CHAPITRE 1
Dimanche 13 octobre 1996, salle commune de Gryffondor.
Hermione, assise sur son lit, contemplait sa valise grande ouverte. Elle n'arrivait pas à croire à ce qu'elle s'apprêtait à faire. Peut-être ressentait-elle de la peur, ou de la tristesse ; elle n'en savait rien. Tout ce qu'elle savait, c'était que son cœur ne cessait de se serrer en un nœud à chaque fois plus douloureux, comme un torchon que l'on tord en boucle. Il lui fallut quelques minutes avant de daigner enfin refermer les clapets métalliques de son bagage, de l'empoigner, ainsi que sa baguette, et de quitter le dortoir. Jetant un dernier regard derrière elle, elle referma la porte, puis, elle descendit les escaliers en colimaçon nonchalamment. Traînant sa valise derrière elle dans un fracas sourd, elle se rapprochait peu à peu du brouhaha incessant qui animait la salle commune de Gryffondor, la boule au ventre. Cette appréhension des adieux provoquait en elle une certaine amertume qui lui était insupportable. Elle se stoppa sur les dernières marches, en contemplant sa bande d'amis souriants, puis inspira. La nostalgie de ces années passées commençait à faire surface.
Inspiration, expiration.
Puis, après avoir répété ce geste un nombre incalculable de fois, elle descendit enfin la dernière marche, et le silence s'installa. Tous se retournèrent en sa direction, posant leurs regards tristes et désolés dans le sien. Elle s'avança un peu plus puis s'arrêta. Elle était nerveuse.
- Hermione, chuchota Ron avec un sourire léger.
Elle lui rendit son sourire, qui ressemblait plus à une grimace. Son visage était tiré par le stress.
- Salut, répondit-elle.
Harry s'approcha d'elle et lui prit sa valise, lui faisant signe de s'asseoir à côté de Fred. Elle exécuta la demande sans un mot. Le roux lui sourit avec douceur. Le silence était lourd, presque gênant. Personne n'osait parler, peut-être de peur de la brusquer dans ce moment si délicat. Jamais il n'y avait eu un tel silence dans la salle commune, et encore moins avec ses amis. Elle se mit à jouer nerveusement avec ses doigts, les entremêlant et les serrant.
Les adieux sont toujours durs, se dit-elle en tentant de se rassurer.
C'est alors qu'Hermione se pencha vers les jumeaux, puis s'exclama, comme pour détendre l'atmosphère :
- Vous deux, vous allez être sages cette année ! Ne faites pas exploser les toilettes ou la salle commune, dit-elle.
Fred leva les yeux au ciel avec un sourire :
- Faire exploser les toilettes ? On n'a jamais fait ça...
- Mais c'est une super idée ! S'écria Georges les yeux pleins d'étoiles.
Hermione éclata de rire, avant de lâcher un soupir long en secouant vaguement la tête. Visiblement, elle venait de leur donner une mauvaise bonne idée.
- De toute façon je ne serai plus là pour vous contredire...
Georges regarda son frère puis lui fit un clin d'œil, signe que les toilettes de Poudlard n'en avaient malheureusement plus pour longtemps. Harry annonça :
- Je ne les ai jamais aimés.
- On ne manquera pas de t'en offrir un pour noël alors, pouffa Georges suivit d'un nouveau clin d'œil.
Harry leva les yeux au ciel, exaspéré. Soudain, quelqu'un pénétra dans la salle. Ginny Weasley venait d'apparaître. Époumonée, la rousse afficha un sourire soulagé en voyant Hermione entre ses deux grands frères, rassurée de la voir. Elle traversa la salle avec tellement de vitesse qu'Hermione n'eut le temps de réagir.
- Hermione ! Je pensais que tu étais déjà partie ! J'ai eu tellement peur. Il faut dire que Blaise m'a tenue un moment dans le...
Puis, voyant le regard dégoûté de Ron et taquin des jumeaux, elle stoppa son discours :
- Enfin bon, tu es là !
