Chapitre 12 : L'arrêt précipité
Le chaton cacha sa tête sous mon pull en m'entendant me crisper, frustrée. Amaël ne s'arrêta pour autant de se moquer de moi.
— Je te jure qu'il s'est fait poursuivre par deux poules, Amaël ! Pourquoi tu ne me crois pas ?
— Ça m'étonnerait juste qu'Arman ait fui, tout simplement. Elias, je ne dis pas. Mais Arman ? Non. Certainement pas.
Je soufflai grossièrement en détournant le regard d'Amaël, qui me fixait en travers, le visage tendu par un mauvais sourire moqueur.
— Ne t'en fais pas, Yu. Les troubles de la mémoire peuvent se soigner même à dix-huit ans ! surenchérit-il avant d'amener une main sur sa chevelure mi-longue, en ne tentant nullement de retenir son hilarité.
Un deuxième fou rire lui étira la bouche et je me surpris à sourire à mon mensonge.
La boule de poil tremblait dans ma main quand mes doigts lui touchèrent le museau, en le sortant de l'habit.
D'un coup d'œil, mes yeux dérivèrent vers le paysage défilant, et sans cacher mon désarroi, la réalité de mes émotions reprit le dessus sur cet égarement joyeux.
Je me concentrai sur la frimousse enroulée sur moi quand je sentis une poigne rassurante frictionner mon bras. Amaël afficha un sourire compatissant, alors que je me doutais bien qu'il ne comprenait qu'un traître mot de ce que je voulais bien lui avouer face à ma situation.
Alors, pour détendre l'atmosphère, je lui envoyai une pique quand il s'amusa à chatouiller les moustaches de l'animal.
— De toute façon, ça se sent à des kilomètres que tu ne sais pas t'occuper d'un animal. Ce doit être un truc de famille, il faut croire.
J'étirai un sourire en coin en contemplant Amaël se tordre la bouche en aspirant sa joue.
Totalement concentré sur la route peu encombrée, il siffla entre ses dents en répliquant à mon attaque :
— Tu te trompes sur bien des points, Yu.
L'étonnement se planta soudainement sur mon visage avant de rester interloqué en vue de sa mine torturée de mimiques théâtrales.
— À vrai dire, tu ne sais pas tout sur mon obscur passé.
Le coin de ses lèvres se pressa afin d'éviter qu'un rire s'échappe face à son interprétation dramatique.
Une main quitta le volant pour y sécher le coin de son œil sec, en accentuant le côté mélancolique de son récit.
— Tu ignores ma tristement célèbre relation que ma famille se donne du mal à cacher à toute présence extérieure de notre sang.
— C'est-à-dire ?
Un bruyant soupire quitta ses lèvres.
— La trahison que Pitoche m'a faite.
— Pitoche !? C'est quoi cette connerie encore ?
Il amena sa main devant sa bouche en hoquetant de surprise, les yeux ronds. Sa voix dérailla dans mes aiguës à la suite d'un cri hystérique.
— Pitoche ! Mon lapin ! Il m'a lâchement quitté pour retrouver Elias en cachette ! Pendant ce temps, j'étais seul et abandonné de tous !
L'entièreté de son visage de crispa de désespoir quand il ajouta en gueulant :
— Il m'a abandonné, Yu !
Depuis quelques minutes, j'étais prise par une torsion dans le ventre qui me faisait gigoter dans tous les sens face au discours d'Amaël et son mauvais jeu d'acteur.
C'est alors que je me pris d'un énième fou rire quand à son tour, il se moqua de la situation.
Les larmes parsemèrent le coin de mes yeux et roulèrent sur mes joues.
Cependant, au même instant, c'est sur mon bas ventre que je sentis une humidité qui se développa.
Les secondes défilaient et l'énorme tâche colorée sur mon pull prenait de l'ampleur.
Les rires d'Amaël continuaient en arrière-plan de la scène que je venais d'assister.
Se rajoutant à ça, l'odeur qui s'immisça jusqu'à mes narines.
— Amaël...
Mais son regard fixait la route, tantôt amusée, tantôt concentrée.
— Putain, Amaël ! Le chat vient de me pisser dessus !
Mon corps pencha subitement vers le tableau de bord, évitant d'écraser de justesse le troisième passager assis sur moi.
