Le vendredi 29 novembre 2019 marque le début de la fin de cette vie qui ne plaisait pas à Mike. Lorsque son téléphone sonne, aux alentours de onze heures du soir et le tire des bras de Morphée, le jeune homme songe tout d'abord à étriper celui ou celle qui a la brillante idée de l'appeler à cette heure-ci. Son cœur loupe un battement quand il aperçoit le nom d'Alice.

Il s'est passé quelque chose ! Il s'est forcément passé quelque chose ! Alice ne l'aurait jamais appelé sinon ! Les battements de son cœur accélèrent encore, tellement que Mike songe qu'il va le cracher sur le sol de sa chambre. Et si c'était le groupe ? Et si Luke avait encore fait des siennes, comme il l'avait fait cet été ? Mike l'appellerait et lui dirait qu'il n'avait qu'à savoir ce qu'il voulait, qu'il devait arrêter de blesser Emmy juste parce qu'il était perdu, que le groupe passait avant...

Ou pire... et s'il était arrivé quelque chose de plus grave ? Peut-être qu'Emmy s'est blessée au travail ! Mike s'empresse d'attraper ses lunette sur la table de nuit et de décrocher.

— Allô, Alice ? questionne-t-il, parfaitement réveillé.

Ses sens sont maintenant tous en alerte. D'après ses calculs, il doit être environ huit heures du matin en France.

— Michael ! Ça arrive ! Tu m'entends ! crie la jeune fille, à l'autre bout du combiné.

Mike éloigne le combiné de son oreille.

— Quoi ? De quoi tu parles ?

— Tu n'as pas vu ? s'étonne la jeune femme.

— Vu quoi ?

— Va sur Twitter, ordonne-t-elle, d'un ton impérieux. Je ne peux pas gâcher ta surprise.

Mike met son amie sur haut-parleur et lui obéit. Comme il est toujours connecté au compte du groupe – c'était lui qui l'avait créé, il voit tout de suite qu'il y a quelque chose d'anormal. Le groupe a beaucoup trop de notifications, tellement que Mike change immédiatement d'onglet pour se reporter sur le compte, qui a gagné plus d'un milliers d'abonnés en quelques heures.

— Je..., commence Mike en se promenant sur l'application sans trop comprendre.

Puis, il l'aperçoit. Le tweet posté par Christopher Gentleson. De Dark Fate. Puis les réponses de Javier Del Bosque et de Frederick MacSaturn.

Impossible. C'est impossible. Il doit forcément rêver.

D'un point de vue probabiliste, Mike a estimé que l'événement était improbable. Et pourtant. C'est sous ses yeux.

Il a un rire nerveux quand il prend conscience du fait qu'il n'a jamais été bon en probas.

— Oh mon dieu, Alice ! s'écrie Mike.

— Tu as vu ? Tu as vu ? 

Mike se lève d'un bond, toute l'énergie du monde dans son corps.

— Alice, Luke a raison ! Ça va marcher ! Dark Fate en plus !

— Je sais ! C'est incroyable ! J'ai pris des captures d'écran, je vais les imprimer et les accrocher dans ma chambre ! C'est le plus beau jour de ma vie, Mike ! Et puis... Oh tu n'es pas prêt pour la suite...

Mike arrête de sauter partout dans sa chambre.

— Pas prêt pour quoi ?

— Kit m'a envoyé un message pour me féliciter et m'encourager ! se réjouit-elle. Tu imagines ? Il croit en moi ! On ne se connaît pas et il croit en moi ! Ce qu'il a vu de nous lui donne bon espoir pour Sad Joy !

— Sérieux ? C'est fabuleux !

Le cœur de Mike bat tellement vite qu'il se demande s'il lui sera possible de se calmer. Il regarde encore l'écran de son téléphone, peinant à admettre que tout est réel.

— Il va falloir qu'on soit parfaits pour le concert ! Je m'entraîne d'arrache-pied maintenant que je ne vais plus à la fac, explique Alice sur un ton enjoué.

— Oh d'ailleurs tu me fais penser que j'ai une note à aller voir...

