Chapitre I

- Tenez, mes amis.

Danton posa une choppe devant Desmoulins, et une devant Robespierre. Les révolutionnaires avaient le peuple de leur côté. Ils pouvaient donc aller dans les tavernes et auberges sans que leur présence soit signalée.

- Alors, comment fait-on ? questionna Desmoulins. La prise de la Bastille a échouée, on a perdu une grande partie de nos camarades, et une véritable chasse à l'homme se joue dans les rues.

- Nous devrions faire un nouvel appel, répondit Robespierre. De nouvelles affiches, que nous accrocherons dans le dos des soldats, appelant à la liberté, et à la République. Le peuple est courageux, et la misère leur donne l'audace de défier le pouvoir, malgré le risque important d'y donner son dernier soupir.

- Ils n'ont rien à perdre, soutint Danton. Même la peur ne les fera pas reculer.

- Faut-il déjà ne pas se faire attraper...

- Desmoulins, mon ami, ne soit pas pessimiste ! Je... Wow, regardez-moi cette créature !

Tous trois se tournèrent vers celle dont la présence avait coupé Danton dans sa phrase. Elle était à l'extérieur de la taverne où ils se trouvaient, et était visible par les larges vitres. Elle n'était pas des classes inférieures, c'était une bourgeoise, ça se voyait tout de suite ! Elle portait une large robe noire à rubans de satin tout aussi sombre et à volants. Ses cheveux qui semblait très longs, ondulés, et noirs se mêlaient dans une coupe sophistiquée et élégante, un petit chapeau noir les surplombant.

- Tu crois que c'est le moment, Danton ? Bon, reprenons.

Danton détourna son regard de la femme pour se reconcentrer sur la discussion, mais ce n'était pas le cas de Robespierre, au grand étonnement des deux autres. Desmoulins voulut le rappeler à l'ordre comme il l'avait fait avec le premier:

- Robespierre ?

- Ah, l'Amour ! le coupa Danton, amusé.

Robespierre reporta son attention sur eux, bien qu'il gardait à l'oeil la jeune femme. Il ne s'attendait pas à sentir le rose lui monter aux joues à la réflexion de son ami. Il n'était pas quelqu'un de timide ou renfermé, en temps normal. Le propriétaire du commerce, qui nettoyait la table à côté de la leur, leur apprit:

- Elle vient souvent par ici.

- Mais pourquoi ? voulut savoir Robespierre, curieux vis-à-vis d'elle. Il y a des rues nettement mieux fréquentées que celle-ci, à Paris.

- C'est même pour ça qu'on se réfugie là, leur rappela Desmoulins. Pour éviter de tomber sur des royalistes.

- Je ne sais pas si elle est royaliste, mais elle est d'une gentillesse incroyable ! Généralement, quand elle vient, elle prend une bourse bien garnie avec elle et n'hésite pas à en donner à ceux qui font l'aumône. Et elle paie avec un pourboire bien généreux !

Ils se tournèrent à nouveau vers elle. Desmoulins aurait aimé reprendre les discussions importantes, mais Robespierre semblait obnubilé par elle. Elle s'était d'ailleurs arrêtée à un stand ambulant. Une femme qui essayait tant bien que mal de vendre des bijoux. Les quartiers plus riches auraient été meilleurs terrains de vente, mais les mouchards les "nettoyaient des nuisibles".

- Tu n'as qu'à aller lui parler.

Robespierre se tourna vers Danton.

- Desmoulins a raison, on a autre chose à faire...

Et il ne put attendre plus de trente secondes avant de se lever et de rectifier:

- Il faut que j'aille lui parler !

- Tu as une mauvaise influence sur lui... soupira Desmoulins en direction du troisième, qui se contenta de lui adresser un sourire satisfait.

Robespierre allait donc partir lorsqu'il fut arrêté par l'arrivée rapide de Charlotte.

- Peyrol et ses hommes ! Ils arrivent !

Heureusement, les plus grands instigateurs de la révolution ne choisissaient plus leurs endroits au hasard. Nombre de commerces avait fermé une partie de leur bâtiment avec de faux murs, créant ainsi une pièce dissimulée. Les trois clients s'y engouffrèrent rapidement. Ils y attendirent plus longtemps que prévu, jusqu'à ce les coups signaux frappés à la paroi leur indique que la voie était libre. Ils ressortirent donc. Alors que les deux autres demandaient au commerçant si quelque chose de notable s'était produit, le réflexe de Robespierre fut de tourner un regard scruteur vers l'extérieur.

- Tu cherches quoooi ? demanda Charlotte, qui était assise sur le comptoir, jouant avec son couteau, avec sa voix curieuse.

- Euh...

- T'as loupé l'occasion de lui parler ! intervint Danton, entrant dans la conversation et prenant son ami par les épaules.

- Vous parlez de la bourgeoise qui était là ? Mauvaise pioche, Roméo.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Cette fille, c'est la femme de Peyrol. Tu pouvais pas tomber plus mal que ça.

- La femme de Peyrol !?

- Ah ! Quand le destin se joue de toi, taquina Danton.

- Bah tiens, j'aurais jamais cru, intervint à son tour le tavernier. Cette douceur, mariée à ce bourreau sans pitié !

- En tout cas, ils se connaissaient ! reprit Charlotte. Il l'a interpelée, et il lui a acheté un collier avant de la faire monter sur son cheval et la reconduire loin d'ici.

- Ça nous permet au moins de revenir à nos conversations prioritaires, messieurs.

Masquant de son inexpressivité habituelle son désarroi, Robespierre acquiesça la remarque de son ami. Ils reprirent donc leurs réflexions sur la méthode qu'ils devaient adoptée.

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