Chapitre 22
Emma s'était écroulée à même le carrelage dans l'entrée de sa maison, tout à la fois trempée et couverte de boue. À plusieurs reprises sur le chemin plein d'eau, elle était tombée aveuglée par ses sanglots, à moins qu'il ne s'agisse de sa douleur, de l'orage, de la nuit, elle ne savait plus. Elle avait cessé de savoir dès l'instant où elle avait jeté les clefs sur le sol, dès l'instant où elle avait quitté Regina, dès l'instant où elle avait blessé cette femme si extraordinaire à cause d'un passé qui n'aurait jamais dû concerner cette dernière.
Enferrée dans des larmes sans fin, dont la pluie battante se faisait un écho, l'orpheline n'avait pas pris la peine de fermer la porte, qu'elle avait mis un temps fou à ouvrir, ses mains ne cessant de trembler Coucou , de peur ou de froid, peu importait. Neal arriverait incessamment, la punirait en la violant durement et elle était quasiment certaine que la séance se terminerait par des cigarettes qu'il s'amuserait à allumer afin de les éteindre sur sa peau. Il chercherait à savoir pour Regina, Regina et les enfants, mais elle préférait mourir plutôt que de les trahir.
Elle n'était même pas sûre de pouvoir revivre de telles tortures, de pouvoir les supporter, de pouvoir en faire abstraction, pas après ce qu'elle avait vécu ces dernières années, pas après le bonheur qu'elle avait découvert, pas après toute la tendresse que lui offrait Regina. C'était la seule, dorénavant, qui pouvait la toucher : plus jamais elle ne voulait que Neal s'approchât d'elle, plus jamais elle ne voulait qu'il la salisse encore et encore.
Elle savait qu'il n'y avait qu'un seul moyen pour qu'elle lui échappât, qu'un seul moyen de protéger ceux qu'elle considérait, à part Marco, comme l'unique famille qu'elle eût connue. Elle y avait souvent pensé, ne s'y était jamais résignée parce qu'elle ne voulait pas que Neal gagnât, et lorsqu'elle avait rencontré sa reine, elle y avait renoncé car ce qu'elle vivait avec celle-ci était si inespéré qu'elle avait toujours l'impression de vivre un rêve éveillé.
Mais maintenant, c'était la seule solution. Une solution singulière où son tortionnaire perdrait définitivement. Elle renoncerait également. Ce serait néanmoins une petite perte puisque Neal serait sans rien et que sa famille serait protégée.
Ce ne serait pas évident pour eux, elle le savait, mais Regina était forte, elle l'avait déjà vécu, et cette femme remarquable recommencerait parce que c'était ce qu'il fallait faire pour ses enfants. L'une des choses qu'elle admirait le plus chez l'amour de sa vie était le sens du devoir de la militaire, cette manière qu'avait celle-ci de faire pour les autres ce qu'elle estimait être juste, même si c'était difficile.
L'orpheline sut qu'il s'agissait de la bonne solution lorsque ses larmes se tarirent. L'orage hurlait de colère autour d'elle, cependant elle n'avait pas peur, elle n'avait plus peur. Elle eut du mal à se relever, autant à cause de son épuisement qu'à cause du sol glissant, la pluie ayant envahi son entrée. Elle dut s'accrocher aux murs pour atteindre la cuisine, hésita longuement tandis que des éclairs sombres illuminaient par à-coups la pièce, trouva enfin le cutter sur lequel elle engagea une lame neuve.
Elle ne trouva pas la force d'aller dans la salle de bain. Sans Regina, ce n'était pas vraiment le lieu qu'elle préférait. Elle s'appuya un instant sur la table de la cuisine, cherchant à rassembler ses idées, de plus en plus frigorifiée. Il ne fallait pas que le sang coagulât, aussi revint-elle péniblement dans l'entrée où la pluie pénétrait toujours.
Elle se laissa chuter sur le sol gorgé d'eau. Paradoxalement, les cris amers du tonnerre, les tambours rauques de la pluie, les rigoles qui pénétraient l'entrée, toute cette furie bruyante la rassurait, la confortait dans sa décision.
Lorsqu'elle entailla la veine de son poignet gauche dans le sens de la longueur, elle entendit dans un écho du passé le rire moqueur de Neal : au début de leur mariage, à l'époque où il ne quittait jamais la maison sans l'attacher aux barreaux du lit, elle avait réussi à subtiliser un couteau. Elle avait passé la journée à charcuter son bras.
— « Pauvre cloche, avait-il dit lors de son retour, c'est dans la longueur qu'il faut couper si tu désires vraiment mourir. Je suis touché néanmoins que mon absence t'attriste, aussi ta punition sera-t-elle légère. »
Il l'avait basculée sur le ventre, avait brutalement pénétré son anus, et cela avait duré tout le week-end, un week-end où il avait également découvert le plaisir d'écraser des cigarettes incandescentes sur sa peau, s'extasiant de l'odeur agréable que cela générait, des cris qu'elle ne pouvait s'empêcher de pousser, ne sachant pas encor comment les étouffer. Il n'avait jamais deviné qu'elle avait tenté, non pas de se suicider, mais de se dégager des menottes afin de s'enfuir.
Durant les six mois suivants, peut-être plus, peut-être moins, — car elle ignorait exactement combien de temps cette période avait duré —, il la dénudait entièrement avant de la menotter, désirant être certain qu'elle ne fasse pas de « conneries ».
Il l'abandonnait ainsi toute la journée, parfois deux jours s'il était de garde, avec un bassin médical sous les fesses, dont l'empreinte devenait de plus en plus douloureuse, ainsi que trente-trois centilitres d'eau. Il faisait en sorte de laisser un peu de longueur sur la chaîne de son bras gauche, juste assez pour qu'elle puisse atteindre en se contorsionnant la bouteille, condamnée à l'ouvrir avec ses dents les rares fois où elle pouvait la saisir. Elle n'avait d'autre possibilité ensuite que de la reposer au sol en tentant d'éviter de la renverser.
Elle avait vite appris à se retenir, afin de ne pas récolter de punition plus drastique, préférant souvent se débarrasser comme elle pouvait de la cuvette, empêchant ainsi la formation d'escarres. La première fois, après avoir découvert qu'elle avait uriné, il l'avait férocement battue, puis avait refusé qu'elle se nourrisse, expliquant qu'il n'était pas son « infirmière ». Il avait été fier, le jour suivant, qu'elle eut intégré sa leçon, l'avait enchaînée durant cinq minutes au tuyau près des toilettes pour qu'elle puisse « déféquer », terme qu'il avait employé.
Il n'allumait, de plus, jamais le chauffage, ne lui laissait jamais de nourriture, prenait plaisir, lorsqu'il revenait, à l'observer lui préparer à manger alors qu'elle était affamée. Souvent, il la menottait à la cuisinière de manière à ce qu'elle le regardât se sustenter. Il lui jetait les os, le gras, et lui disait :
— « T'es qu'une chienne, mange comme une chienne. »
Elle le faisait. Elle avait tellement faim qu'elle le faisait. Elle le faisait également parce qu'elle avait déjà vécu quelque chose de similaire dans son enfance, une famille qui adorait l'affamer, et qu'elle avait compris durant les deux ans passés chez eux qu'il fallait se nourrir dès que l'on en avait l'occasion.
