Kim
J'avais attendu Lundi pour le revoir. Je ne l'avais pas contacté Dimanche, car je ne voulais pas qu'il ait l'impression que je m'immisçais dans sa vie. Je me suis surpris à guetter le portail du lycée par la fenêtre de mon bureau, en espérant le voir passer entre les élèves. Et là, il apparaît, la tête baissée, avant de disparaître de mon champ de vision à nouveau. Je n'avais pas cours avec lui, alors j'ai attendu patiemment qu'il vienne à l'heure du déjeuner. Chose qui ne se fera pas. Perdant tout espoir de le voir apparaître de la journée, j'entends la porte du bureau s'ouvrir puis se refermer alors que je rangeais dans un carton mes affaires pour mon départ.
Il était adossé à la porte, les larmes coulant le long de son visage.
- C'était trop pour moi. Je ne pouvais plus rester en cours. Je ne savais pas où aller Professeur, alors j'espère que je ne vous dérange pas.
- Non, tu sais que tu es toujours le bienvenu ici.
Je m'approche de lui et j'ai cette envie irrépressible de le prendre dans mes bras. Chose que je fais et il me répond en me serrant deux fois plus fort.
- Désolé professeur, geint-il.
Il penche sa tête sur mon torse et je prends immédiatement conscience de ma bêtise.. de sa personne. De l'odeur d'oranger de ses cheveux, de la chaleur de son corps, de sa taille fine et de sa peau si parfaite...
Je ne peux pas.
Je suis son professeur.
Un professeur décent.
Dites cela à mon érection.
J'étais fini.
On est resté ainsi des heures à causer de tout et de rien, évitant le sujet principal, jusqu'à ce que l'heure de fermeture du lycée ne s'annonce. On a marché un peu plus loin, pris la voie la plus longue pour atteindre l'arrêt de bus. A peine arrivé que le bruit immanquable de moteur annonçait la venue de celui-ci.
- Voilà le bus, ai-je annoncé.
- Oh ! répond-il.
Je n'avais pas manqué la petite note de déception dans sa voix qu'il n'avait même pas essayé de cacher. Ce qui me remplit d'une fine joie.
- Tu montes ?
Il s'exécute doucement. Sûrement pas ravi de savoir que bientôt nous allions devoir nous séparer... Enfin, je l'espérais.
Il ne bougea pas une seule fois, sauf nos cuisses se touchant de temps en temps à cause des secousses ressenties dans le bus, et propageant à chaque fois une petite chaleur dans mon ventre que j'avais du mal à éteindre. Quand on arrive à mon arrêt, il ne bougeait toujours pas.
- Tu ne descends pas ?
- Ça fait vingt minutes que j'ai manqué mon arrêt.
- Quoi ?, je demande surpris.
- Puis-je venir chez vous professeur ?
Dans quoi est-ce que ce petit démon m'embarquait ? Il ne voyait pas la lutte acharnée que j'avais dû mener à le savoir si près de moi ?
- Et tes parents ?
- Je les ai prévenus que j'allais dormir chez un ami ce soir.
- Tu me prends au dépourvu Allamé, j'avais des choses à faire.
Je n'avais rien à faire. Mais tout sauf, le savoir dans mon appartement.
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Finalement et malgré tout, j'ai fini par céder. Je ne pouvais vraiment rien lui refuser. J'étais sérieusement atteint.
- Tu veux boire quelque chose ? Une bière ?
- Vous me proposez une bière ?
- Oui. Et j'espère que cela restera notre petit secret. De toute façon, d'ici la fin de la semaine tu ne m'auras plus comme professeur.
Je m'assois en face de lui, la table nous séparant d'une certaine distance, regardant ces doigts emprisonner la canette de bière glacée qu'il colle à sa joue.
- Qu'est-ce que ça fait du bien, murmure-t-il.
Le moindre de ses gestes me fascinent et je ne peux m'empêcher de l'observer.
- ça me surprend que tes parents te laissent ainsi seuls. Tu leur as dit que tu dormais chez qui ?
- Je n'ai pas eu à le leur préciser. Ne vous inquiétez pas pour si peu, mes parents ne sont pas très stricts. Ou plutôt, disons qu'ils ne s'intéressent pas vraiment à ce que je fais. En plus, je vous signale que je suis majeur.
Là n'est pas le problème !
- Dites-moi Professeur, vu que vous ne serez plus mon professeur. Et que je ne suis plus avec Kim... Est-ce que je pourrais toujours venir vous voir ?
- Oui, bien sûr...
Il ouvre grandement ses yeux verts et je vois dans son regard une lueur flashée. IL me sourit et j'en fais de même.
