Depuis des années elle patiente, son doux visage figé dans le marbre, les plis de son habit incrusté dans la pierre, ses cheuveux immobilisés dans la roche,ses yeux perdus dans le vide.

Armand la contemple, chaque fois que son regard se pose sur la silhouette perdue dans les branchages il s'accroche et ne se détache seulement lorsque son corps s'est allégé de quelque centaines de dizaines de larmes.
Oubliant tous ce qui le rattache à la vie, perdant la notion du temps et des éléments.

Cette déesse emmitouflée dans ce drap blanc taché de gris. Le replonge dans une mélancolie dévastatrice qui ne le laisse ressortir indemne.

Dès son arrivée une place s'est créé dans le coeur démuni de l'homme perdu, tel la proue d'un bateau elle l'a guidé dans une mer d'épreuves à l'apparence insurmontable qu'ils ont brillamment franchi, ensembles, main dans la main.

Une alliance obligée la fait fuir, il est resté, forcé.
Durant trois jours et quatre nuits il a sculpté sa bien aimée pour ancrer son image là où pour la première fois leurs corps se sont rencontrés et leur amour explosé.

Son épouse ternie par le souvenir de sa muse ne le voit plus. Sa fille influencée par sa mère à de lui une image négative.

Il vit une vie destinée à un autre, un homme n'ayant jamais connu les bonheurs du véritable amour, un homme ayant pour objectif une bonne situation sans véritable émotions.

Devant sa nymphe l'homme triste pose pour la dernière fois une fleur plus rouge que le sang, plus épineuse que la vie, plus délicate qu'un papillon.

Au crépuscule écarlate sur le fauteuil près de la haie de lierre là où des jacinthes poussent librement, les derniers rayons de soleil jouent sur le visage fatigué d'Armand contrastant avec la beauté juvénile de sa muse de pierre, son souffle reste figé dans le vent formant des nuages d'une blancheur éclatante rivalisant avec celle de l'astre céleste témoin de l'ultime larme versé pour cet amour tant cherché .