9.
Le lendemain matin il nous faut, à Yuki comme à moi, un petit moment pour nous lever. La veille, après avoir dîner, nous n'avons plus fait aucune allusion à ce qu'il s'est passer entre nous. Et
en nous levant, c'est la même chose. Yuki m'a laissé dormir dans son lit, et même si j'ai trouvé ça très mignon de sa part, j'ai mit un temps fou à m'endormir. C'était comme si son odeur était partout. Il a quand à lui, dormi sur le futon.
Malgré le temps qu'on met pour se lever et se préparer, on arrive à l'heure à la gare. Même un peu en avance, puisqu'on doit attendre Isuzu et Keiji. On se met à parler de choses et d'autres, évitant à tout prix le sujet qui nous intéresse le plus. Je ne sais que penser de mes sentiments envers lui. J'ai toujours ressenti des choses plus où moins fortes pour lui, c'est mon meilleur ami, après tout. Mais en même temps, il faut avouer que jamais il n'a troublé mon esprit, ni mon corps, à ce point là. Certes, il a toujours été beau, gentil, et tout le reste. Mais il ne m'attirait pas. Mais-est-ce que le fait qu'il me trouble, prouve qu'il m'attire ? J'en sais rien. Et ça me saoule de pas arriver à mettre de mots sur mes émotions.
Quand enfin Keiji et Isuzu arrivent, c'est main dans la main, le sourire aux lèvres, et des étoiles dans les yeux. Et en ce matin un peu malaisant, leur amour dégoulinant me donne le cafard.
À peine sur le quai, on monte dans le train qui est arrivé en même temps que nous. Je me met côté, dans le sens de la marche, et me retrouve bien entendue à côté de Yuki. Isuzu et Keiji se sont mit en face de nous, et sont tellement mignons qu'ils en dégoulinent d'amour. Mais ce matin, je n'arrive pas à supporter leur niaiseries. Et le silence de Yuki n'est plus plaisant. Je mes mes écouteurs dans mes oreilles, pose ma tête sur la fenêtre, avant de fermer les yeux, et ainsi m'abandonner dans les bras de Morphée.
On me secoue doucement, et j'ouvre difficilement les yeux. Yuki est au-dessus de moi, un léger sourire aux lèvres. Je me suis vraiment endormie, finalement ? J'étais plus fatiguée que je ne le pensais.
-On est arrivé, il faut y aller ...
Je grogne et m'étire sans un mot, avant de prendre mes affaires et de descendre du wagon. La gare est bondée, et je suis un peu choquée. En bonne fille de la campagne que je suis, j'ai pas l'habitude d'être entourée d'autant de gens. Et ça me met mal à l'aise. Déjà pour la cérémonie de salutation le matin au lycée, j'ai du mal, mais là c'est cent fois pire... Je soupire, et suis mes amis en dehors de la gare. Keiji nous ordonne de prévenir nos parents de notre arrivée, et y obéit tous docilement.
Il faut prendre le métro pour aller chez la sœur de Yuki, et même si le trajet n'est pas très long, j'ai véritablement l'impression d'être dans une fourmilière. Il est 8h, et c'est l'heure de pointe. Nous sommes tous collés les uns aux autres, et je me sens oppressée. Mon souffle semble bloqué dans ma poitrine, sans que je puisse rien y faire. Je n'arrive plus à respirer.
Mais rapidement, Yuki perçoit ma détresse. Je ne sais pas comment il fait. Sans réfléchir, il m'attrape par le bras, et me cale contre le porte au fond du wagon. Je retiens ma respiration en sentant son corps se coller au mien, et ne pense même pas à le remercier. Mon cœur s'affole dans ma poitrine, tandis que je sens son souffle chaud sur mon visage. Je n'ose pas relever les yeux vers lui, j'ai bien trop peur de le surprendre en train de m'observer. Je me contente de fixer son torse, les mains tremblantes, accrochées par nécessitée à lui.
Mais le plus fou dans cette histoire, c'est que mon esprit est tellement encombré par lui, par sa proximité, que je ne vois plus ce qu'il y a autour de nous. La foule a disparut. Le wagon, le tunnel, tout a disparut, laissant place au battements de mon cœur, qui remontent jusque dans mes tempes. Il ne m'avait jamais fait cet effet. Comment est-ce seulement possible qu'il arrive à me calmer aussi facilement ?
Quand enfin on finit par sortir, j'ai l'impression de revivre. Je remercie tout de même Yuki, et il me frotte la tête affectueusement, avant de nous guider à l'appartement de sa sœur. Il se trouve assez près de Shibuya, soit relativement proche de la salle de concert où il faut qu'on aille ce soir. Kiyoko-san nous a prêté son appart' pour le week-end. Elle est en déplacement à cause son travail une fois pas mois, et il se trouve que celui-ci est tombé pile au bon moment ! Elle travaille dans une grande maison d'édition, et d'après ce que j'ai compris, elle suit un auteur qui habite loin.
