13.
-Saya ? Qu'est-ce que tu fais, on va être en retard pour notre premier jour, si tu continues ! me crie Isuzu à travers la porte de la salle de bain.
-Oui, oui, j'arrive !
Je me regarde une dernière fois dans le miroir, vérifiant que mes cheveux sont en place. Ça me fait bizarre de me dire que je vais en cours, mais que pourtant je n'ai plus besoin de mettre d'uniforme. Avec Isuzu, on s'est tout de même mise d'accord pour s'habiller convenablement aujourd'hui. On veut faire bonne impression à la cérémonie d'entrée. Elle a opté pour un tailleur beige, qui lui arrive tout juste au-dessus du genou. J'ai préféré me la jouer un peu masculine, en mettant un pantalon fluide noir, taille haute, dans lequel j'ai entré une large chemise blanche.
Je sors finalement de la salle de bain, attrape mon sac dans ma chambre avant d'aller rejoindre Isuzu dans le salon. Elle m'attend tranquillement sur notre canapé, son portable sur les genoux.
-Ah, ça y est, t'es prête ?
-Je crois, oui. Et toi ?
-Un peu stressée. me dit-elle avec un sourire en coin. Mais ça va.
-Bon, alors allons-y !
L'appartement qu'on a pris est très proche de la fac, on peut y aller à pied. C'est d'ailleurs pour ça qu'on a choisi celui-là, et pas un autre. Ce sont nos parents qui nous le louent, et c'est bien pratique. On va pouvoir tranquillement se concentrer sur nos études sans avoir besoin de prendre un job étudiant à côté. Et maintenant qu'on étudie à Tokyo, faire le trajet entre Kanao et notre fac tous les matins aurait été interminable. Keiji a eut du mal à accepter, il voulait habiter avec Isuzu. Mais après avoir compris que nos deux facs étaient à l'exact opposés dans la ville, il a vite accepté de se résigner à habiter seul.
Isuzu et moi avons décidé d'étudier la sociologie. C'est quelque chose qui a toujours intéressé Isuzu, et j'ai eu envie de faire pareil. On a quand même eut vachement de chance pour réussir les concours d'entrée à l'université de Tokyo. On n'en croyait pas nos yeux. Keiji nous avait bien aidé à réviser, et pourtant même lui fut surpris de nos bonnes notes.
Nous avons 20 minutes d'avance, mais même ainsi Isuzu n'arrête pas de me dire d'aller plus vite. Depuis la terminale, elle psychote et veux être de plus en plus arriver en avance en cours. Non seulement pour travailler mais aussi pour se faire bien voir. Comme si rien d'autre n'avait d'importance. C'est épuisant.
Tout comme la fois où nous étions venus aux portes ouvertes, j'ai l'impression que l'enceinte de la fac est aussi grande que notre village. Elle abrite un cursus de lettre, de psychologie, et bien sûr de sociologie. C'est une des plus grande fac de la capitale, et c'est aussi la plus côté. Toute notre licence a été convié pour la cérémonie d'entrée à 9h, et quand nous arrivons, le gymnase est presque plein. Il n'y a pas encore le directeur de la fac, mais ça ne saurait tarder.
En effet, il arrive à 9h pile, et nous écoutons soigneusement son discours. Il dure près d'une heure, et quand on sort j'ai les jambes toutes ankylosées. Isuzu baille et s'étire à côté de moi, avant de sortir son portable. Elle me fait signe que Keiji l'appelle, avant de s'éloigner légèrement de moi.
Des fleurs de cerisiers volent dans tous les sens, me rappelant ceux qui se trouvaient dans notre lycée. Quand nous somme partis, il y a de ça trois semaines, ils étaient encore totalement en bourgeons, et pas une seule fleur n'était ouverte. Je soupire, attendant la fin de l'appel d'Isuzu avec impatience. Je suis presque certaine qu'il est entrain de lui proposer de sortir, puisque la cérémonie est terminée. Je ressens une pointe de jalousie envers eux, avant de retourner à la contemplation des deux petits cerisiers, à l'entrée de la fac.
Je n'ai jamais pu revoir cette beauté de la nature avec Yuki. Je chasse cette idée de mes pensés, avant de me mettre à déprimer. Je sais qu'il ne faut pas penser à lui, pourtant.
Isuzu m'abandonne devant le portail de la fac, s'excusant pour la cinquième fois, l'air de pas comprendre que tenir la chandelle, ce n'est pas mon activité favorite.
-C'est rien, je vais pas venir avec vous à chaque fois que vous vous voyez, ça risque de devenir gênant, autant pour vous que pour moi, à la longue. dis-je avec un petit sourire.
-Oui, c'est vrai mais bon... J'aime pas te laisser seule.
-Je ne suis plus une enfant, au cas où t'aurais pas remarqué. dis-je en levant les yeux au ciel.
-J'ai pas dit ça, et tu sais bien ce que je veux dire.
