Chapitre 13

Dao.

En plein milieu du passage que j'emprunte toujours pour me rendre aux bâtiments, cinq filles m'attendent, il est facile de reconnaître qu'elles sont des fans puisqu'elles se mettent à sourire exagérément et rirent nerveusement entre elles lorsqu'elles m'aperçoivent. Elles ont l'air gentilles et j'ai un peu de temps libre encore.

« Dao ! m'apostrophe l'une d'entre elle quand je me rapproche.

Comme si je n'avais pas deviné qu'elles voulaient me parler, je m'amuse.

- Oui ? Bonjour.

- Est-ce que tu voudrais bien faire quelques photos s'il-te-plaît ? On est au lycée pas loin mais on voulait te voir alors...

Je leur offre un sourire, elles ne sont pas du tout hystériques comme certaines parfois mais plutôt timides. J'aime beaucoup ce genre de fans, c'est souvent avec eux que tu peux discuter le plus facilement.

- J'espère que vous ne séchez pas de cours ?

- Non, vraiment ! Ma grande-sœur est dans ta promo et elle nous a donné son emploi du temps alors nous sommes venues dès que nous le pouvions.

- Merci beaucoup, ça me fait plaisir. Pas de problème pour les photos.

Elles sortent leur téléphone et je prends une photo avec chacune d'elles.

- Merci !

- Merci à vous de me soutenir, vous avez besoin d'autre chose ?

- Non du tout, on ne veut pas te déranger plus, tes amis t'attendent.

Je me retourne pour découvrir Issam et Meng, qui patientent tranquillement à quelques pas.

- Je ne les avais pas vu. Je vous laisse alors, à une prochaine les filles. »

Je leur un signe de la main tandis qu'elles s'éloignent à toute vitesse, toutes rouges et criant tout de même un peu. Je crois que rien ne peut me rendre plus heureux que de réussir à faire sourire les gens, cela récompense vraiment le travail derrière. Une fois qu'elles ont disparues, je vais vers les garçons et ignorent leur petit air moqueur.

« Vous êtes là depuis longtemps ?

- Le départ, on s'apprêtait à t'appeler quand elles t'ont arrêtées.

- Désolé, je n'ai pas fait gaffe.

- N'empêche, quel succès !

- C'était juste cinq lycéennes, n'abusez pas.

- « Juste cinq lycéennes », que tu es humble.

J'ignore leur plaisanterie en secouant la tête, il ne sert à rien de lutter contre ces deux idiots.

- Au fait, votre réunion de ce matin c'est bien passé ?

- Hm, plutôt bien.

- C'était pour quoi ?

- Ils ont appris pour notre business, on a flippé mais finalement, ils nous laissent gérer tant que cela n'atteint pas l'université.

- Vraiment ? Ils ont été super compréhensifs.

- Ils ont surtout compris que ce n'était pas un choix et que ce serait dégueulasse de leur part de gâcher notre avenir à cause d'un mauvais héritage. »

J'opine et nous entrons enfin dans l'amphithéâtre où se tient le cours suivant. Je suis en pleine forme, les sushis de ce midi m'ont requinqué et je n'ai aucune envie de m'asseoir sur une chaise, je préférerais mille fois aller courir un peu. A contre-cœur donc je m'installe.

« Ça ne va pas ? s'inquiète Meng en voyant ma mine déconfite.

- J'ai envie d'aller courir mais on est coincé ici.

- Tu veux qu'on y aille ensemble après les cours ? On finit plus tôt que prévu, le dernier prof n'est pas là.

- Sérieux ?

- Tu n'as pas reçu la notif' ?

- Non ! Tu me refais ma journée, là.

- On se fait ça alors ?

- Oui, grave. »

Je me sens tout de suite mieux et décide de me concentrer plus sérieusement sur le cours puisque que c'est là le dernier que j'ai. Meng rit de mon changement d'humeur soudain.

Meng.

Une fois notre cours terminé, nous repartons tous les trois à l'appartement. Je me change, Dao fait de même et nous abandonnons Issam pour aller courir.

« Tu comptes aller au bar ? j'interroge avant de passer la porte.

- Oui, vérifier les malades. Tom m'a envoyé un message, cinq seraient touchés, Juliana et quatre mecs.

- Merde, ça va se sentir.

- Ouais, on verra comment faire sur le moment, demain soir. Pour l'instant, je vais aller leur acheter des médicaments et de la nourriture un peu meilleure que les trucs qu'ils mangent d'habitude.

Je fais aussitôt demi-tour, attrape quelques billets dans mon portefeuille pour les lui donner.

- Partage les frais entre nous deux. A tout à l'heure.

Je souris à Dao et nous sortons enfin. Alors que nous dévalons les escaliers, il ne résiste pas à l'idée de poser des questions.

- Pourquoi ils sont malades ?

- Un client a refilé un gros rhume à une fille, ils vivent en communauté et pas forcément dans les meilleures conditions d'hygiène alors ça circule vite.

- Je vois, ce n'est rien de grave ?

- Non, j'espère juste que l'on aura assez de danseurs demain soir.