La voiture venait de ralentir, et bien que je contemplai, totalement dégoûtée, l'animal qui marcha sur son urine ; je détournai brusquement la tête vers le conducteur qui admira la scène en se retenant de rire.
Je bougeai la tête négativement en forçant mon regard sur son visage hésitant :
— N'ose même pas, le menaçai-je, le doigt pointant vers lui.
— C'est incroyable comme un si petit être peut à ce point lâcher une telle puanteur.
Je soufflai exaspérée en retenant mon souffle une fois sur deux, avant de geindre :
— Il faut que l'on s'arrête ! Je ne vais pas ouvrir, il va mourir !
— Je te trouve un peu dramatique, Yu...
— Dit-il, lançai-je sarcastiquement en comprimant un rire mauvais.
Un nouveau jeu de regard s'installa entre nous, mais je l'incitai à rouler pour trouver des toilettes le plus rapidement possible.
Amaël s'était habitué au parfum qui embrumait l'habitacle, sans trop de mal.
Pour ma part, un goût brut s'installa dans la gorge, mélangeant des saveurs qui me rendaient nauséeuse.
Durant les dizaines de minutes passées, ma tête restait appuyée contre le givre de la vitre.
Mon visage demeurait glacial, mais l'action du froid sur ma peau favorisait mon calme face à la régurgitation qui me titillait.
La portière claqua et le conducteur apparut de l'autre côté de ma portière, m'ouvrant l'accès à un air pur. J'attrapai le chaton d'une main en tirant sur mon habit et le tendis à Amaël qui ferma après moi, en me suivant du regard.
— Les toilettes sont à droite !
Je cherchai le panneau d'indication des yeux sur le parking commercial. Puis, je me retournai vers lui et son compagnon en levant les mains. Il me rattrapa rapidement et pointa du doigt un coin sans portes que je réussis à percevoir.
— Prochain arrêt : l'opticien, rigola-t-il derrière mon dos alors que je lançai mon majeur par-dessus ma tête en me dépêchant vers le renfoncement.
Son rire grave se perdit en un écho quand je franchis la pièce où résonnait un brouhaha épouvantable.
Mes pas ralentissaient la cadence en apercevant les lavabos pris d'assaut par deux femmes bruyantes.
Mes yeux se promenèrent dans l'espace, espérant trouver un robinet disponible, mais c'était sans succès.
Alors, je patientai en restant statique face au grand miroir décoré de tags et de crasse en attendant sagement que la femme à l'afro et sa copine décolorée qui ricanait en se maquillant partent bientôt.
J'essayai d'éventer mon pull en l'agitant et soufflant dessus tout en comptant les secondes pour passer le temps.
— Elle est trop moche ! rigola une voix lorsqu'une autre rajouta :
— Moi c'que j'vois, c'est à quel point elle est obèse !
Les deux femmes s'exclamèrent davantage devant moi.
Parlaient-elles de moi ?
Instinctivement, je serrai les poings et la mâchoire tout en essayant de me contenir.
Ça pourrait être un malentendu.
Je relevai le visage vers l'inconnu aux cheveux bleu quand cette dernière, qui dessinait sur le miroir salit, exprima une mine dégoûtée en s'adressant à son amie :
— Mate-moi ces boutons, Aminata !
La tête qui portait l'afro se retourna directement vers moi. Sa peau foncée était habillée de plusieurs piercings, un à l'arcade sourcilière et un autre que je remarquai à son nez quand elle s'abaissa en m'observant.
Je détournai les yeux de la multitude de colliers extravagants qu'elle portait quand elle s'écria en sautillant, les mains tourbillonnant avec un joint coincé entre ses doigts :
— Burk ! Trop dégueu !
Elle me refit face en s'accaparant de mes yeux qu'elle traqua. Ses lèvres débordaient d'une couleur prune tout comme le dessous de ses yeux.
Puis, elle reprit appui auprès de la femme en se penchant vers elle en riant. En se baissant pour parler, je remarquai son dessin dans la glace.
— Attends, salope ! Je n'ai pas fini mon chef-d'œuvre ! cracha-t-elle en partageant la cigarette que son amie lui mit en bouche.
Dans la pièce ouverte se dressait un nuage de fumée plus dense qui émanait des lavabos. Plus je plissai les yeux, plus je distinguai qu'elle dessinait mon contour avec du rouge à lèvres.
