Chapitre 2 : Les réveils ne sont pas toujours agréables
L'atmosphère morbide de la pièce se ressentait. Un néon grillait toutes les cinq secondes en m'aveuglant avec parcimonie. Cette lumière infernale provoqua mon réveil tout autant que ce brouhaha qui résonnait en dehors de ma chambre.
Je tournai difficilement la tête pour faire craquer mon cou et remarquai les couleurs ternes qui amplifiaient cette ambiance hospitalière.
La pièce était sombre de par les fenêtres drapées habillées d'un rideau gris foncé, des murs d'un jaune ressemblant à de l'urine, ainsi qu'un possible sol autocollant de la même couleur que le verre en terre cuite de mon rêve.
Des draps blancs en matière synthétique conservaient tout aussi bien la chaleur de mon corps imposant que la fraîcheur qui se dissipait par l'aération.
Le calme ne restait que dix minutes après mon réveil, et alors que l'endroit vide me paraissait être propre au purgatoire, une engueulade externe se produisit devant ma porte, attisant ma curiosité. Sans même toquer, une multitude de personnes entrèrent.
Eux.
— Oh ! Ma chérie ! se plaignit ma fausse grand-mère, les bras écartés vers moi avec un bouquet composé en main. Je suis heureuse de te voir saine et sauve !
— C'est bon, maman ! Tu as entendu ce qu'a dit le médecin, ç'aurait pu être pire, intervint ma mère roulant avec une perfusion, vers la vieille peau qui me collait déjà à la joue.
Je détournai la tête en essayant d'éviter ses embrassades, mais elle me bloqua avec son autre main pour que je ne puisse résister.
Sa bouche gluante et froide me picota l'épiderme d'une telle façon que je réussis à la faire s'éloigner de moi.
D'un regard mauvais, je fronçai les sourcils vers ma mère assise sur un fauteuil que sa sœur avait tiré à côté du lit.
Je les vis tous autour de moi à me dévisager : ma grand-mère, ma mère, Loann et sa mère.
Je me raquai la gorge afin de mieux parler, mais ma mère me devança :
— Il va bien, si c'est ce que tu veux savoir. Il a juste inhalé trop de fumée et son métabolisme a moins bien évacué que le mien.
Mes doigts se mirent à trembler et les larmes me montèrent aux yeux quand elle m'agrippa la main fermement.
— Qu'est-ce qui s'est passé, maman ?
Les glaires obstruèrent à nouveau ma trachée et je me mis à tousser d'un coup, me faisant verser des larmes coincées.
Ma grand-mère se pencha vers la tablette à mes côtés, mais je fus plus rapide qu'elle pour choper le verre glacé qui m'aiderait me décongestionner.
Le froid traversa mon buste et me provoqua un frisson qui me fit reposer le contenant. Les lèvres pincées et le nez toujours bouché, ma mère inspira longuement pour reformuler la même phrase.
— Il y a eu un incendie.
— Je me doute bien, maman ! m'exclamai-je comme si ce n'était pas une évidence. Pour quelle autre raison est-ce qu'on aurait inhalé de la fumée sans être piégés dans un incendie ?
Elle essuya ses larmes et regarda sa famille qui n'avait pas pris la parole depuis leur dispute.
Cette situation m'affligeait.
Mon cerveau se moquait de moi à me faire réagir avec diverses émotions. Ma bouche aspira un brin d'air sec et joua sur la pression de ma langue pour me décongestionner.
— Je... continuai-je en ressentant le malaise. Je veux dire... Comment est-ce que c'est arrivé ?
Elle tenta de prendre la parole quand le bruit de choc de la porte contre le métal attira notre attention.
Une petite dame aux cheveux rasés et en blouse blanche termina sa conversation, un bloc en main.
Elle se rapprocha de mon lit à vive allure.
— Heureuse de voir que tu es réveillée, Yu. Tu as pu boire un peu et marcher ?
J'allai commencer quand ma mère me devança encore une fois :
— Elle a bu, mais ce ne serait pas prudent qu'elle marche, docteur.
Cette dernière sourit à ma mère tout en rétorquant :
— Madame Jimpan, vous devriez être dans votre chambre aussi.
— Je sais, je sais ! Mais je voulais m'assurer que ma fille aille bien.
— Nous sommes là pour nous en assurer, madame.
Le docteur au teint basané s'avança près de moi, éloignant ma pseudo-grand-mère pour m'ausculter avec son stéthoscope, en me demandant d'inspirer et d'expirer.
