Chapitre 12
Meng.
« On a un problème, j'annonce.
Ils font aussitôt volte-face en fronçant les sourcils.
- Quoi ?
- Juliana est malade, elle l'a choppé d'un client, une sorte de gros rhume et elle l'a refilé à plusieurs hôtes. Elle est clouée au lit depuis hier et j'ai peur que d'ici demain, elle ne soit plus la seule.
- Merde ! Elle ne pouvait pas faire gaffe ? s'énerve Issam.
- Ne lui en veut pas, elle a besoin d'argent comme tous les autres. D'ailleurs, s'il-te-plaît, ne la pénalise pas sur sa paye, elle n'a pu avoir qu'un seul client dans la semaine à cause de ça.
- Tu sais que ce n'est pas mon genre mais ça fait chier quand même, si on a plusieurs malades un samedi soir, les absents vont se faire sentir.
- Si on manque vraiment de monde, je danserai. Mais j'espère qu'on aura assez d'hôtes.
- Je n'aime pas quand tu danses.
- Ce n'est qu'une danse, je ne couche avec personne. On verra bien, peut-être que je me fais des idées et qu'ils seront tous en pleine forme.
- Je l'espère. Aide-nous à finir, s'il-te-plaît et après on file à l'université pour manger. »
Je me mets donc à la tâche, le salaire des hôtes est calculé en fonction du nombre d'heures passées dans le bar, le nombre de clients et le temps qu'ils passent avec eux. Les clients payent les coups, leur table, ils doivent aussi payer s'ils veulent que l'on envoie des filles ou des garçons à leur table et pour finir, la chambre d'hôtel s'ils restent dormir. Les pourboires touchés par les hôtes leur appartiennent mais les salaires ne sont pas très élevés.
Pour être honnête, Issam et Tom sont les seuls à avoir des salaires décents. Je descends toujours le mien au maximum, j'ai des parents pour me soutenir financièrement alors je préfère offrir l'argent à ceux qui en ont besoin. Je touche un peu plus quand je danse mais c'est toujours par nécessité quand nous manquons de danseurs et je ne fais rien de plus. Enfin, plus maintenant ou seulement lorsqu'il s'agit de clients très spéciaux.
Dao.
Je pousse la porte de mon agence, j'ai déposé les garçons il y a déjà une heure mais j'avais des courses à faire. Du maquillage, essentiellement, une nécessité dans mon métier.
« Bien le bonjour jeune homme, me souhaite Jérôme quand j'arrive dans la grande salle. »
Il m'offre une accolade amicale avant de m'expliquer le programme de la matinée. Nous n'allons pas tourner mais seulement travailler le script avec les acteurs et faire un petit vlog des coulisses. Jérôme est à mes côtés depuis mes débuts, c'est un bon manager, à l'écoute et compréhensif, je peux tout lui dire.
Je pars me changer pour enfiler un tee-shirt à l'effigie de l'agence marqué « acteur », comme chaque fois que nous filmons les coulisses. Je n'ai pas besoin de passer au stand coiffure ou maquillage aujourd'hui mais je vérifie tout de même mon visage dans la glace. Toujours se montrer sous son plus beau jour.
« Arrête de te fixer comme ça, on sait que tu es beau, se moque Fabian en apparaissant derrière moi.
C'est mon « partenaire » dans cette série. Nous sommes un couple secondaire mais nous avons tout de même une intrigue assez importante, nous sommes aussi les amis proches des personnages principaux. Nous n'avons pas beaucoup de scènes de couples mais nous sommes ensemble dans la plus grande partie. Je l'aime bien, on s'entend à merveille et il n'y a pas d'ambiguïté ou de gêne, c'est le plus important pour ce genre de rôle.
- Tu es bien plus beau que moi, laisse-moi essayer de te rattraper !
- Quelle modestie, toutes les filles tombent pour toi, les mecs aussi, d'ailleurs. »
Nous rejoignons la pièce du workshop en riant ensemble sur des sujets légers. Je ne parle pas de ma vie privée au travail sauf à Jérôme, alors on me décrit souvent comme le mec sympa mais mystérieux. Je n'aime juste pas ça et j'ai vu trop d'acteurs à la carrière gâchée car leur vie personnelle s'en était mêlée. Je ne veux pas faire la même erreur.
Nous répétons nos textes pendant une bonne heure, je n'ai pas tellement de choses à dire dans cette partie alors c'est vite réglé pour moi. Finalement nous passons aux photos, d'abord à quatre, plus photos de groupes d'amis et ensuite photos de couple avec Fabian. Elles ne sont pas pour un magazine ou quoi, juste pour les réseaux sociaux de l'agence et je suppose qu'ils vont nous demander de les poster sur les nôtres aussi, donc rien de trop formel ou trop exigeant.
