2.1


Un courant d'air glacé lui plaqua ses mèches courts et folles sur les joues, et un long frissons lui remonta le long du dos. Elle croisa ses bras et rentra les épaules dans un geste parfaitement inutile, mais réflexe, pour se réchauffer. Elle continua de marcher, péniblement, contre les bourrasques chargées de neiges qui lui brûlaient le visage et lui coupait le souffle. Quelle poisse ! Et quel idiot ! Il lui avait assuré que c'était très drôle d'observer les tempêtes de neiges du dessus, mais la falaise plombée, quel nom de merde ! N'était pas si "plombée" que ça et partait en miettes, la faisant chuter lorsque qu'un morceaux entier de sol métallique s'était dérobé sous son pied. Maintenant elle était en pleine tempête, et, d'après les paroles de Despair, celle-ci durerait au moins quatre ou cinq jours. Elle n'avait plus qu'à sortir de la zone touchée par le blizzard par elle-même.

Elle avançait pas à pas, très, beaucoup trop, doucement. Elle espérait aussi que Despair n'essayerait pas de la chercher et resterait au même endroit, sinon, ce serait juste encore plus difficile de le retrouver. Mais bon, il le ferait très sûrement, le connaissant et sachant qu'il l'.... Elle détourna de force et brutalement ses pensées de ce sujet, comme on arrache un pansement.

Au même moment elle trébucha, et se mordit la langue en tombant le menton droit sur la glace. Le goût de son sang se répandit dans sa bouche, la faisant gémir. Elle avait beau tenter d'ignorer la saveur douce et agréable, un peu différente mais tout de même trop proche à son goût, du sang de démon qu'elle avait déjà put goûter.
Elle ne savait plus trop ce qu'elle était. L'auréole, qui scintillait doucement une dizaines de centimètres au dessus de sa tête et la réchauffait un peu faisait d'elle un ange, ses yeux rouge et le goût de son sang ajouté à sa capacités à manger les émotions négatives faisait d'elle un démon, mais sa gemme toujours aussi sombre,  faisait indéniablement d'elle une âme. Une hybride entre trois natures différentes et normalement impossible à associer.
Elle se redressa et plissa les yeux pour tenter, sans grand succès de se repérer. La tempête était aussi violente qu'avant, et sa vision ne s'améliorait pas soudainement, évidement qu'elle n'y voyait rien.

Elle soupira. Puis reprit sa marche.

Mais une centaine de mètres plus tard, elle tomba.
Pas par terre comme la dernière fois, elle tomba dans un trou profond, se cognant plusieurs et douloureuses fois contre des parois de glace. Saloperie de toundra.

Elle était dans une crevasse. Comme si ça ne suffisait pas.
Avec probablement un bras cassé. Elle laissa le peu d'énergie blanche qu'elle gardait en sécurité se diffuser le long de son bras et la douleur disparue en même temps que la fêlure de son os.
C'était quand même pratique.

Ensuite, elle se remit debout et entreprit de remonter le long des parois, mais elle n'y parvint pas à cause de la glace, trop lisse et glissante. Elle soupira, puis usa encore de son énergie blanche pour planter ses doigts dans la glace et s'élever jusqu'à la surface. Elle tira sur ses bras et ramena son corps à la hauteur du rebord gelé, puis elle posa son genoux sur le sol enneigé et sortit de la crevasse. Un simple ralentissement, et une perte d'énergie inutile. Elle reprit sa marche. La tempête n'avait pas diminuée. Elle continua son chemin encore un long moment avant qu'enfin elle perçoive à l'horizon une forme un peu sombre et flou. C'était un gros rocher noir, comme elle avait put en croiser sur son chemin. Elle hésita à s'abriter derrière, mais la douleur dans ses muscles lui dit que si elle se reposait, elle y resterait longtemps, or elle n'avait pas de temps à perdre à cause d'un blizzard.

Elle passa à côté du rocher, et trébaucha. Encore ! Elle n'était ni tombée dans une crevasse, ni simplement buté contre un caillou de glace au sol. Elle venait de trébucher contre un corps. Un corps roulé en boule. Visiblement une âme.

Elle se baissa et tourna un peu l'âme prostrée au sol et observa son visage. Il s'agissait d'une femme, d'un âge assez avancé, la soixantaine à peu près. Les cheveux blonds vénitiens grisonnants. Ses yeux étaient fermés, et ses cils étaient cristallisées par le givre. Elle semblait inconsciente.

