Chapitre 6 : Les crises de sang
Le dernier cadeau restant était destiné à Isis. La blonde dont quelques bigoudis s'étaient défaits attrapa le paquet aussi fin d'une feuille.
Ses lèvres pincées, elle regarda longuement son nom collé sur l'emballage et hésita avant de détacher le nœud rose du bout de ses ongles.
— Qu'est-ce donc ? interrogea Vivianne revenue distribuée sur un plateau boisé, des boissons chaudes.
Je reportai mon attention sur la femme figée devant le sapin. Le menton de mon meilleur ami bougeant nerveusement sur le haut de mon crâne me fit lever les yeux vers le rouquin que je frappai au le même rythme que son angoisse.
— C'est chiant, non ? dis-je bas, tapant son avant-bras en déboîtant ma mâchoire face à son sourire joueur.
Il me tira la langue, amusé.
Tandis que les jumeaux déjà levés, un thé fumant en main, s'arrêtèrent net en entendant la voix cassée de leur mère, Arman et moi stoppâmes notre bagarre pour faire face à Isis ; la paume contre la bouche en essayant de camoufler un hoquet de tristesse.
Elle baissa la tête sur une enveloppe et n'osait pas se tourner vers la vieille, qui lui reposa sa question.
Ma tante demeura dans son mutisme, griffant le cachet du papier qui coupa un bon bout du contenant et en sortit un amas de feuilles.
Son souffle saccadé accompagna les crépitements du bois.
Le bruit des tasses en porcelaine restantes s'entrechoqua quand Vivianne déposa le plateau sur le haut de la cheminée, tout en s'engageant vers sa fille, affolée.
Ma mère la retint par le poignet, le visage ferme et chuchota des mots dont seule ma pseudo-grand-mère entendit.
Elle s'avança vers sa fille biologique en posant une main bienveillante sur son épaule, mais la blonde serra les papiers contre elle, en les froissant au passage.
La tête tournée vers la vieille, Isis essuya ses paupières luisantes d'une paume et tenta d'échapper à Vivianne qui lui barra la route, une main tendue vers la fuyarde.
— Donne, ordonna-t-elle.
Isis s'offusqua.
D'un pas en arrière, ses yeux se balancèrent du document qu'elle regarda tristement, à la prestance de la dame qui attendait sur une jambe.
— Isis ! s'impatienta Vivianne qui observait la femme maussade d'un air dur. Donne-moi ça !
Je questionnai du regard mon ami qui ne comprenait pas ce qui se passait.
Au fond du salon, juste devant l'entrée de la cuisine qui illuminait la salle à manger, Elias laissa son thé sur la table nappée d'une broderie colorée et s'avança avec son frère, la tête baissée sur son téléphone.
— Maman ?
Isis fixa avec vide le roux qui avait posé une main sur son épaule et retira doucement les papiers que la porteuse de bigoudis lâcha.
Les deux s'observèrent intensément.
Quand Elias considéra la première page, son agacement démarra et il donna le tout à Vivianne en disant :
— Papa recommence...
Ma mère s'assit silencieuse à la place des jumeaux avec sa boisson qu'elle sirota.
Je la regardai perdue, et elle me rendit la même expression.
Arman avança vers Elias, Amaël se préoccupa peu de la conversation déviante. Tout tourna autour de son ancien clone, Vivianne et Isis.
La vieille toisa le contenu du texte et se moqua, hypocrite.
— Comment peux-tu le tolérer, ma fille ?
Isis se tritura les ongles et s'attarda sur la cuticule de son pouce qu'elle gratta avec acharnement.
Elle tenta de s'expliquer, de défendre son mari, mais sa mère la coupa :
— Tu vas signer.
La blonde répondit nerveusement :
— Non ! Il... hésita-t-elle en se massant les mains. Alain a changé ! Je l'ai senti, maman !
Vivianne s'avança vers elle. À quelques centimètres de son visage, elle se pencha et lâcha durement :
— Un manipulateur ne changera jamais, Isis.
