Prologue

18 décembre 1916

"Ma chère mère,
Mon cher petit frère,

J'espère que vous vous portez bien. J'ai bien reçu votre dernière lettre et je vous remercie pour ce précieux cadeau. Je puise dans mes ressources pour garder des forces, je ne peux quitter cette photographie de nous. Je garde espoir de vous revoir.

Ici, les jours défilent sans qu'on ne les voie passer. Nous essayons de nous battre au mieux afin de gagner du terrain, mais l'ennemi est rude. Ô mon Dieu, à chaque moment je crains que la mort ne s'approche un peu plus et ne m'étreigne. Je vois des horreurs en ces lieux que vous ne pouvez imaginer. Par chance, avec mes camarades de couchettes, nous évoquons avec nostalgie notre ancien quotidien, nous nous soutenons les uns les autres. Les bons souvenirs ressurgissent, apaisent le temps d'un instant la douleur, jusqu'à ce que l'ordre de repartir se battre nous ramène ce présent, que l'on se tue à échapper.

Plus le temps passe, plus il est difficile de vivre. Nous essayons de dormir, mais l'ennemi ne prend pas de pause. La fatigue s'installe, je la sens, elle gagne en intensité chaque jour. Ô maman ! Mes membres s'affaiblissent, malgré cela on nous oblige à nous battre.

Mais pour qui ?
Pour quoi ?
Je ne sais plus ce que je veux maman...
Veux-je y rester ?
Veux-je y survivre ?

Le doute m'envahit à mesure que les jours passent, que les images épouvantables s'ancrent dans ma mémoire.

Maman, pourquoi m'as-tu donné naissance ? Pourquoi dois-je connaître cela ?*

J'ai peur de mourir. J'ai peur, mais je viens à en avoir envie. Je ne veux plus vivre ainsi. D'ailleurs, peut-on encore appeler cela une vie ?

Je pense à vous,

Votre frère et fils,

Roven Müller"

Le postier lève les yeux du papier jauni et remet ses lunettes en place. Sa gorge se noue. Lire les lettres de ces soldats tous les jours n'est pas une épreuve facile. En général ils se contentent de demander des nouvelles, de dire qu'ils vont bien, pas grand-chose d'autre. Comme le veut la règle qui interdit de raconter ce qu'il se passe là-bas. Cependant, certains essayent d'y échapper. Leurs mots sont les plus difficiles à lire. En effet, eux seuls reflètent l'effroyable réalité de ce qu'il se passe sur le front, mais les ordres restent les ordres, ils ne peuvent être transgressés. Il remet alors la précieuse lettre dans son enveloppe, attrape le tampon et appose "CENSURE", en rouge vif, sur le papier.

☆☆☆

* pour avoir plus d'information, allez voir le chapitre concernant cette citation sur le Guide ! Vous le trouverez sur le compte @hana_mle.
Le segment concerné est mis en ligne le 20/12/2020.

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