Lava la prit dans ses bras, et encore une fois, puisa dans ses réserves d'énergie blanche pour la réchauffer un peu, et continuer jusqu'à sortir de cette endroit de malheur. Lava n'aimait pas le froid, elle était à l'aise dans les régions chaudes, elle aimait les déserts, pas les toundras glacées.
Elle n'était pas censée empêcher les démons de chasser si elle voulait que le contrat avec le Diable soit respecté, ce qui lui avait serré le cœur quand elle avait dû à plusieurs reprise assister impuissante à la capture voire torture d'autres âmes, pendant qu'eux étaient sain et sauf, mais rien ne lui interdisait de venir en aide à une âme dans le besoin si cela n'interrompait la chasse d'aucun démon.

Elle finit par se retrouver à court d'énergie. Il ne lui en restait plus une miettes, et l'énergie noire, elle l'avait déjà complètement utiliser lors du combat de Méphistophélès, mais n'avait pas refait de réserve depuis. Cela faisait maintenant... 4 mois, qu'elle est Despair étaient libres. Depuis, rien n'avait changé sinon que Despair s'était un peu éclaircie et que ses cheveux à elle avait prit encore quelques centimètres, lui caressant maintenant la nuque et lui chatouillant les oreilles.

Il s'était pas mal parlé, surtout Despair, qui étalait toutes ses connaissances et ses souvenirs sur les enfers, et 4999 ans, car s'était son âge exact, de mémoires et savoirs accumulés, ça prenait du temps à être raconté, même avec ses quelques trous de mémoires. Il avait du mal à se remémorer ce qui datait de ses 500 premières années. Et elle, lui avait raconté avec précision tout ce qu'elle avait vécu pour venir le chercher. D'abord la rencontre avec les âmes pures, puis les gardiens de la porte, le gris, la rencontre avec Sidney, puis les retrouvailles avec Matthis et la présentation à Fred, l'enlèvement de Jazz, leur marché, sa trahison, sa faim grandissante, la strate 1, l'arrivée des anges, son vol de l'auréole, le stress des jours entiers passées à chercher la porte, son déguisement, son stage forcé chez Nalla-Kallu, et son entrevue avec Satan... Il connaissait la suite. Il apprit avec étonnement qu'il était le premier démon à l'avoir attrapé, mais elle ne s'étala pas sur le sujet. Et elle évita soigneusement de parler de son auréole, car elle avait peur de se retrouver obligée d'avouer qu'elle pouvait sentir les émotions positives, et elle craignait les conséquences d'une telle révélation.
Lava laissait ses pensées dériver au hasard, et elle ne remarqua pas le réveil de la femme dans ses bras.

Soudain elle se prit un grand coup sous le menton et la lâcha. La femme se redressa et tenta de s'enfuir, glissa, tomba, rampa, paniquée. Lava se frotta là où elle l'avait frappé, puis se rapprocha de la femme, et s'agenouilla, la saisissant par les épaules pour la retenir. Elle essaya de se dégager, mais Lava la retint sans difficulté et la tourna vers elle en lui disant assez fort pour couvrir le bruit du vent assourdissant.

- Je ne vous veux aucun mal, je ne suis pas un démon, calmez-vous s'il vous plaît !

Elle continua de se débattre un instant, mais très vite son regard se porta sur le petit anneau lumineux qui auréolait sa tête, et elle retrouva son calme progressivement, avant de se laisser retomber épuisée, comme une poupée de chiffon, molle et vulnérable. Lava s'apprêtait à la reprendre, quand soudain, posant sa main au niveau de son ventre, elle sentit une chaleur anormale. Elle constata très vite que c'était du sang. La femme était blessée.

La nuit ne tarderait heureusement pas. On y voyait presque plus, et dans moins d'une heure il ferait tout à fait noir, et elle pourrait guérir. En attendant, Lava commença à se les peler, n'ayant plus une goutte d'énergie. Elle sentait aussi ses forces décliner, et la femme, bien que calmée, tentait toujours de se dégager de son étreinte, alors Lava l'assomma. 

