que tu veux plutôt dire que ça ne t'intéresse pas.

— Grumph.

— Sans ça, ton téléphone n'existerait pas, poursuit James. Internet non plus, les jeux The Witcher et League Of Legends non plus, et ça serait catastrophique.

— Tu pourrais toujours jouer à Donjons et Dragons, objecte Mike, amusé par le sérieux soudain de James, qui prend chaque pique au premier degré.

— Encore heureux ! se récrie-t-il sous les ricanements de Mike.

Il ne sait pas pourquoi, mais il n'a pas envie de parler de sa passion, de ce qui lui brûle les veines. Peut-être parce qu'il n'en a plus le temps désormais, et qu'il lui faut éclipser tout ça durant les prochains mois. S'il n'en parle pas, peut-être qu'il pourra se convaincre que tout ceci n'est qu'un souvenir, une vie qu'il ne vivra pas. Peut-être qu'il pourra se convaincre qu'il peut vivre sans, qu'il s'est tout inventé. La musique peut vivre sans lui, mais lui, peut-il vraiment vivre sans elle ?

🍂🍂🍂

— Tu ris un peu plus que quand je t'ai rencontré, déclare James, tandis que le sable brûle les pieds de Mike.

Pourtant, il ne fait pas trop chaud, on dépasse à peine les vingt degrés et un vent iodé ramené les embruns de l'océan sur le visage de Mike. Bientôt, les feuilles rougiront autant que les joues de Mike et tomberont au sol. Plus de plage, plus de baignade. Mais pour le moment, l'océan appelle le jeune homme, avec son ressac incessant.

— De quoi aurions-nous l'air si je ne paraissais pas heureux avec toi ? réplique Mike, grimaçant quand du sable se coince entre son talon et sa tong.

En guise de réponse, James lui donne un coup de coude en riant.

— Je crois qu'on est bien, là, dit-il en désignant l'endroit où ils se trouvent, derrière un parasol vers fluo et à côté d'une tente bleue.

Mike ouvre son sac et sort sa serviette de plage, qu'il étale sur le sable. Une chance qu'il ait pensé à l'emmener ! « Tu n'y vas pas pour faire bronzette ! » l'avait sermonné son père. Quel plaisir de faire le contraire de ce qui était attendu ! N'y tenant plus, Mike retire son teeshirt et ses lunettes, qu'il balance sur la serviette en sautillant.

James lui jette un regard étrange, teinté de surprise. Mike remarque alors que des taches de rousseur décorent le visage de son faux petit-ami, comme si le soleil en personne l'avait embrassé à certains endroits.

— Hé, attends ! s'exclame James en retenant Mike par le bras alors que celui-ci était sur le point de se précipiter dans l'eau. Tu n'as pas mis de crème solaire !

— C'est une perte de temps ! s'offusque Mike, dont l'envie d'aller se baigner était plus forte que la raison.

— Tu ne diras pas ça quand tu ressembleras à un vieux croûton tout sec dans dix ans parce que tu ne m'as pas écouté ! Ma mère a eu un cancer de la peau, et crois-moi, c'était pas beau. Et puisqu'on peut réduire le risque en mettant de la crème solaire, tu en mettras ! conclut James, d'un ton sans appel.

Mike capitule bon gré mal gré.

— En plus, tu es blanc comme un cachet d'aspirine, reprend James en sortant le tube de son sac. Tu serais rouge écrevisse en moins d'une heure ! Quel mauvais copain je ferais...

— Qu'est-ce que tu fais ?! panique Mike en sentant un jet froid maculer le haut de son dos.

— Je te mets de la crème solaire, répond-il, comme si c'était évident.

— Je peux m'en mettre seul, chuchote Mike.

— Philip est à deux pas de nous, laisse-moi juste lui mettre le doute un instant, murmure encore plus bas James, à l'oreille de Mike.

Mike frissonne et aperçoit en effet le jeune homme allongé sur sa serviette lui faire signe. Il détend ses épaules et se laisse faire, songeant qu'il en étalerait sur le torse de James lui-même, histoire que Philip se sente suffisamment gêné pour devoir regarder ailleurs. Il ne sait pas d'où lui provient toute cette colère contre cet inconnu. La seule chose qu'il sait est qu'il a eu une influence malsaine sur James et qu'il a profité de sa naïveté et de ses facilités pour lui permettre d'obtenir de bons résultats l'an dernier et passer la première année haut la main, pour finalement le tromper à plusieurs reprises durant l'année et l'été.

A la réflexion, si, Mike en sait assez pour le détester. James ne lui semble ni malintentionné ni mauvais. La seule chose qu'il voulait, c'était que Philip le pense hors d'atteinte pour qu'il ne puisse plus se servir de lui, que Philip pense qu'il n'était plus amoureux de lui pour qu'il n'ose plus s'approcher de lui pour exiger quoi que ce soit. Et Mike a accepté de l'aider dans cette entreprise.

Il offre donc un sourire carnassier à Philip et se penche légèrement vers James, qui a fini de lui mettre de la crème dans le dos.

— Est-ce que tu es d'accord pour que je t'en mette sur le torse ? demande-t-il, à mi-voix.

Le regard de James s'éclaire :

— Michael, tu es machiavélique, j'adore !

Prenant soin de rendre la scène plus intime en plongeant son regard dans celui de James (qui se retient de pouffer de rire), Mike prend une bonne quantité de crème solaire avant de l'étaler avec soin sur la peau tiède de son coloc'. Même s'il prend garde à ne pas enfoncer ses ongles dans sa peau par mégarde et qu'il a l'impression d'avoir du verre très fin sous la pulpe des mains tant son toucher est léger, il sent tout de même les muscles de James se contracter sous son passage.