— Tu as eu mal à la tête ou des difficultés à respirer depuis que tu es consciente ?
— Non... J'ai juste le nez bouché et je me sens un peu stone...
Elle retira l'objet métallique de mon dos tout en gribouillant des notes et se déplaça vers ma perfusion.
De nouvelles ratures sur le papier, un léger coup d'œil à la poche suspendue de ma mère et elle termina avant de fermer la porte :
— Tu restes une nuit de plus ici, Yu. En revanche, madame Jimpan, vous pouvez sortir dès maintenant.
Des petites exclamations se firent dans la salle.
Ma mère se leva quand un infirmier entra pour la prendre en charge.
— Vous êtes sûr que je peux partir tout de suite ? Et ma fille ? Et mon mari ? demanda-t-elle inquiète au professionnel qui lui retira la perfusion en essayant de la maintenir calme.
— Nous allons nous occuper d'eux, madame, affirma-t-il en souriant et en récupérant le matériel.
— Mais... tenta-t-elle sans aucune réponse, mise à part la fermeture de la porte une deuxième fois.
Elle frotta vivement le creux de son coude et se pencha sur mon front pour l'embrasser tout en ignorant ma prise de parole. La douceur de son geste essaya de m'apaiser sans succès.
Qu'est-ce qui aller se passer maintenant ?
— Maman...
Mais elle s'éloigna de moi en prenant sa grande sœur par la main. Elles parlèrent avec elle et sa mère dans un coin de la pièce en petit comité.
L'illusion d'un complot prémédité me traversa la pensée.
Encore des messes-basses... Encore isolée.
Comme si cette famille n'était pas assez mystérieuse et pudique que ça, il fallait en plus qu'elles se concertent à l'écart du mouton noir que j'étais pour prévoir des choses que je n'accepterai pas.
Je les braquai en silence. Leur présence m'importunait.
Leur voix me donnait envie de partir si loin !
Parfois, ma tantine détournait le visage en ma direction pour reprendre sur un ton plus engagé, mais suffisamment bas pour que je n'entende pas.
Qu'est-ce qu'elles prévoyaient encore ?
Je n'avais rien d'autre à faire, mise à part observer pour la énième fois la pièce, quand mon regard se déposa sur la silhouette de Loann, en position chaise contre la porte de sa salle d'eau.
Ce fut assez étonnant qu'il ne soit pas pris à part lui aussi, mais il devait sans doute parler au reste de sa maudite famille sur ce qui s'était passé dans le groupe.
Le groupe...
Le...
Oh non !
— Maman ! m'écriai-je en attirant l'attention de tous les membres. Mon livre ! Mon livre, est-ce qu'il est...
Elle marcha rapidement vers moi, attrapant le verre d'eau pour me le tendre afin de calmer ma mine alarmée.
Même Loann détourna la tête de son téléphone pour m'observer, ahuri.
Ma gorge me gratta et je bus le contenant du verre d'un coup, essayant de me calmer. Mais c'était perdu d'avance.
Mon livre...
— On ne l'a pas récupéré, Yu. Tu es plus importante que ce livre !
J'essuyai mes yeux coulants et laissai mes mains glacées sur mes joues brûlantes comme pour me réveiller de ce cauchemar.
— C'était la dernière édition, maman... Il est mort...
Les trois autres m'observaient sans rien dire quand la vieille termina une phrase avec sa vraie fille et s'élança en tentant de me calmer :
— On va t'en retrouver un, ma chérie. Calme-toi.
Me calmer ? Non. Certainement pas.
— Non ! Je ne veux rien venant de vous ! Maman... Mon livre...
Keegann...
Elle revint avec une serviette imbibée qu'elle déposa sur ma tête pour me rafraîchir, mais, rien.
Mes larmes continuèrent. Ou peut-être était-ce le tissu qui me trempait.
C'était comme si je vivais un deuil.
Le seul livre qui m'a fait aimer vivre, et rire.
Le seul qui me paraissait plus réel que la réalité, et, où Keegann était l'humain parfait.
Si gentil, si aimant, si vivant...
Il était mort, tout comme son auteur.
La serviette se réchauffait et je me sentis étouffer. Prise par un élan d'aigreur, je la jetai sur la tablette et vis Loann sourire en coin.
Ici, impossible de m'échapper.
À partir de ce jour, je devais les confronter, lui et ses actes malveillants. Je fixai sa lèvre léchée, signe annonciateur d'une connerie émergente.
— Tout ça pour un livre ? T'es pas sérieuse ?
