CHAPITRE XXVIII

- Je suis sûr que Jenkins a déjà un casier judiciaire. Il me reste plus qu'à le trouver.

Oui Diego. Se dire qu'une personne qui va causer la fin du monde est déjà un délinquant enregistré par la police est une bonne piste. Vouloir s'infiltrer dans le commissariat en est une autre !

- Et tu comptes faire comment ? Entrer et demander gentiment peut-être ?

Au moins Allison partage mon avis. C'est une très mauvaise idée...

- T'inquiète, crois-moi je sais de quoi je parle. J'y ai passé pas mal de temps.
- Et je dois te rappeler que pendant ce fameux temps tu ne portais pas un insigne mais des menottes ? ajouté-je en essayant de lui faire comprendre que son plan est vraiment pourri.
- C'est pas important. Alors voilà ce qu'on va faire...
- Comment ça ? l'interrompt Cinq. Je me téléporte et je prends le fichier.

J'aimerais à ce moment, encore une fois utiliser mon ton sarcastique pour expliquer à ce cher Cinq que son état flagrant ne me donne pas vraiment envie de le laisser aller se promener tranquillement dans un commissariat de police. Mais Diego le fait à ma place.

- Non c'est pas du...tu...tu connais pas cet endroit en détail. C'est pas si simple.
- J'ai déjà fait ça pas plus tard qu'hier je te signale. Enfin...mon hier je veux dire. Pas le tien à l'évidence. J'en ai pour deux secondes à peine...
- Oui et j'imagine que si ça devait mal tourner, tu aurais toujours une ou deux grenades dans ta poche ?

Il me lance un regard exaspéré mais...il sait que j'ai raison. Là, c'est complètement différent de La Commission. Ce sont des vies humaines innocentes qu'il reste de mettre en danger.

- Il est pas question que tu entres, conclut aussitôt Diego. C'est clair ? J'ai pris ma décision. C'est comme ça quand on est chef. On commande.

Chef...Chef...quand on aura sauvé le monde, je ne me gênerai pas pour les emmener lui et Luther, voir un thérapeute qui soignera une bonne fois pour toute ce complexe de supériorité qu'il y a toujours eu entre eux. Il n'y a qu'à voir la manière dont Cinq a su les motiver pour qu'ensemble on stoppe cette Apocalypse, pour se rendre compte qu'il fait bien plus chef que ces deux-là. Même si en ce moment-même, il se comporte de façon stupide en cachant ce qui ne va pas chez lui. Je dois lui parler.

- Bon grouille-toi Diego, le pressé-je. On n'a pas toute la journée devant nous.
- Oui c'est bon j'y vais.

Et aussitôt il sort de la voiture pour se diriger vers la ruelle juste à côté du commissariat. Allison ouvre à son tour sa portière après un court instant.

- Où tu vas ? lui demandé-je.
- Je dois appeler Vanya. Elle est passée tout à l'heure et on l'a un peu mise de côté. Il faut que je lui dise que je suis désolée.

Vanya. Je l'ai presque oubliée. J'espère qu'elle va bien, j'aurais aimé être là pour...pourquoi je fais tout mal ?! Je ne peux même pas sortir avec Allison pour passer ce coup de fil avec elle et m'assurer que tout va bien parce que je dois aussi m'assurer que tout va bien dans cette voiture ! Allison sort, et moi je pense déjà aux excuses que je vais devoir présenter à ma sœur quand tout ça sera fini. Je ne veux pas non plus qu'elle soit mêlée à toute cette histoire, mais uniquement parce que je sais à quel point tout ça est dangereux. Elle n'a pas de pouvoirs. Je ne veux pas la perdre. Je ne veux perdre personne. Je profite donc de me retrouver seule avec Cinq pour prendre la place de Diego sur le siège conducteur juste à côté de lui.

- Tu vas me dire ce que t'as ?
- Je vois pas de quoi...

Sans hésiter, et agacée par son comportement puéril, je lui donne un coup de poing dans l'épaule qui le fait de nouveau gémir de douleur. Il pose alors sa main sur son flanc. Alors c'est ici qu'il a mal ?

- Fais-moi voir.
- Quoi ?
- Ta blessure !
- Je n'ai pas de blessure.
- Cinq...

Je pousse un long soupire en essayant de me calmer.

