2.
Yuki et sa famille vivent au-dessus du restaurant familial, que tient son père depuis de nombreuses années. La maison est sur deux étage, l'un étant utilisé pour le restaurant, et l'autre pour leur habitation personnelle. Néanmoins, il ne vit pas avec une famille que l'on pourrait appeler «traditionnelle ». Il vit seulement avec son père, Akira-kun, et sa « petite-amie » Masashi-kun. Qui est en fait son petit-ami, mais c'est comme ça qu'il s'amuse à le désigner. D'ailleurs, Masashi-kun est mon oncle...
J'ai une famille étrange composé d'une mère mannequin, d'un père qui l'a été, puis est devenu professeur, d'un oncle gay vivant avec un homme divorcé, et d'un autre oncle ancien idol... Sans oublier que Akira-kun est déjà sorti avec ma mère lorsqu'ils étaient au lycée, et que mon père a trois ans de moins que ma mère, et qu'ils ont commencé à sortir ensemble lorsqu'elle avait 18 ans. Aahh famille bizarre en effet. Et d'autant plus en sachant que Keiji est mon cousin... C'est le fils de mon oncle ancien chanteur.
C'est en pensant à la composition bizarre de ma famille que je rentre chez Yuki. Qui, quand à lui, n'a aucun lien familial avec moi. Enfin, si ce n'est que mon oncle sort avec son père. Je m'embrouille moi même les méninges, cherchant à fuir mes pensées tristes.
Leur restaurant est plutôt fréquenté. Il est presque toujours plein de monde, dont la plupart sont des habitués. À peine la porte d'entrée passée, Yuki me donne un coup de coude. Je le regarde en fronçant les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il se passe, et d'un signe de tête, il me désigne quelque chose dans la pièce. C'est eux. Keiji et Isuzu sont là.
À vrai dire, on s'est préparés à cette éventualité sur la route. On a même choisi les mots exacts à utiliser. Car même si nos cœurs se serrent, nous restons leurs amis. Alors il faut qu'on les félicite, malgré nos propres sentiments. En plus, on est sûrs que Keiji va faire en sorte que tout se passe pour le mieux. Après tout, il aurait pu être à notre place.
Alors qu'on débat discrètement sur le fait d'aller les voir ou non, et de suivre nos cœurs ou nos raisons, quelqu'un tire sur mon bras.
-Les gars ! dit une voix que j'aurais reconnu entre mille. Je savais que vous seriez là ! On a quelque chose à vous annoncer !
-Ah bon ? ment Yuki.
-En fait... Vous saviez sûrement que j'étais amoureuse, maiiis... Mes sentiments sont partagés ! Du coup je sort avec Keiji ! dit-elle avec son magnifique sourire aux lèvres.
-C-cool ! On vous félicite j'imagine ! répondis-je avec un sourire plus que forcé, et en regardant Yuki, qui affiche le même que moi.
-Haha merci ! nous dit Keiji avec un regard désolé.
Nous avons continué à parler pendant un long moment, abordant un peu tous les sujets, et évitant de parler d'eux. C'est seulement vers 19 heures qu'ils décident de rentrer. Un immense soulagement m'envahit quand ils passent la porte d'entrée, et au soupire que pousse Yuki à côté de moi, je sais qu'il ressent la même chose.
Pendant un instant, nous restons là, les bras ballants, sans trop savoir que faire. Puis, finalement, Yuki me mène aux cuisines, où nous saluons ses parents. On choisit par la même occasion le repas qu'on veut manger, et passons commande auprès d'Akira-kun. Nous nous installons en salle, et discutons un peu de choses idiotes pour faire passer le temps. 40 minutes plus tard, nous finissons nos plats, puis montons dans la chambre de Yuki.