Et elle se tourna.
Un courant d'air traversa le salon laissant tous les regards braqués sur la femme paniquée qui hurla à l'intention de la vieille :
— Il m'a supplié de ne pas ouvrir le paquet ! Je ne signerai pas, maman !
— Parfait ! Comme tu le voudras ! enchérit Vivianne qui la jugea avant de disparaître.
Un silence s'installa.
Nous scrutâmes tous les flammes orange qui brûlaient avec intensité le bois croisé.
Je sentis, juste en observant la danse qui s'effectuait dans l'ancienne cheminée, une importante chaleur remplir mon cœur. Cette détente calma les émotions de tout le monde.
Amaël s'asseyant sur l'accoudoir du canapé remit ce stress en vigueur.
— Quel est le problème ? lança-t-il sans grande attention, toujours lobotomisé par son smartphone.
Un large sourire se dressa sur son visage.
Pour le peu de fois où j'étais dans la même pièce que lui, jamais je ne l'avais vu sourire. Amaël sans ces cernes et joues creusées, ses yeux fatigués et son air fermé, n'était pas Amaël.
Son jumeau qui avait récupéré les documents quand sa grand-mère s'était mise en colère les tendit à son jumeau.
— Papa demande le divorce.
Il avait dit les mots.
Nous l'avions tous soupçonné, mais lorsque la situation venait d'être décrite, l'importance de l'événement prenait tout son sens.
Amaël se figea, avec un « oh » comme réponse.
Isis se lâcha complètement, totalement dévastée.
— C'est faux ! réfutât-elle en sanglotant. Il ne le veut plus...
Pourtant, elle continua de pleurer.
Ma mère se leva en déposant sa boisson au pied du canapé et caressa le dos de sa sœur agenouillée.
Arman toujours accoudé sur le rebord du meuble fit une grimace en fixant le feu.
— Tiens, tendit Amaël à sa mère qui reniflait.
Le téléphone affichait le contact d'Alain en plus d'une notification à son nom, qui apparut sur l'écran.
Les deux hommes se parlaient-ils depuis le début ?
Mais leur père n'était-il pas au commissariat ?
Mon interrogation se confirma quand Amaël l'appela. Dès la première sonnerie, le contact répondit.
— Oui. C'était une erreur, entendions-nous de son côté. Merci pour votre gentillesse.
Puis il porta attention à la conversation téléphonique, en entendant son fils l'appeler.
— Je t'écoute !
— Maman a vu les papiers du divorce. Mamie veut qu'elle signe...
Alain lâcha un râle en expliquant ce qu'il avait dit à sa femme, plus tôt, mais Isis poursuivit, la voix tremblante :
— Je suis désolée, Alain... Elle est bornée...
Isis renifla et une porte claqua. Nous restâmes surpris et dans l'incompréhension.
Elias, proche de la cuisine, cria dans notre direction :
— Mamie part avec la voiture de papa !
Isis accourut avec le téléphone qu'elle arracha au passage, des mains de son fils. Alain parla, mais personne ne répondit.
Même mon ami avança vers son grand frère, les lèvres pincées.
L'attroupement se fit dans la cuisine, laissant ma mère et moi avancer doucement vers la famille Troblain.
Je vis Isis se déplacer à grandes enjambées avec son mari sur haut-parleurs et en parallèle, elle hurla à sa mère. La vieille l'ignora en marchant la tête haute et le dos bien droit vers un véhicule.
Celui de l'intrus.
Une silhouette rose au milieu du paysage blanc bougea bras et jambes sur la route enneigée, décorée de traces de pneus de toutes tailles.
La blonde posa les mains sur le capot noir en espérant bloquer la route, mais Vivianne roula. La voiture avança doucement, poussant la porteuse du pyjama sur la neige qui dérangeait le voisinage avec ses supplices.
— Maman ! hurla-t-elle à plein poumon et d'une voix stridente.
Mais elle fut obligée de laisser passer la vieille qui l'ignora en continuant sa route. Isis tomba au sol, en pleurant.