La nuit tomba alors, et Lava fut contrainte de s'arrêter. Pendant la nuit, elle se colla à la femme, ne pouvant se réchauffer avec de l'énergie puisqu'elle était à court. Enfin le lendemain, elle put reprendre la route. Elle vérifia que les blessures de la femmes était refermées, et c'était le cas, alors elle fut rassurée. Comme elle ne pouvait pas aspirer les sentiments des autres âmes, seulement celle des démons, Lava dû régulièrement assommer la femme, prenant garde à ne pas la blesser. Enfin, le vent se calma, la température remonta un peu, et le sol ne fut plus recouvert de glace et de neige, mais d'une herbe courte et bleutée qui perçait de la terre entre les pierres grises. 

C'est vers la fin de journée qu'elle aperçut Despair. Il avait réfléchit, pour une fois, et était monté de l'autre côté de la vallée des tempêtes, le nom de la toundra dont elle sortait, pour la repérer, ce qu'il a avait finit par faire au moment où elles étaient sortit du nuage de neige. Il était tout de même très loin et elle s'assit pour l'attendre. Pendant ce temps, la femme se réveilla. Lava la rassura tout de suite voyant qu'elle repartait dans une crise de panique.

- Eh ! Je vais pas vous faire de mal ! Regardez, je n'ai pas de griffe, ni d'arme, je ne suis pas dangereuse !

La femme se retourna vers Lava et, restant tout de même à bonne distance, demanda méfiante

- Vous êtes un ange ?

Elle hésita avant de lui répondre

- Oui. Je suis un ange.

Elle n'était pas qu'un ange, mais bon. La femme reprit

- Que fait un ange en enfer ?

Autant être franche.

- Je suis aussi un démon.

Elle sauta en arrière soudain effrayée. Lava tenta de sa rattraper.

- Mais je ne mange pas les émotions des âmes, seulement celle des démons. D'ailleurs je suis une âme.

Et elle montra sa gemme. La femme se figea et l'observa, perturbée. Lava enchaîna

- Comment vous appelez-vous ?

- ...je m'appelle Servaise.

- Et moi Lava. Ça fait combien de temps vous êtes là ?

Servaise se rapprocha et s'assit. Elle avait les yeux bleu, très pâles. Sa peau était ridée, mais elle restait belle, et elle avait dû l'être encore plus avant.

- ça fait 11 ans.

- Moi ça fait 8 mois. Comment vous-êtes vous retrouvé dans la vallée des tempêtes ?

Elle se frotta la tête et répondit par une autre question.

- Et vous ?

- Je suis tombée de la falaise de plomb.

Cette fois Servaise sourit.

- Moi aussi, j'essayais de faire le tomber le démon qui me poursuivait, mais on est tous les deux tombé, et j'ai été blessé, puis je le suis fait avoir par la tempête.

Lava se retourna pour chercher Despair des yeux. Le terrain formait une légère courbe montante, et favorisait sa vision, ainsi elle pouvait le voir de très loin. Ses yeux y étaient aussi pour quelque chose, bien sûr. Il n'était plus moins. Elle se retrouva vers sa nouvelle camarade et lui expliqua.

- Vous l'avez sûrement compris, mais je suis un peu... Spéciale. Et j'ai un ami qui l'est lui aussi. Il ressemble à un démon, mais je vous assure qu'il n'en a rien d'autre que le physique.

Servaise hocha la tête et répliqua.

- Je voudrais vous accompagner.

Lava se tourna vers elle surprise. Elle imaginait bien rester un peu avec elle, mais qu'elle les suive alors qu'il y a quelque minutes elle cherchait à la fuir l'étonnait.

- Vous n'êtes pas très méfiante, ça fait pas longtemps qu'on se connaît, et vous l'avez vu, je n'inspira pas vraiment confiance.

- Vous m'avez sauvé. Je serais morte de froid sans vous.

Lava fronça un peu les sourcil, peu convaincue.

- Et bien, vous pouvez, mais si on se fait attaquer par des démons, ils ne s'en prendront qu'à vous et nous ne feront rien pour vous aider.

Elle haussa les épaules.

- Vous me paraissez toujours plus fiable que la plupart des âmes.

Lava lui sourit un peu

- C'est pas forcément vra..

- Lava !

Une troisième voix les interrompit. Elle se retourna vers Despair.

- Je te présente Servaise, elle nous suivra un peu.

La concernée hocha la tête pour le saluer, et il fit de même quand Lava le présenta à son tour.

- Tu l'a avertie ?

Il demanda. Elle acquiesça, alors il regarda l'âme et lui déclara

-Bienvenue chez les fous, Servaise, j'espère que tu aimes courir.

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