Il se douche en premier, et je reste seule dans sa chambre, les yeux dans le vague et l'esprit ailleurs. Puis, quand il revient, c'est mon tour. Il m'a prêté un T-shirt pour dormir, que j'enfile dans la salle de bain, avant de regagner sa chambre. Quand je rentre, Yuki est allongé sur son lit, et fixe le plafond, sans rien dire. Je le rejoins, et fait de même, sans un mot.
À peine ai-je ma tête posée sur l'oreiller, que mes yeux se remplissent de larmes. Tout cette rancune et cette tension que j'ai accumulé durant cette discussions avec Isuzu, avec eux, retombe maintenant. Je tourne la tête vers Yuki, qui est concentré dans sa contemplation du plafond. Se rendant compte que de mes pupilles sur lui, il regarde finalement vers moi, sans rien dire. Dans ses yeux bruns, je vois se refléter la même tristesse que la mienne, et je sais qu'il souffre autant que moi. J'ai envie de le réconforter, tout comme il l'a fait pour moi tout à l'heure, et je sens bien qu'il veux la même chose.
Soudain, par je ne sais quelle manœuvre surprenante il se retrouve au dessus de moi. Amorphe, je ne sais pas quoi faire à part le regarder en me demandant ce qu'il me veut. Il m'essuie doucement les larmes qui perlent à mes yeux, et me regarde, comme jamais il ne l'a fait.
-J'aurais tellement voulu tomber amoureux de toi plutôt que d'elle... me dit-il.
Je reste un moment, interdite, les yeux fixés dans les siens. Il finit par plonger sa tête dans mon cou, avant de reprendre la parole.
-Dis, ça te dérangerait si on... si on essayait ?
-Si on essayait ? Qu'est-ce que tu racontes ? L'amour ne se commande pas.
-Ouais, je sais. dit il en relevant la tête. Mais on a tous les deux des sentiments forts pour l'autre, même si c'est pas de l'amour, ça le sera peut-être un jour...
-Oui, « peut-être ». Mais en même temps c'est aussi possible que rien ne change jamais, Yuki.
-Si tu veux pas, t'as qu'a simplement le dire au lieu de me rabaisser inutilement !
-Je te rabaisse pas, je te rappelle simplement que j'aime les filles ! Idiot ! dis-je en m'emportant.
-C'est pas parce que ton premier amour est une fille, qu'il faut en tirer des conclusions ! dit-il sur le même ton en s'asseyant à côté de moi.
-Ah oui ? Et comment tu peux en être aussi sûr ? Comme tu l'as si bien fait remarqué, c'est mon premier amour ! dis-je en m'asseyant à mon tour.
-Et ben il te suffit d'essayer ! dit-il en s'énervant encore plus, avant de tenter de m'embrasser.
J'ai un mouvement de recul instinctif, qui sauve mon premier baiser. Enfin, pour un court instant en tout cas. Il me plaque sur le lit, avant d'essayer de nouveau. J'ai beau essayer de le repousser, mes mains sur son torse paraissent minuscules, si bien qu'il les écarte facilement. Je commence à avoir peur, et mon cœur se met à tambouriner dans ma poitrine. Une fois débarrassé de mes mains, Yuki prend mon visage entre les siennes. Je ferme les yeux, ayant trop peur de ce qui va arriver. Je pince les lèvres, mais cela ne l'arrête pas.
Seulement, quand il pose ses lèvres sur les miennes, cela ne me fait pas l'effet auquel je m'attendais. Il n'a pas sa bouche collé de force sur mes lèvres fermés. C'est un baiser d'une douceur incroyable. Il a très certainement de l'expérience en la matière. Et surtout, la vague de dégoût que j'avais prévue n'arrive pas.
