Les malfrats commençaient déjà à s'en aller, profitant de l'hébétude des deux membres de Fairy Tail.

Une seconde. Bon nombre de choses pouvaient se passer durant ce cours laps de temps, des choses qui pouvaient changer des vies.

Levy eut l'impression que cette seconde dura une éternité. Elle fut prise dans un intense dilemme intérieur. Lily allait mourir si elle ne faisait rien. La jeune femme pouvait le sauver, elle en avait le pouvoir. Mais si elle faisait cela, ses problèmes seraient décuplés, car Gajeel serait au courant et Lily aussi, inévitablement, puisque le dragonslayer lui raconterait sans doute tout. La vie de la mage des mots risquait probablement de devenir un enfer. Soit on choisirait de l'étudier, soit elle deviendrait une bête de foire, ou bien serait-elle simplement répudiée, exclue de la société de par sa monstruosité qui faisait d'elle la chose qu'elle était. De toute manière, la guilde finirait par apprendre pour sa particularité, tôt ou tard. Ses facultés étant de plus en plus incontrôlables, viendrait forcément un jour où elle déraperait devant ses camarades. Tout le monde saurait alors qu'elle aurait pu faire quelque chose.

En dehors de cela, Lily méritait de vivre, pas de mourir. C'était le chat de Gajeel, c'était un camarade jeune et plein de vie. Il avait toujours été là pour la protéger quand elle en avait besoin. Elle ne pouvait pas se résoudre à le laisser tomber.

Cette seule seconde d'une intense réflexion intérieure suffit à Levy pour prendre sa décision et l'appliquer. Elle puisa dans sa force cachée, les traits de son visage se crispèrent. Elle hurla de rage et de douleur, si intensément qu'elle attira l'attention des criminels encore présents, mais aussi celle de Gajeel, qui était encore sous le choc et furieux par rapport à la situation. Cependant, sa fureur sembla s'endormir un instant, remplacée par une incompréhension immense qui prit toute la place. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il vit deux bosses se former sur le dos de Levy. Ce qui suivit fut tout d'abord écœurant, puis magnifique.

La peau autour de ces deux bosses de plus en plus protubérantes se déchira et laissa deux choses étranges émerger. Ces choses étranges se blanchirent instantanément et prirent leur forme finale en un instant.

Des ailes d'ange d'un blanc immaculé.

Sans perdre de temps, Levy décolla, fonça, descendit en piqué dans le vide, sous les yeux de tout ce petit monde, qui n'en revenait pas. Même la bande de bandits était sous le choc et ne bougeait pas, ne réalisant pas ce qui était en train de se passer.

Durant ce court évènement qui s'était déroulé extrêmement rapidement, Gajeel était resté là, scotché sur place, incapable de bouger, de parler, d'esquisser un seul mouvement. Ce ne fut que lorsque Levy eut disparu de son champ de vision qu'il reprit ses esprits. Seulement quelques secondes plus tard, Levy réapparut, le chat toujours inconscient dans ses bras, voletant au-dessus du vide, avant de s'approcher et de tendre Lily à Gajeel, qui le prit et regarda la jeune femme d'un air ahuri.

- Que... Est-ce que tu veux bien me dire ce que c'est que ce bordel sans nom ? Balbutia-t-il.

- Franchement, ça peut attendre, répondit-elle simplement, d'un air pressé. On a une mission à terminer.

Sans attendre une quelconque réaction ou parole de la part de Gajeel, Levy s'élança sur les criminels, qui étaient tellement surpris par la tournure des évènements qu'ils n'avaient détalé de quelques mètres. Le regard de la jeune femme devint jaune, quasiment doré, avant que ses mains ne s'illuminent, devenant entièrement blanches, et ne lancent un tir de lumière sur les malfrats. Nul besoin de préciser que Gajeel ne lui connaissait pas ce sort. Si un témoin observateur s'était trouvé sur les lieux à cet instant précis, il aurait vu quelques plumes des ailes de Levy se griser un peu dès l'utilisation de cette magie.

Levy enchaîna quelques sorts, tous différents les uns des autres, mais relativement assez faibles, de manière à garder le contrôle d'elle-même. Néanmoins, ils suffisaient. La mage des mots devait se dépêcher, elle n'avait pas le temps de perdre du temps, ce qui, en soi, était un concept étrange, mais n'en restait pas moins réel la concernant. L'immaculé devint blanc cassé, puis gris clair. La pureté s'était déjà évaporée.

