CHAPITRE XXVI
- Mais je peux pas partir comme ça !
- Pourquoi ? A cause de ce Killian ?
La jalousie c'était mignon au début, mais maintenant ça commence à bien faire.
- Oui. A cause de K. Mais aussi des enfants, je peux pas les abandonner !
- Huit notre famille nous attend. Grace n'est pas plus importante que ces gosses que tu ne connais même pas ?
Même s'il a raison, j'aimerais qu'il ait tort. J'aimerais tellement pouvoir...au même moment, la porte de la salle s'ouvre sur une petite qui passe à côté de nous en pleurs sans nous lancer un seul regard. Je peux facilement entendre plusieurs rires enfantins derrière moi, et les hurlements de K qui s'indigne face à des gamins qui de toute évidence se fichent complètement de lui. Et merde. Mon regard se pose de nouveau sur la petite qui entre dans une salle à sa droite et disparaît à l'intérieur.
- Huit...
Je sais qu'il sait. Il sait ce que je veux faire, et ça ne lui plaît pas. Mais il sait aussi que je ne lâcherai pas l'affaire.
- Il me faudrait juste deux minutes.
- On n'a pas deux minutes !
- Je peux pas la laisser dans cet état ! Ce n'est peut-être pas ma fille, mais je sais que je ne voudrais pas que Grace se retrouve seule dans cette situation.
Il pousse un long et profond soupire en levant les yeux au ciel. Au fond, je suis certaine qu'une infime part de lui est d'accord avec moi. Quand on était petits, et même pendant l'apocalypse, on savait que si l'un de nous allait mal, l'autre serait là pour le réconforter.
- Tu sais que je te laisserais jamais seule ici. Alors si t'es en retard, on est morts tous les deux.
Je sais oui. Et je ne peux pas le résonner en lui demandant de partir sans moi s'il ne me voit pas arriver. Il ne ferait jamais ça. Quitte à en mourir. Il est tellement stupide et...tellement incroyable. Je lui souris avant de m'approcher de lui, et de déposer un rapide baiser sur ses lèvres, espérant sincèrement que ce ne soit pas le dernier, pour finalement lui sourire et reprendre ma route. Je ne pourrai pas dire au revoir à K. C'est soit lui, soit la petite, et je sais reconnaître mes priorités. Il aurait fait pareil, c'est pour ça qu'il fait un si bon travail avec ces enfants. J'arrive devant la porte qui cache la petite dont les sanglots se font entendre même dans le couloir. La pauvre. J'entre, dans ce qui semble être une salle d'entraînement qui n'a pas été utilisée depuis un bout de temps, et aussitôt je me fais hurler dessus.
- Laissez-moi tranquille !
Au moins elle a du caractère derrière ces larmes. Je décide de ne pas obéir et de continuer d'avancer en refermant derrière moi. Assise dans un coin de la pièce, elle ne me regarde même pas.
- Je partirai quand je serai certaine que tu vas bien.
- Pourquoi ? Vous vous en fichez de nous !
- De quoi tu parles ?
- J'ai entendu ce que K a dit. Vous allez repartir.
Oh. Elle n'était pas supposée entendre ça. Mais elle a raison, je ne peux pas chercher à obtenir sa confiance alors que je m'apprête à m'en aller.
- Ecoute, ce n'est pas parce que je ne reste pas que je n'en ai rien à faire de vous. J'ai une fille tu sais ? Elle est un peu plus jeune que toi mais...vous vous ressemblez beaucoup toutes les deux.
J'arrive enfin à attirer son attention, elle semble s'intéresser à ce que je dis. Je m'approche donc un peu plus pour aller m'asseoir en face d'elle sur le sol. Je lui souris du mieux que je peux.
- Elle essaie toujours d'en faire plus. Alors parfois...elle en fait trop.
- Mes parents sont morts.
Bon sang...je sais que 90% des enfants de cette classe sont orphelins, et que 10% ont été abandonnés par leurs parents, et recueillis par La Commission. Mais ça me fait quand même de la peine de l'entendre dire ça.