En chantonnant La vie dans les veines, Mike se connecte sur la plateforme de la fac où l'on peut regarder ses résultats. Normalement, cette note-là devrait être acceptable, car pour une fois son algorithme renvoyait quelque chose de cohérent.

Le cœur de Mike faillit sortir de sa poitrine lorsque sa note apparut à l'écran, accolée à son numéro étudiant. Un quatre ! Toutes ces heures de travail pour un quatre ! Mike aurait tout aussi pu ne rien rendre et obtenir un zéro à ce stade. Tout ce temps serait de toute façon plus profitable s'il le passait à s'entraîner, à composer et à chanter. Il soupire. La prochaine fois, il ne fera rien ! Pas la peine de passer plus de quatre-vingt heures sur un projet pour si peu !

— Ça fait un point pour vingt heures, commente-t-il, avant de rire nerveusement.

Tout ceci est ridicule. Mike se jure que c'était la dernière fois qu'il se donne autant pour si peu de résultats.

— Euh... pardon ? interroge Alice, toujours en ligne.

— J'ai eu un joli quatre... Mais tant pis ! élude Mike en grimaçant.

Et comme plus rien ne peut entacher sa bonne humeur (Dark Fate les a remarqués !) il éteint son ordinateur pour la soirée, et le lendemain, estimant qu'il a bien le droit d'évoluer sur un petit nuage.

— De toute façon, le concert est plus important, déclare pensivement Alice. On va nous attendre au tournant, après ça !

— Exactement ! J'en ai fini avec l'info. Ça me dégoûte.

— Honnêtement, je suis beaucoup plus épanouie depuis que je ne vais plus à la fac non plus. Je ne te dis pas de faire comme moi mais peut-être que lever le pied pourrait t'être moralement bénéfique.

— J'y compte bien !

Mike jette un coup d'œil à la basse qu'il loue au magasin d'instruments. Elle trône fièrement à côté de son lit.

— Merci de m'avoir appelé, ajoute le jeune homme. Sans toi, je n'aurais pas vu ça avant demain. On est encore le 28, chez moi !

Alice éclate de rire.

— Je ne t'ai pas réveillé, au moins ?

— Si...

— Désolée, glousse-t-elle. Mais ça valait le coup d'être réveillé pour ça, non ?

— Totalement, confirme Mike en souriant, la voix rêveuse.

C'est merveilleux. Le destin lui offre un signe : un coup d'éclat de la part du groupe le plus influent du moment (et qui était aussi son groupe préféré.) Son regard s'arrête sur ses posters. Ils savent désormais qu'il existe. Mike ne s'est jamais senti aussi visible.

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— Tu aurais pu me dire que tu jouais dans un groupe connu ! lui reproche James, son téléphone en main, dès l'instant où il sort de sa chambre.

— Connu ? répète Mike en posant sa tasse de café. Nous ne sommes pas connus !

— Maintenant, si.

Puis un sourire carnassier étire les lèvres de James.

— Au moins, j'ai pu écouter tes chansons. Tu n'as plus aucune excuses pour me les cacher, maintenant que tu as reçu l'appui de Dark Fate !

Mike soupire. C'était inévitable.

— Et qu'en as-tu pensé ? demande-t-il tout de même.

Il n'a pas pu s'en empêcher, la tentation était trop grande. C'est la première fois que quelqu'un parle de son groupe comme quelque chose d'acté, comme s'ils étaient déjà sous contrat.

— Ce n'est pas toi le chanteur principal mais on t'entend tout le temps, c'est chouette ! J'ai eu l'impression que vous avez mélangé beaucoup de thèmes qui vous touchait et que vous les avez parsemés de sons automnaux pour souligner la mélancolie. Ça m'inspire quelques chorégraphies d'ailleurs.

Un sourire peint les traits de Mike. Leurs chansons lui donnent de l'inspiration !

— C'était un peu l'idée. Tout le monde a rapporté des chansons sur lesquelles il avait travaillées et on a fait une sélection quand un thème commun nous est apparu. On a choisi la chanson de Caitlin comme titre phare parce que les violons sont plus qu'entêtants.

— Caitlin... celle que tu connais depuis l'enfance, comme Luke ? demande James en s'asseyant en face de lui pour prendre son petit-déjeuner.

