— Allez, s'il-te-plaît, Mike ! Ça va être génial !

— Non, répète encore l'interpelé, agacé. Je n'irai pas à cette soirée ! Je ne connais personne !

— Justement, ça pourrait être l'occasion ! insiste James en suivant Mike dans sa chambre.

Mike se tourne vers lui, si vite que James s'arrête net, les cheveux dans les yeux.

— Qui te dit que je veux me faire des nouveaux amis, que je n'ai pas déjà ce qu'il me faut ?

— Mais tes amis ne sont pas là... Et tu n'as pas l'air d'apprécier tes études. Je ne juge pas, précise James en levant les mains devant lui alors que Mike ouvre la bouche pour lui dire que ça ne le regardait pas, je ne sais rien de toi... Cependant, je crois que ton séjour ici serait plus agréable si tu t'intégrais. La fête est sur le campus, entre ta fac et la mienne, ça ne peut qu'être chouette ! Et puis, je serai là ! Ce n'est pas comme si tu étais seul dans un coin.

— C'est bien le problème, marmonne-t-il.

Il remarque bien qu'il est antipathique au possible et que James s'efforce d'être gentil avec lui. Cependant, rien n'y fait : Mike ne veut pas être là. Malheureusement, c'est James qui subit les affres de sa mauvaise humeur. Arrivé depuis tout juste une semaine, il mène déjà la vie dure à son coloc, qui patient et conciliant, pense que son comportement n'est que passager, que c'est sa façon de s'acclimater à sa nouvelle vie. Mike l'a laissé parler et ne lui a rien avoué sur lui. James ne sait même pas qu'il est musicien. Comment aurait-il pu, de toute façon ? Ce n'était pas comme si Sad Joy était connu à travers le monde.

Comment cela pourrait-il marcher ? Il n'est même pas avec eux en distanciel. A part se morfondre et écrire des codes qui ne fonctionnent pas à cause d'erreurs dûes à son manque d'expérience en la matière, Mike n'a rien fait. (En même temps, il travaille jusque très tard tous les soirs, et toute sa vie tourne tellement autour de son ordinateur que la quantité de nourriture qu'il a l'habitude d'ingérer a fortement diminué. Il s'en trouvait fatigué et grincheux.)

— Mike, dit gravement James, tu as beau me détester, moi je m'inquiète pour toi. Ton mode de vie n'est pas sain et tu vas perdre ta santé si tu continues comme ça ! Alors, je t'en prie, viens te changer les idées avec moi ce soir, même si tu ne restes qu'une heure ! Je te garantis que ça te fera du bien. Et demain après-midi, que tu le veuilles ou non, nous irons à la plage. Il n'y a pas meilleur moyen pour prendre l'air !

— Grumph.

Il a dit tout haut l'effroyable vérité : Mike a beau se montrer sous le pire jour possible, être au plus bas, James l'appréciait quand même. Peut-être avait-il un attrait particulier pour les choses cassées. Il ne savait s'il détestait James, le mot lui paraissait trop fort. La vérité était plutôt qu'il détestait cet endroit et que tous les gens qui y vivaient lui rappelait qu'il était loin de ses proches.

— Je savais que tu finirais par capituler ! se réjouit James, un air ravi sur le visage.

Même s'il n'a rien accepté du tout, Mike accompagne tout de même James à cette soirée, songeant qu'il lui ficherait peut-être la paix une fois qu'il aurait accédé à son caprice. La fête se déroule sur le campus, en face des bâtiments de sciences. Alors que le soleil décline, Mike se surprit à se demander où était la fac de musique, et s'il pourrait peut-être s'y procurer une basse ou tout autre instrument lui permettant d'évacuer tout ce qui bouillonnait en lui. Ah, que Freddie MacSaturn avait raison quand il chantait que c'était bouillonnant, frémissant, un peu comme les gémissements du vent !

Lorsqu'ils arrivent, un petit groupe est déjà formé sur l'herbe du campus. Et il n'y a pas seulement des premières années au vu de l'air plus âgé de certains. Mike jette un coup d'œil à James, dont l'air joyeux n'a pas réussi à le contaminer. Il place un sourire figé sur son visage, songeant que n'importe qui verrait la supercherie à ses yeux éteints.

— Je vais te présenter à mes potes, chuchote James en lui prenant le bras. Tu risques de les croiser de temps en temps !

