2.38
Despair se balançait autant que ses liens lui en laissait la possibilité, sur la chaise où il était attaché. La douleur dans son épaules ne passait pas, la blessure ne guérissait pas, il ne pouvait pas utiliser les pouvoirs de Théo, et n'avait par ailleurs aucune énergie blanche. Il se mordit les joues et se concentra sur la douleur, sa seule solution à ce moment précis pour ne pas perdre la boule dans son aveuglement forcé, et la vague du passé qui venait le hanter. Il tentait également d'arracher ses pensées loin de Lava mais elles y retournaient sans arrêt, comme sous l'effet d'une gravité contre laquelle il était impossible de lutter.
Finalement les pas revinrent. Et quelque chose de visqueux se colla à ses blessures pour absorber son sang. Il sursauta.
- Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que c'est ?
La chose visqueuse se décolla de ses blessures pour venir lui caresser le torse et le ventre. Il se retint son dégoût et rentra le ventre par réflexe, sans que ça ait le moindre effet.
- Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?!
Il avait l'impression qu'il s'agissait d'un gros serpent mouillé, visqueux, baveux, une sorte, de, langue... ? Mais en bien trop gros et repoussant. Il poussa une expression dégoûté en se tortillant pour lui échapper au contact. La chose continuait de le tartiner de cette espèce de bave, le barbouillant de haut en bas. Enfin une voix étrange commenta
- Tu as bon goût....
- Hein ?
Il n'avait rien trouver de plus fin à dire.
- Ce sera un plaisir de te manger...
Manger ? Le manger lui ?
- J'ai pas trop envie, s'il vous plaît. Vous pouvez me découvrir les yeux ?
L'aveuglement allait le rendre fou, c'était insupportable. Ça lui rappelait ses années en strate 1, ça le plongeait dans le gouffre de ses millénaires de mémoires. Ça le coupait du reste, et il ne pouvait pas le supporter, non vraiment, c'était insupportable, impossible à supporter. La chose vint lui enlever son bandeau, et lui offert la vision de sa geôlière. Une femme, à l'aspect monstrueux, et à la langue tout aussi difforme et ophidienne, se tenait devant lui.
- Vous m'avez léché ?!
Il était dégoûté. Elle poussa un petit rire doux et acquiesça.
- Ne me mangez pas.
Elle ne répondit rien et passer derrière Despair, là où il ne pouvait pas la voir. Elle se tendit, stresse par l'idée qu'un mouvement brusque de sa part puisse la faire l'attaquer. La femme, Théarchiase d'après d'après Asterath, recommença à lui lécher l'arrière de la tête de la nuque. Il se crispa une nouvelle fois de dégoût.
Soudain elle poussa un petit rire, et planta ses dents effilées et carnassières dans l'épaule déjà blessée. Il tenta de retenir un cri qui malgré lui filtra entre ses mâchoire serrées. Puis il ouvrit la bouche pour vite lui lancer.
- Non ! Ne faites pas ça, je ne suis même pas dans mon vrai corps !
Mais sa seule réaction fut de planter sa langue dans l'incision ronger l'intérieur de son épaule, fouiller dans la chaire à vif, remuer le couteau, ou en l'occurrence sa langue, dans la plaie. Cette fois il hurla, et l'auréole prit un mélange de couleurs marbrées, qui se tordaient et bougeaient de façon cahoteuse sa surface, entre le vert le bleu, le rouge, le gris, le noir et l'orange et dansaient torturés comme un nid de serpents. Il ferma les yeux sans pouvoir retenir un flots de larmes chaudes et salées qui lui montèrent aux bord des paupières.
- Arrêtez ça ! Pitié ! Arrêtez !
Soudain une chaleur douce l'envahit plus, tandis que Théarchiase cessa brusquement. Despair, haletant, remit son souffle alors que la douleur diminuait progressivement pour laisser place à sensation chaleureuse. L'espèce d'étrange démone poussa un grognement de frustration et partit. Il ne comprenait pas du tout pourquoi elle s'était arrêté, ni d'où venait la douce chaleur venant mettre un baume à sa douleur.
