Dao.

Je viens de finir le travail, il est minuit passé. Je suis épuisé. Mes paupières sont lourdes et mon manager regarde d'un mauvais œil le fait que je prenne le volant pour rentrer chez moi. Je le rassure comme je peux, promettant de conduire PRUDEMMENT. Je n'ai qu'une envie, dormir.

Après vingt minutes de route où il m'est difficile de rester concentré, j'arrive enfin devant mon dortoir, encore éclairé. J'attrape mes trois sacs, le premier est pour les cours, le deuxième pour le sport et le troisième pour le travail, avant de monter à ma chambre, évidemment, il n'y a pas d'ascenseur. Je glisse ma clé dans la serrure et rentre d'un pas mécanique.

Ma chambre est très grande pour la simple et bonne raison qu'il y a trois lits, trois bureaux, trois armoires. Mais je suis seul. A cause de mon travail, les gérants du dortoir ont jugé bon de ne m'offrir des colocataires que si toutes les autres places sont occupées. Je n'ai jamais demandé ce traitement de faveur, au contraire... Cela pourrait peut-être m'aider à me faire des amis. Mais il semble que la vice-directrice suive mes séries et mes réseaux et qu'elle soit persuadée de bien faire, s'en plaindre serait vraiment malpoli.

Je prends une douche chaude, enfile un pyjama et m'installe à mon bureau, j'ai des devoirs à faire pour l'université. Heureusement, la douche m'a quelque peu réveillé et je vois plus clair, je travaille une bonne heure avant de me décider à rejoindre mon lit, lorsque je manque de m'effondrer de fatigue sur mon bureau. La plupart du temps, c'est pareil, je ne vais me coucher que lorsque j'ai atteint ma limite, les journées sont trop courtes pour gâcher la moindre minute.

Je suis à l'université depuis trois mois mais je tournais déjà dans de petites séries quand j'étais au lycée. Cette année, cela devient plus sérieux, on m'a déjà proposé deux rôles importants, un que je joue en ce moment et l'autre qui viendra ensuite. J'ai toujours adoré être acteur et je suis vraiment chanceux d'avoir pu débuter si tôt, je me dis que j'ai encore des années devant moi pour me faire connaître et grandir, que je n'ai pas à m'inquiéter de l'argent pendant mes études car cela paye un peu mieux qu'un simple job étudiant. Néanmoins, le rythme est effréné et il est parfois dur de tenir le coup.

J'aime mes études, j'aime mon travail, j'ai la chance de pouvoir poursuivre les deux et je devrais en être parfaitement comblé. Cependant depuis ma rentrée ici il me manque quelque chose. L'amitié. En effet, dans mon lycée, j'avais plusieurs amis qui me connaissaient d'avant que je me lance dans le show-business et avec qui j'étais plutôt proche. Mais nous nous sommes séparés après le diplôme, ils sont tous les trois partis sur un autre campus, plus proche de notre ancien lycée, alors que j'ai décidé de venir ici, il y a les options que je souhaite et c'est plus près de mon agence aussi.

Le premier jour de la rentrée, dès mon arrivée dans le petit amphithéâtre où j'avais rendez-vous, une fille m'a reconnu et a posté sur la page de l'université que j'étais acteur et que j'étais à l'université ici. A cause de ça, tout le monde a très vite été au courant et à part pour me demander des photos, des autographes, des contacts ou des choses de genre, personne n'a osé venir me parler. Je n'ai pourtant pas de fan club ou de groupies derrière moi mais cette réputation semble suffire à tenir tout le monde éloigné.

En quoi être un acteur fait-il de moi une personne inaccessible ? Je ne suis pas non plus une super star ! J'aimerai juste me faire des amis avec qui sortir le soir, comme n'importe quel autre étudiant !

Enfin, je suppose que je n'ai pas le droit de me plaindre, tout le monde est gentil avec moi. Je ne suis pas persécuté ou rien, juste idéalisé.

Il est six heures, mon réveil résonne durement dans mes oreilles, je me suis couché à plus d'une heure du matin, je ne dors définitivement pas assez. Tant pis. Je m'étire, me lève. Je m'habille, une chemise blanche et un pantalon noir comme le veut la politique de l'université. Je coiffe mes cheveux, nettoie mon visage, applique de la crème puis du sérum. Les yeux rouges de fatigue, je me résigne à porter mes lunettes et range mon étui à lentilles dans mon sac de travail, j'en aurai besoin après les cours. Aujourd'hui, je n'ai cours que le matin mais je travaille toute l'après-midi, j'espère pouvoir me coucher plus tôt que hier mais ce ne sera possible uniquement si les professeurs ne m'assomment pas de devoirs et si je n'ai pas de nouveau script à apprendre.

Je m'installe dans un coin isolé de la salle une fois arrivé en cours. C'est un cours optionnel de littérature étrangère que j'affectionne particulièrement autant pour son contenu que pour la professeure, la plus agréable de tous les enseignants que j'ai pu connaître. Comme d'habitude, les dernières places libres sont autour de moi, il doit manquer des élèves car c'est un carré déserté entier qui m'entoure.

La professeure s'apprête à fermer la porte mais on l'arrête.

« Attendez madame !

- Issam, tu n'es presque pas en retard, un record, s'amuse-t-elle en s'écartant pour laisser passer le jeune homme.

- Et en plus, aujourd'hui, j'ai une excuse ! Mon ami est nouveau et on était au secrétariat pour régler les derniers papiers.