- Chérie...je suis désolée. Moi aussi mes parents sont morts. Et ça ne fait que quelques jours.
- Ils étaient gentils ?
- Ma mère était la meilleure personne au monde. Mais mon père était un connard.
Connaissant K, je suis sûre que ces enfants doivent entendre des mots bien pires tous les jours.
- Même si tes parents ne sont plus là, ils t'aimaient j'en suis sûre.
Elle sèche ses larmes d'un coup de main, en essayant d'arborer un air ferme. Elle ne veut pas se laisser attendrir aussi vite, je comprends.
- Ils se moquent tous de moi !
Oui j'ai entendu...
- Ils sont jeunes. Et toi aussi. Je peux comprendre que ce qu'on pense de toi puisse avoir de l'importance à tes yeux mais...tu te rendras compte très rapidement qu'en réalité c'est complètement futile. Tu es en colère contre eux parce qu'au fond tu penses qu'ils ont raison à ton sujet. Je me trompe ?
Elle secoue la tête de gauche à droite en la gardant baissée. Je comprends ce qu'elle ressent. En quelque sorte.
- Tu sais...quand j'étais petite j'étais très connue dans le monde entier à cause de ma famille. Et j'ai longtemps cru que tous ces gens m'admiraient moi, mais en réalité ils admiraient l'image que mon père voulait bien leur donner de moi. Ils me croyaient parfaite, alors que j'étais loin de l'être. Ils voulaient tous être à ma place alors que je voulais simplement disparaître. Et un jour c'est arrivé. Je me suis retrouvée presque seule au monde, et c'est là que j'ai réalisé à quel point j'aimais mes imperfections. À quel point, mon avis était un milliard de fois plus important que celui d'un inconnu. Et puis...quand j'ai enfin su m'aimer, j'ai enfin pu laisser quelqu'un d'autre le faire. Lui aussi me voyait vraiment. Et un jour quelqu'un te verra, mais d'abord...tu dois apprendre à accepter tes propres critiques et arrêter d'écouter celles des autres. Devenir incroyable c'est la meilleure insulte que tu puisses leur balancer.
Il lui faut un petit instant pour relever la tête avec un léger sourire aux lèvres. Je suppose que ce que je lui ai dit lui a fait du bien, et j'en suis heureuse.
- Je voudrais être comme vous plus tard.
Alors là...
- Ça c'est parce que j'ai suivi mon conseil et que je suis déjà devenue incroyable.
Je lui souris à mon tour avant de lui faire un clin d'œil et de lui tendre la main.
- Tu devrais retourner là-bas avant que K ne commence à s'inquiéter.
- D'accord.
On se lève toutes les deux, et alors que je m'apprêtais à me diriger vers la porte, je sens deux bras s'enrouler autour de moi, et elle se met à me serrer contre elle. Je dois prendre au moins trois bonnes secondes avant de me décider enfin à lui rendre son étreinte. Quand soudain, un gros boum et des coups de feu se font entendre. Ça vient de l'étage. De...merde ! Je sors immédiatement pour apercevoir au bout du couloir, K qui sortait lui aussi curieux de connaître l'origine de ce bruit. Nos regards se croisent durant un court instant, qui me brise le cœur. En si peu de temps, et simplement avec mes yeux, je parviens à lui dire que je l'aime, que je voudrais pouvoir rester, mais que je dois partir. Et malgré la tristesse sur son visage, je parviens à y lire une simple phrase « À bientôt H-arnée ».
Je lui adresse un dernier sourire, et finalement je pars. Je cours jusqu'à la cour en face de moi pour pouvoir flotter jusqu'à l'étage au dessus, et atteindre rapidement la salle des envois, dans laquelle j'entre rapidement pour trouver La Directrice, pointant une arme sur Cinq qui semble épuisé.
- Vous étiez condamné à une vie de solitude et c'est moi qui vous ai sauvé.
Mais quelle garce !