Despair regarda autour de lui. Il cherchait un moyen, peu importe lequel, de se détacher. Soudain il se figea, réalisant quelque chose qui le frappa : il voulait se battre pour rester en vie. Depuis quand dans une situation aussi désespéré il cherchait encore des solutions ? Il ne faisait que baisser les bras habituellement... Il... Il ne s'était pas autant démené depuis ses premiers siècles d'enfers. Il.... Voulait revoir Lava coûte que coûte. Il aperçut sur le sol tâcher de sombre. Du sang d'âme séché il devinait, des objets en tout genre. Cordes, morceaux de bois, gemmes, instruments de tortures... À sa droite à quelques mètre, un couteau. Il sera les dents, inspira profondément. Il pouvait le faire. Il pouvait le faire. Il pouvait y arriver. Il devait juste faire comme Lava, comme Lava, ne jamais accepter la fatalité. Se battre même quand sa paraissait stupide, jusqu'au dernier instant, dans la situation la plus désespérée, même si c'était idiot, même si c'était inutile, il n'y a que comme ça qu'elle fonctionnait, et que grâce à ça qu'elle l'avait tiré des prisons de Satan au coeur des enfers, venant tout droit du centre du paradis.
Il se tassa sur sa chaise avant de se redresser soudainement pour faire d'écrire à sa chaise un petit rebond vers la droite. Il reproduit le processus plusieurs fois, se rapprochant par petit saut du couteau. Puis il se concentra. Sa cheville était lié au pied de la chaise, mais pas son pied qu'il tendit vers l'arme. Entre ses orteils, il attrapa bancalement le manche de la petite lame. Il se déplaça avec jusqu'à un mur où il cala la lame contre sa cheville. Puis il se tortilla jusqu'à ce que le tranchant du petit couteau vienne à bout du lien sur sa cheville. Enfin, après d'interminables minutes. Il parvint à faire de même avec sa seconde cheville. Puis il parvint, au bout de nombreux échec à coincer l'arme sous son bras, et frotter ses poignets contre le couteau pour se libérer. Il regarda autour de lui, inquiet. Il avait prit trop de temps à se libérer, elle finirait par revenir, et son instinct lui disait que c'était pour bientôt.
Il avisa un placard dans un coin. Tout petit, mais juste suffisant pour qu'il y rentre. Dans son vrai corps il n'aurait probablement pas pu, mais dans celui de Théo, pourtant assez grand, il pouvait le faire. Il se leva, jeta un dernier coup d'œil autour de lui, puis se précipita vers le placard, et s'y cacha. Se cacher, trouver un plan, et ensuite retrouver Lava.
Il se mit en boule pour libérer un peu d'espace et éviter de se couper. Il se trouvait dans un placard plein d'instruments et d'armes de torture soigneusement rangées contre le fond. Il manquait de se blesser à chaque mouvement. Réfléchissant à un plan, qu'il ne trouvait pas, il fixa l'extérieur par l'entre-bâillement des planches de bois formant l'ouverture de sa cachette, qui lui paraissait d'ailleurs bien trop évidente.
Soudain, Théarchiase revint, sous une apparence bien plus classique et calme, celui d'une femme, belle, humaine. C'était bien évidement trompeur. En apercevant la chaise vide et les liens au sol, elle poussa un hurlement sauvage de rage, et reprit son apparence terrifiante. Despair se figea, arrêtant de regarder par l'interstice et se recroquevillant au fond de sa canette.
Théarchiase renversa la pièce sens dessus dessous, et il sut qu'elle allait trouver sa cachette tôt ou tard. Non ! Ne pas baisser les bras ! Penser positif, penser Lava ! Il plaqua sa main sur sa bouche pour retenir son souffle. Et attrapa une des armes en la faisant pointer devant lui. Soudain le calme revient à l'extérieur. Cela ne le rassura pas pour autant.
Et effectivement, une minute plus tard les portes du placard s'ouvraient en grand, droit sur le visage démoniaque et furieux de Théarchiase. Celle-ci poussa un hurlement, et Despair pointa son arme vers elle, en tentative de défense. La terrible langue de la démone s'enroula autour de son cou tandis qu'un hurlement sans commune mesure venant de la démone étrange lui creva les tympans. Il lâcha l'arme pour se couvrir les oreilles, et alors la langue commença à lui broyer la gorge. Il porta les mains à sa gorge pour laisser passer un filet d'air dans ses poumons suffocant, mais il n'y parvint pas, et il balança ses jambes pour la repousser. Il rata son coup et frappa droit dans les armes qui se détachèrent et tombèrent sur Théarchiase. Les lames cisaillèrent sa langue et celle-ci battît en retraite un instant en grognant de douleur.