- Parce-que c'est samedi ?

- C'est ça. D'ailleurs, nous ne sommes jamais là le samedi soir avec Issam, nous rentrons souvent au milieu de la nuit, il y a le double voire le triple de personnes que la semaine alors nous préférons rester sur place.

- Il n'y a pas des personnes pour gérer tout ça ? Vous n'avez pas d'employés en dehors des...

Il s'arrête sur le mot, ne sachant pas comment le dire poliment.

- En dehors des hôtes ? C'est comme ça qu'on les appelle.

- Oui.

- Si, bien sûr. Il y a Tom le barman et sous-gérant. Nous avons quatre membres de la sécurité dont minimum deux sont présents chaque soir, des « compteurs » qui surveillent les clients et calculent leur addition en fonction des services qu'ils veulent, des serveurs, une secrétaire pour l'hôtel, deux gardiens de nuit en plus et des agents d'entretien pour nettoyer le bar et l'hôtel la journée.

- C'est beaucoup.

- Un business ne peut pas tourner seul, peu importe de quel genre il est. Tu devrais le savoir ! Dans ton milieu aussi, il doit y avoir beaucoup de staff.

- C'est vrai.

- Bon, assez parler, allons-y. »

Cela ne me dérange pas d'en parler avec lui, je veux construire une relation de confiance mais j'ai toujours l'impression de mentir un petit peu et je n'aime pas ça. Nous commençons à courir, je comprends vite que mon rythme est un peu plus élevé et me cale plutôt sur le sien, il faut dire qu'il est bien plus fin que moi, mes épaules sont énormes à côté des siennes.

Nous courons une bonne heure puis il finit par s'arrêter d'un coup. Je stoppe aussitôt.

« Désolé, j'en peux plus, halète-t-il.

- Idiot, tu aurais dû le dire plutôt. On peut rentrer en marchant.

- Faisons une pause déjà.

Nous sommes juste à côté des petites échoppes.

- On fait un tour entre les étals tranquillement ? Je n'ai pas mon porte-monnaie, c'est juste pour regarder.

- Hm ok, au pire, j'ai le mien. »

Nous nous mêlons donc à la foule malgré notre transpiration. J'ai toujours aimé l'ambiance des échoppes de rue et ce qu'ils proposent. Si Dao a de l'argent, on peut peut-être prendre de quoi manger ce soir, je le rembourserai après. Nous nous décidons d'ailleurs bien vite pour des brochettes de viande et des barquettes de frites maison. Peu équilibré, nous prenons quelques radis pour rattraper le coup avant de rentrer en marchant tranquillement. Je m'en veux un peu de l'avoir fait tant courir, il a mis un moment à s'en remettre, je ferais attention la prochaine fois à ralentir la cadence.

Nous arrivons à l'appartement, Issam n'est pas encore rentré. Je l'appelle, il est en train d'attendre le bus pour rentrer. Je commence donc à préparer le repas pendant que Dao apprend ce que je devine être un énorme script. Lorsque Issam passe la porte d'entrée, j'ai fini de préparer les légumes et le micro-onde sonne pour nous dire que les plats sont réchauffés, nous nous installons donc tous les trois à table.

« Alors ?

- Juliana va mieux mais je la laisse au repos. Lilian a juste un peu de toux, il va danser quand même sauf si ça s'aggrave mais je lui ai interdit d'avoir un client pour la nuit. Alexis et Damien sont cloués au lit.

- Il n'y a qu'eux qui sont touchés ?

- Ça a l'air, j'ai mis les deux garçons dans une chambre exceptionnellement pour pas qu'ils le passent à d'autres.

- Donc... Pour les danseurs on fait dix et dix ?

- Ouais.

- Si Lilian peut danser on aura pile le compte pour les mecs, croisons les doigts.

- Vous allez faire quoi s'il en manque un ?

Je vais danser.

- On remaniera la chorégraphie je suppose mais ça serait vraiment gênant, surtout un samedi soir.

- Qui leur apprend les chorégraphies ?

Moi.

- Ils se les passent d'anciens en anciens, c'est les mêmes depuis plusieurs années, avant qu'on prenne la suite.

- Oh, je vois. »

Non, non, tu vois pas du tout. Issam me lance un regard d'avertissement, il n'aime pas que je mente et à ma place, il aurait évité le sujet plutôt que de trouver des excuses. Chacun ses techniques. Nous dévorons le repas avec appétit avant de nous mettre au travail, chacun sur son bureau. J'emprunte le bureau de Dao pour qu'il puisse avoir ma place, à côté de Issam et aider celui-ci à comprendre un cours qui le met en difficulté. Issam n'a jamais vraiment écouté à l'école, avant le lycée, alors le retard accumulé le poursuit et il s'en sort toujours de justesse, il espère tout de même réussir à obtenir un diplôme d'étude supérieur pour pouvoir trouver un bon boulot mais aussi pour rembourser mes parents, ce sont eux qui lui payent l'université.

A peine je pense à eux que mon téléphone sonne, je décroche et m'éclipse sur le balcon. 

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