— Loann ! se fâcha sa mère en lui faisant une pichenette sur l'oreille. Leur situation est déjà assez difficile comme ça, arrêtes veux-tu !
Il souffla en rigolant et replongea sur son écran.
Je n'osai même pas imaginer ce qu'il était en train de dire à ses potes...
Ils allaient encore se foute de moi...
Oui, l'enfer arrivait dans ma vie sans la protection que m'apportait ce livre.
Se remettre à vivre et à dialoguer avec d'horribles personnes vous malmenant n'avait rien d'une opportunité.
Et j'allais appréhender ce retour à la réalité.
Ma mère plia la serviette délicatement à la perfection et me caressa la main tout en ignorant un contact visuel avec moi.
Une lâche.
Elle fixait sa mère qui lui fit un signe discret de la tête et se tint par le bras de son autre fille.
La scène était marquante, digne d'un épisode dramatique où tous les personnages qui s'étaient concertés avec la plus haute mission allaient devoir dire au héros, une nouvelle qui allait changer sa vie à jamais.
Et sur le même moment, mon nez se déboucha.
Une action impitoyable pour bien me faire sentir la puanteur qui allait suivre.
L'air cloisonné et menaçant de ce côté de ma famille circula dans mon être par toutes les façons d'inspirations possibles, quand Loann regarda sa mère avec les gros yeux.
Mon pouls ralentit, ma respiration aussi. Je coupai aussitôt ce malaise qui paraissait pire que cet incendie.
— Bon, quoi ? Ça va, j'essayerai de voir pour chercher une autre édition et...
Mensonge.
Ça n'allait pas.
J'aimais ce livre plus que tout au monde.
Sa perte me traumatisait plus que mes appareils. Mais je pouvais faire semblant, imiter une émotion qui ferait croire que ce n'était qu'une perte minime alors que non.
Rien ne pouvait être pire que de perdre une partie de moi.
De laisser derrière soi, son premier amour.
— Non, Yu, continua ma mère avec sa caresse sur le haut de la main sans me calculer. C'est autre chose.
— Je ne peux pas deviner si tu ne me dis rien, maman...
Rien.
Silence.
Mais pas de la part de Loann qui s'amusa en se posant sur le bout de mon lit.
— Tata... insinua-t-il d'un ton bas, en rangeant son appareil derrière soi. Tu ne lui as rien dit ? rigolât-il en reluquant ma mère, qui se pinça les lèvres.
Je la dévisageais ainsi que Loann en attendant la fin de leurs conversations muette et visuelle, sans aucun indice pour me guider.
— Tic, tac, rigola-t-il en balançant en rythme sa tête.
— Maman ? Dire quoi ?
— Tic, tac...
Mais elle se tut contrairement à mon cousin qui se déplaçait lentement, les mains dans les poches, jusqu'à se positionner les fesses contre mon lit. Les yeux braqués sur son cou tendu à chaque son produit en continu, il posa son menton sur son épaule laissant apercevoir le côté de sa dentition.
— Plus de maisons, nouvelle maison...
Sa voix, sa posture, son comportement...
Son entière présence avait ce pouvoir de me faire frissonner de terreur par son essence.
Son silence continuait, la mère de Loann le grondait pour qu'il arrêter ses bêtises, mais il termina.
En pivotant sur lui-même, avec un grand sourire hypocrite qui m'était adressé, il leva les mains suivies de l'imitation d'une révérence.
Son menton saillant rentré, il me délivra sa phrase finale avec les yeux plissés et relevés vers moi :
— Vous venez habiter chez nous.
Je lâchai la main de ma mère et voulu me lever directement.
Soudain, mon cerveau coupa l'air dans mon corps, m'anesthésier sur le coup.
Comment avait-elle laissé cette décision finale arriver ?
Et surtout, est-ce que papa était au courant ?
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J'avais dit que ça chauffait au chapitre précédent ? Mince... j'ai menti.
Alors certes, c'est pas intense mais ça monte crescendo. Pour mieux vous poignarder émotionnellement après quand vous serez attachés aux personnages.
Au premier abord, vous pensez quoi de Loann ?
Il est du genre taquin ou mesquin ?
On verra ça au chapitre 3. Mais les apparences sont trompeuses, même sous sa bouille...
⚠️ Accrochez-vous... surtout à lui. Mais n'oubliez pas : PAS. DE. FANTASMES.
L'avancée des chapitres et des histoires est sur...
Instagram : allynnalf
01/01/23
(ça fait trop bizarre)
(corrigée le 20/06/23)
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