Despair sauta sur cette précieuse occasion pour se sortir du cul-de-sac que représentait sa cachette. Il se précipita hors du placard, et comme un dératé, il courut au hasard à travers l'endroit et finit par rejoindre le grand halle de la cathédrale. Il s'arrêta une seconde pour regarder autour de lui, essoufflé.
Il ne vit personne, à peine une chaise pleine de cordes de plus que la dernière fois. Il chercha désespérément une trace de Lava dans les lieux sans succès. Guettant l'arrivée de Théarchiase il avança de quelques pas, hésitant, déboussolé. Une voix derrière lui l'interpella. C'était celle d'Asterath.
- Que cherches-tu ici, Despair ?
Ce dernier se retourna violemment et s'exclama
- Où est-elle ?
Asterath désigna les cloches au dessus de leur tête.
- Deviiiine !
Puis il éclata de rire, d'un rire glaçant, froid, et bien plus terrifiant que n'importe quel cri de Théarchiase
Despair sentit un frisson lui remonter l'échine. Il serra les poings à s'en blanchir les phalanges, et une colère le saisit, plus éclatante que ce qu'il avait pu ressentir depuis des siècles. Asterath le regarda moqueur, sa voix grave et repoussante, goguenarde, le fit grincer des dents
- Ooooh...Il va pleurer ? Il va crier ? Parce que son amoureuse est en sécurité ? ENFANT INGRAT !
Il était perdu. Que faire ? Il ne pouvait pas se battre dans cet état. Impossible de se battre dans ce corps puisqu'il ne pouvait utiliser aucune énergie, et encore moins se battre contre lui.... Il lui suffisait de se souvenir de son combat, si tant est qu'on puisse qualifier ce massacre de quelques secondes de combat, pour savoir que même au meilleur de sa forme dans les meilleures conditions, il lui serait impossible de rivaliser. Alors piteusement il tenta...
- Contre sa liberté....
Asterath l'interrompait
- Quelle liberté ? Je lui sauve la vie !
Despair vit rouge. Comment il pouvait prétendre la sauver de quoi que se soit en l'enfermant ?! Il cria
- La sauver ?! Vous la croyez trop faible POUR SURVIVRE SANS VOTRE AIDE ?!
Il baissa le ton, mais sifflait de colère
- Demandez-moi ce que vous voulez mais libérez-la !
Asteraht ricana
- Oui. Prouve moi que tu es suffisamment fort pour survivre.
Puis il dégaina deux poignards. Despair regarder l'arme puis lâcha sec et froid.
- Pour que je survive ? Mais c'est pas moi le problème. Moi je suis faible, vous me tuerez en un instant, ce que je vous dis c'est que Lava ne mourra pas. Laissez-la partir. Peu importe le prix.
Asterath sembla hésiter, puis sourit, de façon sinistre. Un sourire qui fit froid dans le dos à Despair.
- Donne-moi tes yeux.
Il tiqua, sans montrer plus de réactions extérieures. Pourtant à l'intérieur, il avait envie de hurler. Ses yeux, ses yeux. Pourquoi ça en particulière ?! Il savait pertinemment qu'il n'était pas son corps, mais il savait également qu'avec de l'énergie blanche ou noire, n'importe quelle greffe était possible. Même en donnant les yeux de Théo à Asterath, il savait qu'il lui suffirait de donner les siens à l'ange en ré-échangeant d'enveloppe physique. Il serait donc aveugle.
Aveugle
Il avait l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds, quand il lâcha
- Faites-la d'abord descendre et libérez là. Ensuite...
Il déglutit et serra les poings pour s'empêcher de trembler
- Vous pourrez me prendre mes yeux.
Asterath sourit de plus belle.
- C'est bien. Tu tiens vraiment à elle.
Il claqua des doigts et une Lava hébétée, recroquevillée, apparut sur une des chaises couvertes de cordes. Despair se précipita vers elle, et inquiet, il prit son visage en coupe tandis qu'il vérifiait qu'elle n'était pas blessée. Elle semblait dans un autre monde, déconnecté avec ce qui l'entourait.
- Lava, lava, lava, lava c'est bon, tu es libre, c'est fini.
Puis il l'aida à se lever et l'éloigna un peu.
Asterath tendit ensuite la main
- Tes yeux, petits, mais je suis généreux.