C'est comme ça que Mike rencontra Nicolas, Zachariah et Olivia, qui formaient le cercle proche de son coloc'. Ils lui posent quelques questions auxquelles Mike répond poliment, pas vraiment à l'aise. Il tente bien de suivre poliment la conversation entre les quatre amis et de retenir un maximum d'informations sur eux, mais mis à part le fait qu'ils étudient les maths et pratiquent le foot et le rugby pour les deux premiers et le pilates pour Olivia, il ne peut retenir quoi que ce soit de plus. La présence d'autant d'inconnus l'étourdit et la solitude lui pèse d'autant plus qu'il voit son coloc' rire avec ses amis.

— Tu vois, celui qui a l'air un peu bougon là-bas ? demande James en désignant un jeune homme de taille moyenne et aux cheveux coupés très courts, comme à l'armée.

Mike hoche la tête.

— C'est mon parrain ! annonce fièrement James. C'est grâce à lui que j'ai pu me dégoter les examens de l'an passé et obtenir des infos exclusives sur les notations de certains profs !

— Il a l'air... euh plus vieux ? commente Mike, placide.

— Normal, c'est un L3. (James plisse les yeux pour mieux le distinguer sous la nuit qui tombe doucement.) Il a toujours l'air grognon, un peu comme toi ! Mais aujourd'hui un peu plus que d'habitude, car il doit déjà commencer à chercher un tuteur pour son mémoire.

— Ah, j'imagine que ça doit être pénible.

« Allez, Mike, tu peux mieux faire ! » s'encourage-t-il, conscient de son attitude indifférente.

— T'as pas idée ! Il faut choisir son tuteur en fonction du domaine dans lequel on veut approfondir nos connaissances. Et il y en tellement qui sont intéressants ! C'est horrible, et-...

— Ah, James ! C'est ton nouveau coloc' ? l'interrompt une voix masculine, appartenant à un jeune homme aux cheveux roux et au visage constellé de tache de rousseur.

Mike lui trouve l'air aimable et songe que si James était le soleil en personne, cet inconnu pouvait lui faire concurrence, sans doute par la couleur presque dorée de ses yeux noisettes.

Un instant, un éclair ténébreux traverse le visage de James, mais c'est si bref que Mike songe l'avoir à nouveau imaginé. Il sourit poliment à ce jeune homme qui sort de nulle part et voyant que James était à court de mot, il décide, à sa plus grande surprise, de lui venir en aide :

— Oui, j'ai cette malchance.

— Ha ! Ha ! J'adore ton sens de l'humour. C'était moi, son coloc', l'an dernier.

— C'est sa bonne humeur qui t'a fait fuir ? questionne Mike, sans émotion.

— Mike, soupire James, les interrompant. Je te présente Philip, mon... ami. Phil, voici Michael.

Mike hoche la tête et ne serre pas la main que Philip lui tend. Quelque chose dans le ton qu'a employé James l'en a dissuadé. D'ailleurs, Philip a maintenant l'air pincé et jauge froidement Mike.

— Au plaisir de te revoir, Michael.

Il claque sa langue dans sa bouche et retourne avec les autres gens de la promo de James.

— Bon débarras, commente Nicolas.

— Hors de ma vue, renchérit Olivia.

— Je dirais même plus qu'il est retourné à sa place : près des poubelles, ajoute encore Zachariah.

Les trois amis échangent un regard entendu tandis que James détaille l'endroit où Philip a disparu d'un air attristé. Puis, il respire un grand coup et se tourne vers Mike.

— C'était mon ex.

— Ah, le fameux élu...

— Le détestable salaud qui-...

— Stop, coupe James, empêchant Nicolas de finir sa phrase.

Les autres lui font les gros yeux et Mike s'empresse de profiter de la distraction pour s'échapper et se chercher quelque chose à boire. Il a l'impression de ne plus savoir comment se faire des amis. Il s'éloigne des rires et des cris et accueille le calme avec gratitude. Cette soirée est un fiasco et il voit difficilement comment cela peut s'empirer. Il jette un coup d'œil à son téléphone et répond aux messages de Luke et Emmy, ayant un instant l'impression qu'ils sont simplement à quelques rues de là et qu'il les retrouvera dans quelques heures. Mais les chimères sont toujours mère d'amère déception.

Il ferme les paupières, écoutant le lointain bruit du vent et de l'océan (qui n'était que le fruit de son imagination au vue de la distance le séparant de la plage). Peut-être que James pourrait lui faire visiter le port dimanche. Il attend encore quelques minutes, le temps d'être apaisé. Il doit retourner à cette soirée et montrer plus d'intérêt pour les gens qui s'y trouvent, sinon tout le monde le pensera arrogant et imbu de sa personne, ce qui au vu des regards sceptiques que lui ont lancé les amis de James est sans doute déjà le cas.