-Et moi je t'ai déjà dis que j'étais passé à autre chose... Enfin, on va pas reparler de ça pour la cinquantième fois quand même ?
-Non t'inquiète pas. Mais c'est juste que... Je m'inquiète pour toi, justement ! dit-elle en riant.
-Et t'as pas à être inquiète, je vais bien Isuzu. je lui réponds en souriant, touchée par ses propos.
-Bon, alors j'y vais... On se voit ce soir !
Je la salue de la main, la regardant s'éloigner peu à peu. Ses marques d'attentions me touchent beaucoup, mais elle est un peu épuisante. Enfin, malgré tout elle reste ma meilleure amie. Je soupire une nouvelle fois, avant d'aller à un café, que j'ai découvert il y a peu de temps.
Durant les deux semaines de vacances, je me suis, pendant de longs moments, baladée dans les rues de Shibuya, qui est à deux pas de notre appartement. J'ai essayé beaucoup de cafés, où je m'installe pour lire ou dessiner. J'ai toujours aimé dessiné, mais c'est surtout depuis la première, quand je me suis inscrite au club de dessin au lycée que je m'arrête plus. Et d'après moi, il n'existe pas d'endroits plus propices aux dessins que les cafés. Mais celui-ci l'est plus que tous les autres.
Il s'appelle « Heaven », et c'est un des café les plus agréable que je connaisse. Il est au premier étage d'un immeuble, et une immense bée vitrée court sur toute sa longueur, donnant sur une rue fréquentée de Shibuya. Elle me permet d'observer le gens en contrebat, et d'apprécier la vie qui fourmille. Je sais pas comment j'ai fait pour détester cet aspect de Tokyo, la première fois que je suis venue. Maintenant, j'ai l'impression que c'est la seule chose qui me motive. Voir les gens vivre leur vie.
Je monte les escaliers quatre à quatre, puis commande un café Macchiato au comptoir. Je vais ensuite m'asseoir à ma table fétiche, près de la grande bée vitrée. Je sors mon carnet de mon sac, et commence à croquer à la lumière du soleil, qui se répand à travers la fenêtre. Je sirote de temps en temps mon café, appréciant son amertume, mêlé à sa douceur.
C'est dans un café semblable, que Yuki nous a annoncé son départ, il y a bientôt deux ans. C'est peut-être pour ça que j'apprécie cet établissement, finalement. Quand il nous a annoncé son déménagement, aucun de nous n'a rien dit. Le silence s'est fait en un instant. Voyant qu'aucun de nous ne parlait, il a explicité son propos.
-Je vais aller vivre à Okinawa. Je vais pas vous mentir en vous disant que j'y suis obligé, c'est ma mère qui me l'a proposé. Vous savez tous que je la connais pas, mes parents se sont séparés quand j'étais tout petit, et je veux tisser des liens avec elle. Et même si pour ça je dois tout quitter et partir loin de vous... Je le ferais. En plus, c'est juste pour un an, je reviens l'année prochaine !
-Pendant tant de temps ? demanda Isuzu, parlant à ma place.
-Je sais que c'est long, mais... J'ai peur de le regretter plus tard si je n'accepte pas maintenant. Je sais pas comment l'expliquer, mais j'y ai vraiment beaucoup réfléchi, même si ça me brise le cœur de devoir partir. Je crois que ce serait encore plus douloureux de me dire que j'aurais pu connaître ma mère, mais que je ne l'ai pas fait... dit-il, sincère dans ses paroles.
Durant cet échange, je n'avais rien dit, de peur de me laisser submerger par mes sentiments. Je crois que de nous trois, j'avais été la plus choquée par cette nouvelle. Nous sortions ensemble, et à aucun moment il ne m'avait parlé du fait que sa mère l'ait recontacté. Je le regardais parler, ne comprenant rien à ce qu'il disait, me sentant plus que jamais abandonnée. C'était horrible ; comme si on me brisait le cœur pour la deuxième fois.
Durant les semaines qui suivirent son départ, il avait été prévenant avec moi, plus adorable que jamais. Je savais qu'il s'en voulait. Ses yeux semblaient me dire pardon à chaque fois qu'ils se posaient sur moi. Mais je me sentais blessée et trahie. Je me sens toujours trahie. Bien sûr avec le recul et la maturité que j'ai acquise, je comprends la raison qui l'a poussé à faire ça. À sa place, je pense que j'aurais fait la même chose. Mais sur le coup, je ne l'ai pas pris comme ça.
Devant lui, je faisais la forte, je n'ai craqué qu'une seule fois, le jour de son départ, à la gare. Sinon, je pleurais avec Isuzu, ou seule dans mon lit. J'avais l'impression que le monde s'effondrait autour de moi. Il avait blessé mon cœur, et je mentirais en disant qu'il est à présent complètement guérit.
Il n'est jamais revenu d'Okinawa.
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