Chapitre 7 : La fuite des responsabilités

La face énervée d'Arman à cause du jeu auquel nous jouions me tordit le ventre, jusqu'à manquer d'air.

Le rouquin m'insulta tandis que je levai les fesses qui voguaient sur les couvertures et lui tendit mon majeur en riant jusqu'à l'escalier.

Dix minutes venaient de passer. J'entendis son estomac crier famine à mes côtés alors qu'il mima une prise d'étranglement. En arrivant dans la cuisine d'où été attablée ma mère et Isis qui souriaient, collées comme des siamoises, je sursautai à côté de la blonde qui s'empressa de répondre à son portable.

— Parfait, je pars tout de suite !

Le corps tourné vers ma mère, elle confirma que la vieille peau négociait à la casse et qu'elle comptait se venger de son ancien gendre, en donnant sa voiture au plus offrant.

— Attends... intervint la Chinoise en suivant visuellement Isis qui retirait ses bigoudis. Maman a vendu sa voiture ?

La femme acquit sur un rire moqueur et désespéré. Elle partit, suivit de la deuxième femme, nous laissant mon cousin et moi, seuls.

Mais ma mère revint sur ses pas en courant, me fixant :

— Ce soir, restaurant. Tout le monde !

Et elle retourna avec sa sœur. Arman me proposa un petit déjeuner sans gluten que j'acceptai en prenant place sur la chaise haute désormais libérée. La boisson de Vivianne à la fin du déballage des cadeaux ne m'avait pas rassasié.

Sur un ton enjoué, le rouquin me raconta comment il avait failli mettre le feu à la cuisine de sa maison d'enfance en faisant cuire de l'huile dans une poêle. Puis, une autre tête orangée apparue avec un carnet en main.

Elias contourna l'îlot où nous étions attablés et ouvrit le garde-manger.

— Non, n'y pense même pas !

Je fis les gros yeux à Arman lorsqu'il me manqua de peu avec son bras tendu vers son frère qui se retourna stupéfait, une main sur la poignée.

Un sourire irrité apparut sur son visage tacheté et répondit :

— Penser à ça ? demanda-t-il en ouvrant la porte. Jamais !

Et il referma derrière lui, procurant un souffle exaspéré à Arman, qui sauta en tirant d'un coup sec l'accès au placard.

— Elias ! râla-t-il en sautillant sur lui tel un enfant. Viens !

Au bord du rire, le garçon avec un crayon en main se leva avec la même mine amusée et décoiffa les cheveux de son frère, monté en un chignon.

Arman, soûlé, poussa le corps plus grand que lui hors de la réserve et lui imposa de s'asseoir à table, sans se cacher. L'homme se résigna et gratta la mine noire sur le papier.

Je l'observai attentivement en dégustant mes biscuits secs et ma tisane avant d'enfin poser la question qui bloqua ma gorge :

— Pourquoi t'as abandonné l'école d'art ?

Sorti de sa concentration, Elias leva ses yeux verts en ma direction et répondit tranquillement en continuant son esquisse :

— Les élèves étaient en concurrence. Qui est-ce qui fera le plus beau dessin, le plus réaliste, avec le moins de coups de crayon possible ?

Il souffla en gommant.

— Le plus rapidement ?

Accoudé au comptoir avec un poing s'enfonçant dans la chair de sa joue, il épousseta le dessin et satisfait, il termina sa phrase :

— Et pour le peu que j'apprenais, les coûts étaient trop élevés.

— Dis plutôt que t'avais la flemme d'attendre le diplôme, enchérit son petit frère en dévorant ses gâteaux chocolatés.

— En plus ! sourit-il.

Alors qu'un silence de sa part s'installa, je poursuivis mon interrogatoire.

Bien que ce soient mes cousins, je ne les connaissais pas aussi bien que mon meilleur ami.

— Pourquoi le garde-manger ?

Elias pouffa en entraînant Arman avec lui. Le premier pointa le deuxième du bout du doigt ainsi que la porte blanche et j'émis un sourire mi-gêné, mi-amusé par le fou rire soudain des deux rouquins.

Leurs visages devinrent écarlates et lorsque Elias tenta de répondre, Amaël apparut derrière son jumeau en demandant pourquoi il y avait autant de bruit.

Son expression fermée face à celles de ses frères, la joie d'Arman se dissipa. Il raqua sa gorge pour répondre de façon moins extravertie et quand le faux brun eut sa réponse, qui tira la bouche d'Arman en un sourire, il se prépara à manger.

