2.40




L'odeur de goudron humide donnait à Despair l'envie de plisser le nez. Il n'avait jamais vu de ses propres yeux de route, et maintenant qu'il était aveugle, il ne risquait pas de le faire, mais en détestait déjà l'odeur. Une fine bruine nocturne s'était mise à tomber, il l'entendait, mais elle lui passait à travers, sans qu'il ne l'a sente.

Combien de temps s'était-il écoulé depuis que Lava l'avait laissé pour partir à la poursuite du voleur ? Au moins une bonne heure, si ce n'était deux. Il n'avait pas envie d'être un fardeau pour elle, et il savait pertinemment que c'est ce qu'il aurait été s'il s'était accroché à elle, mais pour autant, il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il aurait voulu être avec elle pour faire quelque chose. Cela faisait trop longtemps pour que ça soit normal...

Et si elle s'était perdue ? Ou si le voleur s'en était pris à elle ?

Il effectuait de petit rond sur lui-même, marchait sur place avec inquiétude. Mais une autre idée lui pesait également, l'idée que revoir le monde vivant ne rappelle à Lava sa vie d'avant, ou la rende mélancolique. Après tout, il ne savait pas grand chose du monde vivant actuel, peut-être était-il merveilleux ? Il avait entendu parler que quelques noms de pays ou de villes, mais il n'avait aucune idée de la taille que cela représentait....

Une fois la taille des enfers ? Deux fois ? Dix dois ? Ou au contraire, la moitié seulement ? Il ne s'en rendait absolument pas compte....

Soudain des bruits de pas lui parvinrent et il entendit vite après la voix de Lava qui le rassurait immédiatement

- Despair, c'est moi, désolée de t'avoir laissé ici...

Mais le ton qu'elle prenait était trop sombre. Le sourire qu'il avait esquissé mourut sur le champs

- Et la gemme ?

Elle soupire et une seconde d'hésitation lui dirent immédiatement comprendre qu'elle ne l'avait pas récupérée.

- Je sais où elle se trouve...enfin à peu près... mais....

- Mais quoi, ou est le voleur ?

Elle se rapprocha de lui et lui prit la main pour commencer à le guider. Il lui faisait parfaitement confiance alors il la suivit sans hésiter.

- Il a posséder un corps humain. Je ne sais pas comment c'est possible mais la gemme suit le même mouvement. Quand le porteur est une âme elle est sous forme d'âme,quand le propriétaire est en chair et en os....elle devient tangible... et donc immatérielle pour nous...

Despair intégra l'information.

- Mais...Si le voleur peut faire ça, alors on devrait aussi pouvoir ! Est-ce que t'as essayé ?

- J'ai essayé toute la dernière heure qui vient de s'écouler. Je n'y arrive pas, je leur passe à travers.C'est un groupe d'ami, la plupart sont restés dormir dans la maison de...l'un d'entre eux..

Elle soupira longuement. Despair sentait par ma pression de sa main qu'elle manquait d'enthousiasme, de cette volonté pourtant si caractéristique d'elle.

- Il y a autre chose... ?

un silence suivit. Despair sut qu'il y avait effectivement quelque chose d'autre, quelque chose de lourd. Il ne compris pas, il avait beau chercher, il ne comprendrait pas quoi d'autre avait pu se produire. Comme elle ne répondait pas, il ajouta

- Il s'est passé quelque chose ?

Lava soupira, et après un silence, où Despair sentit sourdre sa peine et le choc dont elle se remettait juste, sans comprendre d'où il venait, elle trouva les mots pour lui répondre, la voix lente et éraillé par une sorte de chagrin hésitant

- Je...je crois que... j'ai...

Les mots lui restèrent encore une fois bloqué en travers de la gorge. Sans la voir il pouvait visualiser son visage, avec ses grands yeux rouges balayer le vide quelque part vers ses pieds, où elle cherchait des mots, des phrases, pouvait lui communiquer le trouble dans lequel elle était embourbée. Enfin la petite phrase qu'elle avait eu tant de mal à construire lui vint

- J'ai vu mon frère.