— T'as oublié les boutons, meuf ! rajouta l'inconnu qui m'avait détaillé.
Elle se tourna une nouvelle fois vers moi qui baissai la tête pour éviter de croiser son visage entouré de boucles peroxydées, qui contrastait avec ses frisottis noirs.
— Grosse, moche et qui n'a pas confiance en elle. Ça, c'est le gros lot ! m'attaqua ladite artiste.
Mes yeux me picotaient depuis quelques secondes.
Une boule d'angoisse bloqua ma respiration saccadée.
J'essuyai mes mains moites sur mon jogging quand un doigt verni me toucha sous le menton, m'obligeant à faire face à ma harceleuse.
« Hé, les gars, Yu elle est tellement grosse que même ses habits la maigrissent ! »
« Oh meuf, t'es même plus une calculatrice à ce stade, mais un tableau de bord ! »
« Tu crois que si on la pousse, elle roulera jusqu'à faire un strike ? »
Une chaleur stressante bloquait davantage ma respiration dans ce nuage toxique. Je pressai mes molaires entre elles en prenant sur moi, mais des larmes de frustration et de honte devinrent visibles.
Mon pouls s'accéléra en me remémorant les souffrances de ma scolarité :
« Frappe-la, elle est rembourrée ! »
« De toute façon, elle ne dira rien. Pas vrai, Yu ? »
« Elle est tellement conne. »
La peau de mes joues se coinça dans ma morsure quand j'entendis :
— Meuf, elle chiale !
— Sérieux ? Attends, je veux voir !
Je ne pouvais plus retenir tous ces souvenirs infâmes, la plupart du temps provoqué par Loann qui s'amusait avec toutes ces souffrances.
J'avais le reflet systématique de ce que les gens qui ne me connaissaient pas pouvaient me faire subir sans culpabilité.
Me faire subir un émerveillement dégueulasse...
Lorsque la deuxième fille entreprit le chemin vers moi pour contempler ma tristesse, un sourd vacarme gronda dans les cabines.
Une porte valdingua en claquant sur la serrure qui se détacha avant de tomber par terre.
Le bruit surprenant du métal nous fit sursauter de peur et l'humidité caressa la totalité de mes joues.
Les deux hyènes à mes côtés hurlèrent de frayeur comme deux hystériques droguées.
Peut-être l'étaient-elles ?
À travers la fumée qui se dégageait de la main de la femme aux cheveux bleus, je distinguai, en plus de ses joues extrêmement marquées tout comme ses profonds cernes bleus dans sa peau blafarde ; une silhouette inconnue qui se rapprocha de nous.
Je vis en tout premier, des bras rougis et humides rempli de tatouages, comme si on avait frotté dessus.
Puis une longue crinière bouclée qui descendait jusqu'aux fesses.
Elle se positionna devant les deux femmes.
Je perçus un regard mordant et énervé les fixer, en m'ignorant.
Soudain, la grande brune à la chevelure épaisse s'approcha de la femme qui semblait malade.
Mes épaules sursautèrent en entendant le résonnement de la gifle à côté de ma tête.
Des cheveux bleus se penchèrent en avant sans dire un mot.
— Vous n'êtes vraiment que de vieilles chiennes droguées, vous deux. Déjà que je dois vous reprendre sans arrêt sur votre comportement... Maintenant, je dois aussi gérer ce que vous dites ?
La tatouée haussa la voix en passant son regard de l'une à l'autre.
Son corps était rougi, mais pas de colère. Elle affichait un visage passible, presque ennuyé.
— Shahizadeh...
— Oh, la ferme, Aminata. Toi qui as été harcelée, tu devrais être la première à éviter de parler comme ça ! Surtout à ton âge ! Niveau respect, vous êtes à la traîne.
— Putain, mais t'as giflé Marina, là ! Il est où ta putain de respect !?
Shahizadeh s'avança vers Aminata en poussant la malade sur le côté, qui était toujours choquée par le coup.
On aurait dit qu'elle était en transe et que son cerveau avait du mal à tout comprendre.