Une tension s'était émise dans la pièce depuis son arrivée.

J'avais appris que le garde à manger n'était rien d'autre qu'un moyen de fuir Isis qui adulait Amaël sur ses notes et en faisait l'éloge à son jumeau, moins performant que lui.

Et puis, il y avait pris goût et entendait des discussions secrètes grâce à ça.

Malgré nos chuchotements, le brun tourna légèrement la tête vers la conversation qui nous faisait comprendre qu'il écoutait, même s'il s'enfermait dans le silence.

Ce silence se brisa avec l'arrivée Isis.

Elle me fit sursauter encore une fois, son corps habillé d'un long pull beige et d'un jean. Le portable coincé dans sa main supportait le poids du même manteau la couvrant du froid lors de sa crise. Sa voix aiguë résonna dans la cuisine.

— Est-ce que cela vous va si je vous envoie quelqu'un à ma place ? J'ai un imprévu.

Ses boucles dansaient dans sa démarche qui l'amenait jusqu'au salon et bien que nous ne la voyions plus, ses propos nous parvenaient aux oreilles.

— Parfait, nous faisons comme ça. Cela sera fait avant le coucher du soleil.

Puis un cri se propagea alors qu'elle se déplaçait :

— Lilia !

Ma mère apparue quelques secondes après, elle aussi habillée. Isis lui expliqua qu'Alain l'attendait au village pour récupérer la voiture volée et qu'il fallait qu'elle ramène leur mère afin d'avoir une explication avant que la police ne s'en mêle.

Des talons claquant sur le marbre, Isis s'enroula dans son étole puis le vêtement poilu.

— Tu peux aller à l'association, supplia-t-elle en fouillant dans son sac. Je leur ai dit que le paiement sera quand même fait, comme d'habitude.

Elle griffonna dans un carnet et tendit le chèque à ma mère. Mais cette dernière refusa sous prétexte qu'elle devait réserver une table pour ce soir.

Isis bouda pendant son agitation. Amaël, qui n'avait daigné nous rejoindre avec les garçons s'était adossé aux meubles, une tartine de beurre croustillante en main.

— Je peux y aller.

Sa mère étonnée offrit un large sourire au brun et lui sautilla au cou avant de l'embrasser. Elle posa un trousseau dans sa main, le chèque sur le plan de travail et reparti en trottinant, un bisou au passage à sa sœur et une main qui nous salua.

Amaël rangea son verre dans le lave-vaisselle. Nous fîmes de même. Ma mère m'ordonna d'aller m'habiller dans sa chambre en prenant n'importe quelle affaire puis j'abandonnai mes cousins pour suivre l'aîné jusqu'au couloir.

Je dépliai un pull rose et un pantalon de jogging grande taille appartenant à mon père puis sortie dans le sombre couloir vidé de toute décoration. J'ouvris la porte de la salle de bain en face de la chambre d'Amaël pour l'y retrouver dedans, brosse à dents en bouche.

Je l'imitai, en déviant la tête vers le sol pour éviter son regard méprisant et lorsqu'il claqua la porte, je me débarrassai aussitôt du dépôt de dentifrice.

Bizarrement, dès ce matin, je ressentais un malaise entre lui et moi, comme si j'avais osé envahir son domaine.

C'était peut-être le cas.

Après tout, je squattais chez eux sans mon consentement.

Le reflet que me renvoya le miroir me fit déguerpir. Je dévalai les marches en espérant ne pas avoir perdu de temps.

Ma mère porta le manteau de Vivianne sur mes épaules et tandis qu'elle m'entraîna à l'extérieur après ses bottes mises à mes pieds, j'aperçus Isis au volant d'une voiture blanche.

Je me dirigeai vers la seule automobile hors du garage en jetant un coup d'œil tout autour de moi, par précaution.

D'un coup, tout en me surprenant moi-même de cette initiative, je me détachai de l'emprise de ma mère en voyant Amaël entrer dans un quatre-quatre sportif et accouru vers lui en criant à ma mère ébahie :

— Je n'irai pas au restaurant, ni maintenant, ni ce soir !

Je montai dans le véhicule d'Amaël qui m'imposa de sortir immédiatement, mais je ne bougeai pas et lui demandai précipitamment de démarrer pour sortir rapidement de la propriété.

Il marmonna de mécontentement tandis que je me déshabillai de la fourrure pour profiter du chauffage en admirant la route enneigée.

Ennuyée par ce paysage monotone, je balançai :

— Où on va ?

Je sentis le brun contracter sa mâchoire à ma voix.