Il se dirige à nouveau vers la petite fête, de meilleure humeur. Un grand cercle s'est formé autour du bâtiment de biologie, une grande tour couverte de lierre. Mike s'en approche, intrigué. Que se passe-t-il donc pour qu'il y ait autant de gens ? Mike se met sur la pointe des pieds et tente de voir ce qu'il se trame et voit simplement des cordes attachées sur le mur. Perplexe, il cherche des yeux son coloc.

Quelqu'un lui agrippe le bras. Zachariah.

— C'est le bizutage des premières années, lui chuchote-t-il d'un ton grave. Ne reste pas là, c'est dangereux et complètement stupide ! Philip a pété les plombs, d'habitude on jette de l'eau sur les nouveaux et on fait une bataille avec des pistolets à eau... Là c'est n'importe quoi !

— Zach ! crie Nicolas en arrivant jusqu'à eux. Ils ont emmené James !

— T'as la carrure d'un rugbyman, Nick, comment c'est possible ?!

— Ils étaient trois, se défend Nicolas, et Olivia tente de raisonner Philip, mais rien n'y fait !

— James n'est pas un deuxième année ? intervient Mike.

— Si, confirme Nicolas, mais Philip est un tocard. L'an dernier, James n'est pas venu à la soirée d'intégration et les autres ont toujours promis de le bizuter. Mais d'habitude, c'est une bataille d'eau ! Ou de farine !

Sans réfléchir, Mike traverse la petite foule amoncelée et atterrit devant le bâtiment dont l'intérieur est éclairé comme en plein jour. Au pied du bâtiment, James est attaché à une corde épaisse, recroquevillé sur le sol. A côté, Olivia hurle des insultes à Philip et ses amis. La colère gronde dans le corps de Mike comme un coup de tonnerre dans le ciel.

— Michael, l'accueille Philip, j'imagine que tu es d'accord pour que ton Chouinard de coloc' escalade ce mur ?

Mike jette un regard froid à James puis à Philip, dont les yeux brillent d'une étincelle malsaine.

— Non, pas tellement.

Ignorant sa réponse, Philip reprend:

— Quoiqu'il en soit, tu tombes à pic. Toi aussi, tu vas escalader ce mur.

Un rire sans joie secoué la poitrine de Mike.

— Je ne crois pas, non.

Il s'approche de Philip tandis qu'un calme olympien inonde doucement son cœur.

— D'ailleurs, personne n'escaladera ce mur, Philip. Tu sais pourquoi ?

— Bien-sûr que si !

— C'était une question réthorique, coupe Mike. C'est dangereux. L'escalade est un sport qui se pratique avec sécurité et du matériel pour ceux qui le souhaitent et pas parce qu'un imbécile a décidé de flanquer une trouille monstre à des gens. Alors va-t-en d'ici. Parce que je te garantis que si tu ne le fais pas, j'appelle la police et je pense qu'ils seront ravis de t'emmener au poste, étant donné que tu es ivre et que tu n'es pas majeur.

Mike se tourne ensuite vers la petite foule silencieuse.

— Partez d'ici, il n'y a rien à voir.

Il ponctue sa phrase d'un regard hostile et les gens se dissipent.

— Tu n'es pas drôle, Michael, le réprimande Philip. Je voulais simplement faire une petite blague.

— Qui n'aurait fait rire que toi, réplique Mike en soutenant son regard.

Il se détourne le premier et s'approche de son coloc', qu'Olivia est en train de rassurer.

— Ça suffit, James, dit Mike en s'accroupissant près de lui. On rentre.

Il détache le stupide harnais qu'on lui a mis et croise son regard noir dévasté.

— C'est fini, James, lui promet Mike. Tu ne monteras pas sur ce mur.

— Tu ne comprends pas.

Sa voix est tremblante. Rien à voir avec sa voix claire et enjouée habituelle. James enroule ses genoux de ses bras secoués de spasmes, ses dents s'entrechoquant.

— Alors tu m'expliqueras.

Mike se penche ensuite vers lui et lui souffle à l'oreille les mots qui scellent son destin :

— J'accepte ta requête, James Von Neumann.

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Hey ! Comment allez-vous ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Que pensez-vous de cette fameuse soirée ? Pas chouette pour James en tout cas 😅
A votre avis, dans quoi s'est embarqué Mike ? Qu'auriez-vous fait à sa place ?

On se retrouve samedi pour la suite !

Prenez soin de vous 🧡