— Vous savez ce que le harcèlement peut entraîner. Et je n'ai pas envie d'être à nouveau témoin d'une chose aussi épouvantable que ce dont vous vous amusez à faire ici. Je ne peux surtout pas laisser passer ça. Cette jeune ne vous a rien fait et vous l'attaquez sans raison depuis cinq minutes. Ça comme à -
Face à la brune qui prenait ma défense, mon stress commençait à s'apaiser, si bien que mes larmes se stoppèrent.
Cependant, quand un rire incontrôlé s'amplifia, je sentis une atmosphère corrompue m'envelopper.
Aminata rejoignit Marina en riant et elles se tournèrent vers moi en se moquant des propos de la tatouée.
— T'es trop moche, p'tite !
— On dirait un troll bridé !
Marina tapa sur l'épaule d'Aminata en s'esclaffant.
Tout alla trop vite : entre la cigarette qui se consumait sous mon nez et qui m'empêchait de respirer pleinement, aux insultes qui revenaient...
Mes poumons, eux, se comprimèrent à nouveau.
Ma tête tournait.
Mes larmes restaient coincées.
Ma respiration s'absentait.
Comme si je voulais encore éviter une de ces scènes que je ne connaissais que trop bien, en m'empêchant de vivre pour disparaître plus vite.
— Meuf, guette son look ! On dirait une clocharde !
— En plus, elle put la pisse !
Marina tira sur mon pull. De par sa poigne, mon corps balança vers elle, que je refusai de regarder.
J'avais trop honte.
— J'hallucine ! Elle s'est pissée dessus avec ce qu'on lui a dit !
Les femmes partirent en un fou rire.
En lâchant sa prise de moi, mon dos heurta le mur bétonné.
Je sentis le froid hivernal refroidir mon corps en passant par la tâche produite par le chaton.
— Mais vous allez la fermer !? hurla Shahizadeh qui s'affola auprès de ses amies droguées, appuyées contre la vasque d'où tombèrent des produits de beauté.
Ma vue se brouillait davantage.
Mes oreilles sifflaient avec les cris de la brune.
Mon corps tremblait en anticipant la prochaine étape : les coups.
J'étais absente de mon agression, comme les dernières semaines passées au lycée, quand Arman n'était pas là.
J'étais si apeurée que je ne vis même pas qui était entrée dans la pièce.
J'espérai de tout cœur qu'il s'agissait d'un adulte qui comprendrait la situation, qui agirait comme si on s'en prenait à son enfant.
Juste... Un adulte responsable et autoritaire, pas comme mes professeurs ignorant la situation puisque :
« C'est la dernière année, Yu. Tu peux juste supporter ça encore quelques mois. »
Et s'ils s'amusaient avant la fin et que je décidai moi-même de cette fin ?
Que dirait-on ? Qu'il aurait fallu que j'en parle plus tôt ?
J'en parle déjà, bon sang ! Tout le monde sait ! Personne ne fait rien !
Je tentai de compter mes respirations pour m'apaiser, mais c'est autre chose qui me rassura.
Ma nouvelle arme.
— Qu'est-ce qui se passe, ici ?
Amaël.
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U P D A T E S
Honnêtement, c'est à partir de ce chapitre que les mois se sont écoulés. Nous sommes en juin, j'ai tenté de poster en janvier. De base, c'était en décembre, pour Noël mais... échec cuisant.
J'ai pris la décision de finir enfin une histoire dans ma vie, parce qu'entre temps, j'en ai eu, des idées. Pas de suite approprement parlée mais dans le même univers. Donc, ça m'a motivée. L'écriture, c'est vraiment une pratique constante. Ne faites pas comme moi, haha !
Qu'avez vous pensé de Marina et Aminata ?
Et surtout, le comportement de Shahizadeh, qui protège Yu ? Vous allez voir dans le prochain chapitre, elle va tout déglinger !
J'ai enfin saisi l'univers de UN 25 DECEMBRE ET DES POUSSIERES. 4 mois pour, mais j'y suis arrivée. En ce jour, le mardi 20 juin 2023, j'ai passé la nuit réécrire les 14 premiers chapitres dans le but de finir l'histoire et de la soumettre aux Wattys. Alors, soyez à l'affût, car 2 chapitres par jours vont pleuvoir.
⚠️ PAS. DE. FANTASMES. SUR. LES. PERSONNAGES.
L'avancée des chapitres et des histoires est sur...
Instagram : allynnalf
28/06/23
(corrigée le 20/06/23)
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