Lava redressa la tête

- Et ma maison.

Elle fixa le visage aux yeux clos de Despair. Il s'était figé devant elle. Il ne devait pas savoir quoi répondre, elle comprenait. Elle non plus elle n'avait pas su comment réagir, au moment où la voix du jeune homme avait déterrer d'elle cet étrange sentiment de familiarité, au moment où elle avait reconnu ce visage. Elle avait redressé les yeux, et partout où elle posait les yeux, elle avait retrouvé quelque chose d'à la fois si proche et si ancien. En regardant les escaliers, elle se voyait les monter en sautant une marche sur deux, elle aurait presque sentit sous la plante de ses pieds la texture du tapis frisé sous la table basse un peu plus loin dans le salon. Partout où elle chassait ses yeux pour éviter cette horrible sentiment qui lui montait lentement au cœur, elle y retrouvait quelque chose de perdu. Mais ce n'était pas heureux, pas joyeux, au fur et à mesure qu'elle fuyait un souvenir en posant ses yeux ailleurs, elle sentait les larmes monter, incapable de remettre des souvenirs exact sur ce qui lui paraissait si familier.

Elle savait qu'elle avait grandit là, elle sentait que tout ça, elle le connaissait comme sa poche, et pourtant peu importe la familiarité, elle était comme devenu une étrangère à ses murs qu'elle ne pouvait même pas toucher. Le jeune homme qu'elle savait être son frère, elle aurait pu dessiner chaque trait de son visage les yeux fermés, mais ne pouvait pas même se remémorer un nom. Lentement, le malaise profond qui l'emplissait la fit reculer, ignorant le voleur qui était partit rejoindre encore une fois les autres autour de la piscine éclairé de l'intérieur,bleu turquoise sur le fond noir de la pelouse.

Elle traversa encore le mur et se retrouva une nouvelle fois dans le jardin. Là, elle avait fixé les jeunes s'amuser insouciants, un long moment avant d'enfin réussir à formuler dans son esprit ce qu'elle venait de comprendre. Les mots fuyaient, elle tentait de les collecter comme un enfant ramasser des galets à la plage et les fait tomber de ses bras et cherchant à en rajouter encore un à sa collection. Enfin, quand elle pu tous les assembler, elle put fabriquer sa phrase.

C'est mon frère et ma maison. Je suis chez moi.

Après le vertige que cette phrase, qui résonnait dans son crâne, provoqua en elle, elle avait, mécaniquement, tenté de se reprendre, d'agir. Sans même vraiment réfléchir à ses actions, elle s'était approchée des jeunes, fuyant soigneusement son frère, et avait tenté d'imiter le voleur en possédant un des corps. Mais elle ne faisait que leur passer à travers, sans aucune matière.  À vrai dire, excepté le sol, rien ne semblait pouvoir la toucher.

Elle s'était acharnée avec son habituel caractère borné, sa philosophie « si j'insiste ça finira par marcher », mais les coups d'œil moqueur du voleur la frappait comme des coups de poings. Elle se sentait de plus en plus ridicule, comment pouvait-elle encore penser qu'il suffisait de ne pas baisser les bras pour y arriver ? C'était stupide, stupide, elle était stupide. Elle était encore passée à travers un jeune homme brun perdu en plein éclat de rire, et à cet instant, elle avait sentit sa propre impuissance. Elle avait entendu son frère proposer aux autres d'aller se coucher maintenant, et cette voix avait finit de briser sa détermination.