Une deuxième silhouette apparaît derrière le blondinet. Un garçon grand et fin, brun avec des yeux verts hypnotisant que je peux distinguer d'ici tant ils contrastent avec le reste de son corps et ses habits. Il est tout à fait mon style. Un petit sourire apparaît sur mon visage à cette pensée.

- Oh, vraiment ? Enchantée jeune homme.

- De même, répond-t-il poliment, visiblement peu à l'aise avec tous les regards sur lui.

- Quel est ton nom ?

- Meng.

- Très bien, bienvenue dans mon cours. Ici, c'est détente, nous sommes peu nombreux puisque c'est une option alors nous en profitons pour travailler au mieux ! Allez-vous asseoir, les garçons. »

Ils opinent et se dirigent vers les derniers emplacements de libre, Issam pousse Meng vers les rangs juste devant moi en m'apercevant. Je peux comprendre la peur d'être jugé comme « celui qui veut profiter de la célébrité de l'autre » ou quelque chose du genre mais plus les jours passent et plus j'ai l'impression que se tenir loin de moi est devenu une règle d'or pour tous les étudiants.

Le cours avance, nous effectuons une traduction d'un extrait issu d'un livre anglais, le but étant de retranscrire au mieux les sentiments dans notre langue. J'aime beaucoup ce genre de choses. Je parle couramment anglais, les langues me passionnent et devoir jouer avec les nuances de celles-ci est d'autant plus amusant.

« Bien, il nous reste vingt minutes, certains vont passer au tableau pour lire un bout de leur traduction. N'oubliez pas que la puissance d'un roman, d'un texte, est aussi lié au lecteur car c'est lui qui donne le ton et se plonge dans l'aventure. Y'a-t-il des volontaires ?

Personne ne lève la main. Cette professeure est adorable et juste mais ce n'est pas pour autant que lire un texte devant tout le monde est devenu quelque chose d'appréciable. Elle soupire, plus amusée par notre mutisme qu'autre chose, attrape la fiche où sont inscrits nos noms, ferme les yeux et fait glisser son doigt au hasard sur celle-ci.

- Oh, ce sera notre star internationale qui va nous faire l'honneur de sa lecture ! s'émerveille-t-elle toujours aussi souriante.

Je regarde ailleurs, espérant vainement qu'elle ne parle pas de moi. Les remarques des élèves sur mon cas sont déjà assez embêtantes alors quand il s'agit d'un professeur...c'est pire !

- Dao, à ton tour, insiste-t-elle en cherchant mon regard. »

En me positionnant face aux autres, je croise le regard curieux du nouveau, Meng. Il doit se demander pourquoi la professeure a appelé « star » le mec seul du fond de la classe. Je commence à lire en me concentrant uniquement sur ma lecture, au bout de quelques lignes, je relève la tête et croise un téléphone. Je fronce les sourcils, la professeure le remarque aussitôt et vient à mon secours.

« Jeune fille, nous sommes en plein cours, tu n'as pas le droit de le filmer ainsi, surtout qu'il n'a jamais donné son accord ».

L'élève en question rougit de gêne avant d'éteindre son portable mais c'est trop tard, d'ici une heure ou deux, la vidéo tournera. Je souris faussement et reprend ma lecture sans nouvelle interruption. J'ai l'habitude d'être filmé, c'est sûr, mais je ne suis qu'un petit acteur et l'être par surprise, sans être au courant dans des endroits tels que des salles de classes, je trouve ça désagréable. Je veux vraiment étudier sérieusement ici et j'ai peur que tous ces babillages nuisent à ma réputation en tant qu'étudiant.

Evidemment, je suis touché d'avoir des gens qui me soutiennent dans mon travail et m'admire, avoir des fans, c'est quelque chose d'incroyable. Même si tu ne les connais pas vraiment, si tu ne les as pas rencontrés en vrai, ils te soutiennent et t'aiment, n'est-ce pas exceptionnel ? Néanmoins, avant de rentrer dans ce milieu-là, et cela s'est fait assez soudainement, j'étais plutôt réservé. Alors être toujours la source de ragots, de rumeurs, être vu comme « différent », c'est dur de s'y faire.

Je me demande comment les acteurs connus font pour supporter ce genre de chose, j'ose me plaindre alors que je ne dois pas subir le quart de ce qu'ils vivent.

Je finis ma lecture et retourne à ma place avec un sourire poli. Avoir un métier dans un milieu pareil donne aussi certaines obligations, la plus importante est d'avoir une bonne image. Le staff, l'agence et tous ceux qui t'entourent s'évertuent chaque jour à te donner de la visibilité, te trouver de nouveaux boulots, de nouveaux projets, tu ne peux pas tout gâcher. Alors sourire, être poli, gentil, respectueux, c'est la moindre des choses à faire en retour. Non pas que je me force à la faire mais c'est certain que la conscience du devoir joue un rôle dans l'image que je renvoie.

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Nouvelle histoire ! J'espère qu'elle vous plaira !
20 chapitres sont déjà écrits. N'hésitez pas à donner vos suggestions pour la suite!
Je m'en suis rendu un peu tard mais dans mon esprit, j'ai imaginé cette histoire prenant place en Thaïlande. Cela ne change pas grand chose mais si vous vous interrogez sur certains points, n'hésitez pas à me demander.
Bonne lecture !
Amandy.