C'était ainsi qu'elle avait réalisé qu'elle ne lui échapperait jamais, apprenant à ruser, à mentir, à jouer la comédie pour souffrir le moins possible. Certes, elle s'était révoltée lorsqu'elle avait vu le documentaire sur les viols conjugaux. Certes, elle y avait trouvé la force pour concevoir un plan qu'elle avait un temps considéré comme presque génial, « presque » étant le mot clef. Certes, elle avait oublié, grâce à Regina et sans doute au docteur Hopper, tous les détails des premiers mois de son mariage. Ce n'était pas pour rien, néanmoins, que resurgissaient des souvenirs qu'elle avait crus à jamais disparus. La réalité, dorénavant, la rattrapait : elle ne lui échapperait jamais.
Elle enfonça la lame plus profondément dans son poignet. Cela brûlait, cela piquait, cela faisait terriblement mal, mais cela faisait du bien parce que, tout à coup, cette peur extrême qui ne la quittait plus et qui la terrifiait tant disparaissait au fur et à mesure que le couteau s'enfonçait dans sa chair. Elle savoura avec curiosité ce supplice qui effaçait sa souffrance psychique.
Très vite, cependant, son angoisse la submergea à nouveau : compte tenu des brutalités que Neal lui avait fait subir, la blessure sur son bras était peu de chose. Elle glissa son doigt sur la plaie, ne distinguant rien dans la nuit trop sombre. La lésion lui parut minuscule, insuffisante pour ce qu'elle en attendait.
Elle prit une longue inspiration, planta de toutes ses forces la lame dans la veine de son poignet, qu'elle avait auparavant repérée en tâtonnant, ne put retenir un cri tandis qu'elle tirait et poussait sur le cutter afin de s'entailler le plus profondément possible. Elle s'allongea de douleur, ses larmes ayant de nouveau jailli. Mais elle n'arrêta pas, continuant de se taillader, car elle sentait le sang s'écouler vers sa paume.
Finalement, elle se recroquevilla sur le sol trempé. Les yeux fermés, elle prit de petites inspirations. Lorsque les battements affolés de son cœur retrouvèrent un rythme plus apaisé, elle ôta brutalement le cutter de son bras. Le sang coula plus avidement, lui indiquant qu'elle avait enfin trouvé la veine de son poignet. Elle ressentit une joie amère, pleine de dégoût.
Elle positionna sa blessure dans l'eau de pluie qui avait inondé le carrelage de l'entrée, afin qu'aucune coagulation ne soit possible, se rallongea sur le sol mouillé. Il lui fallait maintenant passer à l'autre poignet. Elle réfléchit un moment afin de trouver le meilleur moyen de poignarder son poignet droit alors qu'elle n'avait rien d'une gauchère.
Lorsque l'obscurité déferla dans son esprit, l'unique regret qui la traversa fut qu'elle mourrait en ne sachant pas ce que signifiait « faire l'amour » et qu'elle aurait dû laisser Regina l'aimer. Le prénom de son amante fut le dernier mot qu'elle murmura.
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Neal poussa un gémissement. L'hôtel dans lequel il avait trouvé refuge était minable, mais il venait de dépenser tant d'argent, qu'il n'avait pas voulu se payer mieux. Il vivait un véritable calvaire. La seule chose qui lui permettait de tenir le coup était de penser aux punitions qu'il infligerait à Emma pour la peine qu'elle lui causait. Quelques bonnes pénétrations anales, — surtout maintenant qu'il était devenu un expert, il pouvait pour cela remercier ses maîtresses occasionnelles —, quelques brûlures de cigarette, peut-être les deux en même temps.
Il lui faudrait recommencer toute l'éducation de sa femme dès qu'ils retourneraient chez eux. Cette fois, pas de bibliothèque ou de courses ensemble. Il l'attacherait à chaque fois qu'il devrait sortir. Les repas, le ménage, elle les exécuterait sous sa supervision. Il supprimerait l'aspirateur, puisqu'il n'en supportait pas le bruit, et elle ferait tout à la main. Il était certain que voir son épouse habillée en soubrette générerait quelques fantasmes qui les satisferaient tous les deux. Quant au supermarché, les choses avaient changé depuis la disparition d'Emma : il lui suffirait d'utiliser l'ordinateur de son bureau pour passer commande et se faire livrer lorsqu'il serait de retour chez eux.
Il gémit à nouveau, son dos toujours endolori. Saleté de matelas. Le cauchemar, depuis l'orage diluvien qu'il avait subi, ne cessait de se poursuivre. Il n'avait pu reprendre ses recherches : la voiture était constamment tombée en panne, le contraignant à la pousser régulièrement. Il lui avait fallu plus d'une semaine pour atteindre une ville, se battant régulièrement contre une pluie torrentielle. Couvert de boue, puant comme un porc, il était arrivé affamé, ne s'étant nourri que de baies et de fruits trouvés sur les rebords de la route.
Il avait dû débourser une somme astronomique pour la location de la voiture, puisqu'il n'avait pas pris d'assurance. Tous des voleurs. Avait dû supplier le loueur pour qu'il lui prêtât quelques nippes et le laissât se rincer dans les toilettes du magasin. Avait dû racheter des vêtements après avoir testé les bains publics. Devait relouer un autre véhicule. Se reposer. N'ayant posé qu'un mois de vacances, il craignait dorénavant que cela ne suffise pas car il lui restait à peine quinze jours pour trouver sa femme.
Il dormit deux jours, ne se levant que pour manger.
Puis il repartit, une flasque et une bouteille de rhum cachées dans la boîte à gants, roulant à vingt à l'heure dans une antique coccinelle jaune canari aux fauteuils défoncés et douloureux, seule voiture de location restante, cherchant désespérément le chemin menant à Emma.
Rien. Il ne trouvait rien. Aucune route, aucun chemin. Hook s'était-il foutu de sa gueule ? Non, non. L'avocat l'avait prévenu que ce ne serait pas facile. À nouveau, il se retrouva face à la mer.
Dix jours maintenant qu'il parcourait cette maudite voie, revenant chaque soir à pieds dans son hôtel merdique, car il se sentait si ridicule dans cette bagnole de pédé qu'il la garait dans une grange abandonnée à l'entrée de la petite ville. Il préférait marcher jusqu'à son auberge, bien qu'il détestât cela, plutôt que d'être vu dans cette poubelle jaune poussin.
S'il se contrôlait en public, une chose dont il avait l'habitude, il passait intérieurement par des états extrêmes, allant du désespoir à la colère. Il avait même fini par interroger les gens, prenant le risque de sortir sa plaque de flic. Rien. Comme si Storybrooke n'existait pas.
Un soir, alors qu'il peinait à trouver une place confortable sur les ressorts usés du lit, il se demanda s'il ne s'agissait pas d'une épreuve. Une épreuve ! N'importe quoi ! L'alcool lui montait à la tête. Il n'était pas dans un film débile et gnangnan. Emma lui appartenait. C'était son épouse : il n'avait nul besoin de cela pour la trouver.
Ses mains tremblaient frénétiquement lorsqu'il reprit son tacot le lendemain matin. Il absorba une longue gorgée de rhum avant de les poser sur le volant. Que s'était-il passé ?