Se disant finalement que Levy avait peut-être besoin d'aide, bien qu'elle s'en sortait pour le moment très bien toute seule, Gajeel déposa Lily un peu plus loin et prit part au combat. Les hommes ne firent pas le poids lorsque le dragonslayer s'invita dans la partie. Cependant, seule Levy pouvait actuellement remarquer qu'il n'utilisait pas toute sa force, c'était flagrant. Encore une fois, cela suffisait. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que la raison à cela, c'était elle. Elle le perturbait beaucoup trop. L'apparition de ses ailes le troublait plus qu'autre chose.

Bien vite, les mécréants furent au sol, tous hors d'état de nuire. La combinaison de la Levy-angélique et de Gajeel le dragon d'acier avait suffi à les faire basculer dans l'inconscience.

Pour la première fois depuis le début du réel combat, les pieds de Levy touchèrent le sol. Ce fut seulement à ce moment-là que Gajeel réussit à reposer ses yeux sur les deux inconnues implantées dans le dos de Levy et qu'il remarqua le changement de couleur, qui se faisait drastique. D'un blanc universel immaculé, une grande partie des plumes avait grisé, voire carrément noirci pour certaines. Sans oublier le fait que le visage de Levy paraissait tendu à l'extrême, comme si la jeune femme était en proie à un combat intérieur. L'espace d'un instant, elle regarda les corps presque sans vie d'un air inhabituellement... Froid.

- C'est donc fini... Dit-elle, comme pour elle-même.

Puis, Levy sembla se reprendre et une étincelle de vie reprit place dans ses yeux, qui redevinrent expressifs. Elle regarda Gajeel étrangement, comme si elle venait de se rappeler de sa présence.

- Oh, Gajeel... Tu vas pouvoir m'aider.

De l'intérieur de sa botte, Levy sortit une dague qui y était cachée et la tendit à Gajeel, qui afficha clairement un air confus.

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec ça ? Tu comptes pas en achever un, quand même ?

Levy secoua la tête de gauche à droite et songea que cette question était plutôt barbare. Quoique, si Levy finissait par perdre le contrôle, c'était sans doute ce qui risquait d'arriver.

- Tu vas couper mes ailes.

Un frisson traversa le corps de Gajeel dans son entièreté, en particulier lorsqu'il vit le regard redevenu froid de Levy. Cependant, le dragonslayer ne le sentait pas. Cette dague lui déplaisait. Peut-être était-ce parce qu'il se doutait qu'elle était loin d'avoir servi une fois et cela l'horrifiait un tantinet. Il balaya les images qui voulaient venir dans son esprit. En aucun cas le mage ne voulait imaginer Levy ou quelqu'un d'autre charcuter le dos de celle-ci.

- Je vais rien couper du tout. On devrait camoufler ça et aller voir Polyussica, plutôt, dit-il, se rappelant que les ailes avaient déchiré la peau de la jeune femme pour sortir à l'air libre.

- Je n'ai pas le temps, Gajeel, c'est ça que tu ne comprends pas.

Levy reprit correctement la dague en main et commença à se positionner pour accomplir un acte qui était bien trop habituel pour elle. Ne voulant pas voir ça et surtout, voulant éviter que la jeune femme se charcute parce qu'elle manquait de patience, Gajeel la retint en attrapant son poignet. Comprenant tout de suite qu'il comptait l'en empêcher, la part sombre de Levy fronça les sourcils et s'échappa bien vite de la prise du dragonslayer. Elle profita de sa particularité comme d'un avantage pour prendre une poussée et s'enfuir. Ses ailes se grisaient de plus en plus, Levy n'avait plus beaucoup de temps devant elle, sentant déjà que sa personnalité avait commencé à changer.

Dans la panique, Gajeel songea à la poursuivre directement, mais il se rappela de son chat et le prit d'abord avec lui avant de courir dans la direction qu'avait empruntée Levy par voie aérienne. Il ne mit pas bien longtemps à arriver dans une sorte de plaine et se figea sous l'horreur qu'il avait sous les yeux. Les ailes de Levy, grisées et tâchées de pourpre, reposaient dans l'herbe verte, tandis que la jeune femme se tenait debout, le dos ensanglanté, sa dague rouge vif dans la main droite.