- Merci, répond-il sincère. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que je peux tout vous dire sans me sentir gêné. Je me sens calme et détendu. C'est sûrement parce que vous êtes bons et doux...
Si seulement, il savait que mes raisons n'étaient pas si innocentes.
- Alors, je peux considérer que nous sommes amis à présent ?
- Oui. Amis... à présent. Dis-moi Allamé, comment ça se fait que tu t'exprimes aussi différemment ? Parfois j'ai du mal à savoir si tu es un grand lycéen ou un enfant...
- Pourquoi ?
- Tu as parfois des réactions enfantines et très mignonnes. Mais d'autres fois, tu te comportes comme un adulte. Surtout en classe.
Et je ne m'en serais pas rendu compte si je n'avais pas appris à le connaitre après que Kim ait fait les présentations. Je devais le reconnaître, il avait joué un rôle dans cette amitié que je partageais avec Allamé. Et en parlant de lui justement, mon portable sonné sur la table. Et le métisse voit tout de suite le nom de l'appelant.
Je prétexte avoir besoin de décrocher dehors et sors sur la terrasse prendre l'appel.
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Tu m'en veux toujours ?! Mais pourquoi ? Tu sais que je n'avais pas d'autre choix... Même Allie ne m'en veux plus.
- Comment ça ?
- Je l'ai appelé hier pour discuter. On s'est retrouvé quelque part.
Ils s'étaient rencontrés seuls à seuls et il ne m'avait rien dit. Cela expliqué pourquoi il avait tant le moral dans les chaussettes ce matin.
- Tu n'es qu'un abruti Kim...
- Je sais et je suis désolé. Je pensais qu'il le prendrait comme un homme. Mon intention n'a jamais été de le faire souffrir. C'est arrivé et je ne pouvais plus rien. Je l'ai vu pleuré et ça m'a déchiré les entrailles. Mais en même temps, il était si mignon, que mon cœur n'a pas pu le supporter.
Ce mec était un véritable idiot. Espérait-il sincèrement que personne ne se sente mal suite à une rupture ?
- Tu te sens mal ? Eh bien continue de souffrir. Peut-être que ta culpabilité t'enterrera et te fera prendre conscience du mal que tu causes autour de toi.
- Tu m'en veux vraiment, on dirait ? remarque-t-il à nouveau et je me rends compte que je prenais trop à cœur ce qu'il avait bien pu lui faire. Pas que je n'en étais pas conscient, mais je ne voulais pas que Kim s'en rende compte.
- Pourquoi m'as-tu appelé au juste ?
- Je voulais savoir si tu l'avais vu ce matin au lycée ? Comment allait-il ?
- Est-ce que tu connais les principes de la rupture quand même ? Plus de contact.
Il souffle désespéré dans le combiné. Sûrement qu'il s'en voulait, mais je ne me sentais pas la force de lui pardonner ce qu'il avait fait à Allamé pour le moment.
- Je sais que c'est moi qui ait voulu en finir et par conséquent qui est demandé qu'on ne se voit plus... mais je m'inquiète vraiment pour lui. Je tenais vraiment à lui. Si ça n'avait pas été une question d'anatomie, je te jure que j'aurais tout fait pour le rendre heureux. Tu sais très bien que ce n'est pas le fait de m'affirmer gay qui m'aurait posé problème.
C'était dur de l'admettre, mais il avait raison sur toute la ligne. Il n'aurait pas pu faire autrement. Kim n'a jamais été méchant. Ou du moins consciemment. Il a toujours pris soin des autres. Y compris moi. Car c'est dans un centre pour jeunes mal dans leur peau, après mon arrêt cardiaque suite à une overdose de drogue que je l'avais rencontré. Il avait été mon mentor, alors qu'il n'avait que dix-huit ans à l'époque. Il a toujours été doté d'une grandeur d'âme et d'une gentillesse à toute épreuve. Et c'est pour ça que lui et moi sommes devenus les meilleurs amis du monde...
- Il va bien. Je m'occupe de lui.
- Sérieusement ?! Comme ton grand frère Kim l'avait fait pour toi ?
Je retire tout ce que j'avais dit de positif à son sujet. Ce mec était con.
- Je vais raccrocher.
- Attend, s'il te plait. Ok ! Je suis heureux que ce soit toi et personne qui prenne soin de lui. J'ai vécu six magnifiques mois en sa compagnie. Et je suis content qu'il s'entende si bien avec toi. Il n'a pas l'habitude de parler à des étrangers, il n'a pas de soutient dans sa famille. Et vu qu'il n'avait pas d'amis, j'avais peur qu'il finisse par se replier sur lui-même. Il est tellement fier qu'il ne demandera jamais d'aide de personne.