Comme chaque jour, il s'était rendu aux aurores chez le loueur de voitures, espérant que ce dernier aurait enfin une automobile convenable à lui proposer. Il revit le pétillant rouquin lui affirmer :
— « Oui, Monsieur. Je viens juste de récupérer une nouvelle voiture. Elle est toute neuve. Je suis sûr qu'elle va vous plaire ».
Neal fut entraîné par le tourbillon enthousiaste du jeune homme. Tout fier, celui-ci lui montra une décapotable rose bonbon. Encore maintenant, le policier ne comprenait pas ce qui s'était passé. Il s'était, de rage, jeté sur le blanc-bec en hurlant :
— « Vous vous foutez de moi, vous vous foutez de moi ! »
Il avait serré de toutes ses forces le cou imberbe, serré jusqu'à sentir les os craquer sous ses doigts tandis que s'écroulait le corps. Il avait regardé le cadavre sur le sol, avec cette tête faisant un angle si curieux. « Connard ! », avait-il pensé, tout en le tabassant furieusement à coups de pieds.
Il avait sorti ses gants pour récupérer le macchabé, l'avait fourré dans le coffre du cabriolet, avait cherché les caméras. Il fut surpris de n'en trouver aucune, avant de se souvenir qu'il se trouvait dans une petite ville. Il était parti tout aussi discrètement qu'il était venu. Fut soulagé lorsqu'il aperçut la grange où il cachait la coccinelle jaune. Fut soulagé de n'avoir croisé personne. C'était à ce moment-là qu'il avait réalisé qu'il tremblait de tous ses membres.
Il rebut une longue rasade de rhum, sentit ses tremblements s'arrêter peu à peu. Il soupira. Rose bonbon. Il détestait qu'on le prenne pour un pédé. Finalement le rouquin l'avait bien cherché. Encore une chose dont Emma était responsable. À force de la chercher, il avait les nerfs à fleur de peau. Il ne se serait jamais retrouvé dans une telle situation si son épouse était restée à sa place de « femelle ».
Les dettes qu'elle avait à son égard s'accumulaient dangereusement. Une seule punition n'y suffirait pas. Sans doute faudrait-il qu'il prévoit une pièce uniquement réservée aux sanctions. Oui, c'était une bonne idée. Il imagina tous les objets qu'il pourrait y ranger, la manière dont il pourrait les utiliser sur sa femme. Un fouet serait la moindre des choses. Rien que de penser à tout ce qu'il pourrait faire avec, il sentit sa virilité renaître avec vigueur. Lorsqu'il éjacula, le monde reprit sa place habituelle. Tuer ce loueur de voitures, au bout du compte, s'avérait positif pour ses nerfs. Ce fut donc avec sérénité qu'il reprit ses recherches.
Il lui restait trois jours de vacances lorsqu'il trouva enfin un panneau de signalisation bleu tout pourri portant l'indication « Storybrooke ». Même pas fichus d'indiquer une distance.
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Regina paniquait. Elle qui avait survécu à maints champs de bataille tous aussi atroces les uns des autres sentait son cœur s'affoler dans sa poitrine. Quelque chose était arrivée à Emma. Toutes ses tripes le lui disaient. Elle roulait le plus vite possible dans l'orage tonitruant, presque à l'aveuglette tant la pluie était violente.
L'éclair immense la prit par surprise, l'éblouissant complètement. Toute la ville sombra aussitôt dans l'obscurité. La voiture dérapa brutalement, heurtant un lampadaire dont elle avait oublié l'existence. Lorsque l'automobile s'immobilisa, elle respira lentement. Elle ferma les yeux un instant afin de retrouver son sang-froid : ce n'était pas en s'angoissant vainement qu'elle sauverait Emma.
La sauver ? Oui, c'était de cela dont il s'agissait, elle en était convaincue.
Il ne lui fallut même pas dix secondes pour retrouver son calme. La guerre vous donnait d'étranges habitudes. Elle redémarra en douceur la Mercédès, pensa un instant stopper les essuie-glaces tant ceux-ci lui paraissaient inutiles. Elle roulait dans plusieurs centimètres d'une eau déferlante, à la limite de la furie, dans laquelle se reflétait la lueur glauque de ses phares.
Elle avançait lentement mais sûrement, guettant, au milieu des trombes d'eau, la petite allée qui menait à la maison que louait sa dulcinée. Heureusement qu'elle connaissait Storybrooke par cœur : la nuit était si opaque qu'elle n'aurait jamais pu voir le chemin, lequel ressemblait plus à un ruisseau qu'à une route goudronnée.
Elle soupira de soulagement lorsqu'elle constata qu'aucun véhicule n'était garé dans la rue. Neal n'avait donc pas encore franchi les frontières de la ville. Cela la rassura quelque peu mais n'expliquait pas pourquoi ce sentiment qu'Emma était en grand danger restait toujours présent en elle.
Elle se gara, attrapa dans la boîte à gants la lampe-torche qui datait de sa carrière dans l'armée, sortit de la voiture, ferma précautionneusement la portière, ne souhaitant pas que la pluie envahisse l'habitacle.
Elle se dirigea promptement vers le seuil, sentit son cœur s'affoler totalement lorsqu'elle vit, dans la lueur d'un éclair, la porte d'entrée grande ouverte. Allumant la lampe de poche, elle courut, quelque peu surprise par l'eau stagnante sur le carrelage, s'arrêta soudainement lorsqu'elle aperçut sur le sol le corps couvert de boue de l'orpheline. L'instant d'après, elle remarquait la flaque de sang autour de celle-ci. Son cœur manqua plusieurs battements. Comment Neal avait-il pu passer aussi aisément les barrières de Storybrooke ?
Posant la lampe sur le dallage mouillé de manière à s'éclairer, elle s'agenouilla près du corps exsangue, saisit la main glacée afin d'en prendre le pouls. Ce fut à ce moment-là qu'elle découvrit la plaie béante, repérant à travers ses pleurs le cutter qu'elle s'empressa de mettre dans sa poche.
— « Regina.
— Emma, mon amour, je suis là. Je serai toujours là. »
Mais la jeune femme blonde s'était à nouveau évanouie. La militaire, après avoir essuyé d'un geste rageur ses larmes, la positionna délicatement dans ses bras, autant pour la dégager du sol trempé que pour la réchauffer quelque peu. Cette position lui permit de presser longuement le point de compression du poignet. Elle dut recommencer deux fois avant de voir le sang cesser de s'écouler. Tenant toujours sa belle contre sa poitrine, elle se précipita vers la porte et la ferma à clef. Elle avait beau savoir maintenant que le psychopathe n'avait pu traverser les limites de la ville, on n'était, néanmoins, jamais trop prudent.
Elle revint prestement sur ses pas, afin de poser la torche sur le ventre de son amante, remerciant les entraînements à la dure de l'armée, entraînements qu'elle continuait d'effectuer régulièrement. Elle se dirigea vers la salle de bain, sans se préoccuper des interrupteurs puisque l'électricité avait sauté dans toute la ville. Elle attrapa dans une étagère la plus grande des serviettes qu'elle remarqua, avec laquelle elle enveloppa maladroitement Emma avant de la déposer doucement sur le carrelage. Elle mit l'eau à couler, en testa la température d'une main tout en gardant un œil sur l'orpheline.