Théarchiase arriva alors, sous sa forme humaine, calmée, celle d'une belle jeune femme aux yeux émeraude et aux longs cheveux couleur nuit. Elle se positionna à côté de l'esquissé avant que celui-ci ne lâche à Despair
- Je vous autorise à vous regarder un peu avant que tu ne deviennes aveugle.
Ce dernier mot asséchait la bouche de Despair, lui laissant un goût acide de peur et de rejet. Il s'empressa de dire à Asterath qui s'apprêtait à sortir Lava de sa léthargie
- Non ! Si elle sait ce que je vais faire... Si elle apprenait que je vais donner les yeux pour sa liberté, elle ferait tout pour m'en empêcher. Et elle y parviendrait...
Il se tourna vers elle pour la regarder une dernière fois. Il ne pourrait plus jamais. Cette idée l'engourdissait. Plus jamais. Elle avait ses yeux rouges perdus dans le vague, ré-émergeant doucement de son état pratiquement comateux. Ses mèches argentés, brillant avec éclat, bien plus longues que lorsqu'il l'avait rencontré pour la première fois, caressait son front légèrement. Elle avait grandit aussi. Sa peau était sombre, zébrée par les traces comme des craquelures de magma à la surface d'un volcan qui été apparut dans sa mutation en démon. Une vraie apparence de démon. Mais ça ne le dérangeait pas le moins du monde. Qu'elle soit l'âme blonde aux yeux bruns chaud du premier jour, ou la démone de lave qu'elle était maintenant, Lava restait Lava. Il ferma les yeux se détourna d'elle pour retourner vers l'esquissé et sa compagne.
- Est-ce que je peux au moins avoir un couteau ou faut que je le fasse avec mes doigts ?
- Qui a dit que ce serait toi ? ...Théarchiase ?
Cette dernière s'approcha en sortant sa langue démesurée et ricanant. Despair retint un hoquet d'horreur et se força à rester sur place. La langue rentra dans son œil se faufila derrière la rétine et le tirant net hors de son orbite. Cela rappella à Despair ce que Lucifer lui avait fait. Il se mordit la lèvre parvenant à résister à la douleur. La langue, vive comme l'éclair, s'enfonça dans le deuxième œil. L'arrachant comme le premier.
Le sang doré et chaud coula le long de ses joues comme un torrent de larmes sanglantes. Il le sentit, sucré et doux tandis qu'il noyait son visage, effleurant ses lèvres, gouttant sur son nez.
Ses jambes lâchèrent et il tomba à genoux, arrachant immédiatement une bande de tissus de ses vêtements pour s'en bander les yeux, les mains fébriles, tremblant, le souffle chargé de douleur.
Asterath claqua alors des doigts et Lava sortit de sa léthargie. Ses pensées se structurèrent, et elle devint de nouveau capable de connecter plus de deux idées ensemble. Ses idées redevinrent claires et elle réalisa où elle se trouvait. Puis elle se tourna.
D'abord ce qui lui sauta aux yeux, se fut le sang, doré. Qui maculait le sol. Et au milieu de cette flaque de sang ensuite, Despair à genoux. Elle se précipita vers lui
- Despair !!! Ne lui faites pas de mal !
Asterath faisait rouler les yeux de Despair entre ses doigts en fredonnant. Théarchiase reprit une apparence normale en rétractant sa langue tachée du sang de la silhouette recroquevillée au milieu de sa flaque d'or liquide. Lava se figea en reconnaissant les yeux avec lesquels l'esquissé jouait, puis en baissant les yeux sur le bandeau entourant les yeux de Despair.
- Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?!
Elle tombe à genoux à ses côtés.
- C'est rien, c'est normal. Un marché. Tout va bien.
Elle s'étranglait à ces mots
- Tout va bien ?! Un marché ? Mais non !
Il essayait de se détourner d'elle
- J'ai juste échangé mes yeux contre ta l....
Elle l'interrompit indignée, prenant ses épaules pour le tourner vers elle
- Il ne faut pas ! Ne jamais, jamais céder ! Il y a toujours une solution !
- Oui et cette solution, c'était de donner mes yeux.
Elle se releva, et regarda Asterath furieuse.
- Pourquoi avez-vous fait ça ?!
Il répondit et la regardant, la fixant soudainement. Puis lâcha.
- Parce que ces yeux sont la seule manière pour vous de quitter l'enfer, petite.
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