Le téléphone toujours en main, il m'était impossible de savoir si Alain répondait toujours au bout du fil.
À peine la tête tournée, ma mère avait disparu.
Rien dans la cuisine, ni dehors.
Alors que les jumeaux marchèrent en direction du porche, Arman grignota un biscuit et jeta un emballage.
Je le regardais, songeuse.
— Tu ne fais rien ?
Il haussa les épaules et se dépoussiéra les mains.
— Viens.
Je traversai le hall, et montai les marches.
Ma mère réapparue sans un regard, un manteau sur elle avec un autre en fourrure portée à son bras. Elle poussa les jumeaux qui marchaient le long de l'allée et elle se précipita sur sa sœur, toujours figée, les genoux dans la neige.
Les pleurs résonnaient au loin.
Et tandis que la lumière naturelle et aveuglante disparaissait au fur et à mesure où je m'engouffrai au fond du couloir, Arman ouvrit la porte de sa chambre et claqua derrière mon passage. Il se dirigea en trottinant vers le long rideau rouge qui longeait le sol et le tira.
D'un signe de tête m'invitant à le suivre, je donnai un coup de pied sur une paire de chaussettes enroulée.
— Une paire bientôt disparue et que je chercherais partout, chantonna-t-il amusé du désordre dans sa chambre.
— Tu devrais prendre exemple sur Amaël.
Il s'appuya contre le radiateur qui décorait le dessous de la fenêtre à carreau en tournant le regard vers la scène externe.
— Loann est pire que lui !
Je ris.
La chaleur de la chambre de mon ami me mit à l'aise.
Aucune buée ne prit forme contre le carreau boisé lorsque je m'approchai, contrairement à ce que je connaissais dans ma maison brûlée.
Isis portait la fourrure sombre que ma mère portait. Elles s'enlaçaient toutes les deux tandis que les garçons restaient les mains dans les poches.
Je tournai dos à la lumière, les fesses réchauffées.
— Bon...
Mon ami se jeta sur son lit à la parure bleu marine et s'étira dans son pyjama. Un bâillement déforma mon visage quand je repris avec un ton incompréhensible :
— Tu me montres ton cadeau ?
Arman rit.
Il n'avait rien compris avec ma phrase absorbée par ma fatigue.
Je me répétai.
Son sourire contagieux me calma.
Il se leva et fouina dans le bureau en face de son lit. Je le suivis, attentive quand il me tendit un livre de cuisine.
Je plissai les yeux, sans rien comprendre.
— Et l'automobile ?
Il haussa les épaules.
— J'ai décidé de ne pas m'inscrire.
— T'en as parlé à...
Mais il me coupa en mimant la négation par son index.
— Tu crois vraiment que je peux dire quoique ce soit, ici ?
Mes lèvres se pincèrent en un sourire coupable.
Effectivement, Arman allait finir plein de reproches de la part de sa famille, tout comme Elias qui avait abandonné son école d'art pour se construire indépendamment.
Seul Amaël remplissait les conditions de la famille modèle.
— Donc, ton père sait ?
Il acquit, tout content. Puis il releva la couverture rigide et me tendit une brochure avec un reçu.
— Et j'ai le droit à un stage pour cet été !
Je pris le papier entre mes doigts et l'analysai en retenant mon souffle :
— C'est à Paris...
Il accentua son sourire, mais m'interrogea du regard quand il vit ma déception dans mes yeux.
— Et Biarritz ?
Il grogna, une tape sur le front.
Il commença à s'agiter dans tous les sens en s'excusant pour cet oubli.
J'intervins, en lui assurant que l'on pouvait reporter ce projet de colonie de vacances en duo et sans colonie, mais il me coupa :
— On peut partir après le baccalauréat ? Une semaine ?
Ce n'était pas un mois, mais ça me convint. Je le rassurai en confirmant sa demande, mais il renchérit :
— Et... Tu peux toujours venir avec moi à Paris ?
