XIII
7 février 2023, 2h45
Je me réveille ayant reçu une contraction dans le ventre. Elle me semble plus forte et plus longue que d'habitude, je ne m'en préoccupe peu étant donné le temps de voiture de la veille et mes nombreux efforts en allant à l'élevage, qui n'est pas très proche de chez nous. Je tourne en rond essayant de trouver une position confortable. Je prends l'oreiller et le retourne pour le faire plus épais, je fais de même avec mon coussin présent entre mes jambes mais, ça n'y fait rien. Une nouvelle contraction arrive quand une envie d'uriner me prend et que je sens ma vessie pleine. Étant dans mon 9e et dernier mois de grossesse, je vais très, très, très, souvent aux wc, le bébé appuyant sur le périnée qui ne va pas survivre longtemps, vu la grosseur de mon ventre qui ressemble au ballon des montgolfières quand elles sont dans le ciel. Je me lève et monte avec difficulté les escaliers pour me diriger vers les toilettes.
À peine je me rhabille, je sens un liquide chaud couler entre mes jambes.
— C'est pas vrai que j'ai atteint le stade de me faire dessus ! m'exclamai-je à moi-même.
Je rabaisse mon bas de pyjamas et ce que je vois me fait hurler. Je pose mes deux mains sur ma bouche ouverte ovalement et des larmes sillonnent au coin de mes yeux.
— Lucy, qu'est-ce qu'il se passe ?? Où es-tu ?! me demande ma mère dans le couloir, paniquée par mon cri.
— Je suis aux toilettes, je... je crois que j'ai perdu les eaux ! lui répondis-je secouée par les sanglots.
Elle ouvre la porte et regarde mon pantalon marqué par l'eau. Je tremble, je la regarde avec mes yeux interrogateurs, je suis paniquée et les questions se bousculent dans ma tête d'adolescente.
Vais-je être une bonne mère ?
Vais-je réussir à faire sortir mon enfant de mon corps fragilisé par la grossesse et les efforts qui auront lieux à l'accouchement ?
Sera-t-il en bonne santé ?
Arriverai-je à m'occuper de lui pendant l'absence d'Ian ?
— Viens ma chérie, appelle papy et mamie pour qu'ils viennent chercher Timéo. Je prépare des habits pour toi et le bébé vite fait. Je reviendrai après l'accouchement pour la valise complète.
J'hoche la tête et descends au salon.
— Bonjour madame, je suis sur la route, je viens de perdre les eaux, prévins-je ma sage-femme au téléphone en débitant ma phrase, encore plus paniquée que tout à l'heure.
À ma dernière échographie, elle m'a prévenue que je pouvais accoucher avant le dernier rendez-vous, elle m'a donc demandé de l'appeler au moment venu pour qu'elle me prenne en charge étant donné mon cas. Je suis jeune alors il y a un protocole plus stricte. Puisqu'elle me connait, ce sera plus simple pour l'exercer.
— Respire, commence-t-elle. Merci de m'avoir prévenue. Je prépare tout ce qu'il faut. En arrivant à la maternité, dites bien à la première infirmière que vous voyez de m'appeler.
J'hoche la tête même si elle ne peut pas me voir, étant trop occupée par mes exercices de respiration. Je la remercierai quand j'aurais repris mes esprits après avoir accouché car ils m'aident déjà beaucoup alors que je viens de les commencer.
— Ok, on arrive dans 10 minutes, dit ma mère voyant que je ne peux rien prononcer.
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Nous entrons dans la maternité le plus rapidement possible. Ma mère accoste une infirmière et lui demande de l'appeler.
— Lucy Montgry, 16 ans, enceinte de 9 mois, appelez la sage-femme Madame Trombonne, lui indique-t-elle stressée même si elle essaye de ne pas trop me le montrer.
Celle-ci prend son combiné de travail et appelle mon médecin. J'entends à travers le haut-parleur qu'à peine mon prénom prononcé par la jeune femme face à moi, ma sage-femme lui dit qu'elle arrive et décroche.
Elle arrive peu de temps plus tard accompagnée d'un interne qui pousse un fauteuil roulant, une externe et un médecin.
— Assis-toi, m'indique Madame Trombonne.
J'hoche la tête et lui fis un sourire crispé par la douleur. Ma mère tient ma main pendant le chemin vers la salle d'accouchement. Je lui broie clairement alors que le travail ne fait que commencer. Je me demande si elle sentira encore ses doigts quand j'aurai mon bébé dans mes bras.
— Installez-là sur le lit, je vais vérifier que le futur nouveau-né est bien placé pour un accouchement à voix basse.
