Chapitre 6

Dao.

Je m'endors sans pouvoir m'empêcher de penser que je ne suis qu'à quelques mètres de Meng. Quel dommage qu'Issam soit là, j'aurai peut-être pu tenter une approche. Je souris à cette idée, serais-je en train d'avoir un crush sur lui alors que je ne le connais que d'aujourd'hui ? Pourquoi pas un coup de foudre aussi ? Je me désespère de mon propre cœur qui visiblement ne s'est pas intéressé à quelqu'un depuis trop longtemps et s'emballe un peu vite.

Je m'endors bien plus difficilement que d'habitude, mon corps ne comprenant sûrement pas ce changement de rythme.

Mon réveil résonne durement à mes oreilles, je m'empresse de l'éteindre pour ne pas trop secouer mes colocataires. Il est seulement cinq heures du matin mais la lumière du jour filtre déjà à travers les rideaux, j'écarquille les yeux quand mon regard se pose sur le lit de Meng. Visiblement, Issam l'a rejoint pendant la nuit et ils dorment profondément, calés l'un contre l'autre.

Ils seraient donc ensemble ? Dommage pour moi. Je soupire, encore un coup loupé. Mais bon, ils sont mignons tous les deux, ensemble, je n'y peux rien. Peut-être que je m'imagine des choses ? Mais je connais peu de gars de dix-neuf ans qui rejoignent le lit de leurs potes en pleine nuit juste « comme ça ». Je secoue la tête pour me sortir de mes pensées, m'habille et vais faire ma toilette sans bruit, je suis plutôt doué pour être silencieux, il n'y a pas de raison que je les réveille.

J'attrape mes trois sacs préparés la veille. Aujourd'hui, je ne suis pas censé travailler mais j'aimerai discuter d'un passage du script avec le producteur, je passerai donc à l'agence entre midi et deux. Puisque je n'ai pas été à la salle de sport hier soir, j'ai décidé d'y aller ce matin, faire du sport, c'est ce qui me détend et oui, quoi qu'on puisse en dire, le physique a son importance quand tu travailles dans ce milieu. Je quitte donc la chambre sans un bruit après avoir attrapé mes clés de voiture, les gars m'ont dit qu'ils allaient à l'université à pieds, c'est vrai que ce n'est pas loin mais je suis obligé de prendre ma voiture car je n'ai pas le temps de repasser au dortoir à chaque fois.

J'arrive à la salle de sport à cinq heures trente tout juste passés, elle est ouverte 24h sur 24h, un gros avantage. Je l'ai choisi pour ça et son emplacement, pile entre la faculté et l'agence. Il n'y a presque personne à cette heure-là et je peux utiliser toutes les machines que je souhaite à ma guise, c'est bien plus agréable que le soir où tu dois parfois patienter un quart d'heure avant de pouvoir faire ce que tu veux.

Meng.

La sonnerie de mon téléphone nous fait entrouvrir les yeux. Je me dépêche de l'éteindre avant de réveiller Dao, il est six heures cinquante, nous avons mis le réveil plus tôt pour que Issam regagne son lit avant que Dao ne nous voie. Je pousse mon ami avec difficulté.

« 'Sam, retourne dans ton lit, il est presque sept heures. Ou lève toi carrément, c'est encore mieux.

Il grommelle mais s'exécute et se dégage du lit. Je me renfonce dans les draps, sans aucune motivation.

- Oups, lâche Issam, soudainement et à voix haute.

- Quoi ? je m'étonne en me redressant.

- Dao est déjà parti, on est cramé, avoue-t-il en me désignant le lit fait du garçon.

Je me lève en râlant après la terre entière.

- Ah bah c'est malin, il doit croire qu'on est un couple maintenant !

- Désolé d'avoir brisé ton coup, ricane Issam.

- Il en faut plus que ça pour ça mais bon, comment on va lui expliquer la chose ?

- Bah, on va vivre avec lui pendant minimum un an et peut-être bien plus, jusqu'à la fin de nos études alors on peut bien lui dire la vérité.

Je lui offre un regard étonné, d'habitude Issam déteste parler de ce genre de chose. Seul moi, sa famille et Malee, sa meilleure amie, sont au courant.

- Tu es sûr ? Je te rappelle que tout ça ramène à des choses illégales et qu'il est acteur, il pourrait avoir peur pour sa réputation.

- Comment tu veux le cacher à quelqu'un qui vit avec nous ? Si cela ne lui plaît pas, tant pis, au moins il ne pourra pas nous reprocher de lui avoir caché. J'ai galéré avec Maxime pendant trois mois pour qu'il ne le sache pas et les choses ont empiré.

- Je suis désolé ne pas avoir été là pendant trois mois.

- Arrête, tu venais me voir presque tous les week-ends alors que le trajet est long et cher ! Tu en fais déjà bien trop pour moi, je ne suis plus un enfant.

- Hm.

- Bref, si Dao s'interroge, je lui dirai...ou tu lui diras, plutôt ?