- Ne me commence pas à me faire ce coup-là. Je sais que tu es blessé, je sais que tu souffres, je suis pas conne !
- Huit...
- Comment tu veux que je me concentre sur la mission si je dois m'inquiéter pour toi ?!
- Pourquoi tu t'énerves ?
- Parce que je veux sauver le monde ! Mais mon monde c'est toi bordel !

Et aussitôt il se fige. Cette phrase, moi-même je ne l'ai jamais oubliée. Je ne m'attendais tout simplement pas à la répéter un jour.

17 ANS AUPARAVANT

J'ouvre difficilement mes yeux. J'ai mal au crâne. En fait...j'ai mal partout. Je suis fatiguée. Pourquoi je suis aussi fatiguée ?

- Huit ?!

Cinq. Pourquoi il crie comme ça ? Je sens une main saisir la mienne, et une autre se mettre à caresser ma joue avec tendresse. Ce qui m'encourage à ouvrir les yeux pour enfin le voir. Ses joues sont toutes mouillées, ses yeux rouges et gonflés. Qu'est-ce qu'il lui arrive ?

- Cinq ?

Je suis surprise de parvenir à parler. J'ai l'impression que mon corps tout entier est en bouilli. Mais je n'aime pas le voir dans cet état.

- Qu'est-ce que...
- Je pensais que je t'avais perdue. Je...quand ce bâtiment s'est écroulé sur toi j'ai...

Un bâtiment ? Je ne...un instant. Si ! J'étais dans un vieux magasin de vêtements. Je sais plus ce que je faisais là-bas mais...j'ai entendu le plafond se mettre à craquer. J'ai senti l'air vibrer autour de moi. Ce n'était pas la première fois que je voyais ça, alors je savais exactement ce qui allait se produire. J'ai juste eu le temps de pousser Cinq à l'extérieur avec une bourrasque de vent et...

- Je suis désolé ma jolie. Je suis désolée j'ai pas...je t'ai pas protégée. J'aurais dû être à ta place.
- Espèce de...crétin.

J'essaie de me redresser mais la douleur est trop forte. Je pousse un petit cri de douleur en me relâchant pour rester allongée. A la place, je serre donc encore plus fort sa main.

- Je vais bien...

Ma voix est un peu cassée, et faible, mais de toute façon il n'y a aucun bruit autour de nous pour la camoufler. Je lui souris du mieux que je peux pour lui montrer que je suis encore là et que ça ne servait à rien de s'inquiéter autant.

- Huit tu comprends pas...comment je ferais...comment je pourrais vivre sans toi ?
- Un coup sur la tête...c'est pas la fin du monde.

Je lui sors toujours cette phrase quand je vois qu'il s'inquiète trop. Parce que oui, quoiqu'il puisse se produire, ça ne sera jamais aussi grave que ce qui est déjà arrivé. L'extinction de toute la race humaine. La destruction quasi-totale de la planète. Mais cette fois, ça ne parvient pas à le rassurer comme d'habitude. Cette fois ses larmes continuent de couler. Aucun sourire n'apparaît sur ses lèvres.

- Mais mon monde c'est toi espèce d'idiote.

Le voir dans cet état me brise le cœur. Je ne sais pas comment, mais en serrant un peu les dents, je parviens à me redresser légèrement malgré ses interdictions. Je m'assieds en m'appuyant sur lui pour ne pas perdre l'équilibre. Il me fixe toujours aussi inquiet, mais je lui souris de nouveau.

- Bah tu vois ton monde...a peut-être quelques côtes cassées, mais...à part ça il va plutôt bien. Tu trouves pas ?

Le voilà enfin. Le sourire que j'attendais. Je suis tellement soulagée de le voir, que je relâche légèrement mon corps et m'apprêtais à perdre l'équilibre. Mais ses mains m'agrippent et me retiennent, je tombe juste doucement en avant pour que nos deux fronts se retrouvent collés l'un à l'autre. Les yeux fermés, on reste dans cette position un instant.

- Je suis heureuse de m'être réveillée.
- Comme si tu dormais pas déjà assez sale fainéante.
- Moi aussi je t'aime.

Je ne sais pas si le souvenir de ce moment nous a tous les deux fait perdre la notion du temps, mais alors que je m'apprêtais à reprendre la parole, la portière arrière s'ouvre de nouveau, et Allison fait son entrée. Elle nous observe aussitôt, étonnée.

- J'ai interrompu quelque chose ?