Positionnant à nouveau la lampe afin qu'elle éclairât la pièce, elle déshabilla tendrement sa bien-aimée, trouvant finalement un point positif à l'évanouissement de la jeune femme blonde : celle-ci, au moins, ne risquait pas de paniquer en voyant la baignoire. Elle l'enveloppa dans le peignoir le plus chaud qu'elle put trouver. Attrapant la sortie de bain salie et les habits boueux de cette dernière, elle les rangea dans un sac de sport qui traînait dans un coin : elle pourrait ainsi les emmener plus facilement au manoir. D'un geste vif, elle ôta sa propre veste ainsi que son pantalon, tout deux presque aussi trempés que les vêtements de la barmaid, mettant le tout à sécher sur un cintre. Reprenant la serveuse dans ses bras, ainsi que la torche, elle se rendit dans la pièce voisine où elle la posa délicatement sur le lit.
Ce fut à ce moment-là qu'elle se souvint de l'endroit où se trouvait le générateur de secours. Prenant le luminaire portatif, elle repartit presque courant vers le hall d'entrée où se trouvait le placard le contenant. Elle l'enclencha, fit demi-tour pour revenir dans la chambre. Elle sortit de l'armoire la couverture chauffante, qu'elle brancha, avant d'en envelopper sa compagne. Elle n'avait pas imaginé, en la lui offrant, s'en servir dans de telles circonstances. Retournant hâtivement dans la salle d'eau, tenant toujours la lampe de poche à la main, elle attrapa la trousse de secours qu'elle avait elle-même constituée, avant de rejoindre tout aussi rapidement la barmaid.
Elle décida finalement d'allumer le lumignon de la table de nuit, préférant éviter la grande lumière, craignant surtout d'angoisser inutilement l'orpheline : elle avait remarqué que celle-ci détestait les éclairages agressifs et que la serveuse était toujours plus détendue dans l'obscurité. Utilisant la torche, elle examina attentivement la blessure. « Zut, murmura-t-elle, la veine est bien touchée. Emma, Emma, mon amour, n'as-tu donc pas confiance en mes capacités pour te protéger ? N'as-tu donc pas compris ? Cela m'aurait tuée. Cela nous aurait tués tous les trois. »
Elle nettoya la plaie du mieux qu'elle put, retrouvant avec aisance des gestes qu'elle avait maintes fois effectués dans l'urgence des combats. Curieusement, la dernière personne qu'elle avait ainsi soignée s'avérait être Graham. Ils avaient perdu tant de gens, ce jour-là. Le jeune homme, après cela, n'avait plus pu retourner sur un champ de bataille, et c'était Regina qui lui avait suggéré de prendre à Storybrooke le poste de shérif.
Elle recouvrit la blessure d'un bandage compressif, après l'avoir recouverte d'une pommade antiseptique créée par la barmaid. La militaire espéra qu'il ne serait pas nécessaire de suturer, l'essentiel, pour l'instant, étant de réchauffer sa belle guerrière.
Elle baissa alors la luminosité de la lampe de poche, qu'elle installa dans la salle de bain. Elle vérifia dans la foulée la température du bain, qui lui parut suffisamment chaude, peut-être même un peu trop pour quelqu'un de frigorifié. Elle arrêta l'eau, se déshabilla totalement afin de pouvoir entrer dans la baignoire avec son amante.
Après être revenue dans la chambre, elle se glissa sous la couverture chauffante, serrant contre son torse le corps toujours trop gelé de sa dulcinée, dont l'évanouissement finissait par l'inquiéter quelque peu. Elle frotta délicatement les membres de sa belle, tentant d'en tiédir peu à peu la peau douce. Elle effleura chacune des cicatrices de celle-ci, bien trop nombreuses, réalisant avec stupeur que c'était la première fois qu'elle pouvait réellement les toucher, ne les ayant auparavant perçues qu'au travers des massages doux qu'elle offrait régulièrement à la jeune femme blonde. Elle se promit de faire en sorte qu'Emma n'ait plus jamais honte de ces dernières et d'en effacer l'infamie.
Elle la reprit dans ses bras, la porta jusqu'à la baignoire, heureuse que la maison soit si petite, puis se glissa dans l'eau chaude et accueillante. Elle la tint contre son épaule avec le plus de douceur possible, ne souhaitant pas que sa bien-aimée paniquât, la berçant tout en la lavant.
Elle découvrit à cette occasion plusieurs égratignures, ainsi que des bosses, dont elle n'avait pas eu conscience auparavant tant elle s'était focalisée sur les cicatrices de son bel amour. Elle comprit que sa douce avait dû chuter à plusieurs reprises lors de sa fuite éperdue dans l'orage.
« J'aurais dû la suivre », pensa-t-elle irrationnellement, car elle savait bien qu'Emma n'aurait fait que la rejeter encore plus si elle s'était aperçue qu'on la poursuivait, la militaire ayant reconnu dans les yeux de sa guerrière une terreur qu'elle avait vue à plusieurs reprises chez des femmes ayant été violées, se souvenant particulièrement de Mulan, une très jeune soldate faite prisonnière par l'État Islamique. Elle comprenait donc intuitivement ce qui avait animé la jeune femme blonde, tout en sachant qu'il faudrait qu'elles aient plus tard une réelle discussion à ce propos.
Petit à petit, au fur et à mesure que l'orpheline se réchauffait, la négociante la sentit émerger de son évanouissement. Elle sentit également la panique s'emparer du corps de sa bien-aimée.
— « Regina.
— Je suis là. Je serai toujours là, murmura à nouveau la jeune femme brune tout en berçant sa dulcinée.
— Il...
— Il ne me fera aucun mal. Ni à moi, ni aux enfants. Et il ne te fera aucun mal, Emma. Peux-tu me faire confiance lorsque je te dis que je te protégerai ? Je te protègerai toujours. Crois-tu vraiment qu'un petit flic de pacotille peut venir à bout d'une militaire formée dès son enfance ? Je suis flattée que tu aies peur pour moi, je suis flattée que tu veuilles me protéger, même si c'est d'une manière peu orthodoxe. Mais le seul moyen, mon bel amour, pour que tu me protèges, est que tu sois en vie. Est-ce tu comprends, Emma ? »
La veuve devina plus qu'elle ne perçut les larmes de la serveuse. Elle la serra plus ostensiblement contre ses seins, laissant la jeune femme blonde s'en imprégner. Puis, lorsqu'elle la devina plus calme, elle redemanda :
« Est-ce que tu comprends, Emma ? »
La réponse vint sous la forme d'un chuchotement :
— « Oui.
— Bien.
— Est-ce que tu... Es-tu en colère ?
— Après toi ? Non. Après moi ? Oui. Parce que j'aurais dû insister au lieu d'attendre que tu me parles.
— Non. Non. J'aurais dû te parler. J'ai confiance en toi mais...
— Mais il te terrorise.
— Oui. Je suis désolée, Regina.