À ce moment son esprit en détresse s'était tourné vers celui qui était comme un phare pour elle. Elle était partie d'une démarche d'automate dans la rue, cherchant à reconnaitre les maisons, marchant pieds nus sur la route goudronnés sans en sentir le froid et le poisseux sur sa peau. Enfin, elle avait trouvé Despair, et elle s'était calmé. Sa voix lui répondit finalement, la tirant de ses pensées

- Mais c'est finit tout ça. On doit juste récupérer ta gemme, c'est le plus important pour l'instant.

Mais Lava ne parvenait qu'à peine à détacher son esprit de tout ce qu'elle avait vu là-bas. Elle sentait le gouffre creuser entre l'ancienne elle et celle qui maintenant baissait les yeux sur des mains bardées de griffes dignes de cauchemars, la peau craquelée par des ruisseaux de magma.

La voix de Despair la tira encore une fois de ses réflexion torturées.

- Lava...

Elle le regarda, perdue. Comment autant de choses avaient pu se passer en si peu de temps ? Elle ne faisait que se battre et lutter mais rien ne s'arrangeait, quand elle se sortait d'une situation épineuse c'était pour se replonger dans une autre immédiatement. Elle courba légèrement les épaules, sentant le découragement poindre. Et la lourde chape d'une méchante mélancolie lui fit baisser un peu la tête. Une main hésitante se posa sur sa tête et enfin la main se raffermit et elle fut tirée contre lui. Dans ce corps, il était plus petit qu'elle. Mais elle se laissa faire et après seulement un long moment, quand le soleil se leva vraiment, elle recula d'un pas, plus sereine.

- Merci...

- De rien. Maintenant on doit vraiment trouver ta gemme. Il faut retourner là-bas...

Elle hocha la tête, puis se rendant compte qu'il ne la voyait pas, elle lâcha

- Je sais. Je t'y guide.

Puis il prenant la main, elle refit le même trajet. Sur le chemin Despair commenta

- Je pense qu'on a été transporté là justement parce que c'est un lieu qui t'étais familier...

- J'imagine... Mais, dans ce cas, pourquoi pas toi ?

Elle ne voulait pas donner l'impression de dire qu'elle aurait préféré que ça soit Despair qui tombe nez à nez avec sa famille, mais pourtant, c'est ce que son ton laissa transparaître, et elle s'en voulut

- Oublie ça, je ne voulais pas dire que ça aurait été mieux dans l'autr....

Il la coupa

- C'est tout simplement parce que mes proches sont probablement morts de puis belle lurette. En fait, ils doivent être tellement mort, que même au paradis ou en enfer, ils doivent déjà avoir disparut... Et ne t'excuses pas, je ne peux même pas imaginer ce que ça fait. Il faut juste qu'on se dépêche de retrouver ce caillou de malheur.

Elle sourit faiblement et finit de le conduire dans le jardin. La plupart s'était juste couchés, et la maison était mal rangée, jonchée de débris vaguement poussés par un balais englué de restant de pizza dans un coin.

- On y est.

Elle ne lâcha pas sa main. Il pressa celle-ci puis, il lui demanda

- Tu m'as dit que tu n'avais pas réussis à les posséder ?

- Non... Je me dit que ça doit être lié à mon statut démoniaque....

Despair sembla réfléchir un instant,puis il dit, légèrement hésitant, comme s'il ne savait pas trop ce qu'il disait mais venait à peine de considérer une option

- Je me dis que.... Enfin, si tu as raison... et au vu de la capacité que m'a laissé Lucifer... Je devrais...

il inscrit une petit pause et déglutit,mais Lava avait déjà compris ce qu'il proposait à ce moment. Elle sentait l'appréhension aussi, les doutes qui l'assaillaient. Elle était partie dans les enfers sans doutes, toute droite et têtue,mais plus les problèmes s'accumulaient sur ses épaules, plus elle courbait l'échine. Et elle fixa ses yeux sur le visage inconnu qui contenait la seule chose dont elle ne doutait pas. Il termina, confirmant sa pensée

- Moi je devrais en être capable. Et pouvoir récupérer ta gemme.

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