Une longue inspiration pour se donner du courage, il répondit sérieusement et sans un brin d'humour :

— En enfer.

Je ris en me léchant la lèvre inférieure à sa réplique, mais en croisant son regard sévère, je me moquai sarcastiquement :

— Tu l'es déjà.

Il leva un sourcil, interloqué. Je renchéris :

— Je suis avec toi dans cette voiture. T'as de quoi être énervé.

— Je ne suis pas énervé.

— Pourtant, tu me méprises. C'est pire !

Je sus que j'envenimai la situation. C'était comme ça que je me faisais aux comportements des gens qui étaient répugnés par mon existence.

Je tenais ça d'un discours que j'avais entendu dans les couloirs du lycée, alors que Loann venait de faire répandre une rumeur à mon sujet, à peine être entré en seconde :

« Tu ferais mieux de t'habituer à rigoler de toi vu que t'as que ça pour rire de toute façon », avait-il dit lorsque j'avais tenté de le confronter une dernière fois.

Mais je m'étais recroquevillée dans les toilettes à en pleurer, ratant un cours entier.

— Disons que je digère ta présence.

Une grimace déforma ma lèvre et ma joue puis je tournai les yeux vers la route salée.

La tête posée contre la vitre froide vibrante, je lorgnai la boîte à gant. Je vis mon cousin jeter des coups d'œil intrigué dans ma direction et l'entendis rompre le silence que j'avais accepté.

— On va à l'association caritative du village, elle est affiliée à celle du Mont-Blanc. La famille fait un don financier assez important pour payer des soins premiers et des ressources en nourriture pour des gens dans le besoin.

Il braqua le volant à droite, nous entraînâmes dans un quartier un peu plus habité.

Les maisons ne se distinguaient pas du paysage. Tout était blanc sur blanc. J'étais concentrée sur le visage du brun quand il continua.

— Et... Ne prends pas mon indifférence personnellement. Je ne suis pas un gars très bavard.

— Pourquoi ?

Je sus à l'instant l'erreur de le questionner. Mais il m'intriguait et selon mes calculs, nous allions mettre une dizaine de minutes avant d'arriver au village.

Je préférai dix minutes à me battre pour dégoter des informations permettant de le connaître que dix minutes de mépris. Amaël souffla d'ennui, analysa ses rétroviseurs et stoppa son regard sur moi.

— Écoute, je –

Mais je le coupai en m'excusant.

— C'est bon, oublie, dis-je en balayant cette question d'une main devant mon visage. J'ai compris que tu n'aimais pas me parler.

Il ne répondit rien.

Neuf minutes s'évaporèrent en silence.

Le village se dressa devant nous, animé par les passants galérant sur la neige poudreuse sur les trottoirs. Les magasins tout juste ouverts accueillirent les premiers clients de la journée.

Le clocher quant à lui, tinta dix coups lorsque nous passâmes une allée dont une ribambelle de guirlandes lumineuses pendait d'un mur à l'autre.

Le moteur se coupa, et je copiai Amaël qui sortit du véhicule. De ses grandes enjambées, j'accourus derrière lui pour le suivre et entrer dans une enceinte quelconque sans devanture tape-à-l'œil.

Le garçon poussa la porte qui tintinnabula sans prendre en compte si je le suivais ou non. Et, sans trop d'attente, l'ouverture heurta le bout de ma chaussure à peine le seuil franchi. Je n'eus pas le temps de la retenir que je vis mon cousin revenir sur ces pas et l'empoigna, un sourire grimaçant logeant le bas de son visage.

— Désolé, j'ai oublié que tu étais là.

J'avais l'habitude de l'entendre, cette réplique.

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Je vous avoue... J'ai fait un mini plan de l'histoire. Histoire d'avoir une trame sympa. Et j'ai su la fin...

Elle puueeeeeee !

Mais là n'est pas le sujet. J'ai eu la page blanche pour ce chapitre et le prochain, qui est en cours d'écriture.


Vous pensez quoi d'Amaël ?

Pourquoi Yu a fui comme ça et surtout le restaurant ? C'est un problème à cause du lieu, ou parce que sa mère a convoqué "TOUT.LE.MONDE" ?


Dites-moi tout ! En attendant, rendez-vous au prochain chapitre qui va vous apaiser :)

⚠️ PAS. DE. FANTASMES. SUR. LES. PERSONNAGES.

L'avancée des chapitres et des histoires est sur...

Instagram : allynnalf

31/01/23

(corrigée le 20/06/23)

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