Ses collègues lui répondent par l'affirmative et effectue sa demande.
Elle s'installe sur son tabouret et me fait une échographie comme les autres. Elle en profite pour imprimer des photos comme les précédentes, car on le voit vraiment bien étant donné que je suis au dernier mois et qu'il est bien développé. Ce qui est rigolo c'est qu'au moment de la prise de la photographie, mon bébé m'a fait un pouce comme pour me rassurer et comme s'il me disait "Ne t'inquiète pas maman, tu vas gérer." En faisant cela, il m'a donné encore plus la force de me battre, de donner tout ce que j'ai en moi pour le faire naître.
Je vais gérer, me répétai-je en me remémorant cette image.
Je m'essuie le gel et remets mon t-shirt. La sage-femme place mes jambes pour regarder la dilatation. Elle fait son affaire.
— Oh, tu es déjà à 4 ! s'exclame-t-elle. Tu devrais accoucher dans environ 6 heures.
— Oulah, autant que ça ? lui demandai-je une perle de sueur coulant sur mon front. Je ne vais jamais supporter la douleur !
— Tu veux la péri ? me propose-t-elle d'une voix douce en me faisant de légères caresses sur mes cuisses pour me calmer.
Je regarde ma mère, les yeux grands ouverts à ne pas savoir si je dois ou non la faire.
Elle approche son visage du mien et caresse mes cheveux de sa main libre.
— Tu sais, chaque corps réagit différemment mais moi, j'ai fait l'erreur comme je le dis souvent d'avoir accouché de toi sans et j'ai beaucoup souffert. Par la suite pour Tim', je l'ai demandé et j'ai eu mal c'est vrai, mais tellement moins. Alors réfléchis mais peut-être que c'est mieux effectivement, pour moins te fatiguer à cause de tes douleurs mais te concentrer plus sur tes poussées et respirations, me chuchote-t-elle en faisant des petits cercles sur le dos de ma main avec son pouce. Si c'est la piqûre dont tu as peur, tu ne la sentiras guère tellement les contractions couvrent la douleur de l'aiguille.
Je prends une grande inspiration en fermant les yeux et finis par hocher la tête.
— Ok, je la fais.
L'externe appelle l'anesthésiste et lui demande de venir dans les dix minutes suivantes pour lui laisser le temps de se préparer ainsi que son matériel.
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— Penchez-vous en avant, votre dos doit bien être rond.
Ouais bah merci mais mon gros ventre m'en empêche si vous voyez ce que je veux dire !
Malgré ma pulsion de colère face à la douleur que je ressens de plus en plus forte, je décide de faire un effort et de me pencher le plus possible. Je broie toujours la main de ma mère. Ça ne s'améliore pas quand après avoir désinfecté mon dos au niveau de la colonne vertébrale, l'anesthésiste pique au milieu de mon dos.
— Souffle ma chérie, me murmure ma maternelle. Inspire, et souffle, vas-y.
Elle me répète cette phrase en même temps que je reproduis les gestes dédiés à ses mots.
— C'est bon ! s'exclame le docteur comme si il venait de poser l'étoile sur le bout du sapin. Vous avez été très courageuse Demoiselle, félicitations et bon courage, me dit-il avant que je le salue à mon tour et qu'il quitte la pièce.
Après cela, la douleur diminua petit à petit au bout de quelques minutes seulement. Les différents médecins finissent par installer le monitoring pour surveiller les battements de cœur de mon bébé ainsi que la fréquence de mes contractions qui sont de plus en plus rapprochées. L'appareil est relié par des gros électrodes ronds, placés sur ma rondeur qui je sais, sera ravie quand le nouveau-né sera sorti.
5h10 plus tard, 8h10
— Oh mais c'est qu'on va pouvoir commencer le gros du travail ! s'exclame ma sage-femme en me montrant sa joie explosive.
Je prends une goulee d'air quand elle me dit de prendre une inspiration avant de pousser de toutes mes forces en serrant mon poing droit et en broillant la main de ma mère avec la gauche. J'incline ma tête en avant pour me donner plus de force. Au bout de quelques minutes qui me semblent des heures, je me mets à arrêter de hurler des cris de poussées d'accouchement. Des rugissements de lions près à sortir de leurs cages raisonnent dans la pièce où je m'apprête à rencontrer pour la 4e fois mon bébé, mais pour la 1e en vrai. Je n'arrive pas à croire que mon enfant sera en chair et en os, dans mes bras.
Homme ou machine
Man or machine
je suis l'évolution
I am the evolution
Entendez-vous le cœur battre ?