— C'est dommage que tu ne vois pas son air choqué. Ça marche du tonnerre !

— Pour ce qui est des vengeances, j'ai visiblement de bonnes idées, commente Mike en étalant le surplus sur les épaules de James. Tourne-toi !

James obtempère et cette fois, Mike ne contrôle pas ses rouges rougissantes alors qu'il couvre le dos de James de crème. C'est bien plus intime que ce qu'il pensait ! Mais cela fonctionne : Philip ne leur accorde plus un seul regard.

« Bien » songe Mike, en fermant le tube.

Il n'échappe cependant pas la bonne couche de crème solaire que James est décidé à lui appliquer sur le torse et après s'être senti rougir suffisamment pour ne plus jamais être capable de rougir de sa vie, Mike se venge en lui arrachant le tube des mains et en en prenant une bonne pompe sur ses paumes. Se penchant en avant, si près de James qu'il sent son souffle sur son visage lorsqu'il relève la tête, il appuie ses mains sur son visage et lui étale grossièrement ce qu'il a sur les joues, le front et même le nez.

James tressaille et se débat, protestant qu'il en a déjà mis avant de partir, et finalement, entreprend de couvrir le visage de Mike de crème aussi. Au final, les deux jeunes hommes se retrouvent blancs de crèmes, comme les surfeurs, et éclatent de rire, avant d'enfin courir jusqu'à l'eau.

Le sable froid brûle presqu'autant les pieds de Mike que la chaleur.

— C'est froid ! se plaint-il, alors qu'il n'a même pas encore touché l'eau, les pieds seulement plongés dans le sable mouillé.

— Frileux, ricane James, qui l'attrape par le poignet et le tire vers l'eau.

— Ahh ! geint Mike, alors qu'une vague froide lui cingle les genoux.

Car s'il y a bien une chose qu'il a oubliée avec l'océan, c'est qu'on est très vite mouillé, de par la hauteur des vagues. Quelques secondes plus tard, alors que Mike n'est mouillé que jusqu'aux hanches, une vague lui passe au-dessus, si vite qu'il n'a pas le temps de sauter et bois la tasse sous les rires de James, qui subit le même sort quelques secondes plus tard.

— Ça t'apprendra à te moquer de moi !

— J'ai tout vu ! continue à rire James, alors que Mike renonce à étouffer le sourire qui menace de s'étirer sur son visage.

Il éclate de rire à son tour et contemple les vagues se briser à quelques mètres d'eux, se préparant à éviter la prochaine. Évidemment, c'est sans compter sur James qui profite de sa distraction pour le pousser dans l'eau. C'est comme ça que Mike veut se souvenir de James, les cheveux mouillés, le visage constellé de gouttelettes et surtout un sourire sincère aux lèvres, et pas recroquevillé comme il l'avait vu hier soir. Il fera en sorte que ça ne se reproduise pas.

Au vue de la confiance que lui accorde James alors qu'il s'est montré abominable avec lui, Mike lui doit bien ça. Ces bons moments. Cette légèreté. L'océan.

En l'observant s'amuser, il vient tout d'un coup à l'esprit du jeune homme qu'il ne connaît pas grand chose de James. Par exemple, sa date d'anniversaire. C'est probablement le genre de chose qu'il doit savoir, s'il ne veut pas passer pour un imbécile...

— C'est quand ton anniversaire ? crie-t-il pour couvrir le bruit des vagues.

— 14 novembre ! Et toi ?

— 12 février !

— Juste avant la Saint-Valentin, quelle angoisse !

Mike attend que la vague qui arrive le soulève pour le déposer quelques secondes plus tard avant de répondre.

— Et donc tu vas faire une fête pour tes vingt ans ? demande-t-il en avançant de quelques pas, plus proche de l'endroit où les vagues se brisent.

Non loin d'eux, un des maîtres-nageurs de la plage siffle un surfeur qui s'est aventuré dans la zone de baignade.

— Peut-être ! Mais je vais en avoir dix-neuf, pas vingt !

— Ah bon ? s'étonne Mike.

— J'ai sauté le CM1 !

Une vague déferle sur Mike, le plongeant dans un tourbillon d'écume et le recrache quelques mètres plus loin, toussant et recrachant l'eau salée.

« Voilà le genre d'information que je devrais connaître » songe-t-il en revenant vers son coloc. Lui n'a pas besoin d'en savoir beaucoup sur Mike, il n'est pas d'ici. Il a compris qu'il est très curieux et touche à tout en voyant sa chambre pleines de livres et de figurines, ce qui suffit à dresser un portrait robot de lui. Mais Mike a besoin de plus, s'il veut donner le change.

Il jette un regard à James, et ses yeux noirs lui paraissent tout d'un coup insondables. Oui, il doit apprendre à le connaître, car les apparences ne suffiront pas.

Lorsqu'ils rentrent chez eux, et que Mike prend la main de James dans la sienne, il lui paraît que tout est en ordre, à sa place. Car sa main à lui semble modelée pour accueillir celle de James, qui, plus petite, se fond parfaitement entre ses doigts. Finalement, il n'y a aucune raison pour que cela se passe mal.

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Bonsoir ! Comment allez-vous ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Qu'en pensez-vous ? A votre avis, comment tout ça va se terminer ?

On se retrouve samedi prochain pour le chapitre suivant !

Prenez bien soin de vous ! 🧡

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