Est-ce qu'on parlait du même jeune homme ?
- Prends soin de lui Richard.
- C'est comme si c'était fait.
Sur le point de raccrocher, il m'interpelle en me demandant :
- Dis-moi Richard, est ce que tu ne trouves pas Allie mignon ?
Je rougis car je ne pouvais pas le nier.
- Un enfant aussi beau physiquement et avec une personnalité si particulière est rare de nos jours. Je dois dire qu'il est même plus beau que toutes mes ex réunies... Prends vraiment soin de lui, mon frère !
Il finit sur ses mots et je sors une cigarette de ma poche que j'allume.
J'étais heureux. Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais franchement heureux de savoir qu'Allamé était né en tant qu'homme et non en femme. Parce que si ça n'avait pas été le cas, peut être n'aurais jamais eu la chance de nourrir l'espoir qu'un jour il m'appartiendrait. Même un peu. Car il aurait appartenu à mon meilleur ami.
C'est pitoyable de ma part de me nourrir de joie dans sa tristesse. Cependant je ne pouvais pas m'en empêcher.
Je tire une dernière bouffée de ma cigarette avant de l'écraser sous mes pieds. Cela faisait si longtemps que je n'en avais pas fumé une. Je prends une bonne minute pour effacer toute émotion sur mon visage et vais rejoindre Allamé comme si de rien était. Il finissait sa troisième canette de bière.
- Tu bois trop. Ce n'est pas parce que je te permets de boire que tu dois exagérer.
- Je suis désolé.
Il était vraiment mignon.
J'allume la télé et zappe les différentes chaines qui nous partageaient leurs sciences inutiles. Ensuite, je lui propose de prendre un bain et il revient la peau perlée d'eau, les cheveux mouillés, vêtu de mon tee-shirt. Et pour la première fois de ma vie, je comprends le désir de dévêtir une personne portant ses vêtements à soi
- Vous voulez prendre une douche également professeur ?
- Oui je crois... J'en ai besoin.
Dans cette douche je n'ai pas fait que me frotter le corps, je me suis frotté également cette partie. Pensant à Allamé dans les positions les plus acrobatiques, jusqu'à ce que je ne finisse par cracher dans mes mains. Heureusement, cela m'a permis de me détendre.
On s'est tout deux allongés sur mon lit, et la discussion a tout naturellement porté sur mon départ.
- Est-ce que vous resterez quand même en ville quand vous commencerez les travaux avec le professeur à L'Université?
- Oui. Je continue mon cursus pour obtenir mon doctorat. Je suis encore étudiant, j'aurais besoin de passer des examens. Alors même si je voyageais, il me faudra revenir à Paris.
Silence gênant à nouveau.
- Les examens sont dans une semaine. As-tu débuté les révisions ?
- Je ne doute pas de ma réussite.
- Oui, je sais. Mais je ne voudrais pas que par notre... Enfin, tu vois de quoi je veux parler, tu ne perdes la première place.
- Ça n'arrivera pas.
Il était si confiant. J'aimais ça chez lui. Malheureusement, ce n'était que dans les études et non en lui-même quand il s'agissait de sa personne.
- Au fait, Que comptes-tu faire plus tard ?
- Médecine.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est le seul travail où je n'aurai pas peur du chômage. Je travaillerai immédiatement et deviendrai indépendant financièrement.
Un autre silence gênant s'en est suivit. Avait-il bien entendu ?
- C'est quoi cette raison ?
Il ne me répond pas et tourne le visage dans ma direction.
- Professeur ?
- Oui ?
- Vous pouvez parler de Kim en ma présence, ça ne me gêne pas trop.
Je me lève sur mes coudes et le fixe en lui faisant bien comprendre qu'il n'avait pas besoin de me prendre pour un bleu. Qu'il n'avait pas besoin de faire semblant avec moi...
- Non, ce n'est pas ce que vous croyez, s'assoit-il en tailleur. C'est juste que je pensais que je pleurerais bien plus. Je pensais que je le haïrais bien plus que ça. Mais bizarrement, même si cela m'a fait mal, cela ne m'a pas fait si mal. J'espère que vous me comprenez ?
- Pas vraiment.
- Ce que je voudrais dire, c'est que le fait de vous avoir eu à mes côtés m'a permis de surmonter cela deux fois plus v...
Je ne le laisse pas finir sa phrase que je le prends dans mes bras. Jamais les mots de quelqu'un ne m'avait fait ressentir autant de chaud, de froid, de douceur, en une seule journée.
Il était spécial.
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