Do you hear the heart beating?
Se réveiller
Waking up
Réveiller l'animal
Waking up the animal
J'ai cet éclair dans mes veines
I've got that lightening in my veins
Je ressens quelque chose que je ne peux pas expliquer
I'm feeling something I can't explain
Réveiller l'animal
Waking up the animal
Se réveiller
Waking up
J'ai ce pouvoir vivant à l'intérieur
I've got this power living inside
— On voit la tête ! hurle la trentenaire en me faisant un pouce et un clin d'œil accompagnés de son sourire lumineux. Cela me donne les dernières forces qu'il me reste pour pousser trois fois avant que des cris retentissent et arrivent jusqu'à mes oreilles qui sont en train de bourdonner dû à l'effort que je viens de fournir.
Je viens de mettre au monde mon bébé !
Ma maman ainsi que les infirmières autour de moi essuient mon visage dégoulinant de sueur. Je frotte mes mains moites sur les draps du lit d'hôpital. Je suffoque et bascule ma tête en arrière avec la bouche grande ouverte, à la recherche d'un maximum d'air. L'interne m'apporte un verre d'eau que je bois d'une traite.
Je tourne légèrement ma tête pour voir mon bébé qui ressemble à un poupon, porté par ma sage-femme. Il est enroulé dans une couverture blanche et rne cesse de pleurer. Ça me déchire le cœur malgré que je sais qu'il le faut à la naissance. Elle s'apprête à sortir de la pièce quand je l'interpelle.
— Mon bébé ! dis-je en tendant mes bras dans sa direction.
— Il faut l'emmener dans une salle juste à côté pour vérifier qu'il soit en bonne santé. On enlèvera le sang aussi et nous l'habillerons d'habits de naissance en lui mettant une combinaison piloupilou ainsi qu'un bonnet car les bébés ne regulent pas leur température à la naissance. D'ailleurs, il faudra faire du peau à peau avec toi et le papa.
Je baisse ma tête et une larme coule à sa dernière phrase. Je renifle et l'essuie avant qu'elle ne s'écrase sur mon cou.
— Excuse-moi si tu n'as pas compris. Les premiers jours ce sera toi et par la suite, Ian car ils mettent un moment pour en être capable.
— Ah, répondis-je avec un léger sourire en relevant la tête.
Je caresse les cheveux déjà bien longs de cette merveille qui nous lie à jamais. Je la laisse partir pour qu'ils prennent soin d'elle. À peine la porte fermée, je ferme les yeux et suis emportée par le sommeil.
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— Tiens, je sais pas si ce nourrisson va se calmer au contact de sa maman, en tout cas là, il ne le souhaite pas ! me taquine la sage-femme en faisant de légères caresses avec son indexe sur le petit nez de mon bébé. Elle me le pose contre ma poitrine et mes larmes redoublent. Je regarde ma mère et elle pleure à son tour.
— Bonsoir petit cœur, lui adressai-je en fixant son visage collé à ma poitrine cherchant déjà mon mamelon.
Ma sage-femme m'a dit que les bébés trouvent le sein de leur maman seuls. Et c'est vrai, c'est assez surprenant mais le mien vient de le trouver en seulement 5 secondes et demie.
Je caresse ses cheveux et ne cesse de lui faire de légers baisers. Mon cœur se gonfle de joie et d'amour. Je ne sais pas si j'arriverai à lâcher ma petite crevette. Je suis déjà accro à elle. (Bon en même temps, c'était déjà le cas avant sa naissance :) )
— Nous allons marquer sur son bracelet trois informations, m'informe la femme qui m'accompagne dans cette folle aventure depuis la prise de sang pour être sûre d'être enceinte. As-tu choisi un prénom pour ce petit être ? me demande-t-elle en relevant son regard vers nous après avoir noté quelques trucs sur sa feuille.
— Hum, nous avons choisi Camille, lui répondis-je en souriant, me rappelant le seul appel qu'on a eu le droit d'avoir avec Ian.
C'était il y a un mois après s'être chacun envoyé une feuille avec dessus, marqué plusieurs idées de prénoms. Avec tous ceux qu'on aimait, on a dû s'appeler pour se mettre d'accord pour le dernier choix qui allait s'avérer définitif.
— Joli prénom ! me partage-t-elle son avis en écrivant sur le bracelet de naissance fin, entouré d'une dizaine de trous pour le régler au poignet du nouveau-né. Ensuite, tu as accouché le 7 février 2023 à 8h31 et ce rayon de soleil pèse 3,2kg.
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