Je jette un coup d'œil vers Cinq qui détourne très vite le regard pour faire semblant d'observer l'extérieur de la voiture. Je n'obtiendrai rien de lui en présence de quelqu'un. Bon sang si ce qu'il a s'aggrave, je sais pas ce que je vais pouvoir faire.

- Non c'est bon.

Je retourne sur le siège passager en essayant de ne plus me focaliser sur Cinq.

- Comment va Vanya ?
- J'ai pas pu l'avoir, mais je lui ai laissé un message.

J'espère qu'elle va bien. J'espère que Klaus et Luther vont bien. J'espère que...que Diego va bien et ne s'est pas fait arrêter au moment où on parle. Est-ce qu'un jour je vais pouvoir cesser de me faire du souci pour les Hargreeves ?!
Et Grace dans tout ça ? Je ne lui ai pas parlé depuis bien trop longtemps, je ne sais pas comment elle va, je ne sais pas si je lui manque, je...je voudrais être avec elle. Je voudrais qu'Allison puisse être avec sa fille. Si on parvient vraiment à sauver le monde, ma prochaine mission sera de rendre son enfant à ma sœur. Mais en attendant, voilà Diego. Il rentre dans la voiture avec un dossier qu'Allison s'empresse de prendre de ses mains. J'essaie de lire en même temps quand...elle s'arrête sur une photo du fameux Harold.

- Putain c'est une blague ?!
- Quoi ?
- Harold Jenkins c'est Léonard Peabody.

Léonard...pourquoi ça me dit quelque chose ?

- Où est-ce que j'ai déjà entendu ce prénom ?
- Sûrement de la bouche de Vanya. Je vous présente son nouveau petit-copain.

Minute...minute quoi ?!

- Tu es sûre de toi ?
- Oui et dire que je me méfiais de lui. J'ai fait des recherches sur lui parce que je le trouvais bizarre.

Pourquoi...pourquoi je suis au courante de ça que maintenant ?! D'accord, Vanya n'a jamais eu de relation avant ça, et elle se sent tellement seule que la moindre attention est la bienvenue pour elle mais...si ce connard a osé se servir de ça pour se rapprocher d'elle...s'il lui fait du mal...si...bordel mais je vais le tuer cet enfoiré !

- Diego démarre. On va rendre visite à ce connard.
- Bah ça tombe bien, ajoute Allison. Je sais exactement où il habite.

Je m'efforce de devenir une personne différente de celle que La Commission a créé. Depuis ma période sanglante j'essaie de privilégier les mots aux poings. Mais si je me retrouve en face de ce Léonard Harold Jenkins Peabody...même mes mots risquent de devenir assez violents pour lui assurer un petit passage à l'hôpital. Je sais pas ce qu'il veut à Vanya mais...mais j'ai vraiment pas assuré avec elle. Et dire que j'étais heureuse quand elle m'a parlé de lui. Et dire que je n'ai pas cherché à en savoir plus sur lui. J'ai toujours été tellement proche de Vanya, pourtant à cause de toutes ces histoires je me suis éloignée d'elle, et alors que je voulais à tout prix ne pas la mêler à l'apocalypse, voilà qu'elle sort maintenant avec le responsable ? Celui que La Commission veut protéger ? Pourquoi Diego roule aussi doucement ?!

- Diego tu peux pas rouler plus vite ?
- A moins que tu sois tentée de faire décoller cette voiture du sol pour la faire voler au-dessus de la ville jusqu'à la maison de ce Léonard Peabody pour éviter les bouchons, on va devoir rester à cette vitesse.

J'aperçois du coin de l'œil Cinq, se tenir une nouvelle fois le flan. Et là je ne sais plus quoi faire. Hurler sur Diego pour qu'il se la joue Fast and Furious, continuer d'alimenter mes envies meurtrières sur ce Léonard, me faire un souci monstre pour Cinq, m'en vouloir terriblement d'avoir été une sœur minable pour Vanya, ou tenter de ne pas fondre en larmes en pensant à Grace qui me manque terriblement. A la place je me contente de regarder par la fenêtre pour essayer de penser à autre chose. Pour me concentrer je dois faire le vide dans ma tête. Mais ça me paraît difficile quand dehors, les feuilles d'arbres sont aussi agitées. Qu'est-ce qu'il lui arrive bon sang ?
Mais merde vous tous laissez-moi souffler un peu !

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Voilà voilà pour ce nouveau chapitre, j'espère qu'il vous a plu, et j'espère pourvoir en écrire pas mal pendant ma semaine de congés après Noël !

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