Il s'écarte finalement de moi, pour m'observer un instant. Voulant parler, j'ouvre la bouche pour me révolter. Mais il devine mon intention. À peine ai-je eu le temps de dire « ouf » qu'il a de nouveau sa bouche sur la mienne. Cette fois-ci, il intensifie son baiser, et ce n'est plus du tout le même. Ses lèvres pleines sont bien plus douces que je ne l'aurai pensé. Je le laisse faire, avant de sentir une vague de chaleur réveiller mon corps. Il se détache doucement de moi, et passe un doigt sur ma joue. Ses yeux passent de mes yeux à mes lèvres, et je sens mes joues chauffer. J'ai envie qu'il m'embrasse. Je souris devant mon humeur changeante, et Yuki hausse un sourcil. Je souris de plus belle, avant d'entourer mes bras autour de lui, et de l'attirer à moi.
Cette fois-ci, lorsque nos bouches entrent sensuellement en contact, elles semblent danser en symbiose parfaite. Un frisson me parcourt l'échine. Ce baiser s'est changé en quelque chose de plus puissant, si bien qu'à la fin je n'ai plus l'envie, ni la force de lui résister. Il m'a complètement séduite, par un moyen pervers et méchant, mais ça a marché. Je ne pense plus à Isuzu. Je ne pense plus à Keiji. La seule chose à laquelle je pense est ce sentiment de réconfort et d'amour que mon corps et mon cœur ressentent. La seule chose à laquelle je pense, c'est l'union entre nos deux corps ainsi que nos deux cœurs.
Yuki panse mes plaies, comme il l'a toujours fait, et je fais désormais de même avec lui.
***
Quelque chose de chaud et doux se pose sur ma joue, alors que je commence à peine à me réveiller. Lorsque j'ouvre enfin les yeux, le visage de Yukihito apparaît devant moi.
« Bonjour Saya. » me dit-il d'une voix incroyablement suave.
Au seul son de sa voix, les souvenirs de la nuit dernière me reviennent en mémoire... Une vague de honte et d'embarras m'envahit à ces souvenirs. J'ai vraiment fait ça ? Avec Yuki en plus ! La sensations de son toucher sur ma peau est encore frais dans mon esprit, ainsi que le plaisir que ça a été de dormir dans ses bras après.
Instinctivement, je me cache sous le drap, après avoir lancé un minuscule « b'jour.». J'entends son rire raisonner dans la pièce. Pas le rire forcé qu'il a prit l'habitude d'utiliser avec moi ces derniers temps. Non. C'est son vrai rire, ce rire cristallin et doux, qui m'emporte de bonheur dès que je l'entends. Je sens mon visage chauffer, et je suis étrangement heureuse d'être cachée sous la couverture.
-Haha, t'es trop mignonne ! dit-il toujours en rigolant.
-Tais-toi ! dis-je en lui donnant un coup de pied.
Mauvaise idée, ce coup de pied. Déjà, parce qu'il réussi à l'intercepter, mais parce qu'en plus il réplique en tirant sur ma jambe. Je tente de me débattre, mais étant toujours sous le drap, je ne vois absolument rien. Il rit de nouveau, avant que mon autre jambe finisse par l'atteindre. Son rire s'arrête net, et il se met à me faire des chatouilles, ce qui réussi à me stopper. Puis, il m'écrase. Littéralement. Je ne peux plus bouger du tout, et il dégage simplement mon visage du drap, pour que je ne meurs pas d'asphyxie en plus de ça.
-Ça va ? T'as bien dormi ?
-Je te répondrai si tu te pousse ! Yukiii t'es lourd !
-Non, je te connais, après tu vas de nouveau te cacher sous les draps, et ne plus jamais en sortir !
-Peu-peut-être bien, dis-je en tournant la tête. Mais aussi qu'elle idée de me parler comme ça de bon matin ?
-Parler comment ?
-Bah tu sais avec ta voix bizarre... Celle de... Enfin celle d'hier quoi ! dis-je en rougissant de plus belle.
-Aaaah trop mignonne ! Tu parles de cette voix là ? dit-il en susurrant les mots.
-Mais arrête ! Et puis pousse-toi !
Lassée de ses conneries, et surtout hyper-gênée, je tente la technique du gigotement, pour qu'il me laisse tranquille. Bon, elle s'avère inutile, puisqu'il ne bouge même pas d'un pouce, mais au moins, j'ai essayé un truc.