Une fois cela enfin fini, et cela m'impressionnera toujours autant de voir à quel point le temps peut filer vite lorsque nous prenons des photos, on nous relâche. Cette après-midi, ils tournent des scènes où je ne joue pas. J'aime aussi beaucoup le fait que dans cette agence, ils essayent au mieux de s'adapter à nos emplois du temps, évidemment ce n'est pas toujours possible, surtout pour les acteurs principaux mais ils s'échinent vraiment à nous faire louper le moins de classes possibles, il faut dire que nous sommes tous étudiants.
« Dao, tu as cours à quelle heure ?
- Quatorze heures, j'ai encore pas mal de temps, pourquoi ?
- On mange ensemble ? Je t'invite.
- Oh, tu sais que je t'aime, Jérôme ? Mon manager préféré de tous les temps !
- C'est ça, c'est ça, aller prends tes affaires et on file. »
Je vais me changer pour remettre mes vêtements à l'arrivée, dis au revoir à tout le monde avant de le rejoindre dans le hall d'entrée. Nous marchons jusqu'au centre commercial voisin et nous nous décidons pour un petit restaurant de sushis où nous venons régulièrement.
« Alors, tes nouveaux colocataires ?
- Ils sont super cools, c'est vraiment plus vivant comme ça.
- Je suis content pour toi, depuis le temps que tu te plaignais d'être seul.
- Oui, ils sont aussi devenus des amis, j'ai l'impression de revivre.
- Ils acceptent ton job et tout ?
- Ouais, ouais pas de problème. D'ailleurs l'un des deux est plutôt mignon et bi'.
- Donc tu as réussi à dénicher des colocataires, des amis et un copain en même temps ? Comme quoi, tout peut arriver.
- On est encore loin de ce stade, en fait, j'ai besoin de ton avis là-dessus.
- Comment ça ?
- Ils sont les propriétaires d'un bar/hôtel qui est un bordel pour faire court, j'explique à voix basse.
- Pardon ?
- Ils en ont hérité, ils ne l'ont pas choisi, ils ne font que gérer l'administratif et ils aimeraient le vendre, ils attendent de trouver un bon acheteur.
- Wow, ça craint quand même.
- Tu crois ?
- Si ça venait à se savoir, ça abimerait ta réputation, c'est certain, même s'ils ne gèrent que le côté papier. Tu en sûr de ça, d'ailleurs ?
- Ils me l'ont assuré.
- Tu leur fais confiance ?
- Oui.
- Bon, je suppose que s'ils ont dit la vérité, ça va. Il n'y a pas de raison que les gens l'apprennent ou que ça te touche, dans le pire des cas, tu pourras protester ne pas être au courant. En revanche, pour ce qui est de ton crush, prend le temps d'y réfléchir, les fans sont très curieux envers les relations de leurs acteurs favoris, tu le sais, ils pourraient fouiller.
- Je sais bien, je vais voir quoi faire.
- Ensuite, tu ne dois pas te rendre à leur travail sous aucun prétexte, ok ?
- Oui, bien sûr, je n'y comptais pas.
- Quand je dis ça, je parle aussi juste de les déposer devant ou quoi, tiens-toi le plus loin possible de ça.
- Je te le promets.
- Fais bien attention à toi, ta carrière débute juste et tout est encore très fragile. Je ne veux pas que tu gâches ton avenir à cause de quelqu'un d'autre.
- Je ne pense pas, ils m'ont dit qu'ils comptaient me tenir le plus éloigné possible de leur business.
- C'est le mieux. Pour le garçon qui te plaît, comment s'appelle-t-il ?
- Meng.
- Pour Meng, prend ton temps, essaye de voir si cela en vaut vraiment le coup. »
J'acquiesce et nous nous taisons le temps que le serveur dépose nos plats. Nous redémarrons la discussion sur un sujet plus léger. Cette histoire m'a trotté dans la tête toute la nuit. Je ne m'attendais pas ça, ce genre de chose, c'est si lointain, si éloigné de mon monde, je ne pensais pas un jour m'en rapprocher. Néanmoins, je suis persuadé que je peux compter sur eux.
Je pense qu'ils ne m'ont pas tout dit, d'ailleurs ils n'ont pas évoqué leur proximité ni comment ils se sont retrouvés avec ce bar sur les bras, les parents de Issam sont-ils décédés ? Je l'imagine mais j'ignore la cause. J'en apprendrai peut-être plus au fil du temps, ou peut-être que moins j'en sais, mieux c'est ? Ils doivent penser ainsi.
Pour ce qui est de Meng, cela faisait si longtemps que je ne m'étais pas intéressé à quelqu'un et encore plus, qu'une personne ne s'était pas montrée assez réciproque. Je préfère laisser les choses se faire d'elles-mêmes et ne pas trop penser au reste, si nous restons chacun dans notre monde, ils ne devraient pas y avoir de problème même si nous nous voyons, non ?
Je soupire, est-ce que j'idéalise trop les choses ou au contraire, est-ce que j'en fais trop ? Jérôme voit bien que cette histoire m'occupe l'esprit et il s'évertue à parler d'autre chose pour me faire changer les idées. Il réussit plutôt bien puisque une fois de retour à l'université, je me sens bien plus détendu.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top