Son regard vibrant de joie, je me tordis les lèvres en me sentant de trop :
— Non... Amaël ne m'aime pas, Arman. Ça se ressent à des kilomètres ! Alors, rester plusieurs semaines chez lui...
— Il est censé entrer en prépa pour le concours, formula-t-il en reposant le bouquin dans un coin du bureau qui composait une collection de documents sur l'alimentation. Je l'ai entendu au téléphone avec papa. Et le connaissant, il va rester à l'université pour étudier pour réussir le barreau. Même si c'est un an, tu vois... C'est Amaël. L'enfant parfait.
Il souffla et s'allongea sur le lit. Les bras croisés derrière la tête qui contempla le plafond, il continua :
— Et maintenant, Loann s'y met. J'te jure, Yu, heureusement que tu es là ! Elias aussi, mais... Il est toujours dans son monde.
Alors que je traînai des pieds jusqu'au sommier, mon meilleur ami releva son buste d'un coup en me fixant.
— Et toi ? T'as pu voir des élèves de la faculté de lettres ?
Ma tête en négation, j'expirai en m'asseyant sur le bout de la couette.
Je réussis à lui redécrocher un sourire quand je lui parlai du fameux jour que j'attendais :
— Mais... J'ai réussi à convaincre mes parents pour m'amener à la conférence de son livre !
Il s'exclama de joie avec moi et me tapa dans les mains, en faisant bouger le matelas à eau.
Tandis que j'allai lui expliquer pourquoi je voulais à tout prix aller à ce rendez-vous chaleureux de la ville plutôt qu'au Salon du livre, la porte d'entrée claqua avec des rires.
Cette distraction laissa ma discussion en pause et en passant une tête hors de la chambre en espérant voir ma mère montrer avec sa sœur, je remarquai la porte d'en face grande ouverte.
Tout de blanc décoré.
Le sol en marbre de la même couleur différait du parquet d'Arman.
Des couleurs claires et lumineuses contrastaient avec la chaleur et le côté vintage qui décorait la chambre dans laquelle je me trouvais.
Et lorsque je m'apprêtai à reprendre ma discussion coupée aux côtés de mon ami, j'observai la silhouette de Loann, habillé seulement d'un bas de jogging et du poignard qu'il avait déballé.
Ses bras dansants dans une chorégraphie de coups, les jambes pliées et parallèles, il se déplaçait comme s'il s'échauffait pour combattre.
D'un coup, il lâcha un râle le bras droit en l'air, en contractant son muscle sec avec le couteau de combat emprisonné dans sa paume.
Je clignai une seule fois et vis l'ustensile disparaître pour aller se planter droit dans le mur, au milieu d'une cible rouge.
Un bruit franc.
Un sourire narquois s'étira sur ses lèvres et comme s'il savait que je l'observais, il s'avança vers sa grande porte brune.
Son visage parsemé de taches de rousseur qui se dessinaient sur tout son corps se déforma et il m'envoya un clin d'œil avant de disparaître dans la pâleur des meubles.
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Aie, aie, aie... L'erreur fatale ! Isis a été beaucoup trop curieuse et s'est entêtée à vouloir ouvrir ce fichu paquet ! Comme quoi... Ça a du bon de suivre des conseils fortement recommandé sous le ton d'un supplice.
C'est quoi cette réaction de la part de mère-grand ? Elle compte faire quoi avec la bagnole ?
Et pourquoi certains garçons semblent faire semblant devant les femmes de la famille de détester leur père ?
On en parle de Loann qui veut rejoindre les rangs militaires en s'entraînant comme tel ? Il fout quoi le bougre ? C'est quoi ces menaces subtiles lancées à Yu ?
Vous pensez que Loann prépare quelque chose ?
Que de questions, si peu de réponses... Ou peut-être dans le chapitre suivant !
⚠️ PAS. DE. FANTASMES. SUR. LES. PERSONNAGES.
L'avancée des chapitres et des histoires est sur...
Instagram : allynnalf
20/01/23
(corrigée le 20/06/23)
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