Yuki reste sur moi pendant un petit moment, alors même que je continue à ma plaindre. Ce garçon est épuisant. Puis, nous faisant sursauter, quelqu'un toque à la porte. Nous voyons la tête d'Akira-kun apparaître dans l'entrebâillement. Yuki se dépêche de me laisser, et s'assied sur le lit en souriant à son père. Celui-ci ne dit rien, mais son regard fait des va-et vient entre Yuki et moi, rendant ce moment encore plus gênant que ce qu'il était déjà.
-Vous venez manger ? Il est déjà midi !
-Oui, on s'habille et on arrive. répond Yuki.
Une fois le repas passé, je m'éclipse rapidement, après avoir salué tout le monde. Je suis pressée de mettre de l'ordre dans mes sentiments mitigés. Je ne sais pas quoi penser de ce qu'il s'est passé, et je ne sais pas quoi faire de toutes ces pensées qui tournent dans mon esprit. J'ai aimé coucher avec lui, bien-sûr, c'était Yuki, je n'aurais pas pu avoir une meilleure première fois qu'avec lui.
J'ai envie de me laisser tenter au petit jeu de Yukihito, mais je ne veux pas le faire souffrir. Et si ça ne marchait pas ? Je sens que mon cœur encore meurtrit veut guérir, et retrouver la force qu'il avait plus tôt. Mais je sais que ce n'est pas possible en utilisant celui de Yuki, même s'il est aussi blessé que moi. Surtout, s'il est aussi blessé que moi.
Chez moi, je m'allonge directement dans mon lit, fatiguée de toutes ces émotions contraires. J'ai l'impression d'être une boule de nerfs, prête à exploser à tout moment. Mes parents ne sont pas à la maison, et je crois que mes petites sœurs non plus. Je suppose que Mioko est encore fourrée chez le voisin, de toute manière. J'envie son amour encore innocent. Et j'espère que jamais elle n'aurait à subir ce qu'il m'arrive. C'est beaucoup trop dur, d'avoir le cœur brisé. En même temps, un cœur brisé à 11 ans, c'est un peu tôt.
Comme pour me contredire, une petite brune entre dans ma chambre.
-Grande-sœur ! Isuzu est passée tout à l'heure. Elle m'a demandé de te dire qu'ignorer les appels de sa meilleure amie était très impoli ! Du coup, elle te demande de la rappeler... C'est tout ce que j'avais à dire. Sur-ce, je vais chez Naraku, tu sais, le voisin ! On va faire nos devoirs ensembles.
Elle sort de ma chambre aussi rapidement qu'elle en est entrée. Une vrai tornade. Elle me laisse encore plus de problèmes sur les bars que je n'en avais, et en prime une gifle mentale. Alors Isuzu me considère comme sa meilleure amie ? Comment ai-je pu croire un seul instant qu'elle puisse avoir des sentiments pour moi ? Pourquoi suis-je tombée amoureuse d'elle ?...
J'en viens presque à me poser les mêmes questions de Yuki, tiens. C'est vrai, ça, pourquoi je ne suis pas tombé amoureuse de lui ? Toute cette histoire se serait terminée de façon totalement parfaite si ça avait été le cas. Tout le monde aurait eut sa part de bonheur.
Je n'ai pas le moins du monde envie de la voir avant lundi. Je veux juste avoir un semblant de repos avant le moment où elle viendra me parler de son amourette avec le beau Keiji. Juste un peu de temps pour que mon cœur brisé puisse au moins supporter sa vue. C'est tout ce que je demande.
J'ignore donc tous ses messages et appels, ainsi que ceux de Yuki. Mais je passe tout de même mon week-end à penser à eux. Je fais tout de même mes devoirs, et tente de reposer mes émotions avant lundi.
Et, finalement, le début de semaine arrive.
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