— Tu as eu peur, Emma. Ce n'est pas si grave. Cela arrive aux meilleurs d'entre nous. Cette peur t'a submergée, provoquant une crise de panique. Et si cela arrive encore, je serai là. Je serai toujours là. »
La négociante saisit tendrement la main de sa bien-aimée, afin d'en embrasser les doigts, confirmant ainsi le sérieux de sa promesse. Elle n'insista cependant pas car la barmaid était encore trop effarée. Il fallait néanmoins terminer de soigner cette dernière. Aussi murmura-t-elle, sachant qu'il faudrait un moment avant que sa douce lui donnât une réponse :
« Veux-tu que nous sortions de l'eau ? J'aimerais que nous rentrions chez nous afin que je puisse mieux examiner cette vilaine plaie. »
La serveuse ne répondit pas, se blottissant plus profondément contre le corps rassurant de sa reine. Celle-ci lui caressait le dos doucement, glissait parfois un tendre baiser sur sa tempe, sur ses cheveux, enserrait avec délicatesse sa taille, effaçant fermement cette terreur dont l'orpheline sentait encore les frémissements la posséder.
Elle savait bien qu'elle devait donner une réponse, mais elle en était, pour l'instant, incapable, car, même si ses affres s'étaient éloignées, Emma les voyait tournoyer autour d'elle, à l'affût, tel un animal sauvage guettant sa proie.
Elle se serra plus encore contre son aimée, cherchant sa protection sans faille, tenant si fortement son torse que leurs seins se rencontrèrent. Elle ne comprit pas ce qui se passa. Ni pourquoi. Mais le frisson qui la parcourut fut si sensuel qu'un gémissement lui échappa tandis que l'angoisse qui la tenaillait fut définitivement éclipsée.
— « Fais-le disparaître, Regina. Je veux que tu le fasses disparaître. Je veux me sentir totalement protégée par toi. Je veux... Je veux que tu me fasses l'amour. C'est la dernière chose à laquelle j'ai pensé. Que j'eusse aimé que tu m'eusses fait l'amour.
— Ta première fois n'aura pas lieu dans une baignoire, Emma. Ni tant que tu es blessée. Mais je te le promets : dès que tu iras mieux, nous ferons l'amour. Nous deux, Emma. Toi et moi. »
Ce fut d'un baiser brûlant qu'elles scellèrent leur accord.
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Regina regarda sa belle endormie. Elle avait réussi à la porter de la voiture au lit sans pour autant la réveiller. Lorsqu'elles étaient sorties de la baignoire, la militaire avait perçu toute l'appréhension de la serveuse revenir, ne s'apaisant que lorsque la négociante la tenait contre son corps. Aussi, lorsqu'elles étaient montées dans la Mercédès après s'être rhabillées, la jeune femme brune avait incité la barmaid à s'allonger contre son giron, faisant fi de toutes les procédures de sécurité, lui promettant que cela ne l'empêcherait nullement de conduire. Emma s'était assoupie, quelques minutes seulement après que l'orage se fût calmé.
La sortir du véhicule sans l'éveiller ne fut pas une mince opération, d'autant que la veuve avait dû enclencher le générateur de secours du manoir. Elle avait branché la couverture chauffante, avant de poser sa bien-aimée sur leur lit. Elle fut heureuse de la voir plongée dans un sommeil bien plus profond que ceux de leurs dernières nuits. Il était fort possible, maintenant que l'angoisse de l'orpheline s'était exprimée de la pire des manières, que la crise soit définitivement terminée et que les cauchemars de celle-ci finissent enfin par disparaître.
La veuve n'était donc pas inquiète de voir sa guerrière tant épuisée. Entre ses blessures, sa course éperdue sous l'orage, les nuits multiples où ses cauchemars les avaient tenues éveillées, que sa dulcinée ait ainsi sombré tranquillisait la négociante. Elle aurait bien aimé, cependant, posséder la recette de la potion sans rêve d'Harry Potter. Attrapant sous l'oreiller son pyjama imprégné de son odeur, elle le plaça près des narines d'Emma, espérant que les effluves du vêtement soient suffisants pour rassurer et offrir, le temps que la commerçante réglât diverses petites choses dans la demeure, un repos serein à sa douce.
Tout ce que la militaire pouvait penser était qu'elle ne voulait pas laisser la serveuse seule. Ce fut finalement la mère de famille en elle qui trouva la solution. Louant le jour où elle avait confisqué les talkies-walkies d'Henri, que celui-ci avait eu la malencontre idée d'utiliser au milieu de la nuit, elle les sortit de la table de chevet. En laissant un auprès de sa bien-aimée, elle lui murmura qu'elle partait un instant afin de vérifier l'ensemble des fermetures de la maison.
Une fois cela effectué, elle entra le code des alarmes, d'abord celle du manoir, puis celle du périmètre extérieur. Elle avait auparavant visionné les bandes des caméras de surveillance, apaisée par le constat que nul ne s'était approché de la demeure, bien qu'avec l'orage démentiel qui s'était abattu sur la ville, il y ait eu peu de chance que cela se soit passé.
Elle revint dans la chambre, soulagée de voir qu'Emma dormait toujours aussi profondément. Elle la déshabilla avec douceur, admirant le corps sur lequel elle fantasmait tant, sans pour autant perdre son sérieux.
Elle ouvrit la trousse de secours qu'elle avait auparavant prise dans la salle de bain, se désinfecta les mains. Elle commença par examiner la plaie du poignet, qui, à son grand soulagement, était propre et nette. Elle préféra, par acquis de conscience, suturer la coupure. Aussi appliqua-t-elle un patch anesthésiant, dont elle espéra qu'il fût suffisant pour étouffer toute douleur.
Il lui fallait cependant attendre une heure avant que celui-ci fasse son effet. Elle sortit, en attendant, diverses pommades, toutes fabriquées par la barmaid. La commerçante les étala sur chaque blessure qu'elle trouva, réfrénant en même temps des pensées moins chastes.
Vérifiant alors que le patch avait fait effet, elle sutura soigneusement l'entaille. Emma s'agita parfois sans pour autant s'éveiller, mais la militaire n'eut pas l'impression que c'était lié à l'opération qu'elle pratiquait. Elle s'arrêta néanmoins à chaque fois, afin de bercer l'orpheline, qui replongeait presque aussitôt dans un sommeil toujours aussi profond. La jeune femme brune eût préféré que les cauchemars de son amante eussent cessé. Il faudrait apparemment l'arrestation de Neal pour que cela eût lieu.
Lorsqu'elle eut fini, elle rhabilla sa belle guerrière du pyjama le plus doux qu'elle put trouver dans son armoire, avant de la glisser précautionneusement sous les draps maintenant bien chauds.
Elle jeta un œil à sa montre. Cinq heures du matin. Un peu tôt pour donner des nouvelles à David et aux enfants. Elle sortit néanmoins le téléphone satellite. Tant que l'ouragan durerait, et cela pouvait durer plusieurs jours, ce serait le seul moyen de communiquer dans Storybrooke. À l'instant, elle était plus inquiète pour Emma que pour sa progéniture, qu'elle savait en sécurité avec son associé. L'hiver du Maine était empli de tempêtes de neige, chaque maison possédait donc, en sus du réseau électrique, son générateur de secours. Personne, de surcroît, ne sortirait sous un tel temps.
Elle se dévêtit à son tour, passa un pyjama qu'elle prit dans le placard, préférant laisser de côté, au cas où ce fut encore nécessaire, celui contenant son odeur et qu'elle avait utilisé pour rassurer l'orpheline. Elle rejoignit ensuite son amante dans leur lit. Elle y serait bien mieux pour veiller sa tendre et chère, n'ayant nulle intention de dormir, trop inquiète pour cela.
