Chapitre 3

Régina n'avait jamais été une grande photographe : c'était toujours son mari qui prenait l'appareil. Il existait des dizaines de photos d'elle et de leurs enfants. Elle n'avait, en revanche, que peu de photos de lui. Elle mettait cependant un point d'honneur à feuilleter l'album avec Henry et Alice, tout en leur parlant de leur père.

La jeune femme brune pensait souvent à son mari Daniel, à la complicité qu'ils partageaient autrefois, qui lui manquait encore, bien que des années se soient écoulées depuis le décès de son compagnon. Elle n'avait simplement pu concevoir une autre relation, pu encore moins tomber amoureuse.

Elle avait essayé pourtant. Elle avait, une fois, engagé une conversation avec un homme charmant, du nom de Robin. Comme elle, il était venu au parc avec ses deux enfants. Il ne portait pas d'alliance à son doigt. Ses enfants avaient le même âge que les siens. Elle avait comme senti un genre d'étincelle, d'attirance. Il les avait invités à se joindre à lui et ses enfants pour dîner. Ils avaient passé un agréable moment, mais la conversation s'était achevée. Chacun était reparti de son côté : elle n'était pas prête à se lancer tête baissée dans des rencontres. Si cela devait se produire, alors tant mieux ! Elle était disposée à attendre, attendre jusqu'à ce qu'elle trouve la bonne personne, la personne idéale. Elle admettait, toutefois, qu'il était dur dans cette ville de trouver chaussure à son pied. Storybrooke était trop petite. De plus, elle n'était pas encore prête à sacrifier sa progéniture pour parvenir à ses fins. Les petits avaient trop souffert, traversé trop de mauvais moments.

C'était différent aujourd'hui. Régina croyait, en effet, avoir trouvé la personne idéale en cette jeune femme à la chevelure dorée, qui avait passé pour la toute première fois la porte de sa boutique, il y avait de cela une vingtaine de jours. Elle venait une à deux fois par semaine. C'était une très belle femme, naturellement blonde, âgée de vingt-sept ou vingt-huit ans. Ses hautes pommettes et ses grands yeux lui donnaient une grâce certaine, empreinte de fragilité. Elle avait laissé la jeune veuve sans voix lorsqu'elle était apparue la première fois.
Plus Régina revoyait cette femme, plus elle réalisait que, de près, elle était encore plus jolie. C'était tout à fait normal de trouver une autre femme belle. Enfin, elle le croyait.

Ses yeux étaient d'une nuance bleue qui tirait sur le vert. Lors de sa première venue à la boutique, elle avait déposé uniquement des aliments de base : café, riz, flocons d'avoine, pâtes, beurre de cacahuète et des produits d'hygiène. Régina avait senti que toute conversation l'aurait mise mal à l'aise, aussi avait-elle encaissé les articles en silence. Il fallut du temps pour qu'elle entende enfin sa voix.

— « Bonjour, lui avait timidement demandé la jeune femme aux cheveux dorés, auriez-vous des haricots secs ?
— Désolée, avait doucement répondu la brune. En général, je n'en ai pas en stock. »

Tandis que celle-ci rangeait ses articles dans un sac, Régina l'avait vue regarder au travers de la vitrine, tout en se mordillant la lèvre. Elle eut l'étrange impression que cette dernière allait fondre en larmes.

— « Si c'est seulement d'un produit dont vous aurez besoin, je serai ravie de vous en commander. Il suffit de me dire la variété que vous souhaitez.
— Je ne veux pas vous embêter », avait murmuré la jeune femme blonde.

Elle avait réglé sa note, était sortie du magasin après avoir pris son sac. Régina fut étonnée de la voir quitter le parking à pied et non en voiture. Ce qui ne fit qu'accroître sa curiosité.

La semaine suivante, il y avait des haricots secs en rayon, mais seulement un paquet de chaque sorte. Lorsque sa mystérieuse inconnue était revenue, elle lui avait fièrement annoncé qu'elle pourrait les trouver sur l'étagère du bas.

La jeune femme blonde avait posé les trois paquets sur le comptoir. Elle lui avait ensuite demandé si elle n'avait pas des oignons. Régina lui avait indiqué le rayon où se trouvaient ces derniers, mais celle-ci avait secoué la tête :

— « Il ne m'en faut qu'un », avait-elle expliqué dans un sourire hésitant. Ses mains avaient tremblé en comptant ses billets. Elle quitta, encore une fois, le magasin à pied.

Au cours des semaines qui suivirent ses deux premières visites à la boutique, l'inconnue devint une habituée. Au fil du temps, même si elle se montrait toujours aussi peu bavarde, la jeune femme blonde semblait moins fragile, moins nerveuse. Les cernes sous ses yeux s'estompaient petit à petit. Elle s'exprimait d'une voix plus assurée et, sans pour autant traduire un quelconque intérêt pour elle, elle soutenait plus longtemps le regard de Régina, finissant toujours, néanmoins, par détourner les yeux. Elles n'étaient, en fait, guère allées au-delà de :
— « Vous avez trouvé tout ce qu'il vous fallait ? »
Suivi d'un :
— « Oui c'est parfait. Merci. »

La jeune inconnue s'attardait parfois dans les rayons, pour discuter avec Alice. Son attitude, avec l'enfant, devenait ouverte et décontractée, témoignant de son affection pour la petite. Cette dernière parut aussi noter un rapprochement car un jour, après son départ du magasin, la fillette avait confié à sa mère qu'elle s'était faite une nouvelle amie qui s'appelait Emma. « Emma. Que c'est joli ! Cela lui va très bien ce prénom ! Ma mystérieuse Emma », pensa-t-elle. Cela ne signifiait pas pour autant que la jeune femme blonde fut à l'aise avec la négociante. Ainsi, la semaine précédente, l'ancienne militaire l'avait vue feuilleter des romans posés sur le présentoir. Celle-ci n'avait, cependant, acheté aucun d'entre eux. Régina lui avait demandé, au moment d'encaisser ses articles, si elle avait un auteur préféré. Elle ne put que remarquer avec tristesse l'ancienne nervosité de la jeune femme blonde s'emparer à nouveau d'elle.

— « Peu importe, s'était empressée de dire la jeune veuve. C'était juste pour savoir... »

Au moment de franchir la porte, Emma se retourna un peu, puis ajouta :
— « J'aime bien Dickens... »

Depuis ce jour, Régina songeait de plus en plus souvent à la belle inconnue. Ce n'était que de vagues pensées, accompagnées de l'envie de mieux la connaître. Elle se souvenait encore du moment où elle avait commencé à fréquenter Daniel. À l'époque déjà, les rendez-vous galants n'étaient pas son fort. À l'armée, elle s'était consacrée pleinement à sa carrière. Elle s'était ensuite mariée, avant de devoir faire face à des changements qu'elle n'avait pas anticipés. Quoi qu'il en soit, sa vie n'était pas rose tous les jours. La solitude lui pesait. Son époux lui manquait. Elle aurait juré parfois, même si elle n'en parlait à quiconque, sentir la présence de Daniel veillant sur elle et leurs deux enfants.

Pour le moment, Régina se demandait ce qu'elle allait faire cet après-midi avec ses enfants. Elle décida de les emmener en balade à vélo. Daniel adorait, autrefois, les promenades aux quatre coins de la ville dans le vélo poussette. Peut-être pourraient-ils rouler jusqu'au parc... Cela leur plairait sûrement.

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