Elle se jeta dans ses bras, étouffant Hermione dans ses cheveux de feu. Hermione toussota en tapotant le dos de son amie.
- Ginny, tu me sers trop fort... Murmura-t-elle au bord de l'agonie.
Ginny s'écarta d'elle, brisant l'étreinte qui les liait. La joie s'affichait sur les traits tirés de son visage pâle alors qu'Hermione reprenait peu à peu sa respiration. Hermione se sentait mal à l'aise ; elle regarda par-dessus son épaule pour voir comment allaient les autres, mais rien de nouveau : tout le monde était totalement affligé par ce départ. Sentant les regards pesants sur elle, Ginny reprit :
- Je n'ai rien manqué ?
- Hormis la programmation de l'explosion des toilettes de Poudlard, pas grand-chose, ironisèrent les jumeaux en chœur.
Toute la pièce éclata de rire, détendant lentement l'atmosphère. Tendue, Hermione regarda sa montre : vingt heures un. Elle soupira. Son cœur battait lourdement. Quitter ce monde qu'elle aimait tant ce montrait plus douloureux que prévu. Et une question majeure se posait : Allait-elle survivre ? Telle était la chose qui la préoccupait le plus. Il le fallait, l'avenir reposait sur ses épaules. Contemplant son retourneur de temps pendu à son cou, elle se mit à emmêler la petite chaîne entre ses doigts moites. Luna posa sa main sur l'épaule d'Hermione avec un geste tendre.
- Je suis sûre que tu vas réussir, murmura-t-elle avec toute sa douceur habituelle. Nous n'avons jamais douté de toi, tu es une fille brillante.
Hermione sentit son corps se détendre sous le contact de leurs peaux. Un léger sourire s'esquissa sur ses lèvres gercées.
- Merci Luna, répondit Hermione timidement.
La blonde la fixait avec ses grands yeux bleus, puis dessina à son tour un sourire sur son visage au teint clair. Luna avait toujours été une fille remarquablement calme, positive, peut-être même parfois trop. Mais elle avait toujours été aux côtés du trio, et particulièrement d'Harry, lorsqu'il se sentait seul. Et pour cela, Hermione lui en était reconnaissante. La jeune fille passait le plus clair de son temps seul ; il fallait dire qu'elle était plutôt mystérieuse. Mais elle savait accueillir les gens comme ils le méritaient. En résumé, cette fille était pleine de bonté.
- Tu n'es pas obligée de le faire Hermione, annonça Harry d'un ton abattu. Tu n'as pas à partir seule, tu peux rester ici on trouvera une solution. Nous pouvons partir avec toi. Tu n'as pas à affronter tout ça seule, surtout que cette histoire me concerne...
Elle se redressa, glissant son regard dans celui d'Harry.
- Je ne veux pas d'autres morts, et je m'en sortirai très bien. Il n'y a pas d'autres solutions possibles, et tu le sais. Je me sens prête Harry, vraiment. Ce n'est qu'un au revoir. Mais je veux l'arrêter. Cette histoire concerne tout le monde, le monde des sorciers. Je ne veux plus me lever le matin en me demandant si je serai en vie le lendemain.
Elle attrapa sa valise, et y glissa sa baguette. Tous la regardaient avec attention, attendant le moment des adieux. Il était temps de partir. Elle se retourna vers les jumeaux qui eux souriaient toujours. Elle sentit le froid de la pièce lui faire venir les larmes aux yeux à mesure que les minutes passaient.
- Soyez sages.
- Compte sur nous, dirent-ils affligés.
Elle se dirigea vers Ginny et la serra dans ses bras :
- Fais attention à toi, murmura la rousse à son oreille.
Son cœur se noua de nouveau. L'amertume lui monta à la gorge jusqu'à lui en flouter la vue. Des larmes perlèrent sur ses joues douces et empourprées.
- Toi aussi, répondit Hermione d'une voix faible.