Son appartement n'est pas grand, simplement composé d'une pièce de séjour, d'une cuisine, d'une chambre et d'une petite salle de bain. Tout est dans un style traditionnel, comme chez moi, et je ne me sens pas beaucoup dépaysée. Tant que je ne regarde pas par la fenêtre, du moins. La chambre contient un lit une place, dans lequel il a été décidé que nous dormiront, Isuzu et moi. Les garçons se contenteront de dormir dans des futons, qu'on installera dans la salon. Ce sera plus simple comme ça.
Une fois nos affaires déposées, les chambres prêtes et en possession des bentos qu'Isuzu a préparé, on part visiter Tokyo. On a décidé de s'occuper aujourd'hui de se balader dans Chiyoda, un quartier assez proche de Shibuya. On s'est déjà mit d'accord pour les endroit à visiter, mais quand on passe devant le musée d'art Mitsubishi Ichigokan, je dois limite me mettre à genoux pour qu'ils acceptent d'y entrer. Je crois bien être la seule à apprécier l'art dans notre groupe d'amis, et c'est désespérant parfois.
L'heure du concert arrive finalement, et Isuzu et moi sommes littéralement excitées comme des puces. On est devant la salle, à sauter partout, impatientes à l'idée de découvrir ce groupe qu'on adore. Les garçons donnent l'impression d'en avoir rien à faire, mais on s'en fiche. On est arrivées un peu en avance, et on attend patiemment dans le froid que la salle ouvre. Cette dernière est petite, et le groupe n'étant pas très connu, ça tombe sous le sens. Il commence tout de même à avoir un peu de monde autour de nous, et ça fait d'autant plus battre mon cœur à toute vitesse.
Un vigile finit par sortir, et annoncer qu'on peut entrer. Il se poste devant la porte, et des gens se mettent à entrer. Isuzu attrape ma main, me faisant sursauter, et me tire pour entrer avec elle. Le vigile, une armoire à glace, vérifie nos billets et nous sourit en vérifiant que tout soit bon. L'entrée donne directement sur un escalier, qui mène à la salle de concert, en contre-bas. C'est fréquent que les salles de concert soient en sous-sol à Tokyo, alors on est pas vraiment étonnées que ce soit le cas. Je vérifie rapidement que les garçons nous suivent lorsqu'on se met à descendre, et croise les yeux de Yuki, un peu plus loin, qui m'offre un sourire rassurant. Je me détourne vite, et suit Isuzu.
La salle est certes petite, mais il y a bien plus de personnes que je ne le pensais. Isuzu serre ma main, qu'elle tient toujours, et je lui souris pour lui dire que tout va bien. Je suis tellement excitée que rien ne pourrait gâcher ce moment. Puis, je réalise quelque chose. Je tiens la main d'Isuzu dans la mienne. Nos paumes de mains sont en contact. Je sens sa peau douce contre la mienne, mais je ne ressens absolument rien. Mes joues ne chauffent pas. Mon cœur de n'emballe pas. Alors qu'il y a quelques heures à peine, Yuki est parvenu à me faire ressentir ça. Je secoue la tête. Ce n'est pas le moment de penser à ça. Vraiment pas.
On sort presque en derniers de la salle, étant passés par la case « boutique », avant de partir. J'ai encore des étoiles dans les yeux, et le cœur qui bat à une vitesse hallucinante, lorsqu'on est enfin dehors. Ils ont joué presque toutes les musiques qu'on préfère, avec Isuzu, et d'autres que de toute façon on adore. C'est mon premier concert, et aussi une des plus belles soirées de ma vie. Putain ! J'ai même pas vu le monde qu'il y avait autour de moi ! C'est comme si à part Angel Band's, rien n'avait existé. On a chanté comme des folles, et dansé comme des fous, puisque les garçons se sont joint à nous. On s'est vraiment éclatés.
-Ils sont vraiment géniaux ! lance Keiji, l'air aussi béat que moi.
-T'as vu ! Je suis tellement contente de les avoir vu une fois dans ma vie ! Encore merci Yukihito, vraiment.
-Oui, merci ! répété-je en lui souriant.
-Haha, content d'avoir fait des heureux ! Et sincèrement, j'ai aimé aussi. Dit-il en passant une main dans ses cheveux.
-T'as vu ! D'ailleurs, on rentre directement? demandé-je. Ou bien on va manger ?
-Tu penses toujours à la bouffe, hein ! se moque Yuki.
-Eh, ne me confonds pas pour toi !