- Ce n'est pas mieux de le faire toi-même ?

- Tu sais bien que j'ai dû mal à en parler, je veux bien qu'il soit au courant mais je n'ai pas envie de fondre en larmes devant lui. Cela étant, tu es aussi fortement concerné dans l'histoire alors il faut que tu sois d'accord pour le lui dire.

- J'assume mes erreurs et mes choix, on lui dira quand on trouvera le moment. »

J'accepte de m'y coller à contre-cœur et nous nous préparons pour les cours. Nous mangeons une pomme et un morceau de brioche nature comme tous les matins, depuis des années. Je remarque que la nourriture n'a pas bougé depuis hier soir, Dao ne mange pas le matin ? Il est tellement fin que l'idée ne me surprend pas. Pourtant il semble musclé, comment est-ce possible d'être à la fois si musclé et fin ? Je suis admiratif, je devrais me mettre à la salle de sport aussi mais le prix d'un abonnement me refroidi. Autant aller courir une ou deux fois par semaine, pour dire, ou utiliser les équipements de cet endroit.

Il n'a pas laissé de petit mot mais m'a envoyé un message pour prévenir qu'il était à la salle de sport. Où a-t-il trouvé le courage de se lever à cinq heures pour aller transpirer ? Un mystère pour moi, pour Issam aussi visiblement vu le visage ébahi qu'il m'a offert lorsque je lui ai dit.

Nous finissons de nous préparer et prenons la direction de l'université, à pieds. Ce n'est qu'un à un peu plus d'un kilomètre, il serait ridicule de prendre la moto pour si peu. Nous avions l'habitude de marcher trois kilomètres le matin et le soir pour aller au collège.

Les cours commencent à huit heures et nous sommes un peu en avance, nous nous installons donc sur un rebord en pierre dehors, devant l'entrée, pour patienter loin de la foule d'étudiants.

« Tu ne crois pas qu'on devrait payer un petit restaurant ou un truc à Dao pour nous avoir sauvé la mise pour la chambre ? je propose.

- Pourquoi pas, on lui demandera quand il est libre, ça nous fera une sortie.

- Ouais.

- Du coup, tu comptes le draguer ?

- Hm, je ne sais pas. Il est beau, mon style et sympa donc j'ai envie de dire oui...mais il a vraiment l'air de venir d'un autre monde, genre le concept d'avoir des fans et tout, c'est bizarre.

- Tu pourrais devenir une personnalité publique si tu sors avec lui !

- C'est justement la dernière chose que je veux ! Je n'aime pas ça, afficher ma vie ou quoi, puis je ne sais pas, avoir un mec qui attire tous les regards autant les filles que les garçons, ça doit être épuisant mentalement.

- J'avoue. Tu verras au feeling.

- Ouais. »

Dao apparaît au même moment dans mon champ de profil, je lui fais un petit sourire et il se dirige aussitôt vers nous. Il a vraiment une démarche parfaite, elle en devient fascinante, son regard est droit, ses pommettes saillantes et ses mèches brunes lui tombent dans les yeux, donnant un petit côté plus rebelle, ses lèvres bien roses sans la moindre fissure. Le stéréotype du beau mec asiatique, il n'y a vraiment rien à redire. J'ai vu du maquillage dans la salle de bain alors je devine qu'il n'est pas tout à fait au naturel mais tout de même, même avec une grosse dose de fond de teint, peu de personnes ont une aussi belle peau.

« Salut, les gars.

- Salut !

Je sens qu'Issam est un peu gêné, sûrement à l'idée qu'ils nous aient surpris ce matin. Il faisait bien le malin tout à l'heure, pourtant.

- Je ne vous ai pas réveillés ce matin ?

- Non, du tout, ne t'inquiète pas.

- Je ne suis pas gay, lâche Issam soudainement, nous surprenant tous les deux.

Je le fixe et éclate de rire tandis que Dao semble réfléchir à comment réagir.

- Je crois que Issam a peur que tu nous prennes pour un couple, je m'amuse.

- Ouais, voilà.

- Tu as dû être surpris ce matin, alors comme ça, c'est clair. Issam aime les filles, et je ne suis pas une fille, je plaisante.

Dao retrouve son sourire, et rit légèrement.

- Je vois, je vois. J'avoue que je me suis posé la question.

- Ouais, je t'expliquerai pourquoi plus tard si tu veux, affirme Issam ».

Il opine poliment, ne voulant sûrement pas avoir l'air impoli s'il insiste et nous rentrons à l'intérieur le cours va bientôt commencer. Dao rentre le premier et part s'asseoir au fond de la classe comme à son habitude, nous échangeons un regard entendu avec Issam et je vais m'installer à côté de lui. Il affiche un air d'abord surpris avant qu'un sourire ne se dessine sur son visage. Les gens nous regardent drôlement et je devine que les ragots vont aller bon train ensuite, il suffira de dire que nous sommes désormais colocataires pour les stopper, je l'espère. 

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