- Vous avez une dette envers moi !
Elle a raison.
- Qu'est-ce que tu dirais d'un relooking en guise de remerciements pétasse ?! hurlé-je aussitôt en surgissant derrière elle.
Au moment où elle se retourne, je lève mon poing pour lui donner un coup propulsé par une puissante bourrasque qui la frappe en pleine figure. Elle pousse un léger gémissement en se cognant contre un des panneaux de contrôles, et je me tourne vers Cinq précipitamment avant de me rediriger vers la sortie.
- Tu pensais que je serais en retard pas vrai ?
- Pas un seul instant ma jolie.
Il apparaît près de moi dans l'entrée au moment où La Directrice se relève. Je ne sais pas comment d'ailleurs, avec le coup que je lui ai donné elle devrait être en train de faire un gros dodo.
- Vous avez raison, reprend Cinq, j'ai bien une dette. Mais ce n'est pas envers vous.
Et sans que je le vois venir, il sort une grenade dont il retire aussitôt la goupille, pour jeter l'objet juste aux pieds de cette mégère. J'ai alors le même réflexe que lui en courant m'abriter derrière le mur, pour très vite sentir le souffle de l'explosion me frôler. J'attends que ça s'arrête pour me tourner vers lui, révoltée.
- Une putain de grenade Cinq ?!
- Mais je t'en prie ! Je viens de nous faire gagner le temps que tu nous avais fait perdre !
Je lève les yeux au ciel en essayant de ne pas rétorquer. On n'a pas le temps pour ça. Il attrape mon bras, et nous téléporte jusqu'à la salle des valises. Je déteste cet endroit. Je déteste ces valises. Et je déteste devoir en dépendre autant. Cinq en attrape une à la hâte avant de...sortir une nouvelle grenade qui me fait pousser long soupire.
- T'en as combien avec toi au juste ?
- Tu t'attendais à quel genre d'évasion ?
Au fond je suis d'accord, il faut détruire leur moyen de transport avant qu'ils n'essaient de nous pourchasser jusqu'en 2019. Il lance la grenade, et on sort rapidement en courant le plus vite possible. Nos mains s'agrippent l'une à l'autre, et il parvient à activer la valise alors que les flammes s'apprêtaient à nous atteindre. Je retrouve cette sensation à la fois désagréable et familière de voyage dans le temps précipité et brutal qui me gagnait à chaque fin de mission explosive, avant de tomber lourdement sur une surface dure et très peu agréable. Aouch. Ça va laisser des bleus. Et un mal de crâne horrible.
- Cinq ?
- Huit ?
Ah les voilà. Les douces voix de mes frères et sœurs inquiets dont je distingue enfin les visages en plusieurs exemplaires plutôt flous, quand je me redresse légèrement, pour perdre l'équilibre et tomber encore plus bas. Mais où est-ce qu'on est bordel ?!
- Hey Huit ?! Ça va ?!
- Diego...
Je tousse doucement à cause de la fumée qui est parvenue à se frayer un chemin jusqu'à mes poumons.
- Continue de me crier dans les oreilles comme ça et c'est toi que je ferai exploser avec une grenade.
Il m'aide malgré cette menace qu'il ne doit certainement pas comprendre, à me relever, me permettant de voir que Cinq était tombé de l'autre côté...du bar. Le bar de l'Académie. On ne pouvait pas mieux tomber finalement. Alors que Cinq s'empare du café d'Allison sans même lui demander son avis, je choisis de me diriger péniblement vers les verres pour sortir une bouteille de whisky et en verser un peu dans un récipient que je porte rapidement à mes lèvres. Il n'y a rien de mieux qu'un bon verre quand on a failli y passer. C'est ce que disait souvent K. Il me manque déjà. Et ne pas sentir la douleur me gagner à chaque mouvement...ça aussi ça me manque. Je suis trop vieille pour ces conneries.
- Huit ?
Je reporte mon attention sur Cinq qui me fixe inquiet, ignorant totalement la présence des autres.