Mike hoche la tête. Comme ce temps lui paraissait loin !

— J'ai connu Emmy et Alice plus tard, lorsque je suis allé en France avec le lycée. Emmy était ma correspondante.

Le sourire de Mike s'agrandit quand il se remémore ses souvenirs. La rentrée à Saint-Matthew, sa première rencontre avec Emmy lors d'un Skype qu'il avait réalisé avec elle, Alice et Luke (ce moment était parti très loin et Mike y avait d'ailleurs commis une grave gaffe en pensant à tort que Luke avait eu le temps de digérer la disparition de sa sœur), leur arrivée en France, les affreuses révélations de Thomas, la comédie musicale qu'ils avaient enregistrées, leur départ, les sentiments grandissants de Luke pour Emmy (que Caitlin avait été la première à voir), la venue de leurs correspondantes, leur spectacle et le terrible comportement de Gaël, qui présageait déjà de la nature de sa relation avec Caitlin. Bref, son année de seconde avait été inoubliable. La meilleure de sa vie.

— Raconte-moi, murmure James face à l'air rêveur de Mike. Emmène-moi dans ton univers.

Si Mike n'avait pas eu le regard voilé par ses souvenirs, il aurait vu l'intensité avec laquelle James le détaillait, l'étincelle supplémentaire qui luisait au fond de ses yeux, qui n'était pas là début septembre.

Aveuglé par la joie et la nostalgie d'une époque depuis longtemps révolue (et aussi animé par la flamme de l'espoir), Mike lui conte l'histoire de Sad Joy en détails, si bien qu'il rate la première heure de cours de la journée.

— Wow..., souffle James quand Mike a terminé son récit. Je suis tellement triste pour Luke, ce n'est pas juste ! Et tes amies, Emmy et Alice ne méritaient pas de voir leur amie mourir non plus.

Mike hausse les épaules. La vie n'est jamais tendre avec qui que ce soit.

— Au moins, plus rien ne peut stopper votre lancée !

Mike fronce le nez.

— Si... Si Luke et Emmy n'arrivent pas mettre le passé de côté, pour de vrai cette fois, ça pourrait bien nous freiner. Voire pire.

Dire cette vérité à haute voix est terrifiant. Car cette possibilité devient réelle.

— Si tu veux mon avis, étant donné qu'ils sont dans la même ville et se voient tout le temps, s'il devait se produire quelque chose, ça serait déjà arrivé, objecte James. Je pense que tu t'inquiètes pour rien.

— Si tu le dis, soupire-t-il. D'ailleurs, au sujet du groupe, il y a autre chose...

James se redresse sur sa chaise.

— Je t'écoute.

— Nous avons un concert à Paris en décembre. C'est pour ça que je pars d'ici un jour plus tôt. L'ancien prof d'Alice et Emmy nous a arrangé la fin du concert de Noël de Sainte-Cécile.

— C'est génial ! Mike, vous allez tout déchirer, c'est sûr ! Je regrette de ne pas pouvoir être là...

— Ce n'est pas grave, le rassure Mike. Nous n'aurons pas droit à l'erreur ce soir-là.

— J'espère qu'il sera retransmis quelque part.

— Sur la chaîne YouTube du lycée, normalement.

— Parfait ! Alors je regarderai.

James conclut sa phrase d'un de ses sourires solaires qui ont le dont de provoquer la fonte immédiate de toute émotion négative dans le corps de Mike.

— Même si tu aurais pu m'en parler, insiste-t-il tout de même une dernière fois.

Mais ses yeux rient quand il prend son sac pour se rendre en cours.

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Bonsoir ! Comment allez-vous ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Qu'en avez-vous pensé ? On se rapproche de la fin... ou bien de leur histoire ou bien de la première partie de ce roman 😏

Quoiqu'il en soit, il arrivera un moment où je serai obligée de stopper la publication pour ne pas spoiler la fin de Le temps d'une chanson, mais nous n'en sommes pas encore là !

Bref, n'hésitez pas à me laisser un commentaire, ça me fait toujours plaisir ! ❤️

A la semaine prochaine pour le chapitre suivant ! 🎄