Lorsqu'elles se séparèrent enfin, la chaleur qui les unissait s'estompa. Hermione frissonna. C'était dur, de les voir pour la dernière fois. Jamais Hermione Granger n'aurait imaginé devoir quitter tous ceux qu'elle aimait. Du moins, pas de cette manière, pas si brutalement. Elle lui tourna le dos et se dirigea vers Harry et Ron. Tous deux la regardaient de leurs regards de chiens abandonnés. C'était dur, douloureux, de les quitter. Eux qui avaient passé cinq années, collés, à faire tous les coups possibles et inimaginables ensemble. À grandir ensemble. En trio. La gorge serrée, le cœur fendu, elle les prit dans ses bras. Puis des larmes coulèrent en cascade de ses yeux rougis, de plus en plus nombreuses, jusqu'à tremper ses cheveux sur son visage et tacher sa chemise aux couleurs de sa maison. Leurs souvenirs défilèrent dans sa tête. Elle se rappela leur première rencontre dans le Poudlard Express. L'odeur des gourmandises avait contaminé leur cabine, où la moitié des banquettes de tissus usés était recouverte de bonbons et autres friandises. Harry avait alors les joues pleines, tandis que Ron essayait un sortilège sur Croutard, son fameux rat. Elle se souvint ensuite du moment où, en deuxième année, elle les avait retrouvés dans la grande salle après avoir été retiré de sa pétrification par le Basilic de Jédusor. Puis, le soir où ils s'étaient retrouvés en face du Professeur Lupin en transformation de pleine lune. Ensemble, ils avaient bravé l'impossible. Ensemble, ils étaient inséparables. Du moins, c'est ce qu'elle croyait. Mais il y avait eu trop de morts. Sirius, Cédric, et les autres. Il fallait qu'elle parte. Elle était la seule à pouvoir empêcher Tom Jédusor de tomber dans le mal. Elle était la seule à avoir atteint le niveau de Jédusor pour son âge. Ce voyage était périlleux, mais elle devait partir seule. Elle se sépara des deux garçons. Tous deux avaient les yeux injectés de sang et les joues mouillées par les larmes. Cette image lui fendit le cœur en d'innombrables morceaux. Le son étouffé des sanglots rendait l'atmosphère particulièrement humide.
- Tu peux toujours renoncer... Dit Harry en hoquetant.
Hermione secoua la tête :
- Ma décision est prise.
Harry et Ron sanglotaient. Leurs visages se tordaient à cause de la peine.
- Vous allez me manquer, dit-elle en laissant de nouvelles larmes s'écouler.
Ron sourit.
- Toi aussi Hermione.
Elle essuya les larmes du revers de sa manche déjà mouillée, tentant vainement de garder son calme et de ne pas s'effondrer sous la tristesse et la douleur qui l'accablaient. Hermione se retourna vers ses amis, tandis qu'Harry et Ron se frottaient les yeux dans son dos. Jamais encore elle ne s'était rendu compte à quel point ils comptaient pour elle.
- Tiens, prend-ça...
Harry lui tendit un sac remplit d'argent. Hermione secoua la tête en ouvrant grand les yeux :
- Non Harry je ne peux pas accepter, garde pour toi et...
- Tu en auras besoin, la coupa-t-il. Et puis, il m'en restera toujours.
Elle lui sourit timidement.
- Merci, céda-t-elle.
Elle recula, et regarda ses amis tour à tour. Tous avaient été merveilleux. Les jumeaux et leurs inventions toujours aussi originales qu'admirables. Elle ne leur avait jamais vraiment dit, mais elle admirait chacune de leurs créations. Ginny et Luna souriaient fébrilement. Puis Harry et Ron. Leurs visages rougis par la peine restaient souriants.
- Prenez soin de vous.
Sur ces mots, Hermione empoigna sa valise et tourna le retourneur de temps. Son regard resta figé sur ses amis, une image pénible qui lui déchirait le cœur. Puis, autour d'elle, tout devint flou. Et, le noir total. Elle était seule. Elle ne s'était jamais sentie aussi triste.
Ce n'est pas un adieu.
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