Il fait semblant d'être choqué, avant de m'attraper par les épaules et de frotter ma tête avec son poing. Je tente de m'échapper à sa poigne, mais il montre encore une fois à quel point je ne peux pas rivaliser avec lui.
-Vous m'épuisez... Mais c'est pas une mauvaise idée. Des ramens, ça vous dirait ? demande Keiji, en riant à moitié.
-OUI ! crie presque Yuki, en me lâchant.
-Qu'est-ce que je disais ? Mais oui ça me va aussi !
-Pareil !
Sur ces mots, Isuzu sort son portable et se met à chercher un restaurant de ramen encore ouvert à cette heure-ci. Elle en trouve un, pas très loin de l'endroit où on se trouve, et on se met à sa recherche.
On se couche rapidement en rentrant, crevés par cette journée de fous qu'on a eu. Mais une fois couchée, dans le lit, je ne peux plus m'empêcher d'y penser. Cette découverte que j'ai eu dans la salle de concert n'est pas anodine. Et alors qu'Isuzu est sur le point d'éteindre la lumière, je l'arrête, plus sûre de moi que jamais auparavant.
-Isuzu... Il faut que je te parle. dis-je, en chuchotant.
-Ne me dit pas que t'es encore amoureuse de moi, quand même ! dit-elle sur le même ton, à moitié rigolant de mon air grave, à moitié sérieuse.
-Non, non je suis passé à autre chose. Mais...
-Mais quoi ?
-Je sais pas vraiment par où commencer... Je crois que j'ai des sentiments pour Yuki depuis qu'on a couché ensemble. je lance d'une traite, ne reprenant mon souffle qu'à la fin de ma phrase.
-Wow... Trop d'informations dans une même phrase dont je ne savais rien... Tu-tu l'aimes ? demanda-t-elle, après une petite réflexion.
-Le truc c'est que j'en sais rien... J'arrive pas à comprendre mes sentiments quand est ensembles.
-C'est pourtant simple... Est-ce que ton cœur palpite à chaque fois que tu le vois ? Tes mains tremblent lorsqu'il est prêt de toi ? Tes yeux le cherchent sans cesse ? Tu penses tout le temps à lui ? Quand il te parle, t'as l'impression de boire ses paroles ? T'as des papillons dans le ventre lorsqu'il te touche ?... Je pourrais te poser encore beaucoup de questions comme ça, où tu répondrais certainement oui, mais tu pourrais aussi dire non. Mais la vraie question, la seule, et l'unique que je te poserais, c'est : est-ce que tu pourrais vivre dans un monde où tout ce qu'il fait actuellement pour toi, il le ferait pour une autre. Voilà la seule question qui détermine, d'après moi, l'amour. Tout le reste, c'est juste des sensations subjectives, que tu peux ressentir pour n'importe qui, et n'importe quoi. Est-ce que tu pourrais vraiment vivre une vie sans lui, sans les attentions qu'il te porte ou les paroles qu'il a pour toi ? me demanda-t-elle, ses yeux plongés dans les miens.
Je reste sans voix, choquée par sa tirade. À vrai dire, jusqu'à présent et sans vraiment m'en rendre compte, c'est à partir de ce genre de sensations que j'avais déterminé mes sentiments pour lui. Pour elle aussi, d'ailleurs. Mais elle n'a pas tord, quand elle aborde certains sujets, j'ai le cœur qui bat à la chamade, alors même que je ne ressent plus rien pour elle. Du moins, rien d'autre que de l'amitié. Je serais toujours, d'une façon où d'une autre étrangement liée à elle, je pense. C'est mon premier amour, en même temps.
Mais avec Yuki... Avec lui tout est tellement différent. Peut-être que c'est à cause de la façon dont il se comporte avec moi. Là-dessus aussi, elle a raison. Il a des attentions pour moi qu'elle n'a jamais eut. Elle s'est toujours comporté en véritable amie envers moi, mais il n'y a jamais rien eu de plus. Yukihito ne se comporte pas comme un simple ami, il est bien plus que ça. Je l'ai longtemps considéré comme mon frère étant petite... Et c'est vraiment bizarre en y repensant, que je ressente ça pour lui maintenant. Plus qu'un frère, peut-être était-il un protecteur. Il était toujours là pour moi, et il l'est encore aujourd'hui.
Je sens mes yeux se remplir de larmes, alors que je pense à tout ce qu'il représente pour moi. Sans lui, je ne serais rien. Probablement au même titre qu'Isuzu quand j'étais amoureuse d'elle. Sans un mot, Isuzu éteint la lumière, puis me prend dans ses bras. Je ne sais pas si c'est le fruit de mon imagination ou la réalité, mais alors que je commence à m'endormir dans les bras de celle que j'ai autrefois aimé, je l'entend murmurer «Mais tout ça, je le savais déjà ».
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top