Sans qu'elle en eût consciente, son esprit fit apparaître le corps nu de la jeune femme blonde. Le soigner lui avait permis de le voir sous plus de lumière, car elle ne rejoignait habituellement sa bien-aimée qu'après que celle-ci fut sous les draps, tenant à respecter la pudeur, ou la honte d'Emma. De même, lorsqu'elles allaient à la plage, sa douce se débrouillait toujours pour cacher ce dernier au maximum, gardant ses vêtements ou portant des maillots une pièce le plus recouvrant possible. Regina, de surcroît, n'aurait jamais pris le risque de mettre mal à l'aise son aimée en l'observant ainsi en public. Même les enfants avaient compris qu'il ne fallait surtout pas aborder la question des cicatrices. De son point de vue, celles-ci rendaient le corps de son amante encore plus désirable, malgré toutes les tentatives de Neal pour en détruire la beauté.
« Bientôt », pensa-t-elle. Bientôt, elle l'honorerait de l'unique manière dont celui-ci aurait dû l'être. Puis elle sourit, se souvenant de ce que son bel amour lui avait demandé la première nuit qu'elles avaient passée dans ce lit. La scène jaillit avec tendresse dans son esprit.
L'orpheline s'était figée au pied du matelas, avant de demander tout autant sérieusement que timidement :
— « Regina, est-ce que ton mari et toi avez dormi dans ce lit ?
— Non, avait-elle répondu spontanément. En fait, j'ai changé l'intégralité des literies après son décès. De plus, lui et moi n'avons jamais vécu dans cette maison. Il n'y est donc jamais venu. Pourquoi cette question saugrenue ? »
Mais la seule réponse que lui offrit la barmaid fut un rougissement tout autant touchant que charmant, car elle n'osait lui avouer qu'elle refusait d'entrer dans un lit que la veuve aurait pu partager avec Daniel. La négociante, sans doute tout autant rougissante, avait déposé un baiser des plus doux sur la joue de sa guerrière, non seulement pour la remercier d'être si attentionnée, mais également pour lui promettre des nuits pleines de sollicitude. Taquine, elle avait ajouté :
« La chambre est insonorisée. Je considère, pour le bien-être de tous, et surtout pour une sexualité pleine de plaisirs divers, que la chambre parentale doit toujours être insonorisée. »
La militaire secoua la tête afin de revenir au présent, sentant qu'Emma s'agitait à ses côtés. La jeune femme brune se pencha vers cette dernière, lui caressa tendrement les cheveux. L'orpheline se blottit contre la négociante, qui la trouva fiévreuse. Elle confirma son diagnostic d'un baiser sur le front de la serveuse. Un peu contrariée, mais guère étonnée car cela expliquait les réactions atones de la barmaid, elle se détacha de celle-ci, qui gémit mais se calma dès que Regina eut glissé près d'elle le pyjama qu'elle avait auparavant utilisé pour tranquilliser sa bien-aimée.
Elle sortit discrètement du lit afin de préparer une tisane de sureau, plante qui faisait baisser la fièvre. Lorsqu'elle revint, elle se maudit pour avoir oublié de prendre un talkie-walkie. La jeune femme blonde s'était éveillée, paraissant quelque peu paniquée. La veuve se glissa à ses côtés, la rassura avant de l'inciter à boire l'infusion. Une fois sa dulcinée rallongée, la commerçante plaça sur le front de son amante des compresses fraîches, qu'elle avait remontées en même temps que la décoction antifébrile.
La militaire veilla sur cette dernière pendant cinq jours, cinq jours pendant lesquels elle ne dormit pas un instant, cinq jours pendant lesquels la fièvre d'Emma fluctua, entrecoupée de phases délirantes où l'orpheline voyait Neal la torturer. Fébrile, hagarde, terrorisée par ses cauchemars, souvent inconsciente de la présence de sa bien-aimée, la serveuse laissait voir l'étendue de ses angoisses, dévoilant bien involontairement des bribes atroces de son passé.
Malgré sa peine en découvrant certaines des cruautés que sa guerrière lui avait cachées, sans doute par honte ou simplement parce qu'il s'agissait de choses indicibles, Regina ne faillit pas, trouvant inlassablement des moyens pour apaiser son amante.
Ainsi, plus d'une fois, elle la plongea, pour faire tomber la température, dans un bain tiède, parfumé d'odeurs dont elle savait qu'elles apaisaient la barmaid. Au début, lorsque celle-ci émergeait, elle se blottissait en larmes contre la négociante, qui profitait de ces accalmies pour soigner l'orpheline, la nourrissant de bouillons, réalisant avec tristesse que personne n'avait dû prendre soin de cette dernière lorsqu'enfant elle avait été malade et qu'Emma n'avait jamais pu dire « maman ». Puis, au fil du temps, l'eau paraissait rassurer la jeune femme blonde, au point de l'y trouver parfois endormie, comme si ses multiples cauchemars l'avaient enfin abandonnée.
La fièvre tomba définitivement le cinquième jour, en même temps que l'orage s'arrêta. La négociante préféra cependant demander à David de garder encore les enfants avec lui, estimant qu'il valait mieux attendre que la barmaid soit totalement remise. Une fois le coup de fil passé, elle installa une Emma somnolente sur le sofa afin de mettre des draps propres. Le bain qu'elles prirent ensemble fut doux. La veuve n'eut guère de difficulté à convaincre sa belle de rejoindre leur lit où elles s'endormirent, blotties l'une contre l'autre.
———————————
Lorsqu'Emma se réveilla, elle se sentit en sécurité comme jamais elle ne l'avait été. Une main délicate, mais néanmoins solide, était tendrement posée sur son ventre tandis qu'une autre effleurait ses cheveux. Il y avait d'ailleurs là un curieux paradoxe : les mains l'encerclaient sans pression, la rassurant sans l'enfermer, en totale opposition avec les bras de Neal, qui faisaient toujours d'elle une prisonnière.
Tout comme l'odeur. L'odeur de Neal la débectait, l'obligeant à sans cesse lutter contre l'envie de vomir. À l'inverse, l'odeur de Regina, parce qu'elle n'avait nul besoin d'ouvrir les yeux pour savoir qu'il s'agissait de la veuve, fleurait le printemps et le soleil s'éveillant.
Il y avait la peau également. Celle du policier piquait, celle de la négociante caressait. Une caresse douce et soyeuse sur son front, sa joue, bien distincte de celle des pyjamas qui couvraient leurs corps, dont la serveuse eût bien aimé que les boutons en fussent plus entrouverts.
Elle se mit sur le côté afin de se serrer davantage contre le torse de la jeune femme brune, passant une main sous la veste de celle-ci pour la poser sur son dos, à la recherche de la chaleur de sa peau, tout en glissant l'autre autour de la taille de son aimée. Elle se heurta, une nouvelle fois, à ce paradoxe incompréhensible : alors qu'elle cherchait à fuir la prison du corps de Neal, celui de Regina lui offrait une liberté dans laquelle elle rêvait de s'enfouir. Telle un chat, la commerçante accepta l'emprise, la ceignant tendrement sans pour autant sortir de son sommeil.