- Ça va ?
- Je te retourne la question Indiana Jones.
On échange un sourire, qui pourtant me semble étrange sur son visage. Quelque chose ne va pas, je le connais trop bien pour ne pas le voir. Qu'est-ce que c'est ?
- Est-ce que quelqu'un pourrait m'expliquer ce qu'il vient de se passer ? nous interrompt très vite Luther avec son ton de petit chef habituel. Où vous étiez passés tous les deux ? Qui vous a fait ça ?
- C'est pas important.
Pour une fois je suis d'accord avec Cinq. On n'a pas le temps de raconter nos petites mésaventures à La Commission. Et...je n'ai pas vraiment envie de me rappeler en abordant le sujet, que j'ai lâchement abandonné les enfants là-bas. Je ne sais même pas comment s'appelait la petite que j'ai réconfortée il y a à peine quelques minutes. Cinq s'éloigne alors légèrement de nous en boitant et en buvant entièrement le café d'Allison. Puis il se retourne avec un air plus que sérieux.
- Bon, commence-t-il. L'apocalypse aura lieu dans trois jours. La seule chance que le monde a d'en réchapper eh bien...c'est nous.
- Cache ta joie surtout, rétorqué-je en finissant à mon tour mon verre d'une traite.
Je devrais m'inquiéter de m'être déjà réhabituée au goût de l'alcool avec mon corps de 13 ans ?
- La Umbrella Academy, annonce Luther comme s'il venait de prononcer le titre d'une série à succès.
- Oui mais avec moi ça change tout.
Je lance alors à Cinq un regard outré qu'il ne semble même pas remarquer puisqu'il poursuit son monologue sans s'en soucier. Il a déjà oublié qu'il n'est pas le seul dans cette pièce à avoir surgi du plafond pour s'écraser sur le bar dans une explosion qu'il a provoquée ?
- Alors si vous ne vous ressaisissez pas très vite je peux vous assurer que nous allons droit dans le mur. C'est de la faute de papa si on est inadaptés, mais est-ce que ça doit nous définir ? Non. Mais pour qu'on ait une chance de survivre jusqu'à la semaine prochaine je suis revenu avec une piste.
Il lève alors un papier que je n'avais pas encore remarqué mais que je reconnais très vite. C'est celui qu'utilise La Commission pour communiquer avec ses agents sur le terrain.
- Je sais qui est à l'origine de l'apocalypse.
Non...c'est pas vrai. Il a vraiment un nom ? Il a vraiment réussi à obtenir une piste qu'on cherchait désespérément depuis des années ? Allison prend le papier dans ses mains pour le déplier tandis que je contourne le bar intriguée et impatiente.
- Voilà qui nous devons arrêter.
Je parviens alors à lire un simple nom par dessus l'épaule de ma sœur...
- Harold Jenkins ?
Harold Jenkins. Est-ce qu'il existe un nom plus banal que ça ? Bordel je sais pas qui est ce mec, mais dès que je le trouve...eh bien d'abord je lui demanderai gentiment de ne pas causer la fin du monde. Et puis s'il continue de vouloir tous nous tuer, je lui arracherai moi-même les deux yeux. Et aussi les deux...allez Huit on se calme. Ce ne sera pas ta première chasse à l'homme, tu vas y arriver. Et tu vas sauver la planète. Avec ta famille !
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Voilà pour ce nouveau chapitre ! Je vous remercie sincèrement de l'avoir attendu et j'espère qu'il vous aura plu ! Je vais faire mon possible pour écrire la suite rapidement.
Je voulais aussi souhaiter chaleureusement la bienvenue dans ce monde à Elliot Page ! J'aime énormément Vanya comme chaque personnage de cette série fabuleuse, et Ellen nous manquera c'est sûr, mais j'ai très hâte de découvrir Elliot qui j'en suis certaine, va tous nous éblouir ! Il est un exemple de courage que nous devrions tous suivre et je l'aime déjà rien que pour ça ! ❤️
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