Mais Emma ne voulait pas l'éveiller. La barmaid avait un vague souvenir des heures précédentes, peut-être même des jours. Elle avait eu chaud, froid, peur, Neal la poursuivait, la torturait, si ce n'est qu'elle rêvait et qu'à chaque éveil, Regina était là, la prenait dans ses bras, la berçait, la rassurait :
— « Ce n'est qu'un mauvais songe, Emma. Un mauvais songe dû à la fièvre. »
L'eau était douce, sentait bon. Pour la première fois depuis de trop longues années, la jeune femme blonde appréciait d'être dans un bain, un bain qui apaisait ses cauchemars, sa température, un bain qui lui rappelait le printemps avant qu'elle n'arrivât à Storybrooke, quand elle était remontée le long de la côte et qu'elle se baignait matins et soirs dans l'océan Atlantique.
Elle y était si bien qu'elle n'avait éprouvé aucune angoisse lorsque la militaire avait finalement accepté de la laisser seule dans la baignoire, comme si le fait d'avoir été violée à maintes reprises dans une douche était devenu un événement si lointain qu'il ne pouvait plus affecter le présent. Elle y était si bien qu'elle s'y endormait, émergeant à peine alors qu'elle était portée dans le lit chaud aux draps propres qu'elle partageait avec son amante.
Il y avait ces flashes également, où la négociante la soignait avec tant de douceur qu'il eût pu s'agir de caresses s'il n'y avait eu les senteurs médicinales. Et cette phrase, bordée d'un baiser :
« Tu n'as peut-être pas d'intérêt à tes yeux, Emma, mais tu en as aux miens ».
D'autres choses. Indicibles. D'étranges sensations. Des fragrances chaleureuses. Une mélodie douce et légère. Un cocon douillet que l'on ne pouvait quitter. Une éternité. Un rayon de soleil chatouillant sa peau. Sa présence.
Voilà pourquoi elle ne voulait pas l'éveiller : Regina avait veillé sur elle d'une manière qui faisait monter les larmes aux yeux de l'orpheline, car jamais quelqu'un n'en avait fait autant pour elle. Sauf peut-être Marco, mais cela n'avait rien à voir, Emma le savait bien. Elle se blottit dans le cou de la négociante, dans le creux de son épaule, juste au dessus de sa poitrine, où elle se rendormit sans même en avoir conscience.
———————————
Ce furent des baisers délicats qui réveillèrent la militaire. Des baisers doux sur son front, sur ses yeux, sur son nez, des baisers doux qui la firent sourire.
— « Bonjour », murmura-t-elle, tout en gardant les yeux fermés.
D'autres baisers parsemèrent sa figure, jusqu'à ce dernier, juste au milieu de ses lèvres :
— « Bonjour à toi aussi. »
Elle sentit les doigts fins de sa bien-aimée lui caresser la nuque, provoquant des frissons tout au long de sa peau. Emma, dans son sommeil, l'avait repoussée sur le dos, afin de s'allonger entièrement sur son corps. Elle entrouvrit légèrement les yeux : la nuit, à travers les volets, dormait à peine, offrant une ombre lumineuse dans laquelle elle découvrit le visage de la serveuse. Elle plongea son regard dans celui bleu-vert de sa guerrière. Ce qu'elle y vit la surprit mais la ravit :
— « Oui », répondit-elle à la question muette.
Le sourire de l'orpheline généra de nouveaux frissons, qui glissèrent sur sa colonne vertébrale. La jeune femme blonde poursuivit son assaut tendre sur son cou, remonta jusqu'à son oreille, tandis que ses mains dégrafaient timidement le premier bouton du pyjama de la veuve. Afin de montrer son consentement, la négociante faufila ses doigts sous la veste de celui d'Emma, effleurant doucement sa taille pour aborder le dos de son amante. Un frémissement les transperça toutes les deux.
« Oui », souffla-t-elle à nouveau tandis qu'elle suivait d'un frôlement chaque cicatrice dorsale, faisant écho aux lèvres de son aimée.
Un autre bouton ouvert fit tressaillir la jeune femme brune. Déplaçant une main vers le ventre de la barmaid, elle passa l'autre dans les cheveux blonds, incitant son amante à la regarder :
« Puis-je ? »
Il y eut un instant d'hésitation dans les yeux de l'orpheline, avant qu'elle ne répondît :
— « Oui ».
Elles s'embrassèrent pendant que se défaisaient peu à peu les boutonnières. Leurs lèvres se cherchaient, se mordillaient, se ciselaient. Leurs doigts tremblaient, frissonnaient, caressaient. Soudain, les pyjamas s'entrouvrirent fébrilement tandis que nues leurs poitrines se rencontrèrent.
Emma gémit à ce contact, se figea dans leur baiser. Regina saisit calmement la chevelure blonde, incitant l'orpheline à découvrir son torse. Celle-ci observa les seins un long moment, avant de les effleurer timidement, tournant son index autour de chaque téton, comme s'ils l'impressionnaient. Puis, tout à coup, elle posa sa bouche sur l'un des mamelons, caressant la courbure de sa paume. Leurs respirations s'accélérèrent simultanément. Elle lécha l'auréole, avant de s'en saisir dans un gémissement, auquel fit écho la militaire.
Tantôt douce, tantôt passionnée, la jeune femme blonde gravait une carte du tendre de la poitrine, soutenue par la veuve, qui avait remonté sa cuisse entre les jambes de sa belle, avait glissé une main sur ses fesses tout en maintenant la tête de son aimée contre ses seins. Emma s'absorbait dans leurs textures, cajolant, choyant, câlinant leur rondeur, tétant sans vergogne leurs bourgeons dressés. Soudain plus sauvage, elle tenta d'ôter la veste de son amante. La négociante la prit par la taille, l'incita à se relever afin qu'elles puissent s'asseoir buste contre buste.
Le souffle court, elles s'observèrent, pupilles dilatées. À nouveau, leurs seins se rencontrèrent, tandis qu'elles s'embrassaient, les yeux fermés. Ensemble, elles firent doucement glisser leurs vestes de pyjama, se serrant de plus en plus l'une en l'autre, jusqu'à ce qu'Emma cessât le baiser pour se blottir dans le cou de la jeune femme brune, qui n'arrêta pas, cependant, ses caresses sur les cicatrices de l'orpheline. Finalement, cette dernière murmura :
« Je suis toute mouillée.
— J'espère bien, répondit la veuve dans un rire doux. Car moi aussi. »
Elle sentit la serveuse se détendre dans ses bras, mais, comme toujours avec Emma, elle savait que la conversation n'était pas terminée. Elle continua ses effleurements, provoquant peu à peu l'accélération de la respiration de la barmaid :
— « Fais-le-moi oublier.
— Je te le promets.
— Je... Est-ce que tu te mettrais nue pour moi ? »
Regina ne répondit pas à la question, préférant doucement décaler la jeune femme blonde pour l'inciter à s'allonger sur le dos. La militaire se mit ensuite debout pour se déshabiller entièrement, lutinée par le regard désireux de la serveuse. Celle-ci, à son tour, ôta son bas de pyjama.
Nues dans l'aube qui tentait de s'éveiller, elles s'observèrent attentivement. La veuve se rapprocha lentement du lit, se glissa légèrement sur le corps de son amante, ses yeux rivés aux siens, attentive à ne pas plaquer celle-ci sur les draps, attentive à ce que l'orpheline ne se sentît pas prisonnière.
Elles frémirent au contact de leurs peaux se frôlant. Toujours plongée dans les prunelles aigue-marine, la négociante murmura :
— « Regarde-moi, Emma. Regarde-moi t'aimer comme tu aurais toujours dû être aimée. Laisse-moi sentir tes mains caresser mes cheveux, laisse-moi sentir tes doigts se mouvoir sur mon corps tandis que j'honorerai le tien. »
Elle cueillit une larme perlant sur les cils blonds, avant de descendre lentement sur le visage pâle qu'elle parsemait de baisers légers. Telle une plume soyeuse, elle survola furtivement le cou de son amante, qui tressaillit, cherchant la clavicule où la commerçante savait trouver une première cicatrice.
Elle y passa une langue curieuse, en suivit de la pointe le chemin tortueux, tandis que son index droit remontait lentement la longue balafre traversant le ventre de la serveuse, qui frissonna. Ignorant les seins, la militaire saupoudra de ses lèvres une autre entaille, laissant sa main courir sur un stigmate différent. Remontant, elle embrassa chaque brûlure de cigarette qu'elle trouva, les léchant, les respirant, les cajolant, respectant chaque tressautement de la barmaid.
Trouver de nouvelles infamies ne fut guère difficile. Il y avait tant de marques sur le corps d'Emma, tant de souillures à parcourir, tant de flétrissures à étreindre, tant de méandres blessés à effacer de mille et une manières, — doigts, lèvres, nez, caresses, effleurements, titillements —, mais Regina ne s'en lassait pas, perdue et éperdue dans les palpitations de l'orpheline, ses gémissements, ses ondulations, à l'affût de chaque signe du plaisir grandissant de son aimée.
Lorsqu'elle sentit la jeune femme blonde prête à s'ouvrir totalement, la militaire s'approcha des seins de celle-ci. Elle souffla délicatement dessus, saisit le bourgeon dressé de l'un d'entre eux tandis que ses doigts courtisaient l'autre. La manière dont Emma attrapa ses cheveux pour la plaquer plus profondément fit sourire intérieurement la veuve. Elle leur accorda toute son attention, restant cependant toujours délicate dans sa manière de les flatter, les suçant avec tendresse et précision, les caressant d'un doigt ou d'une main, les léchant pleinement ou légèrement, réagissant à chaque pulsation, à chaque bruissement de sa dulcinée.
L'orpheline se cambra subitement contre la jambe de la veuve, y laissant les traces humides de son contentement. Laissant ses mains cajoler la poitrine de la barmaid, la négociante se glissa lentement vers le clitoris de son amante. Là encore, elle souffla doucement dessus, humant la moiteur océane de la serveuse, alternant brèves et longues bouffées, faisant frémir son amante.
Enfin, elle y posa la pointe fine d'une langue, qu'elle passa très lentement sur chaque lèvre, afin d'en déloger la perle gonflée. Elle s'en saisit tendrement, élégamment, la savoura délicieusement, la lécha, la suçota, l'absorba, heureuse de la cyprine qui s'écoulait, heureuse des balbutiements de sa bien-aimée, de ses mains serrant fougueusement ses cheveux, de ses jambes enserrant ses épaules. Malgré l'humidité abondante qui s'en échappait, elle ne s'approcha pas de son vagin, un jour peut-être, mais certainement pas aujourd'hui.
Emma soudain attrapa le visage de Regina pour la remonter contre son torse, s'emparant de la bouche pulpeuse, gémissant en la sentant si mouillée et si pleine d'une odeur et d'un goût qu'elle ne connaissait pas mais qui venait pourtant de son propre corps. La militaire glissa immédiatement sa main entre les cuisses de sa guerrière, se faufilant jusqu'au clitoris de celle-ci, qu'elle caressa d'un index, puis d'un majeur impérieux.
L'orpheline sursauta brusquement, se tortilla sous les assauts attentionnés de son amante, relevant sa jambe contre le sexe tout aussi ruisselant de la négociante, qui continuait de choyer, d'aduler, d'exciter le joyau dur et bombé de la barmaid, prise de soubresauts et de tremblements saccadés. Étreignant vivement la commerçante contre elle, la serveuse se cambra à plusieurs reprises, exprimant sa jouissance en un long cri silencieux, protégée par le corps ardent de sa reine, qui jouit à son tour.
De longues larmes brûlantes s'écoulèrent des yeux de la jeune femme blonde, qui se blottit encore plus fort contre la militaire, qui elle-même l'encercla en une ultime protection, la laissant pleurer tout en la rassurant.
Emma ne savait pas pourquoi elle pleurait. Des millions d'étoiles s'entrechoquaient dans son corps irradiant. Tout ce qu'elle voulait était que Regina ne la lâchât pas, qu'elle la serrât contre elle le plus fort possible. Comme si elle avait deviné les pensées de la serveuse, la jeune femme brune l'enlaça amoureusement contre son torse.
La barmaid peinait à retrouver le fil de ses pensées. Au début, elle avait suivi les conseils de sa reine, la regardant tandis que celle-ci embrassait son cou. Elle avait compris ce que tentait de lui dire la négociante : aucune image de Neal ne viendrait la troubler si elle se concentrait sur la commerçante. Mais très vite, elle avait dû fermer les yeux, se contentant de toucher la douce chevelure de son amante. La jeune femme brune s'était en effet emparée des cicatrices dont l'orpheline avait si honte.
Emma n'aurait pas su dire ce que Regina avait fait : les stigmates si douloureux s'étaient transformés en un enchevêtrement de plaisirs indicibles, quelque chose qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant, qui l'avait transpercée, l'obligeant à fermer les yeux tant les sensations qu'elle éprouvait l'envahissaient entièrement alors que des volutes de chaleur se répandaient dans chacune de ses veines.
Elle n'aurait pas su dire, également, à quel moment elle avait perdu le contrôle, à quel moment son corps s'était étiré au point de ne plus en sentir les limites, à quel moment son unique pensée était devenue : « Mon dieu, Regina, ne t'arrête pas », un comble pour quelqu'un comme elle qui ne croyait nullement en un quelconque dieu et qui considérait que les religions n'étaient qu'un moyen de faire taire le peuple.
Tout comme elle n'aurait pas su dire à quel moment elle s'était sentie si belle, si adorée, si honorée par les lèvres, les doigts, les mains de son amante qu'elle ne pouvait que désirer s'offrir, s'offrir et s'offrir plus encore aux caresses de la militaire.
Longtemps après, une fois que ses tremblements et que ses larmes se fussent calmés, une fois qu'elle se sentît moins troublée par cette étrange plénitude, dans la sécurité infinie des doux bras de son aimée, l'orpheline murmura :
— « Je t'aime à l'infini ».
Alors qu'elles s'endormaient, toujours blotties l'une en l'autre bien que Regina eût pris la peine de les couvrir afin qu'elles n'eussent pas froid, Emma pensa que ce n'était qu'un commencement, qu'elle avait à peine appréhendé ce que signifiait « faire l'amour » et qu'à son tour elle désirait explorer le corps de sa reine si magnifique pour lui rendre ce cadeau, qui serait à jamais indicible.
Ce cadeau avait le goût merveilleux de la vie et l'avait définitivement transformée de « vilain petit canard » en un magnifique cygne.
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